Automne 1942

Le sifflement strident de la bouilloire ramena brusquement sur terre l’esprit éthéré de Belladone. Les yeux perdus dans la contemplation de son reflet qu’il ne regardait pas vraiment, soudain ses pieds touchèrent de nouveau l’asphalte, l’arrachant à une énième crise de rêverie. Il lui fallut une seconde pour se souvenir qu’il n’observait pas son reflet par pur narcissisme, mais qu’il scrutait là l’exemplarité de sa mise, jusque dans le plus petit des détails. D’un geste précautionneux, un brin nerveux, sa main gauche vint resserrer le nœud de sa cravate, qu’il avait relâché pour plus de confort, et passa une main dans ses cheveux pourtant peignés du matin. S’il y’avait une angoisse certaine dans cette élégance poussée à son paroxysme, il s’agissait surtout chez Belladone de la courtoisie la plus élémentaire, de ces manifestations de sa délicatesse exacerbée qui ne voulait en aucun cas causer offense à son interlocuteur en arborant une tenue négligée, fût-ce une élève, et fût-ce pour un cours particulier.

Personne d’autre que Belladone, pourtant, ne se serait inquiété d’une si petite chose. S’il s’agissait, certes, de la première fois pour lui, il enseignait à présent à Poudlard depuis plusieurs semaines, et l’exercice auquel il commençait tout doucement à s’aguerrir ne différait que par le nombre d’élèves auquel il allait faire cours. L’élève de septième année serait seule, et appartenait à la Maison Serpentard. Le jeune homme n’avait guère eu le temps de s’accoutumer aux nombreux visages juvéniles qui le dévisageaient sans honte à chaque cours, certains avec une impudence non dissimulée, d’autres avec une réelle curiosité. Aussi Belladone ignorait à peu près tout de l’élève qu’il recevait en ce samedi matin pluvieux, hormis qu’elle avait sollicité son aide. Qu’y avait-il besoin de savoir de plus ? En acceptant le poste prestigieux et inespéré de Professeur de Défense Contre les Forces du Mal, le jeune homme s’était fait le serment de s’en montrer digne, et de mettre au service de Poudlard et des sorciers en devenir tout ce qui en était en son pouvoir et qui pourrait leur être d’une quelconque utilité.

Voilà donc pourquoi Belladone s’évertuait à servir le thé pour deux ce matin, et qu’il se surprenait à avoir faim, n’ayant avalé distraitement que deux toasts beurrés et un verre de jus de citrouille au petit-déjeuner, s’étant esquivé si vite que même son voisin habituel n’avait pas eu le temps de se montrer désagréable.  Les effluves doucereux du thé qui parfumaient l’alcôve douillette n’aiguisaient qu’un peu plus cet appétit insatisfait, et Belladone se décida à engloutir en vitesse une ou deux chocogrenouilles, avant que son estomac ne trahisse par d’indélicats borborygmes sa faim devant son élève qui ne devrait plus tarder désormais. Le jeune homme avait songé que son bureau était bien plus confortable que la salle de classe, et que sans nul doute ils n’avaient guère besoin d’un vaste espace pour étudier leurs dernières leçons.

Le charme du bouclier et ses variantes, les sortilèges de protection en règle générale, feraient l’objet de ce premier cours particulier pour tous les deux. Il s’agissait là de l’introduction aux cours de septième année, était très fréquemment au programme des ASPIC et se relevait être la panoplie élémentaire pour se défendre efficacement d’un attaquant éventuel. Le livre des sorts et enchantements niveau sept restait, pour sûr, la base et Belladone avait pris soin de sortir le sien, au cas où l’étudiante l’aurait oublié, bien aise d’avoir conservé, malgré les railleries, l’intégralité de ses manuels scolaires. Son propre encrier et ses plumes restaient disponibles sur son bureau, surplombant deux rouleaux de parchemin vierge ainsi qu’une autre petite pile à portée de sa main à lui, maculée de sa calligraphie trop petite et un brin féminine.

C’était utopique et un peu idiot, de croire qu’il aurait assez de temps et d’énergie à consacrer à tous les élèves qui en ressentaient le besoin. Aux Professeurs qui lui avaient soufflé cela à l’oreille, non sans une certaine condescendance amusée pour la candeur débutante de Belladone, il avait rétorqué en souriant qu’il tâcherait de s’y employer de tout son cœur, autant qu’il le pourrait. Utopique et idiot, c’était un peu lui en somme, alors autant en faire profiter, parce qu’il était là pour cela, et parce que se rendre utile l’enorgueillissait, au fond, ne s’avouant pas vraiment ce sentiment peu glorieux, qu’il était plus facile d’imputer à un altruisme, réel certes, mais qui se disputait avec sa volonté farouche et non assumée de se poser en défenseur du bien. Et tant pis pour le péché d’orgueil, au fond, parce qu’il le transformait en bien, et que cela seul importait, finalement.

- Entrez.

Ce furent les petits coups discrets assénés à la porte qui extirpèrent Belladone des pensées brumeuses au fond desquels, irrémédiablement, il se perdait de nouveau, chaque fois qu’il était seul. Le visage de la jeune fille apparut à l’entrebâillement, semblant hésiter un instant, tandis que le jeune Professeur la rassurait d’un sourire ;

- Bonjour Mademoiselle. Vous pouvez fermer la porte et vous installer, je vous prie.

Le ton et le sourire tâchaient de paraître aussi accueillants et chaleureux que possible, Belladone se souvenant avec compassion de la forte impression que l’autorité professorale pouvait avoir eu sur lui, oubliant cependant les rires et railleries des élèves qui, la plupart, ne prenaient même pas la peine de le respecter. Pourtant il se révélait visiblement suffisamment pédagogue pour que certains étudiants lui accordent leur confiance au point d’oser réclamer un peu de son temps. Belladone attendit patiemment que la jeune fille s’installe et déballe ses menues affaires, avant d’introduire le programme de ce cours un peu particulier d’un samedi matin pluvieux :

- Bien, suite à notre conversation et aux lacunes que vous avez évoquées, je vous propose de commencer par réviser notre leçon du début d’année relative au charme du Bouclier. C’est un chapitre extrêmement important et il est plus que probable qu’il vous soit soumis lors de vos ASPIC. Pourriez-vous, pour commencer, m’expliquer en quoi il est utile et par quelle incantation le formuler ? Ah et au fait, prendrez-vous du thé ?

Belladone lançait un regard encourageant à la jeune fille, tandis que sa main se saisissait de l’anse de la théière pour les servir tous les deux.

« Eh merde ! »

Ma tartine de beurre et de miel m’avait glissée des mains et venait de tomber du mauvais coté sur le sol froid de la Grande Salle. Cela ne m’arrivait que les jours où j’avais l’esprit ailleurs ou lors de profonds moments de stresse. Ce matin là, nous avons réuni ces deux situations. Las de ma maladresse, je laissa la tartine à mes pieds, me concentrant sur mon café encore chaud. Le renverser serait, à la fois, plus humiliant et plus douloureux et je n’avais pas besoin de cela. Plongeant mon regard à la surface du liquide sombre, je repense à la veille :

Je venais de terminer ma partie d’échec avec le Professeur Grindelwald et l’idée, un peu folle, qui m’était venu, serait d’être entraînée par le célèbre mage noir. Mais qui suis-je pour lui demander cela ? J’entendais déjà sa réponse d’ici. Pour qui je me prenais, encore une fois ? Lui, il est lui et moi… je ne suis qu’une élève, qui plus est, pas celle qu’il rêverait d’entraîner et, même ci c’était le cas, les Aurors et le Professeur Dumbledore lui même auraient eu leur mot à dire. Non. De plus, je venais de me racheter auprès du professeur de runes, donc aucune chance pour que je prenne le risque de l’offenser. Cependant, en relisant mes cours, j’ai eu une idée : Pourquoi ne pas demander directement à la personne la plus concernée ? D’où l’idée d’aller frapper directement à la porte du bureau du professeur de défense contre les forces du mal, lui même. Après tout, le Professeur Raven, bien que jeune, était doué (du moins, en comparaison de son prédécesseur, un vieux sorcier bourru). Il savait parler avec intérêt et semblait vouloir donner le maximum de son être pour bien faire  son travail.

C’était là ma dernière année et, pour être Auror, la Défense contre les forces du mal est LA matière qui faisait foi et j’avais vraiment peur de manquer de connaissance et de maîtrisé. J’ai tant à faire… et si peu de temps. Une année passe si vite…

Finalement, je me lève de ma chaise, récupérant la tartine que j’allais déposer à la volière pour les hiboux avant de retourner au dortoir, récupérer mes affaires.

A cette heure-ci, la plupart des élèves de Serpentard prennent leur petit déjeuner. Du coup, je n’y croisai pas grand monde et tant mieux. Je n’avais pas envie que la rumeur circule comme quoi je passais du temps en tête-à-tête avec le séduisant jeune professeur qui, il fallait le dire, avait tapé dans l’œil de la plupart des filles de l’école. Enfin… au moins, cela me laverai d’une autre rumeurs qui me suit depuis ma troisième année et qui me tape sur le système et ce, même ci cette rumeur est vrai. Mais bref, aussitôt mes livres dans mon sac avec une plume et de l’encre, j’étais repartit en vitesse.

C’est donc, comme toujours, débraillée, la cravate manquante mais remplacée par une écharpe usée par les années et les cheveux en bataille que je frappai à la porte du bureau du professeur. Intimidé, et quelque peu gênée, je l’observai par l’entrebâillement de la porte quand il me demanda d’entrer. Contrairement à moi, il était très propre sur lui. Mais ce qui me choqua, fut son coté professionnel… Il semblait avoir sa mission bien en tête. Cela ne devrait pas me choquer mais, il y avait quelque chose qui me mettait mal à l’aise… Pourtant, il était aussi sympathique et souriant que d’habitude. Peut-être que je ne me suis jamais retrouvée seule dans un bureau de professeur pour de bonnes raisons quand j’y pense. D’habitude, les premiers mots que j’y entends sont des trucs du genre : « Votre retenu du jour sera... » Pour une fois, c’était moi qui l’avait demandé...

« Merci monsieur. Bonjour. »

J’y réfléchis en m’installant au bureau, vidant pratiquement mon sac, sortant livre des sorts, parchemins, plume et encre mais, surtout, et bien posée sur le livre, ma baguette modifiée pour avoir l’air d’une rapière avec sa garde en acier. Car j’espérais avoir droit à des travaux pratiques. J’ouvris l’encrier et y laissa la plume à tremper. En y repensant, pas mal d’élève (de ma maison surtout, qui plus est), se montrent moqueur à son égard, que ce soit à cause de son âge ou de son manque d’expérience. Quelle ironie… C’est peut-être un des professeurs que je respecte le plus de mon coté. Peut-être est-ce pour cela qu’il a accepté ?…

J’étais tellement dans mes pensées que je failli ne pas écouter ses consignes. Ça commence bien. Aller, il faut que je me détende, surtout qu’il était vraiment sympathique avec moi… Je devais bien lui rendre cela et ne pas lui faire perdre son temps.

« Oh oui, volontiers. »

Je me lève alors doucement, me mordillant la lèvre, regardant la bouilloire.

« Le sortilège du bouclier permet, comme son nom l’indique, de se protéger contre tout sortilège d’attaque, du simple sortilège de désarmement jusqu’au sortilège de mort. Il est lancé grâce au sort Protego. »

Je pris doucement ma baguette et, me détendant doucement, je commençais à le geste à effectuer :

« Pour qu’il soit efficace, il faut qu’il soit bien dirigé vers la baguette de l’adversaire, que le geste ait un timing parfait et ne soit pas trop violent auquel cas, au lieu de se dissiper, le sortilège peut être détourné. Le charme du bouclier peut-être, cependant, plus puissant si il est canalisé ou utilisé sous différente forme. Il peut créer un genre du bulle protectrice, allant de la simple protection contre les sorts jusqu’à rendre toute personne sous la bulle invisible. »

Pas de souci pour la théorie, mais comme je l’ai dit, le plus dur est de maîtriser le geste à la perfection.

Automne 1942
La mine débraillée de la jeune fille qui pénétra dans le bureau accentua la sensation de Belladone de passer pour un idiot. Polie et à l’aise, l’étudiante semblait bien moins en proie à l’angoisse que lui, qui avait tenu à se tirer à quatre épingles comme si le Ministre de la Magie en personne devait s’entretenir avec lui ce matin-là. Nous n’étions pas en semaine, aussi l’uniforme réglementaire semblait avoir été quelque peu négligé, le col de sa chemise baillant sur la base du cou de l’étudiante, exempt de la cravate officielle qu’elle avait recouvert de l’écharpe de sa maison, faute de mieux. Et elle paraissait s’être levée en sursaut, parce que ses cheveux d’encre, hirsutes, encadraient un visage encore tiré par le sommeil. Pourtant elle n’avait rien oublié de son matériel scolaire, et Belladone la soupçonnait même d’avoir fourré à la hâte la totalité de ses fournitures de l’année dans son sac ; plume, encre, manuel et parchemins vierges épars vinrent troubler le soin méticuleux que le Professeur, toujours, consacrait au rangement de son bureau.

C’était déroutant et assez frustrant, de constater un tel naturel chez une si jeune personne, quand lui-même de parvenait qu’à grand peine à se départir de ce flegme et de cette élégance exacerbée qui dissimulaient bien mal une timidité réelle et une réserve poussée à son paroxysme. Belladone ne pouvait encore se faire d’idée fixe sur chaque visage, chaque personnalité que sa stupéfiante mémoire s’évertuait à retenir de son mieux depuis plusieurs semaines déjà. Tout ce qu’il pouvait dire de cette élève de la maison Serpentard, est qu’elle semblait volontaire, attentive et curieuse, et qu’elle lui témoignait un respect lors de ses cours qui était à souligner. Car il était clair qu’il faisait l’objet de nombre de railleries, l’instinct de cruauté juvénile ayant tôt fait de percer ces abords timides qui le faisait rougir à la moindre contrariété et l’empêchait d’élever la voix, tandis que son empathie trop délicate lui donnait toutes les peines du monde pour infliger ne serait-ce que la plus légère des punitions.

Un frisson parcourut l’échine de Belladone, pourtant, lorsqu’il se souvint de la pire sanction dont il avait assené trois élèves cette nuit-là, au cœur d’un des couloirs glacés de Poudlard. Il se souvint du visage éploré, déçu et en colère, parce qu’ils méritaient plus, et parce que le jeune Professeur, même indigné, n’avait pas eu la force de donner satisfaction à l’étudiante suppliciée dont le mécontentement lui avait fait courber l’échine. Et l’émeraude délavée de ces yeux tristes et implorants le poursuivaient, jour et nuit, apparaissant par hasard, en sursaut, jusqu’à cette matinée grisâtre, cloîtré au fond de son bureau avec une des comparses de la malheureuse Lavande par pur altruisme et sens du devoir.

L’acquiescement de la jeune fille à son invitation courtoise lui permit de détourner ses pensées du véritable supplice que subissait une élève innocente au creux de l’écrin verdoyant de la prestigieuse école que Belladone avait si souvent et sottement cru un paradis. C’était cela, en réalité, cette torture omniprésente ; savoir que l’étudiante éplorée au cheveux d’encre souffrait encore, et souffrirait malgré tout, qu’importe la douceur de son intervention, qu’importent les égards qu’il lui avait témoigné ce soir-là, qu’importe le rire que sa propre stupidité avait déclenché et qui avait illuminé le petit visage de craie. Belladone s’était assombri, dos à l’élève qu’il s’apprêtait à servir, et il tâchait de reprendre contenance en versant le breuvage mordoré au creux des deux tasses.

Devant la réponse studieuse de la jeune fille, le Professeur de Défense Contre les Forces du Mal lui offrit un sourire ravi. Kanaeko prouvait là qu’elle était une de ses rares élèves totalement attentives à ses monologues entrecoupés, parfois, de bégaiements timides et émaillés d’anecdotes qui lui revenaient en mémoire de manière abrupte.

- Absolument. Si Protego est l’incantation de base, utilisée pour parer le sortilège plus ou moins puissant d’un potentiel adversaire, de nombreuses variantes existent et le charme du bouclier permet d’étendre la protection au-delà de sa propre personne. Protego Maxima et et Protego Totalum permettent d’encercler d’un dôme de protection une surface plus ou moins vaste, qui diffère en fonction de la puissance du sortilège. Le Protego Horribilis a quasiment les mêmes facultés, mais il est destiné à se défendre plus spécifiquement de la magie noire.

Belladone avait observé la jeune fille mimer le geste, comme empressée de passer à la pratique. Le Professeur ne partageait pas sa hâte, trop conscient de la faiblesse de sa puissance magique, bien qu’après tout, il s’agissait plus d’orgueil que d’une réelle préoccupation ; il n’avait guère besoin de réaliser de grandes prouesses magiques pour inculquer les sortilèges de défense à ses élèves qui, pour la plupart et contrairement à lui, possédaient le talent magique nécessaire pour exceller dans la pratique grâce aux théories que Belladone leur aurait insufflées. Prenant son courage à deux mains, le jeune homme se jeta à l’eau, conscient que la pratique était la partie préférée des cours, pour la plupart des élèves :

- Vous avez tout à fait raison. La partie la plus délicate de ce sortilège reste de canaliser sa puissance magique, suffisamment pour ne pas que le charme se transforme en attaque contre l’adversaire, mais qu’il reste néanmoins suffisamment puissant pour dissiper son sort, à lui. Vous n’avez nul besoin de théorie, vous la connaissez parfaitement, et, si je puis me permettre, votre mouvement du poignet doit être un peu plus sec –Belladone se saisit de sa propre baguette et mima lui-même le mouvement-, car si le mouvement n’est pas assez ferme, le bouclier risque de ne pas avoir l’impact désiré. Trop violent, il ricoche sur l’adversaire. C’est, comme vous l’expliquiez tout à l’heure avec raison, la difficulté de ce sortilège. Vous pouvez vous essayez à le lancer sur moi-même qui tâcherait de vous désarmer. Si nous voyons qu’il est maîtrisé, nous pourrions vous exercer à ses variantes et essayer de vous faire créer une bulle de protection autour du bureau, par exemple.

Belladone ne se ridiculiserait pas. Désarmer une élève semblait à sa portée, le but étant, dans ce cas-ci, qu’il n’y parvienne pas, ce dont il en doutait guère, l’étudiante ayant prouvé lors de ces premiers cours ses excellentes capacités à réitérer les sorts appris par son Professeur.

Je n’avais pas remarqué qu’il s’était perdu dans ses pensées alors qu’il servait le thé. Il faut dire que ce professeur est assez mystérieux dans le fond. Il donne ses cours avec professionnalisme et réserve. Mais cette réserve avait tendance à en endormir certains et à en dissiper d’autres. C’est dommage car l’on voit bien qu’il fait de son mieux et ses anecdotes restent intéressantes, je trouve. Ces derniers temps, j’allais même jusqu’à me dire qu’une alliance entre lui et Grindelwald lui permettrait de mieux gérer ses cours. Après tout, même le plus prestigieux professeur de défense contre les forces du mal aurait beaucoup à apprendre d’un criminel de cette trempe. Après tout, c’est ainsi que travaillent les Aurors. Mais, j’ai cru comprendre qu’ils ne s’appréciaient pas beaucoup et cela m’attristait. Dans un sens, je préférerai presque que le professeur de rune me haïsse moi plutôt que ce charmant Raven. Dans un sens, commençant à connaître l’ancien mage noir, cela ne m’étonne pas. Il aurait sûrement préféré enseigner les forces du mal (enfin, comment les contrer), plutôt que les runes. De plus, les techniques d’apprentissage de Raven sont plutôt passives, ce qui ne doit pas aider dans leur relation… Et je parle de cela, sans parler du caractère compliqué de Gellert. Mais bref… Je rêve beaucoup en imaginant ces deux là coopérer, je le sais.

En attendant, mon professeur semblait content de ma réponse ce qui me fit sourire. En l’écoutant, je pris doucement la tasse en le remerciant d’un signe de tête. Mais, cela semblait encore bien chaud, alors je la pose et prends quelques note. Protego Maxima, Protego Totalum et Protego Horribilis. Ce dernier, je le souligne deux fois, car il m’intéressait. J’avais hâte d’en savoir plus…

Je le vois alors sortir sa baguette et mimer le geste à sa façon. Face à lui, je me mis en position de combat et essayai de mimer le geste qu’il me montrait. Ce n’était pas aussi simple qu’il n’y paraissait. Là nous faisions des gestes dans le vide, mais en situation, il ne faut pas céder à la panique. Faire le geste désiré en combat, c’était autre-chose. On pouvait se précipiter et faire un geste trop violent qui risquait d’être détourné ou, pire encore, de le lancer trop tôt et, du coup, de le louper.

Lorsqu’il me proposa de mettre le sors en pratique, je me sentis toute légère et ne put m’empêcher de sourire. En effet, pour moi la pratique il n’y a que cela de vrai (même ci en apprendre la théorie avant reste essentiel mais bon...). Néanmoins, je ressentis comme une pointe d’appréhension dans les paroles du professeur, à peine perceptible sous ce professionnalisme. Je ne sais pas si il redoutait ce moment, mais je le sentais vraiment tendu tout de même, à fond dans son rôle. C’est vrai, il est professeur et moi élève. Sans doute a-t-il simplement peur de se louper sous le stresse et de se ridiculiser. D’accord, ma maison n’est pas la plus indulgente vis-à-vis des autres (professeurs ou élèves), mais je ne suis pas d’une grande famille de sorciers cul-pincé et je voulais lui montrer que, même entre professeur et élève, on peut se détendre.

« Oh, je veux bien oui. »

J’avais laissé mon accent américain reprendre le dessus, exprès, espérant que le faite de me sentir à l’aise l’aide, lui même, à se détendre. Sur ces paroles, je baissa cependant ma baguette et prit la tasse dans ma main libre et but deux gorgées du liquide brûlant et parfumé avant de reposer la tasse. A partir de maintenant, je n’allais plus m’embêter à imiter l’accent britanique et reprit mon parlé New Yorkais.

« Merci encore pour le thé, il est vraiment bon. »

Que l’on soit bien d’accord, je ne cherchais pas à me mettre le charmant Professeur dans la poche. Je voulais juste que l’on se sente détendu et que la gène qui planait doucement dans la pièce se dissipe. Après tout, ce n’allait sûrement pas être moi qui allait le critiquer si il se détendait un peu ou si il faisait preuve d’une quelconque maladresse. Finalement, je me mis en position, baguette pointé vers mon professeur, reprenant ma concentration et mon sérieux.

« Je suis prête. »

Automne 1942
L’approbation du Professeur Raven sembla ravir son élève, qui se saisissait de la tasse fumante avec un sourire paisible. Belladone avait voulu ces indications relatives au charme du Bouclier claires et détaillées, et il lui apparaissait sans fausse modestie qu’il y était parvenu, parce que l’élève semblait intéressée, et qu’elle griffonnait quelques notes succinctes sur le morceau de parchemin vierge qu’elle avait extirpé de son sac. Au sérieux avec lequel elle suivit du regard le mouvement du poignet du jeune homme, il semblait indéniable que la jeune demoiselle Hantsuki faisait partie de la communauté d’élèves très restreinte qui le prenait au sérieux. Et si le benjamin des Professeurs prenait très à cœur de ne faire aucune distinction entre chaque maison, il ne pouvait faire semblant de pas l’entendre, cette petite voix qui s’insufflait en son âme, et qui lui soufflait que les élèves qui le traitaient avec respect restaient en minorité chez les Serpentard. Kanaeko et Lavande exclues, il ne restait qu’une infime poignée d’étudiants de cette Maison qui ne le raillaient pas et n’importunaient pas ses leçons.

Belladone y avait longuement réfléchi, ne tirant aucun mépris ou aucune colère envers cette maison qui semblait contenir plus de fauteurs de troubles que les autres. Il en était simplement arrivé à la conclusion que les caractéristiques d’appartenance à la maison Serpentard s’accordaient mal à sa douceur timorée, et que sans doute le mépris pour les règlements, la fierté et le désir de pouvoir ne résistaient pas à l’irrésistible envie d’abuser de la bonté timide d’un de leurs professeurs. Mais Kanaeko n’était définitivement pas de ceux-là car, comble de l’ironie, c’était bel et bien elle qui tentait de dérider son Professeur et de détendre l’atmosphère, visiblement ravie par la mise en pratique du sortilège précédemment décrit sous toutes ses formes, au point d’avoir laissé un fort accent américain reprendre le dessus, et que visiblement elle tâchait de contrôler en temps normal.

L’enthousiasme et la sérénité de la jeune fille commençaient à effriter les barrières de pudeur et d’angoisse que le Professeur complexé érigeait inconsciemment chaque fois qu’il devait exposer sa pratique magique aux yeux d’un tiers. Car elles étaient tenaces, les railleries subies lors de sa scolarité, lorsque de sa baguette indocile ne s’échappaient que de minces volutes de fumée blanchâtre, et que ses camarades de classe, goguenards, faisaient apparaître un Epouvantard solide et distinct. Et aujourd’hui encore il était si facile de le blesser par l’évocation de cette faiblesse évidente, à laquelle il palliait par une théorie brillante, mais qui ne suffirait jamais à faire de lui un grand sorcier.

Belladone chassait ces songes mélancoliques et égocentriques, devant à l’élève qui lui faisait face l’implication promise lors de l’acceptation à sa demande de cours particuliers. Avalant avec prudence une gorgée du thé encore chaud, le Professeur, résigné, se leva doucement de sa chaise, tandis que l’étudiante polie le remerciait pour le breuvage, en complimentant le goût parfumé et doucereux.

- J’en suis bien aise. En fait il s’agit de mon préféré. Je le trouve dans la petite épicerie fine qui jouxte Zonko, à Pré-Au-Lard.

La jeune fille, qui avait largement dépassé l’âge requis pour se voir autoriser des visites ponctuelles au petit village sorcier, n’échappait sans doute pas à la frénésie qui s’emparait de tous les élèves sans exception, lorsqu’il s’agissait du magasin de farces et attrapes susnommé ou de la confiserie Honeydukes. Belladone ne doutait donc pas que la jeune élève, avec la sûre indication qu’il venait de lui donner, parvienne à dénicher cette discrète petite boutique, si l’envie lui en prenait.

Toutefois, les discussions de salon n’éviteraient pas à Belladone de passer à la pratique, les élèves débordant très souvent d’enthousiasme à cette idée, Kanaeko n’échappant pas à cette règle, déjà en position de combat à l’autre bout du vaste bureau, signifiant qu’elle était prête. Belladone se racla brièvement la gorge, lui faisant face, se tenant à l’autre extrémité de la pièce, sa baguette dégainée et pointée vers son élève :

- Bien, si vous êtes prête, je tente donc de vous désarmer à 3, et vous tâcherez de contrer mon offensive. 1, 2, 3…Expelliarmus !

Peut-être était-ce la bienveillance naturelle qui émanait de la jeune fille, mais Belladone, dont l’inquiétude avait été peu à peu annihilé par les échanges cordiaux, avait senti que son sortilège avait fonctionné, même si toujours exempt, bien sûr, d’une puissance magique qu’il n’aurait jamais. Mais là n’était la question ce matin, et il s’agissait à présent d’évaluer la capacité de l’étudiante à contrer l’attaque du professeur bienveillant qui lui faisait face.

Si il y a bien quelque chose que j’ai appris avec Lavande, c’est que ne pas être doué en pratique ne signifie pas avoir aucune connaissance. Certains naissent avec un don pour l’herbologie, d’autres pour les potions… Moi je suis douée quand il s’agit de lancer des sorts d’attaques, mais mes lacunes dans les sorts de défenses (comme le sortilège du bouclier ou du patronus) m’agacent. En ce qui concerne Baladone, il me rappelle beaucoup Lavande sur pas mal de points. On ne le voit que rarement lancer des sorts. Choix personnel ou lacune qu’il cherche à cacher, peu importe. Il y a quelques années, j’aurais peut-être réagis comme la plupart des autres élèves. Quand on est jeune, on est con. Mais, à force de connaître Lavande et de voir bien du monde se moquer d’elle à cause de ses origines et de ses difficultés à lancer des sorts (sans faire exploser quelque chose), il faut croire que cela m’a fait comprendre qu’on ne peut pas être doué en tout. Est-ce utile de vous dire que Lavande a des notes BIEN supérieurs aux miennes sur la théorie en cours de Sortilège ? C’est sans doute pour cela que j’aime bien réviser avec elle de temps en temps, et aussi pour cela que je prends ce cours très au sérieux malgré mon impatience légendaire et mon coté désordonné.

Bon, je ne souhaite pas m’en faire un ami non plus. Il reste un professeur quand même et Grindelwald m’a bien fait comprendre l’autre jour qu’il y a des limites à ne pas dépasser (et il avait raison, que ce soit avec lui ou avec les autres profs). Mais je souhaitais quand même percer cette barrière qu’il s’était forgé, sans doute pour ne pas être blessé par les remarques déplacées des autres élèves. Après tout, il est plus facile d’apprendre avec un professeur avec lequel on entretient de bonnes relations sans pour autant dépasser les limite élève-prof.

Quand il me fit part du lieu où se trouve l’épicerie où il achetait son thé, je souris.

« Oh merci ! »

Je n’avais jamais remarqué qu’il y avait une épicerie dans ce coin là de Pré-Au-Lard… Il faut dire que la boutique haute en couleur de Zonko efface une bonne partie des boutiques aux alentours avec sa façade rose et ses boites de farce et attrapes multi-colores en vitrine. Peut-être que j’irais acheter ce fameux thé à ma prochaine sortie. Cela ferait sûrement plaisir à Lavande de réviser autour d’une bonne tasse bien chaude. Surtout maintenant que l’hiver vient.

Mais, lorsque mon professeur se mit en position, je fronçai les sourcils et en me concentrai. A « 3 », sous l’effet de l’adrénaline, je cru sentir le temps se ralentir. Mon esprit me murmurant : « Pas encore… Pas encore... » Puis je vis la légère étincelle du sortilège s’échapper de la baguette adverse et mon esprit me hurla : « MAINTENANT ! »

« Protego ! »

Je ne sais pas si c’est la situation ou si j’avais eu longuement le temps de me préparer, mais un bruit sourd et une légère sensation de choc se fit sentir dans mon poignet durant mon geste de parade : J’avais réussi à lancer le sortilège du bouclier sans problème… Les dents serrées, j’attendis deux longues secondes le bras en l’air, espérant ne pas avoir fait un geste trop vif qui aurait détourné le sort et brisé quelque chose dans la pièce… Mais non. Rien ne se passa. Je soupira et baissa finalement mon bras, souriant bêtement.

« J’ai réussi sans rien casser cette fois ! Un miracle. »

Puis je ris doucement, remettant un peu d’ordre dans mes cheveux qui m’étaient un peu tombé sur mon œil droit, soulagée d’avoir enfin réussi à lancer ce sort que je devrais pourtant maîtriser depuis un moment.

Automne 1942

La jeune fille avait remercié Belladone avec un enthousiasme poli, et il s’en était fallu de peu que le tendre Professeur ne s’oublie à la conversation légère avec son élève, ravi de discuter thé et sucreries, plutôt que d’étaler sa pratique médiocre d’une magie que, pourtant, il enseignait. Mais le devoir avant tout, n’est-ce pas ? Il avait promis, alors le voilà à présent à l’autre bout du bureau, prêt à subir l’humiliation cuisante de se faire envoyer dans le mur du fond par la puissance sorcière de son élève. Il s’était concentré de toutes ses forces, conscient d’être à la hauteur du Sortilège de Désarmement enseigné aux étudiants âgés d’une douzaine d’années, mais inquiet de la fébrilité dans laquelle le mettait la pratique magique, pourtant rassuré par la bienveillance de son élève.

Tant bien que mal, Belladone chassant les réminiscences douloureuses, vivaces, tenaces, de l’humiliation cuisante subie enfant, lorsque ses premières tentatives de lancement d’un « Expelliarmus » s’étaient révélées un échec lamentable, étalant là la triste misère de la puissance magique qui coulait dans ses veines. Il n’était guère temps de se morfondre, et s’apitoyer sur les moqueries qui avaient affecté d’un sceau inéluctable son âme trop tendre n’aiderait en rien l’étudiante à s’exercer convenablement.

Alors Belladone avait compté jusqu’à trois, avec rassemblé ses forces et son énergie, et il dut réprimer le formidable soupir de soulagement qui menaçait de s’extirper de ses lèvres, lorsque l’éclat de lumière rouge s’extirpa docilement de l’extrémité de sa baguette de sorcier. Le sortilège de désarmement avait fonctionné correctement, et le jeune Professeur désabusé en était satisfait, malgré la faiblesse du rayon écarlate, un peu pâlichon et éthéré, mais qui restait un succès malgré tout. La jeune fille n’en verrait sans doute rien, de toute façon, de la clarté pâlotte de son sortilège, elle-même concentrée à l’application du sortilège de défense qu’elle semblait prendre soin de lancer au bon moment, et d’y doser une puissance magique amoindrie, problème que Belladone n’avait jamais eu qu’à imaginer.

L’incantation fut prononcée d’un ton ferme, peut-être exclamé un peu trop haut. Toutefois le bouclier bleuâtre, aux vapeurs translucides et éthérées, vint correctement s’évaporer de la baguette de l’étudiante, faisant face à son Professeur dont la baguette était toujours pointée sur elle, dans une attitude faussement offensive. L’éclat rougeâtre se confronta à la sphère bleutée et s’y brisa, preuve de la réussite de l’élève de la maison Serpentard. De plus, la puissance magique était assez admirablement maîtrisée. Seuls les chevelures des deux assaillants s’étaient quelque peu ébouriffés sous le souffle du sortilège, et si Belladone avait reculé de quelques pas, aucun autre désagrément ne semblait à déplorer. Soulagé, et amusé par la réflexion de son élève qui assurait qu’elle n’y était jamais parvenue précédemment sans incident impliquant un quelconque objet, Belladone lui offrit un sourire ravi, pour la féliciter :

- Félicitations, votre sortilège était parfaitement exécuté. Vous avez su maîtriser suffisamment votre magie pour ne causer aucun dégât alentours, tout en repoussant mon sortilège. Toutefois il convient de s’entraîner. Ne perdez pas de vue que, malheureusement, lorsque l’on a recours à ce sortilège, nous ne sommes pas prévenus de l’agression et il est plus difficile de réagir et de concentrer ses forces sous la panique. Nous pouvons vous entraîner encore un peu, si vous le souhaitez, cette fois-ci sans que je vous prévienne lorsque je lance mon attaque.

Voyant la demoiselle se recoiffer sommairement, Belladone en fit de même, glissant une main dans sa chevelure d’encre tout à l’heure impeccablement peignée, et dont quelques mèches éparses retombaient maintenant sur son visage, souffletées par la puissance du sortilège de son élève. La baguette de sorbier au creux de sa paume, Belladone attendait la décision de son élève, sa proposition ne sous-entendant aucune obligation, ce cours particulier étant réalisé à sa demande, à elle. D’autant plus que le Professeur n’avait guère souligné le fait que, malgré l’exécution parfaite de son sortilège, parvenir à contrer sa faible magie ne voulait guère dire que la puissance de l’incantation suffirait à avoir raison d’un assaillant plus doué, ce qui, en toute honnêteté, se dénichait assez facilement. Mais il faisait confiance au potentiel de la jeune fille. Sa magie était indéniablement forte, et ses difficultés pour parvenir à l’amenuiser paraissaient s’estomper de manière spectaculaire, la preuve en était son sortilège de protection qui n’avait fait que décoiffer son Professeur quand, quelques semaines plus tôt, elle aurait pu faire s’écrouler sa bibliothèque, ou briser sa théière en mille morceaux. En cela le cours d’aujourd’hui restait indéniablement un succès.

Bornée à me dire que la meilleure défense, c’est l’attaque (et ce, depuis des années), j’en étais arrivée à ne même pas m’intéresser au plus élémentaires des sorts de protections. Nous ne sommes pas au far west, où l’idée de dégainer plus rapidement que l’adversaire prime sur tout le reste. Il m’aura fallu quand même attendre ma dernière année pour m’en rendre compte (et, aussi d’avoir un professeur qui m’en donne la motivation d’apprendre et qui souligne l’intérêt de la défense durant une attaque).

Malgré tout, il y avait eu quelque chose de différent lorsque j’ai paré son sortilège. Ce n’est pas la première fois que j’essaie de parer un sort aussi courant qu’un Expelliarmus, loin de là. Mais ça ne m’avait jamais fait cet effet. Le sortilège de désarmement, malgré sa simplicité, m’avait toujours donné l’effet d’une décharge électrique à la fois vive et sèche. Je n’y ai pas fait attention sur le coup, mais, avec le recule, même ci l’incantation était la même, je n’avais pas eu le même ressentit du bout de ma baguette. De mon coté, à vrai dire, j’ai amoindri instinctivement le flux magique de mon propre sort de peur de casser quelque chose dans la pièce. Ce ne fut, cependant, que pur hasard si la puissance magique utilisée lors du sort fut tout juste équilibrée pour parer le sortilège de mon professeur. Néanmoins, la réflexion que je me fis fut balayée par les encouragement de Belladone.

Ce dernier me félicita avec un grand sourire, visiblement beaucoup plus détendu que durant ses cours, ce qui me fit énormément plaisir. Néanmoins, le souffle du sort l’avait fortement décoiffé. En même temps, il est pratiquement impossible de réussir une parade sans faire de vague. J’hochai doucement la tête lorsqu’il me dit que je devais m’entraîner à utiliser ce sortilège, sans sommation cette fois-ci. Comme il le dit, je me dois d’apprendre à réagir en cas de provocation en duel, voir même, d’attaque surprise.  Malgré tout, je ne pus m’empêcher de sourire et de me permettre de placer une plaisanterie.

« Ce serait volontiers… Même ci j’espère que ce cours ne se terminera pas en entraînement au sorts de réparation. »

C’était un peu maladroit et répétitif comme plaisanterie mais il n’est pas simple de se montrer détendue, mais pas trop, face à son professeur.

En vérité, cette réussite précèdente m’avait redonné confiance et, à présent, je devais arriver à parer chaque sort qui me faisait face. De plus, connaissant le professionnalisme du professeur Raven, j’étais persuadée que, au moins au début de nos échanges, qu’il resterait courtois et qu’il ne tenterait pas de me piéger. Cependant, je restais prête à tout.

Alors qu’il se recoiffe doucement, j’en profite alors pour donner un coup de baguette sur ma broche en argent qui s’élève dans les airs pour venir se planter dans mes cheveux. Ces derniers s’enroulèrent autour pour former un solide chignon. Seules deux longues et fines mèches ondulées me couraient sur le joues. Après une nouvelle gorgée de thé, je me remis en position.

« Je suis prête. »

Automne 1942
La jeune fille paraissait rassurée de n’avoir infligé d’autres dégâts qu’un léger ébouriffement dans la chevelure impeccable de son Professeur, qui tentait de la lisser de nouveau derrière ses oreilles d’une main distraite, tandis qu’elle s’attelait elle aussi à remettre un peu d’ordre dans sa mise. Il était assez pathétique de réaliser, pour Belladone, l’effort et le ravissement que procuraient à son élève la retenue de sa puissance magique, quand il s’était toute sa scolarité évertué à laisser libre cours à la sienne et de constater que ses vaines tentatives, à lui, ne s’étaient soldées que par de lamentables filaments maigres et blafards qui s’étaient extirpées de sa baguette sous l’hilarité générale de ses compagnons de classe. Des nuits de larmes et d’insomnie il n’avait rien subsisté d’autre qu’une magie ténue, faible et risible, quand la puissance évidente de l’étudiante se canalisait sous l’effort de réserve qu’elle fournissait, et qui ne demandait qu’à se déployer.

Elle paraissait ravie, et l’amertume du Professeur ne voulait pas ternir la joie d’une élève douée, qui n’y était pour rien dans la médiocrité pratique de Belladone, inéluctable et admise non sans une tristesse abattue depuis bien longtemps. L’occasion inespérée, glorieuse et profitable de transmettre un savoir qu’il avait acquis au cours d’innombrables heures d’études et de recueillement au sein des plus grands bibliothèques d’Europe, et en cela il lui semblait qu’Albus Dumbledore lui avait offert sur un plateau l’éventualité de vouer sa vie à l’utilité, malgré son incapacité qui l’affligeait. Aussi mettait-il tout son cœur à l’ouvrage, et voir un tel progrès dans la pratique magique de son élève le comblait de ces admirations professorales qu’il découvrait avec délices, lorsqu’enfin les petites âmes juvéniles se gonflaient du savoir qu’il leur inculquait. Son sourire s’élargit, attendri par la joie maladroite de la jeune fille, qui se détendait assez pour oser plaisanter légèrement, tandis qu’elle acceptait la proposition de son Professeur de s’entraîner de nouveau.

- Ne vous en faites pas…Je ne vous en voudrais pas, et vos améliorations sont déjà louables, je ne m’attends pas à ce que vous réussissiez à la perfection…Autrement je me sentirais bien inutile.[/b

Un léger rire mal assuré s’extirpa des lèvres de Belladone, qui s’essayait maladroitement à la plaisanterie, lui aussi. Il lui fallait à présent user de ruse, et bien que son sort soit inoffensif, bien qu’il ne s’agisse que de faire pratiquer une élève qui avait donné son consentement au préalable, Belladone n’aimait pas cela. Il se sentait étrangement mal à l’aise à prendre ainsi une élève en traître, lui qui se sentait le devoir de les protéger de par son autorité qu’on lui conférait sur eux, et qui s’apprêtait pourtant à lui lancer un sort pratiquement dans le dos. D’un air vague, il l’observa à la dérobée se recoiffer d’un air distrait, et avaler une gorgée du thé qu’il lui avait poliment offert.

L’idée lui vint à ce moment-là. D’un geste faussement nonchalant, le Professeur Raven se retournait, tendant sa main vers sa propre tasse de porcelaine, comme pour s’en saisir lui aussi et achever d’une ultime gorgée le breuvage qui avait tiédi dans la porcelaine désormais froide. Et, à l’instant même où ses doigts allaient s’emparer de l’anse délicate, Belladone se retourna vivement, sa baguette serrée dans sa main, visant son élève avant de s’exclamer, réunissant sa concentration :

- Expelliarmus !

C’était idiot, mais Belladone avait la vague impression d’agir avec une certaine lâcheté, n’ayant jamais attaqué personne par surprise. Pourtant son faible sortilège de Désarmement ne risquait pas de faire le moindre mal à son élève qu’il était censé instruire et protéger, ce qu’il faisait en lui apprenant à se défendre en cas d’attaque à l’improviste, offensives qui, très souvent, étaient bien plus violentes et faisaient bien plus de mal que cela. C’était à cela, surtout, que le Professeur cherchait à aguerrir la jeune fille.

Petit à petit, je me sentais de plus en plus à l’aise avec le jeune professeur. Après tout, quand on y pense, au niveau des âges, nous avons quoi, une décennie qui nous sépare ? Et nous autres, Sorciers, avec notre durée de vie allongée selon notre puissance, une décennie, ce n’est pas grand-chose. Je pourrais presque me marier avec lui si il était à mon goût. Bon, je me répète, mais il est assez craquant quand même, autant physiquement que moralement. Je regrettais presque de ne pas pouvoir assister son évolution au fur et à mesure des années car je ne doute pas qu’il va gagner en assurance et devenir un professeur doué et respecté. Quand je pense à ceux qui se plaignent de son enseignement, trop théorique à leur goût… Il est bien meilleur que le précèdent qui lui prétendait tout connaître et ne connaissait rien. J’étais pratiquement obligée de m’entraîner seule dans un coin du lycée pour lancer les sorts en respectant les instructions des livres à cette époque si je ne voulais pas me retrouver à la traîne pour mes BUSEs. Là, au moins, on apprends et, même ci la pratique est toujours un peu manquante, on sent une certaine expertise dans ses paroles et ses sujets. Il expliquait bien et patiemment sans parler des encouragements !

Là, par exemple, il me fit comprendre, sur le tons de la rigolade, que briser quelque chose dans le bureau n’était pas grave. Limite, il m’encourageait à ne pas chercher la perfection ou, du moins, pas de suite. En y repensant, il avait raison. Le but de ce charme est de se protéger sois-même en priorité. Là ce n’est qu’un sortilège de désarmement qu’il me lançait, mais si on venait à me jeter un sort plus dangereux comme un des Impardonnables, il ne faudra pas réfléchir trop longtemps.

C’est alors qu’il se passa quelque chose de surprenant. Une chose à laquelle je ne m’attendais pas. Alors que je pensais qu’il allait se saisir de sa tasse, je le vis faire volte face et me menacer de sa baguette. Hautement surprise par cette attaque imminente, mon cerveaux fonctionna à toute vitesse. Je tenais ma baguette mais je n’aurai jamais le temps de lancer le sortilège du bouclier. Dans mon autre main, la tasse, désormais vide. Pour la suite, tout ne fut que reflex. Je ne voulais pas me retrouver désarmer et je n’aurais pas le temps de parer. Je plaça la tasse entre la baguette de mon professeur et ma baguette histoire d’intercepter la trajectoire du sortilège. A peine un quart de seconde plus tard, l’innocent récipient s’envola dans les airs. J’espérais que ce geste surprenne assez mon professeur pour que je puisse, à mon tour, le prendre de court. Je leva ma baguette, et d’un geste vif, je lança à mon tour en visant sa baguette :

« Expelliarmus ! »

Je savais bien que là n’étais pas le but du cours en lui même. Mais, comme dit précédemment, je n’agissais que sur le coup du reflex. Lorsque je me rendis compte que je faisais probablement une bêtise, il était déjà trop tard. Un éclair d’un rouge vif filait déjà en direction de la baguette de mon professeur. Pour une fois, j’aurais bien espérée avoir raté mon sortilège car là, je n’en étais pas fière. Il ne restait plus qu’à voir la suite. Que je touche sa baguette ou qu’il ait le temps de se protéger, j’espérais, au moins, qu’il ne m’en voudrait pas trop pour cette contre-attaque. Je n’avais vraiment, mais alors, vraiment pas envie de me mettre un autre professeur à dos, et sûrement pas Belladone.