Octobre 1942

Diiiiiing…

Un son aiguë raisonna dans tout le bureau alors que le Professeur Slughorn venait de taper du bout de son ongle le sablier dont le sable avait arrêté de s’écouler dès que les élèves étaient partit de son club. Il ajusta doucement sa robe de chambre et frissonna… Pourtant, il n’avait pas froid. La proximité de l’âtre de sa cheminée suffisait largement à réchauffer toute la pièce. D’un revers de son mouchoir en tissu, il s’épongea le front. Il venait d’inviter, parmi quelques élèves, un des plus doués, mais aussi des plus intimidants élève qu’il n’avait jamais rencontré. Il ne savait dire pourquoi, mais ce jeune Tom Jedusor était un garçon qui le rendait nerveux. Avec lui, il avait, à peu de chose prêt, la même sensation qu’avec Albus… La sensation que ce garçon le regardait droit dans les yeux et voyait jusqu’à son âme. Mais là où Dumbledore ne semblait guère présenter d’attention néfaste, Tom lui donnait l’effet d’un serpent, qui glissait sur son esprit et cherchait à l’emprisonner.

« Ah, je commence à me faire vieux ! Non non, ce n’est qu’un élève Horace ! Voyons ! »

Il rejeta toute ses sensation d’un revers de sa main libre, l’autre s’étant emparé d’un grand verre de Cognac. Mais cela l’amena à une autre révélation. Il voulait s’approcher d’un véritable mage noir, quelqu’un de vraiment dangereux mais aussi de terriblement doué. Un Sorcier comme il n’en avait jamais croisé. Bien sûr, il pensait à Gellert Grindelwald, le plus dangereux mage noir que le monde ait connu à ce jour. En y pensant, il y voyait, non pas un homme fini, mais quelqu’un capable de changer la face du monde pour le bien… Si vraiment il était repentit, Slugh pourrait lui présenter quelques élèves. Notamment, pourquoi pas, cette petite Serpentard qu’il voulait inviter aussi, Kanaeko Hantsuki qui avait la capacité de devenir une excellente Auror à la vue de ses notes. Ou même la petite Desiderata Rosier, descendante d’une très ancienne famille de Sorcier…

« Oui… Famille qui était au coté de Grindelwald à l’époque… Arf... »

Il but une longue gorgée et se tritura la tête. Il devait être sur que Grindelwald était vraiment repentit si il voulait lui présenter ses précieux élèves, histoire d’être sûr qu’il ne finisse pas par les corrompre. Soudain, l’idée lui vint. Un club de Slugh avait les professeurs les plus prestigieux de l’école.

« Ohoh ! Pourquoi je n’y ai pas pensé avant ! »



C’est ainsi que, le lendemain à la première heure, il alla traîner du coté des appartements de Belladone Raven. Il souhaitait l’intercepter avant le petit déjeuner, loin des oreilles indiscrètes et, surtout, de celles de Grindelwald qui était bien souvent assis à coté de lui. Il attendit dans un coin sombre que le jeune professeur daigne sortir. Lorsqu’il entendit la porte glisser sur ses gond, il sortit de son coin, faisant mine de débouler d’un couloir et de croiser son chemin par le plus pur des hasard. Il l’interpela avec son habituel ton enjoué qu’il utilisait quand il abordait quelqu’un de particulièrement important.

« Belladone ! Bonjour ! Quel étourdit je fais, j’avais oublié ma montre à gousset dans ma chambre. Mais je suis heureux de vous croiser. Belle matinée n’est-ce pas ? »

Il était sincèrement enjouer. Mais, pauvre Belladone, ce qui enjouait tant le bedonnant professeur, c’était la fièreté d’avoir trouver une tactique pour ajouter fort probablement Gellert Grindelwald dans son club.

« Oh mais j’y pense, j’aurais deux mots à vous dire en privé. Ça ne prendra pas longtemps et je vous laisserai profiter du petit déjeuner comme il se doit après. »

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Couloirs du Deuxième Etage

Octobre 1942

Belladone étouffa un bâillement en refermant avec sa délicatesse coutumière la porte de ses appartements. Des cernes bleuâtres auréolaient déjà la tendresse de son regard d’encre, accusant le choc d’un mois et demi d’immersion brutale au cœur de sa fulgurante ascension de Professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Ce matin il s’était levait harassé, un peu désespéré et mourant de faim. La succulente cuisine des Elfes de Poudlard avaient joué un rôle crucial dans le semblant de motivation qui tenait le jeune homme debout, et les effluves de pain grillé, de bacon frit et thé à la bergamote qui s’immisçaient dans chaque recoin de pierre du château lui insufflaient un regain d’énergie salutaire. Resserrant le nœud de sa cravate que, contrairement à ses habitudes, il avait quelque peu négligé, Belladone glissait la petite clé en argent dans la poche de son veston, et tirait sa montre à gousset, lorsqu’une exclamation enthousiaste lui fit lâcher le précieux objet dans un sursaut, heureusement retenu par la jolie chaine maillée accrochée à son pantalon.

Le cœur battant la chamade, encore sous le choc de la chute éventuelle du magnifique cadeau que lui avait offert son grand-père Felix pour l’obtention de ses Aspics, Belladone récupéra de ses doigts gourds la montre en argent qui pendait dans le vide, la gardant au creux de sa main encore fébrile tandis qu’il levait les yeux vers son trop enthousiaste interlocuteur. Le jeune homme réprima un soupir ennuyé, beaucoup trop poli pour manifester ouvertement son dépit. Il était bien trop las et affamé pour soutenir une conversation avec son cher collègue et ancien Maître des Potions, qui lui avait bien vite et sans tact montré le désintérêt que provoquait chez lui son manque de talent. Belladone n’était pas homme de rancune, et il n’y avait pas d’animosité personnelle entre les deux collègues. Seulement une forme de malaise étrange, comme le désagréable sentiment de redevenir l’enfant joufflu qu’on insultait de Cracmol, et que le Professeur Slughorn regardait avec une indifférence hautaine. Son précieux objet au creux de la main, Belladone tâcha toutefois de lui rendre son salut aussi poliment que possible, un œil se rivant une seconde au cadran de la précieuse montre qu’il venait de manquer de briser :

- Bonjour, Professeur Slughorn. Belle journée certes, mais qui sera longue, si vous voulez mon avis. Il est exactement sept heures trente-huit.

Belladone avait réprimé un nouveau bâillement, donnant à son collègue l’information qui semblait lui manquer, espérant s’en tirer ainsi et s’esquiver vers la table du petit déjeuner dont les effluves l’attiraient avec une force telle que son estomac gronda, répondant soudain à l’appel de l’irrésistible tentation culinaire. Mais c’était bien mal connaître la ruse de son ancien Maître des Potions, qui, manifestement, ne se promenait pas par hasard devant son bureau à l’heure du déjeuner. L’oubli de sa montre n’avait pour sûr été qu’un prétexte grossier. Et le jeune homme aurait volontiers proposé d’amorcer la conversation à la table du petit-déjeuner, s’empiffrant au rythme irrégulier de l’enthousiasme du Professeur Slughorn. Mais à son grand dépit, son collègue avait souligné le caractère privé de la conversation, et Belladone avait de plus en plus de difficultés à réprimer un haussement de sourcils circonspect, connaissant suffisamment l’ancien Serpentard rusé qui, sans doute, ne recherchait pas de si bon matin la compagnie d’un ancien élève dont il se désintéressait complément de coutume.

Belladone n’échapperait pas à la ténacité roublarde de l’ancien Serpentard. De plus, malgré le sommeil dont il s’était arraché, et dont il portait les stigmates violacés du manque autour de ses yeux noirs, le Maître des Potions était parvenu à l’intriguer. De plus, jamais le jeune Professeur pouvait déployer tous les efforts du monde, jamais il ne parviendrait à dénicher dans les tréfonds de son esprit serviable et courtois suffisamment d’impolitesse pour décliner la demande d’un collègue et ancien Professeur. Hochant la tête avec un sourire pâle, Belladone plongea à regret la main dans la petite poche de son veston, en extirpant la petite clé d’argent qu’il venait d’y fourrer :

- Oh, bien sûr…Et bien, allons dans mon bureau, si vous le voulez bien…

La porte s’ouvrit avec un léger grincement, et Belladone s’effaça dans un sourire, laissant le Maître des Potions s’engouffrer au cœur de la Salle de Classe, et gravir le petit escalier de colimaçon qui menait à son bureau. Un « Lumos » marmonné à la va-vite, un mouvement du poignet vers l’âtre de la cheminée, et Belladone désignait un siège à son collègue, tandis que lui-même s’asseyait, pointant du doigt le service à thé en porcelaine qui reposait sur la commode derrière son bureau :

- Est-ce que je fais chauffer un peu de thé ?

Un sourire poli, interrogateur, s’étira en direction du Maître des Potions, attendant avec une patience plus ou moins bien dissimulée que son ancien Professeur qui daignait à peine lever les yeux sur lui d’ordinaire, en vienne aux faits.

Octobre 1942

A la réponse de son confrère, Slughorn leva un sourcil, dévoilant l’intégralité de son œil globuleux qui, en apparence, semblait aussi gros qu’un œil de verre ensorcelé utilisé par quelques Aurors devenus borgne en combat. Son œil se posa finalement sur la montre et il sourit grandement.

« Oooooh je vous remercie bien ! Très jolie montre par ailleurs ! »

Et il était sincère. Le bedonnant professeur avait le GROS défaut d’ignorer les personnes peut digne d’intérêt, mais il était assez mauvais menteur. Oh il lui arrive de mentir, bien sûr, mais ce n’est pas son fort ni une chose qu’il apprécie. Le mensonge est, chez lui, utilisé en dernier recourt pour se sortir d’une situation fort dangereuse. Non, quand il voit quelqu’un qui l’intéresse et qu’il a un compliment à faire, il le fait. Après tout, il y a toujours des choses à complimenter chez les gens : Le charisme, leur tenue, leurs accessoires et même leur physique. Hélas pour Belladone, Slughorn ne trouvait pas grand-chose sur quoi le complimenter ce matin là. D’habitude, le professeur de Défense était bien habillé et avait une posture qui, malgré sa timidité, lui donnait un certain charisme. Hors là, il était quelque peu débraillé et semblait fatigué.

Pour en revenir à la montre, Slughorn aurait bien voulu l’observer de plus prêt, mais il considérait le moment impromptu et ne voulait pas donner l’impression d’en faire de trop. Il continuait à sourire lorsque Belladone ouvrit la porte. Le Maitre des Potions le suivi en observant la salle de défense contre les forces du mal au passage, non sans nostalgie… Après tout, il n’y mettait pas souvent les pieds et se permis de penser à voix haute.

« Aaaaah… cela fait tellement longtemps que je ne suis pas venu ici… J’avais probablement votre âge la dernière fois. Aaaaah… la défense contre les forces du mal. »

Une des matières qu’il aurait pu enseigner. Mais il se plaisait dans les potions et avait trouvé un rythme de cours qui lui convenait, à lui et à ses élèves. Il suivi alors son collègue dans son bureau. Devant sa politesse, il sourit et leva légèrement les mains en signe de négation.

« Oh ne vous donnez pas cette peine… Je n’en ai pas pour longtemps et je ne veux pas vous retarder non plus pour le petit déjeuner… Hum... »

Il se passa les mains sur le ventre. Lui aussi, après tout, avait une faim de loup.

« Si vous me le permettez, venons en au faite. Comme vous le savez, il m’arrive de tenir, de temps à autre, de petites collations avec quelques élèves trié sur le volet… Mais, je me suis dit que, pour une fois, je pourrais en tenir une à huit clos avec quelques professeurs de cette écoles. »

Il le regarde avec un léger sourire, tel un père-noël sans barbe qui allait offrir un cadeau particulièrement alléchant.

« Bien entendu, je souhaitais vous inviter… Vous êtes le nouveau professeur contre les forces du mal, il est évident que je dois vous souhaiter la bienvenu de la meilleure façon qui soit. Il y aura de l’hydromel de la meilleure qualité et un dîné resplendissant que je fais fabriquer sur mesure par les elfes de maison de l’école… »

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Couloirs du Deuxième Etage

Octobre 1942

L’ancien Maître des Potions et désormais confrère de Belladone le remercia avec un enthousiasme si débordant qu’il exacerbait presque la terrible fatigue qui alourdissaient ses paupières et creusaient un peu plus ses cernes bleuâtres. Le jeune homme remercia lui aussi poliment l’éloge faite à la merveille d’horlogerie que son aïeul attentionné avait façonné rien que pour lui. Le benjamin de la fratrie Raven vouait une affection particulière à son grand-père, avec lequel il partageait des similitudes d’apparence et de caractères si nombreuses qu’un lien étrange les unissait, et ce depuis la plus tendre enfance du jeune Professeur. Aussi était-il très fier d’entendre louer le talent de grand-père Felix, et les compliments l’atteignaient en plein cœur, comme un orgueil personnel, et un sourire s’étirait, plus large et plus sincère que tout à l’heure, à l’adresse de son collègue, malgré la fatigue et la faim que seule sa présence l’empêchait d’assouvir.

Bien trop cordial, pourtant, pour se permettre de décliner ainsi une simple requête, le catégorisant immédiatement chez les collègues malpolis, Belladone ouvrit la porte de la salle de classe et laissa le Maître des Potions le rejoindre, s’assurant qu’il suivait sans peine les effluves de rose qu’il dégageait sur son sillage. D’humeur volubile, son comparse d’enseignement exprimait à voix haute les réminiscences de sa scolarité et la nostalgie que lui inspiraient cette salle de classe qu’il n’avait plus foulé depuis de nombreuses années. Et à dire vrai, Belladone pouvait comprendre ce sentiment, qui l’avait fouetté au visage avec la violence et la clarté d’une madeleine Proust, lorsque l’odeur de craie et de poussière de la salle s’était rappelé à lui cette rentrée de septembre, lorsque ses pas désormais adultes avaient foulé, de nouveau, l’asphalte boisé de la merveilleuse pièce.

- Cela m’a paru étrange à moi aussi, de revenir ici…Le grand Professeur Dumbledore m’a enseigné cette fascinante matière, et voilà que je me trouve soudain à sa place, derrière le bureau sur lequel il s’accoudait…Si je n’avais pas été nommé à ce poste sur sa propre proposition, cela frôlerait presque l’hérésie !

Belladone eut un léger rire, les joues roses. Il y’avait un réel fond de vérité dans cette boutade et personne après tout, n’ignorait l’admiration et la dévotion qu’il portait à Albus Dumbledore. Beaucoup s’en amusaient, d’autres levaient les sourcils d’exaspération et de dédain, mais tant pis. Belladone n’avait pas honte de ses affections.

Le Professeur Slughorn s’était installé, déclinant d’un sourire toujours aussi large la proposition d’un thé, désireux d’en venir aux faits. Par politesse toujours, Belladone réprima un acquiescement soulagé, son comparse partageant sa gourmandise et, de fait, ne comptant pas les laisser mourir de faim en monopolisant trop longtemps la conversation. L’estomac du jeune homme gargouilla pourtant en songeant aux saucisses grillées qui les attendaient tous les deux.

Le Maître des Potions en venait aux faits, et Belladone ne put s’empêcher d’arquer un sourcil perplexe. Ah pour sûr il les connaissait, ses petites parties fines triées sur le volet, pour s’y être vu invité pour la simple réputation de son nom et de la destinée brillante de ses aînés, et s’être ensuite fait rebouter avec dédain, lorsque l’étendue de son absence de talent s’était révélée aux yeux perçants du Professeur Slughorn. Le petit Belladone, au début, avait été très peiné de ce violent rejet. Et puis, plus grand, il avait haussé les épaules, gardant la blessure secrète de ce qu’il semblait ne pas être à la hauteur de son nom et de ses frères et sœurs, mais la taisant et vivant avec, s’appliquant à rattraper de son mieux ce dont la nature l’avait dépouillé. A présent que l’élève n’avait pas intéressé son Professeur, Belladone ne comprenait guère ce que lui voulait le Maître des Potions, maintenant qu’ils étaient devenus collègues.

Pour sûr, il y’avait anguille sous roche. Horace Slughorn n’était pas un ancien Serpentard pour rien, et son enthousiasme surjoué, à n’en pas douter, trouvait son origine dans un stratagème plus profond. Les sourcils du jeune homme se froncèrent presque imperceptiblement. Que pouvait-il bien vouloir de lui ? Ce ne pouvait être rien de mal pourtant. Le Professeur Slughorn n’était pas quelqu’un de malveillant, et Belladone savait qu’il ne risquait pas grand-chose à accepter, d’autant plus qu’on louait la qualité et l’abondance des mets qu’il se plaisait à servir à ses petits privilégiés. Toujours perplexe, néanmoins, le jeune homme rivait un regard poli sur le visage illuminé de son aîné. Pour sûr, une telle invitation ne serait pas gratuite. Peut-être souhaitait-il une information, un coup de pouce quelconque de la part de Narcisse ou d’Anthea, respectivement Auror brillant et respecté du Ministère, et membre influente du Magenmagot ? Ce n’était pas chose impossible après tout, de la part de ce Maître des Potions futé qui croyait dur comme fer à la puissance des relations. Mais peut-être n’était-ce que de la décence, après tout. L’organisation d’un petit club de Professeurs au sein de Poudlard, en excluant sciemment la Défense Contre les Forces du Mal aurait relevé d’un affront pur et simple à l’encontre de Belladone. S’ils n’avaient certes pas d’atomes crochus, les deux hommes étaient loin d’être des ennemis. L’affront de décliner l’offre, qu’Horace Slughorn décernait avec la même solennité que l’Ordre de Merlin, aurait été tout aussi grand. Et puis Belladone était bien trop curieux et bien trop gourmand pour se permettre de refuser les somptueux dîners du Maître des Potions dont tout Poudlard vantait les mérites.

- Oh…, J’en suis très flatté. J’accepte, bien entendu, d’autant plus que vos dîners sont légendaires en ces murs, j’en entendais déjà parler lors de ma scolarité ! Je vous remercie d’avoir pensé à moi, Professeur Slughorn.

Belladone eut un sourire franc, sincèrement ravi que le Maître des Potions ait songé à s’enquérir de sa présence, fut-ce intéressé, fut-ce pour un motif futile. Le jeune homme, après tout, avait la gratitude facile.

Octobre 1942

Slughorn nota la douce odeur qui se répandait sur le sillage du jeune homme. Il prenait soin de lui et, quand il y pensait, il était vrai que Belladone était toujours propre sur lui. Peut-être même que, après Dumbledore, s’était un des professeurs qui s’entretenait le mieux. Le Maitre des Potions avait écouté la réponse de son confrère et se sentit un peu troublé, ce qui lui avait fait quelque peu perdre son assurance pendant une seconde ou deux. Oh le vieux Slugh appréciait Dumbledore et reconnaissait que, en tout point de vue, s’était un grand sorcier, peut-être même le plus intelligent et le plus puissant de son temps… Mais s’était bien ce qui le freinait un peu. Voyez vous, Horace Slughorn apprécie être entouré par des personnes de pouvoir et d’influence. Cependant s’approcher trop de Dumbledore, à ses yeux, s’était comme vouloir approcher d’un phénix en pleine combustion. Il n’avait jamais confié une trop grande confiance au célèbre Sorcier de renom. Celui-ci lui semblait bien trop malin et il disposait de pouvoirs qui l’effrayaient, notamment la légilimencie. Néanmoins, il ne pouvait que comprendre la réaction de Belladone à l’égard de Dumbledore. Quant à sa relève, le bedonnant professeur en entendait des avis mitigés. Pour certains, le professeur Raven manquait cruellement de compétence magique mais, pour d’autres, son intellect et ses capacités théoriques comblaient largement cette carence. Slugh, quant à lui, réservait son avis pour le moment, ne l’ayant pas encore vu en action.

Une chose était vrai, c’était que Slughorn avait tendance à rejeter bien vite les personnes qu’il considérait comme sans intérêt, ne se préoccupant guère des état d’âme de ces derniers. On pouvait trouver cela fortement égoïste à raison mais, le souci, s’était que son manque d’intérêt pouvait parfois le rendre aveugle. Néanmoins, il sera toujours ouvert à venir en aide à ceux qui en font la demande, même les plus médiocres de ses élèves.

Il sourit à sa réponse et lui donna une légère tape sur le bras.

« Mais il n’y a pas de souci mon garçon… Après tout, je vous avouerai que que je suis curieux d’en savoir plus sur vos méthodes d’enseignement et j’aimerai bien savoir où vous avez acheter cette montre par la même occasion… Mais nous aurons tout le temps de parler de cela lors du rendez vous… Vendredi soir à 20 heure. »

Il se leva alors et se passa les mains sur son ventre.

« Bon… Je vous propose d’aller prendre un bon petit déjeuner avant d’entamer cette journée. »

Il était sincèrement heureux d’inviter Belladone. Le jeune professeur semblait, encore, avoir plus d’un tour dans sa manche et, peut-être, l’avait-il jugé trop vite lorsqu’il était élève. D’ailleurs, Slughorn espérait tout de même avoir des nouvelles du frère et de la sœur Raven au passage. Il en avait presque oublié la raison de sa venu et s’arrêta devant la porte, se tournant vers son confrère une nouvelle fois.

« Oh, j’allais oublier. Pourriez vous proposer au professeur Grindelwald de venir également ? Nous n’avons pas eu la chance de nous être présenter encore lui et moi. »

Oh il aurait pu proposer à Albus de s’en occuper, certes. Mais son vieux collègue risquait de son montrer moins coopératif sans compter qu’il savait qu’il y avait comme une certaine rivalité entre les deux grands sorciers...

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Couloirs du Deuxième Etage

Octobre 1942

Elle était là, la complexité du lien qui unissait le Maître des Potions et le tout jeune Professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Si Belladone n’était pas homme de rancune, et si sa bienveillance prenait le pas sur une meurtrissure infligée il y’a bien longtemps, et sans doute inconsciemment par son Professeur de l’époque, aujourd’hui le malaise certain de l’étrangeté de leur relation le rendait perplexe. Il ne savait guère sur quel pied danser avec Horace Slughorn qu’il savait être un brillant sorcier, sagace et futé au possible, et tâchait de ne pas se laisser tromper par ses airs de bonhomie joviale et bedonnante. Parce que la hiérarchie d’un lien antérieur n’était pas vraiment dissoute, loin s’en faut. Le naturel revenait au galop, dans ces « Professeur Slughorn » qu’assénait Belladone à son collègue, dans cette tape rassurante et ces surnoms affectueux du dit Maître des Potions à son comparse qu’inconsciemment, il semblait toujours considérer comme un enfant.

La docilité de Belladone exacerbait cette confusion entre passé et présent, les deux se fondant l’un à l’autre, rendant indistincte une réalité aux contours de plus en plus flous. Si les deux hommes étaient égaux désormais, ni l’un ni l’autre ne paraissait devoir l’accepter, se parant chaque fois de leurs costumes d’antan dont, pourtant, le présent les avait dépouillés. Aussi lorsque son ancien Maître des Potions évoqua son intérêt pour ses méthodes d’enseignement, c’est une réaction d’élève flatté qui vint rosir les joues mangées de barbe du jeune homme, rose rehaussé tout de suite par le compliment loué à l’ouvrage de son cher grand-père auquel il vouait une affection toute particulière. C’est avec un sourire plus large, s’étonnant de voir son plaisir à avoir été convié croître au fil de la conversation, que Belladone répondit :

- Ce sera un plaisir. Pour ce qui est de ma montre, je suis ravi que vous l’appréciez. C’est mon grand-père qui me l’a confectionnée. C’était un horloger très renommé à Londres, et je l’aime beaucoup. Je ne crois pas qu’il travaille encore beaucoup, mais je pourrais tout de même lui demander d’en faire une pour vous. Pour vendredi, cela me convient parfaitement.

Et Belladone ne put s’empêcher d’imiter son aîné lorsque celui posa les mains sur son ventre. Ces deux-là partageaient au moins l’attrait de la gourmandise, et le jeune homme ne doutait pas que le Maître des Potions mourrait de faim tout comme lui. Son cadet acquiesça avec un sourire empressé et ravi, se levant de sa chaise, son ventre criant famine causé par le long jeûne de la nuit, et la perspective de saucisses grillées et de toasts craquant à la marmelade de fraises. Et ô comme Belladone avait eu raison de ne pas se laisser berner par l’enthousiasme faussement léger du Professeur Slughorn ! Car s’il était persuadé que le Maître des Potions prenait un réel plaisir à l’organisation de ces dîners et aux mondanités en général, il le savait bien que rien, chez lui, n’était fait au hasard. Et l’invitation de celui qu’il n’avait pas même daigné regarder durant sa scolarité cachait forcément quelque chose, et cela, même le candide et naïf Belladone l’avait senti.

Gellert Grindelwald. Elle était là la raison de son brusque laisser passer au sein des petites soirées célèbres et triées sur le volet d’Horace Slughorn. Contrairement à ce que beaucoup pensaient, Belladone n’était pas un idiot. Et s’il n’en disait rien, il observait pourtant. Et son étrange et inconcevable amitié avec le grand mage noir repenti encore craint de beaucoup avait changé le regard que certains portaient sur lui. Pour certains, c’était une forme de désintérêt dédaigneux, pour d’autres une perplexité soupçonneuse envers le choix de Dumbledore qui avait désigné à un des postes les plus prestigieux de Poudlard son petit protégé qu’ils prenaient pour un benêt stupide et incapable. Mais les racontars allaient bon train, et les discussions légères des deux désormais amis qui ne se cachaient pas, au beau milieu des couloirs, avaient changé la donne. Si certains se demandaient toujours ce que d’aussi grands sorciers pouvaient trouver à un mage si banal, d’autres avaient retrouvé une certaine forme d’humilité, à voir que le grand Gellert Grindelwald le jugeait digne de sa compagnie et de son affection. Belladone leva un sourcil, ne sachant pas vraiment s’il devait être peiné, amusé ou vexé de cette petite mascarade. Finalement une lueur taquine illumina ses yeux d’encre, et un sourire léger se dessina sur ses lèvres. Il avait fait le deuil des petites soirées de Slughorn il y’avait fort longtemps. Alors y être convié maintenant, même pour servir de faire-valoir, avait de bons côtés. Le brillant Maître des Potions ne manquait pas de conversation ; ses dîners étaient réputés spectaculaires et c’était une occasion de plus de retrouver la compagnie de son ami Grindelwald :

- Bien entendu. Je lui en toucherai deux mots. Sans doute ne refusera-t-il pas l’occasion de briser un peu la monotonie du quotidien à Poudlard.

Sans doute Gellert ne refuserait pas un bon dîner dans un beau cadre, accompagné de son ami, trompant l’ennui de son quotidien qui avait des allures de prison et satisfaisant sa curiosité vis-à-vis du Professeur Slughorn qu’il ne connaissait pas. Avec un sourire, Belladone suivit Horace Slughorn dans l’encadrure de la porte, qu’il ferma derrière lui, ayant hâte d’engloutir ces saucisses grillées dont l’odeur excitait ses papilles depuis le début de leur conversation.