Pensine d'Albus Dumbledore



 
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Pensine d'Albus Dumbledore

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Albus Dumbledore
Albus Dumbledore
Âge : 61 ans.
Sang : Sang-Mêlé.
Nationalité : Anglaise.
Patronus : Un Phénix.
Épouvantard : Le cadavre de sa sœur et, depuis peu, la silhouette de Gellert Grindelwald qui s'éloigne de lui inexorablement, et ce malgré sa main tendue vers lui.
Reflet du Riséd : Gellert Grindelwald à ses côtés.
Avatar : Jude Law.
Messages : 215
Double-Compte : Belladone le Fragile, Desiderata la Peste, Aurora la Simplette, Minerva la Sévère, Solveig la Dure à Cuire.
Date d'inscription : 14/02/2019

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MessageSujet: Pensine d'Albus Dumbledore  Pensine d'Albus Dumbledore Icon_minitimeVen 6 Aoû - 16:09



Pensine d’Albus Dumbledore

« Souvenir 1 »

Août 1898

- Parti ?

L’azur des yeux s’écarquille sous l’implacable vérité qu’Albus ne veut pas encore voir. L’austère matrone s’essaye à la tiédeur d’un sourire compatissant pour l’orphelin dont les frêles épaules menaçaient de crouler sous le trépas maternel et la tragédie qui avait abattu la fragile benjamine des Dumbledore. Et s’il ne fallait retenir qu’un seul drame, ne serait-ce pas celui-là même qu’elle lui jetait à sa face tendre, elle et la sécheresse osseuse de sa silhouette plantée à l’encadrure de sa porte ? Les doigts crispés sur sa baguette, les beaux discours d’Albus Dumbledore s’envolent, avortés, réduits à néant par cette inexorable réalité, si terrible que la vivacité de son brillant esprit n’en frissonnait même pas sous l’horreur, tant elle lui paraissait inconcevable, encore. Miss Tourdesac avait mal compris. Gellert avait dû s’absenter pour quelques heures ; pour une journée, peut-être deux. Sur sa table de chevet devait reposer une lettre, peut-être un billet griffonné à la hâte de sa plume princière, qui l’enjoignait à se rassurer et à attendre son prompt retour. Le sépulcre d’une nuit blanche, alourdie par son absence, bercée par une Lune goguenarde qui aurait raillé sa solitude, et les boucles blondes danseraient à nouveau, lascives, à ses grands yeux de ciel d’été. Et, l’insolence du sourire étiolée à l’horreur du drame, le beau Gellert Grindelwald mêlerait ses larmes à celles du frère éploré, dans la douleur commune qui avait déchiré le plus bel été de leur vie.

Ils auraient l’air de deux amis comme il faut, face au petit cercueil blanc prêt à être enseveli dans les entrailles voraces d’une terre décidément assoiffée du sang et des os des Dumbledore. Ils se jetteraient un regard brisé, se comprendraient sans mot dire, brûleraient de ne pouvoir se saisir des mains qui resteraient ballantes, vidées de l’âme et de l’essence qui se tenait roidie, là, si proche et inaccessible, pourtant. Et quand enfin l’interminable cérémonie se serait achevée dans les pleurs silencieux de la toute petite assemblée, quand l’infâme lueur du jour aurait terminé sa longue agonie, avalée par les cieux d’encre d’une épaisse nuit d’été, alors la silhouette mince de Gellert découperait le ciel ; accroupi à l’encadrure de la fenêtre, il lui dissimulerait les étoiles dont Albus n’avait que faire, pourvu que leur splendeur étincèle dans les yeux du plus beau garçon sur lequel son regard d’azur ne se soit jamais posé. Et la Lune aurait pâli à l’éclat de ses boucles blondes, et deux enjambées de son pas souple auraient suffi à rejoindre l’amant éploré tombé dans les bras qui s’offraient à lui, ouverts à la douleur d’aîné qui avait failli, et l’aurait recueilli sans mot dire, le visage dans la flamme de ses cheveux, berçant le chagrin du déplorable patriarche qu’Albus n’avait pas su être.

- Savez-vous où il est parti ? Vous a-t-il dit autre chose ? A-t-il laissé quelque chose pour moi ?

Parce qu’il allait revenir. Albus voulait s’en croire certain. Il ne voulait pas entendre le tressaillement terrorisé assourdir sa voix ; voulait croire que la réalité, insidieuse, ne s’insinuait pas tout doucement au creux de ses veines, ne s’insufflait au creux de ses questions précipitées, entrecoupées sous l’écume de la panique, latente, qui menaçait de le submerger et de faire s’écrouler, enfin, le trop jeune garçon à deux doigts de s’effondrer sous les innombrables meurtrissures qui l’avaient assailli trop vite.

- Je ne sais pas mon garçon. Il ne m’a rien dit, et il est parti à l’aube avec toutes ses affaires. Il n’a rien laissé.

Un instant, leurs regards s’entrechoquèrent. Et dans la dure sévérité des prunelles de la matrone, Albus perçut soudain l’indicible vérité, de celle qu’il ne voulait toujours pas voir, mais qui s’imposait à lui, insoutenable et terrible, son joug abattant sa main de fer sur le peu de force qu’il restait aux épaules du jeune homme. Il ne reviendrait pas. C’en était fini des sourires insolents qui raillaient la pudeur du garçon de campagne. C’en était fini de l’éclat de la neige au soleil d’hiver qui poudroyait au fond du regard bravache. C’en était fini de ces interminables conversations nocturnes, entrecoupées de rires et de longs baisers. C’en était fini, enfin, de ces heures à contempler le ciel d’été, adossés contre un arbre, le visage noyé dans les boucles blondes de son cou. Gellert ne reviendrait pas. Par quel miracle Albus tenait-il encore debout ? La force de la gravité, l’incroyable puissance de sa magie ? Ces piteuses et frêles armes n’étaient rien, rien face à l’abandon de celui avait fait tourner le monde dans le bon sens.

Automate vidé de son essence, Albus restait là sans rien pouvoir dire ou faire. Pantin chancelant réduit à l’immobilité, roidi dans la sourde douleur de la tempête déferlante qu’il n’avait plus la force d’essuyer ou de contrer. Et comme il devait être incommensurable, cet indicible chagrin, comme les remous d’une inexprimable souffrance devaient agiter l’océan d’azur de ses yeux, pour que l’orgueilleuse femme n’en vienne à un tel geste ! Comme ses lèvres devaient trembler sous l’implacable réalité, comme ses os devaient frissonner, comme il devait paraître fragile en somme, pour que la main sèche se pose, telle une serre, sur l’épaule frémissant d’un chagrin pas assimilé encore, pas tout à fait.

- Je suis désolée mon garçon. D’abord votre mère et ensuite votre pauvre sœur, si peu de temps après. Je pense que Gellert est parti parce qu’il a été bouleversé par cette tragédie. Mais si vous avez besoin de quoi que ce soit, toi et Abelforth, vous savez ou me trouver n’est-ce pas ?

Le jeune Albus Dumbledore, garçon brillant, poli, échappé des dorures de Poudlard auréolé de gloire et de vivats, acclamé comme aucun sorcier depuis de nombreux siècles, frisait là l’impolitesse. Ses yeux s’écarquillaient toujours, mutiques, apposant à la sollicitude presque maternelle de sa voisine le silence assourdi d’une douleur qu’il n’accusait pas. Combien de temps s’était écoulé ainsi ? Quelques secondes, une éternité d’horreur à contempler au fond des prunelles de l’historienne de la magie un scénario à l’infâmie telle que le brillant et fertile esprit d’Albus Dumbledore n’avait pas même osé l’imaginer ? Un instant, les cils roux battirent sous l’ardent soleil d’été qu’il se surprenait soudain à exécrer, à présent que Gellert lui avait arraché sa propre lumière. Sa blondeur de Lune évanouie au vent de la fuite, la cruelle splendeur du jour n’avait plus aucun sens ; pire, relevait de l’offense, de l’hérésie innommable d’un rire sardonique sur un cercueil, de l’avanie d’un aigre crachat au creux d’une poitrine devenue vide de sens.

Les cils battirent un peu plus. Etait-ce cet épouvantable laideur du soleil qui lui brûlait ainsi les yeux ? Qu’importait, il lui fallait répondre. Et partir, surtout. Partir à tout prix. L’azur des prunelles menaçait d’épancher dans un flot de larmes le sourd couperet que la trop sèche femme venait de lui asséner en toute inconscience de ce que son petit-neveu avait représenté pour lui. Tourner les talons, et fuir, pour étouffer au creux de l’alcôve de sa chambre qui avait été le berceau de ses amours avec Gellert la douleur désespérée de celui qui ne se refuse à se résigner. Hurler que ce n’est pas vrai, que cette vieille folle n’est qu’une épouvantable menteuse, qu’il reviendra le narguer, ce sourire de prince insolent, et que sous ses lèvres froides s’étoufferont les cris de désespoir d’avoir cru le perdre à jamais. Une légère brise. Une mèche rousse qui virevolte devant ses yeux. Et Albus se réveille enfin. La saisit entre ses doigts gourds, la mine hébétée encore lorsqu’elle se lève sur le visage honni, artisan de ce qui deviendrait le pire malheureux et la plus sombre malédiction de toute son existence.

- Je vous remercie, Miss Tourdesac. Nous viendrons, c’est promis. S’il vous plaît prévenez-moi, si vous avez des nouvelles de Gellert.

Albus secoua la tête. Tout ceci n’était qu’un affreux cauchemar. Il ne pouvait en être autrement. Miss Tourdesac se jouait de lui, ou bien dramatisait. Peut-être un peu des deux. Ses cheveux roux s’auréolèrent un instant à la gloire hideuse du soleil railleur, lorsqu’il la salua poliment de la tête. Ce n’était tout simplement pas vrai, parce que c’était impossible. Ce soir, comme chaque nuit depuis deux mois, sa fenêtre resterait entrouverte. Et de l’interstice baigné par la lueur des étoiles, il réapparaitrait, ferait de l’ombre à Lune, et éclairerait de nouveau le monde d’Albus de la froideur de son sourire de prince rebelle, un brin arrogant. En tournant les talons, Albus, convaincu, souriait au tableau de chimères que les pinceaux de son imagination et de sa raison voilée par la douleur venaient de lui dépeindre.

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MessageSujet: Re: Pensine d'Albus Dumbledore  Pensine d'Albus Dumbledore Icon_minitimeJeu 12 Aoû - 10:33



Pensine d’Albus Dumbledore

« Souvenir 2 »

Août 1898


- Abelforth, le dîner est prêt.

La jolie table en merisier resplendissait sous la magie d’Albus. Les deux assiettes fumantes trônaient sur le bois rutilant, narguant de leurs effluves délicates d’agneau rôti le salon vide et froid aux allures de tombeau. Le poignet las de l’élève prodige n’avait eu qu’un effort dérisoire à accomplir. Un mouvement léger et désabusé de la baguette, et le salon avait étincelé sous l’éclat de son incroyable magie, sacrifiée sur l’autel des tâches ménagères d’une masure vidée de son essence par la tragédie des Dumbledore. Albus en avait fini de se battre contre la fatalité de son destin inéluctable, pourtant. Il courbait l’échine avec une docilité résignée face à son propre sort qui ne paraissait plus avoir de sens, à présent que les implacables griffes de son infortune lui avaient asséné le coup de grâce. Et quand son cadet vint s’installer sans mot dire en face de lui, c’est bel et bien le prétendu patriarche qui baissa les yeux vers son assiette, sous le regard méprisant qui dévisageait ses joues cireuses creusées par les flots de larmes et les nuits d’insomnie.

C’était cela, plus que toute autre chose, qu’Abelforth semblait reprocher à Albus. Lorsque s’entrechoquaient l’azur de leurs yeux, que les deux frères avaient en commun, l’aîné pouvait sentir qu’Abelforth n’était pas dupe. Toutes ces nuits passées à implorer la Lune et à s’agenouiller devant les étoiles, toutes ces longues heures passées à écarquiller ses grands yeux baignés de larmes sur la fenêtre restée obstinément ouverte malgré les frimas de l’automne. Ces pleurs silencieux et interminables qui dévalaient ses joues amaigries par le chagrin ; Albus ne pleurait pas Ariana. Dans ce regard qu’il n’en pouvait plus d’affronter, il en lisait le reproche, se confrontait à l’avanie d’un frère indigne qui se morfond d’avoir perdu l’auteur du malheur de sa fratrie, plutôt que la perte tragique de sa fragile petite sœur. Et la douleur farouche d’Abelforth était pénible à supporter, elle aussi. Irascible, taciturne, plus cassant et hargneux qu’à l’accoutumée, Albus subissait les tourments de sa rage et de sa peine de plein fouet, sans mot dire, conscient de mériter plus, bien plus que les affres de désolation qu’il endurait là.

Albus avait la nature plus tendre de celui qui ne cherche pas à s’opposer au calvaire du chagrin. La volonté complètement anéantie, arrachée à la racine par l’abandon de Gellert auquel il ne voulait toujours pas croire, mais dont l’implacable réalité, à chaque seconde de déception à s’imaginer son sourire derrière la porte, s’insinuait un peu plus au creux de son âme comme vidée de force, réduite à néant à mesure que l’épouvantable vérité s’enfonçait dans les affres du trou béant de sa poitrine. Et quand la nature douce et affectueuse d’Albus mourrait d’envie d’épancher son chagrin dans l’étreinte de la seule personne qui lui restait au monde, Abelforth lui renvoyait toute la brutalité de sa colère et de son indicible souffrance, dont son aîné avait été l’artisan.

L’âtre semblait si froid malgré le feu qui y dansait ! Son allégresse semblait railler la masure désolée de la vie et de l’éclat que seule la magie maternelle avait été capable d’insuffler. Et Albus, impuissant, écoutait le silence assourdissant se répercuter contre les murs du sépulcre des deux uniques survivants de la famille maudite, tandis, que le nez dans son assiette, il picorait sans faim, du bout de sa fourchette, les petits pois et la purée qui accompagnaient son ragoût, comme pour donner l’exemple, comme pour ne pas offrir à son frère une énième occasion de déployer l’étendue de sa rage sur lui. L’estomac, le cœur et les tripes réduits à néant, à présent que sa raison de se lever le matin s’était évaporée devant le cadavre de sa sœur, le peu d’appétit qui lui subsistait s’étiolait sous le sujet qu’il se sentait le devoir d’aborder. D’un raclement discret de la gorge, il leva l’azur noyé par une vie qui avait perdu son sens sur le visage de son frère qui se hâtait d’achever son dîner pour ne plus avoir à supporter la compagnie de l’aîné honni et silencieux ;

- J’ai écrit au Professeur Dippet...Il m’a assuré qu’il accepterait de te reprendre exceptionnellement après les vacances d’automne au regard des…circonstances. Tu pourrais reprendre mes manuels et mes robes, il faudra peut-être les ajuster mais je peux m’en occuper. S’il te manque quelque chose, je pourrais aller au chemin de Traverse te l’acheter et…

Une éclaircie dans le brouillard. Aussi soudaine et fulgurante qu’un coup de poignard en plein cœur. Le souvenir de la plus merveilleuse journée de sa vie lui semblait à des siècles de la nuit sans fin sous laquelle se profilait le fil des jours du jeune Albus Dumbledore. Ce matin-là, il avait fait son apparition sur le pas de la porte ; et leurs deux cœurs avaient farouchement gardé le plus sacré de leur secret, se gardant bien d’avouer qu’ils s’étaient quittés à la naissance de l’aube, et que malgré cela le désir de se jeter dans les bras l’un de l’autre les laissait pantelants et fébriles de la hâte qu’ils avaient de se retrouver pleinement et sans mensonges. Gellert s’était assis un instant, avait accepté la tartine à la confiture de framboises qu’Ariana lui tendait, et puis, au seuil de la maison, il avait pris la main d’Albus. Et là, leurs pas avaient battu joyeusement à l’unisson de leurs cœurs les pavés tiédis de soleil, et Albus avait admiré d’un regard attendri la beauté princière de Gellert qui tâchait de dissimuler son émerveillement devant les boutiques colorées et les vitrines tapageuses. Il avait suivi la cavalcade d’Albus avec une patience angélique, arborant ce sourire terrible, un brin arrogant, pour lequel l’aîné des Dumbledore aurait été capable de n’importe quoi. Gringotts, Fleury et Bott, il n’avait rien dit non plus lorsqu’il l’avait entraîné jusqu’à la boutique de Madame Guipure et qu’il avait choisi cette robe en coton bleu qu’il avait promis à Ariana, et dans laquelle elle serait ensevelie quelques semaines plus tard. Et lorsque Gellert était sorti de la boutique et lui avait fourré dans les mains un tout petit paquet contenant un ruban bleu, de ce regard farouche de celui qui feint l’impassibilité, l’azur de ciel d’été avait étincelé dans les yeux d’Albus, avait lui jusque dans son sourire, et il avait dû user de toute sa volonté pour ne pas lui sauter au cou devant la foule de passants, et fourrer son visage ravi au creux des boucles blondes qui dansaient sur son cou.

Gellert n’aura jamais admis à quel point il avait eu chaud ce jour-là. Albus l’observait de cette lueur de malice qui brillait dans son regard, voyait les mèches blondes se coller à son front impassible, ne s’imaginait que trop à quel point devait peiner, sous son sempiternel habit noir, l’enfant des Alpes admis à Durmstrang, sous la ruelle pavée étourdie de soleil et grouillant de familles préparant la rentrée de leur marmaille pour la plus prestigieuse école de sorcellerie du monde. Alors, l’air de rien, cette lueur taquine étincelant toujours à ses lèvres attendries, il avait offert une glace au trop fier amour de sa vie, et ils s’étaient dévorés du regard en la mangeant sur la terrasse bondée, luttant contre la sourde et irrépressible envie de se prendre par la main, mais plus heureux que n’importe qui, malgré tout, de s’aimer tant que les mots ou les étreintes étaient inutiles, pourvu que leurs regards puissent puiser à la source de l’autre la force de vivre.

- Tu as perdu ton temps. Je t’ai dit que je ne retournerai pas à Poudlard.

Réveil brutal, comme un seau d’eau glacé après une sieste sous un soleil d’été. La brusquerie farouche d’Abelforth l’avait saisi par les pieds et ramené de force sur cette terre qu’Albus ne voulait plus fouler, à présent qu’elle ne tournait plus rond, à présent qu’on le privait de la lumière du sourire de ce prince des contrées de neige et de jours sans fin, qui semblait toujours se moquer de lui, même lorsque ses lèvres goguenardes se posaient sur les siennes, même lorsqu’il le saisissait par la taille pour le fixer d’un air hardi et audacieux, pour le seul plaisir de voir s’embraser les joues de son solaire et prude amant. Une larme menaça de noyer un des grands yeux d’Albus. L’idée de s’être abreuvé à la lueur de Gellert, pour que la source qu’il avait cru intarissable lui soit ainsi arrachée, était inacceptable. Pourrait-il seulement vivre désormais, en sachant ce qu’il avait perdu ? Et la volonté déjà s’étiolait, et ce qui lui restait de courage aussi, à rester là, à faire semblant de recouvrer un appétit disparu avec les boucles blondes et le rire de Gellert, à s’acharner à vouloir s’occuper de l’unique membre de la famille qui lui restait et qui ne voulait pas de lui ;

- Abelforth…

- De toutes façons je vais partir bientôt. J’ai trouvé un boulot de serveur, dans un pub à Pré-Au-Lard. Je ne compte pas rester ici seul avec toi, à t’écouter pleurer toutes les nuits pour un type qui reviendra pas et qui a causé la mort de notre sœur.

Le mépris dans la voix d’Abelforth lui glaçait le sang. Si le cadet des Dumbledore avait toujours fait montre d’une nature brusque, intrépide et prompte à la colère, la douleur et le rejet de son aîné insufflaient à ses actes et à ses mots une cruauté et une brutalité légitimes, certes, mais qu’Albus accusait comme un coup de poing au creux de l’estomac. Il avait laissé sans rien dire son nez se briser sous le poing ivre de douleur de son frère, l’avait laissé dédaigner sa rentrée scolaire, le laissait aujourd’hui abattre l’inconcevable réalité à ses frêles épaules qui menaçaient de s’écrouler. Albus sentit les derniers vestiges de forces qu’il avait déjà épuisé l’abandonner tout à fait. La présence d’Abelforth, aussi hostile et désagréable soit-elle devenue, restait son unique raison de se lever de son lit et d’accomplir en automate les quelques tâches qui occupaient ses trop longues et trop tristes journées.

- Partir ? Tu veux me laisser ? Si ma présence t’est vraiment insupportable, voilà une bonne raison de retourner à Poudlard. Si tu ne veux pas revenir pour les vacances, je t’enverrais de l’argent et tout ce dont tu as besoin. S’il te plaît, finis au moins tes études…

Dans l’azur commun de leurs yeux, il y’avait une dureté chez Abelforth qu’on ne verrait jamais dans les prunelles du bienveillant Albus Dumbledore quand, de nouveau, il leva le regard sur lui. Plus encore que l’abandon de Gellert, la haine farouche que le cadet des Dumbledore vouerait désormais à son aîné semblait inéluctable. Sa fourchette s’était posée dans un tintement si brusque qu’Albus dût retenir de justesse ce sursaut instinctif de ses doigts qui voulaient s’agripper à sa baguette, comme pour parer les éventuels coups de celui qui n’avait pas hésité à lui asséner son poing au visage, devant le petit cercueil blanc au creux duquel gisait Ariana ;

- Tu crois que je vais t’aider à te donner bonne conscience ? Tu te fous pas mal que j’aille à Poudlard, comme tu te foutais de nous laisser quand tu étais avec lui, quand moi et Ariana on avait besoin de toi. Il t’a bien eu en tout cas, le soi-disant brillant et malin Albus Dumbledore, dont tout le monde me rebat les oreilles à Poudlard. Il s’est tellement bien moqué de toi qu’il est parti après avoir torturé ton frère et causé la mort de ta sœur, mais tu préfères pleurer pour lui plutôt que pour Ariana. Elle n’en avait que pour toi et tu n’avais jamais une seconde pour elle, même pas pour être triste de sa mort. Tu restes là à attendre le retour de celui qui a détruit ta famille et qui est parti comme un lâche ! Il ne reviendra pas !

Les derniers mots avaient été jetés avec l’aigreur d’un crachat. Abelforth avait cherché à faire du mal, et il avait su précisément su où frapper. Tout était vrai. Il n’y avait rien à ajouter. Albus n’aurait pas l’hérésie de répliquer que lui aussi était triste pour Ariana. Ce n’était pas un mensonge, il l’était bien sûr. Il l’avait aimé malgré tout, sa douce et timide jeune sœur, pas suffisamment et avec maladresse, et en porterait le fardeau coupable tout au long de sa longue vie. Mais il ne lui ferait pas l’affront de lui rétorquer sa douleur d’avoir perdu Ariana qui n’était rien, rien face au vide dans les abysses duquel le beau Gellert Grindelwald l’avait précipité, en le privant de sa lumière. Il n'en avait été que trop acteur, de la plus terrible scène de son existence, des cris et des injures qui s'étaient élevés au cœur de la maisonnée, du hurlement d'Abelforth qui s'était mêlé au sien, quand le sortilège impardonnable avait cloué son jeune frère sur l'asphalte. Quand le tendre et sage Albus Dumbledore avait usé de toute la force de sa formidable magie pour s'interposer et s'opposer à l'homme de sa vie qui semblait ne plus le reconnaître, malgré ses cris et ses supplications. Quand la terrible lutte entre les trois adolescents s'était achevée dans la tragédie d’une poupée de chiffon qui s’abat au cœur des lumières écarlates jetées à l’aveugle et que s’effondre, immolée, la brebis innocente aux boucles blondes, sacrifiée sur l’autel de la colère et des rêves de gloire de ce triumvirat d’imbéciles qui porteraient toutes leurs vies gravé au fond du cœur l’indélébile sceau de leur crime.

- Quand veux-tu partir ?

Parce qu’Albus était fatigué. Parce qu’il n’en pouvait plus de se remémorer leurs regards écarquillés et leurs baguettes qui se baissent enfin, désarmés par le sacrifice de la pauvresse gisant à leurs pieds. Parce qu’il n’en pouvait plus de ces réminiscences au terrible parfum de cauchemar, du visage déformé par la rage d’Abelforth qui se décompose en saisissant la jeune fille inanimée à plein bras, de lui-même qui tombe à genoux devant la poupée de chiffon, des larmes qui emplissent ses grands yeux qui ne veulent pas croire à la stupide fatalité de leur rixe de jeunes coqs. Et les grands yeux de ciel d’été affolés de douleur qui se lèvent, et la main qui se tend dans le vide, pour y trouver son roc, celui qui ouvrira ses bras pour accueillir le chagrin du frère éploré, celui dont le sourire lui insuffler la hardiesse de tout supporter, la mort, l’infâmie et cette culpabilité qui deviendrait le calvaire de toute sa longue vie.

Se confronter au vide. Ne trouver rien d’autre qu’une porte ouverte sur un soleil goguenard. Ô comme il avait haï ce maudit soleil ! Il lui semblait qu’il avait englouti sa raison de vivre de sa laide lueur, anéanti le sublime rayon de lune de ses nuits d’ivresse qui avaient le berceau de sa renaissance, du renouveau d’une vie qui avait vide de sens, avant l’apparition princière de celui sans lequel le moindre de ses pas deviendrait un long et interminable calvaire. Gellert était parti sans se retourner, arrachant à Albus ce qu’il lui avait donné à pleines mains et à pleine bouche, sans doute inconscient de la valeur sacrée, quasi-divine, de ce que cette passion avait eu pour le cœur du jeune campagnard pudibond qui était tombé aux pieds et au regard du prince rebelle venu du froid.

Et il ne reviendrait pas. Abelforth n’avait que trop raison. Albus se mordit les lèvres, les doigts crispés sur sa fourchette. La source intarissable de ses larmes menaçait, de nouveau, de briser la trop frêle digue dont il maintenait avec peine l’édifice face à son jeune frère. Sans doute étaient-elles parvenues à noyer une fois de trop l’azur de ciel d’été des prunelles dont la lueur taquine n’était plus qu’un lointain souvenir, immolé à la douleur d’avoir été arraché de celui qui avait apporté la lumière à la sempiternelle nuit qu’avait été son existence sans lui. Parce que cette-fois il y’avait plus que du mépris dans la voix d’Abelforth, et c’est une colère véritable qui le fit repousser son assiette tandis que la chaise grinçait et qu’il se levait d’un mouvement si abrupt qu’une fois encore, Albus s’apprêta à parer un éventuel coup, qui ne vint pas ;

- Dès demain. Je suis dégoûté de te voir pleurer sur ton sort du soir au matin, alors que tu es responsable de la mort d’Ariana. Et puis tu as beau être le brillant Albus Dumbledore dont tout le monde parle, ton ragoût ne vaut rien, comparé à celui de Mère.

Ultime offense, petite avanie puérile destinée à enfoncer le clou rouillé de sa haine au cœur de son aîné, Abelforth repoussa un peu plus l’assiette fumante du plat de la main. Quelques gouttes de sauce vinrent ternir l’éclat rutilant de la table en merisier tandis qu’Albus l’entendait gravir les escaliers et claquer la porte de sa chambre. Cette porte qui claque sembla sonner le glas de cette sinistre et pathétique comédie, et ce fut au tour d’Albus de repousser son assiette qu’il n’avait pas touché, poussant un soupir brisé, à fendre l’âme, avant de replier ses genoux dans ses bras et d’y blottir son visage décomposé par les larmes qui avait recommencé à couler et à sillonner ses joues rendues cireuses par le chagrin. Quelques mèches rousses, éparses, vinrent se coller à ses yeux noyés de larmes, tandis que pour la énième depuis des semaines, il implorait son nom comme une supplication éperdue à une divinité lointaine, le conjurait de lui revenir, creusait un peu plus les cernes violacés qui mangeaient ses joues amaigries. Gellert ne lui reviendrait pas, et demain à l’aube il se retrouverait seul à pleurer sur un sort que, désormais, il savait inéluctable. Le prometteur Albus Dumbledore vaincu par la ruse de ce prince arrogant qui avait tant et si bien feint de l’aimer qu’à présent le cœur de son seul et unique rival potentiel lui appartenait corps et âme, malgré le crime, l’abandon, la trahison, malgré qu’il l’eut foulé aux pieds, malgré qu’il en ait raillé la douleur de l’arrogance princière de ce sourire qui avait vaincu celui que l’on acclamait comme le digne successeur de Merlin.

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Albus Dumbledore
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Pensine d’Albus Dumbledore

« Souvenir 3 »

Hiver 1927

Le glas du marteau avait asséné la sentence du condamné dans un sinistre fracas. Le Président du Magenmagot, de par l’exercice de son suprême pouvoir, matérialisé par le heurtoir retentissant qu’il avait frappé par trois fois, avait signifié la fin de la séance. La docile et silencieuse assemblée s’agitait dans un bourdonnement fébrile de papiers qui bruissent et de murmures qui s’élèvent en écho sous les ogives du tribunal aux allures de cathédrale. Albus Dumbledore rassemblait ses notes avec une hâte mesurée, dissimulant sous cet air de bienveillance sage son enthousiasme à l’idée de quitter le formalisme de la Cour et de ses membres pour se régaler de ces merveilleuses côtelettes d’agneau que les Elfes de Poudlard concoctaient pour le dîner. Un léger sourire, teinté de la tendresse réconfortante que seule pouvait lui inspirer sa maison, le fit se lever, emportant sa serviette de cuir sous son bras, son chapeau à la main, prêt à traverser l’asphalte étincelante de la salle d’audience, trop heureux de s’échapper du Ministère qui dissimulait mal son hostilité à son égard ;

-  Vous avez là des chaussettes très originales, Professeur Dumbledore. Et de saison, qui plus est.

L’interpellé virevolta avec grâce, un large sourire étirant les reflets cuivrés de sa barbe. Visiblement ravi d’être apostrophé pour un sujet qui eut pu sembler trivial à n’importe qui d’autre que lui, ses yeux étincelaient d’une malice exaltée lorsqu’il inclina poliment la tête, comme pour saluer son confrère, tandis qu’il relevait un instant le tissu de son pantalon de costume brun, pour laisser apparaître un bout de chaussette de laine rouge vif sur lequel s’égayaient des petits sapins d’un vert criard ;

-  Oh, n’est-ce pas ? J’ai tricoté celles-ci moi-même et n’en suis pas peu fier. J’ai trouvé le modèle dans un magazine emprunté à un élève qui a une mère Moldue. Le motif m’a tout de suite plu. J’adore Noël, cette période me met en joie, je me sens presque redevenir enfant.

Dans l’assemblée qui évacuait la Cour, certains passaient, indifférents aux fantaisies de Dumbledore, auxquels ils étaient accoutumés ; d’autres lui lançaient des regards au fond desquels se mêlaient un imbroglio de hauteur, de mépris et de condescendance, qu’Albus accueillait avec un sourire plus large encore, tandis qu’il laissait retomber son pantalon sur sa chaussette écarlate. Quelques rares souriaient d’un air amusé, affichant avec courage leur sympathie pour Dumbledore et le personnage controversé et haut en couleurs qu’il représentait ;

-  J’ignorais que vous tricotiez. Quoi qu’il en soit me félicitations, elles sont très réussies.

Albus inclina la tête d’un air poli, son sourire étincelant toujours tandis qu’il reprenait sa marche, accompagné de son comparse de Magenmagot ;

- Je vous remercie, mon cher Byrne. Si elles vous plaisent tant, je pourrais vous en confectionner. Ce sera mon modeste présent pour Noël.

L’étrange duo s’était attardé, tant et si bien que la Cour grouillante du Magenmagot s’était déjà dispersée à la lueur verdâtre des cheminées magiques, ou vaquaient à leurs obligations dans les hautes sphères nébuleuses du Ministère. Albus s’apprêtait à prendre congé poliment, inclinant déjà la tête, quand la silhouette grâcieuse de son collègue se figea un instant, et qu’un sourire amusé, presque attendri, s’esquissait sur son visage à la fine barbe brune taillée avec soin ;

- Je vous remercie, mais je crois que ce genre d’accessoires ne sied qu’à vous. Mais je vous en prie, appelez-moi Gareth. En fait, j’avais une requête à vous soumettre. Plutôt une invitation, pour être plus exact. Je souhaitais vous remercier pour le travail de consultation que vous avez grâcieusement accepté d’apporter à mon traité de négociation avec les Etres de l’Eau des îles d’Irlande. Comme vous le savez, la rencontre a été un franc succès, et vous y êtes pour beaucoup…

Le sourire taquin d’Albus sembla s’assombrir d’une certaine appréhension instinctive, sur laquelle il n’aurait pas vraiment su mettre de mots exacts. Byrne était un aimable comparse, un des rares partisans de la personnalité de Dumbledore, qui ne s’effarouchait pas de son côté fantasque et dont il louait la légendaire sagesse et la grandeur d’âme. Presque un ami en sorte, en tout cas un aimable collègue, d’agréable compagnie, qu’Albus respectait pour ses valeurs, sa loyauté et son sens de la justice. Aussi c’est un sourire timide et plus farouche qui étira ses lèvres lorsqu’il esquissa un petit geste distrait de la main qui tenait son chapeau ;

-  J’ai entendu cela et j’en suis ravi mais vous n’avez guère à me remercier pour ce que je considère un service rendu entre collègues…De plus, je trouve les Etres de l’Eau fascinants et suis un ferveur défenseur de leurs droits. Il me paraissait bien normal de vous aider dans cette cause qui nous est commune…

Le dénommé Gareth reprenait son souffle, tâchant de conserver sa belle contenance de cadet de bonne famille de la haute bourgeoisie anglaise pour lesquels la diplomatie et les convenances sont élevés à la hauteur de dogmes, plus que de simples principes. Le flegme britannique à son paroxysme, il semblait s’efforcer à un élan de courage, que son sourire quelque peu frémissant trahissait sous sa fine moustache brune ;

-  Je souhaiterais tout de même vous remercier. Accepteriez-vous une invitation à dîner ? Il y’a, ici même à Londres, un petit restaurant français niché au cœur d’une ruelle tranquille, qui sert un saumon à l’oseille absolument divin. Vous me feriez un immense plaisir et un grand honneur en acceptant de m’y accompagner. Aimez-vous le poisson, Professeur Dumbledore ?

Et si l’aimable sourire du farouche Albus Dumbledore frissonna un instant, si ses joues rosirent délicatement sous la barbe fine qui lui mangeait le visage, la délicatesse de son interlocuteur feignit de n’en avoir rien vu. Et à dire vrai, Byrne était l’archétype du gentleman, de ces élégances rares qui se perdaient et auxquelles Albus avait toujours accordé un prix presque sacré. Il était plus grand que lui, avait une belle silhouette élancée que soulignait ses sempiternels costumes gris perle à la coupe impeccable. Ses grands yeux noirs brillaient d’une intelligence vive, bienveillante, attendrie par de longs cils d’encre à l’étoffe presque féminine. Et il avait le sourire facile, lumineux, qui éclairait tout son visage sous la barbe qu’il paraissait tailler avec un soin méticuleux. L’homme était charmant en réalité, mais le pudibond et sauvage Albus Dumbledore s’effarouchait soudain sous l’éventualité d’une entrevue intimiste, loin de ce cadre professionnel qui le protégeait de ce trac d’adolescent qui faisait frissonner l’échine du plus puissant sorcier de sa génération ;

- Oh, eh bien...C’est que je ne dîne que très rarement hors de Poudlard, et...

Et l’image de Gellert, soudain, vint narguer la risible pudibonderie d’Albus. A quoi avait-il réduit le grand Albus Dumbledore ? Condamné à une vie d’ermite solitaire, à se voir refuser l’élégante compagnie d’un charmant comparse, parce que l’adolescent qu’il avait été était tombé irrémédiablement et inéluctablement à ses pieds de mage noir en devenir ? Là, sur le visage du délicat Byrne, il le voyait ricaner, celui qui avait été son prince insolent, celui qui l’avait abrité de la lueur pâle de son sourire pour mieux la lui arracher, se jouer de la pureté d’un cœur qui n’avait jamais aimé encore et s’enfuir après l’avoir foulé aux pieds, piétiné sans remords aucun et hurlé à ses ouailles surexcitées qu’il aurait la peau du lâche Professeur Dumbledore qui se terrait au fond de son école.

Étrangement, sa reddition n’avait pas apaisé ce cœur tourmenté d’aimer encore et toujours, malgré les crimes et les avanies, le seul homme qui l’ait jamais fait battre. Il ne l’avait pas compris, et s’il avait loué cet étrange repentir qui sauverait des centaines d’innocents, le deuil n’en avait été que plus douloureux. Il n’y avait plus personne à Azkaban. Rien d’autre que des ombres et des fantômes, numérotées, honnies et oubliées d’une société magique qui ne voulait plus d’eux. Et, tandis que le monde oubliait ses criminels, le grand Albus Dumbledore se fourvoyait à l’âme perdue de l’un d’entre eux, courbant l’échine face à ce sourire goguenard qui triomphait du pouvoir qu’il avait encore sur lui, après tout ce temps. Albus eut un immense sourire, et ce n’est pas à Byrne que son sourire malicieux et presque bravache s’adressait lorsqu’il s’empressa de changer d’avis ;

- Mais j’accepte volontiers. J’adore le saumon. Et si nous devons dîner ensemble, et que je dois vous appeler par votre prénom, vous me feriez plaisir en m’appelant Albus. Quand et où dois-je vous retrouver ?

Le dénommé Gareth eut bien plus de peine à dissimuler son soulagement qu’il n’en avait eu à feindre de ne pas voir l’embarras de Dumbledore. Un sourire ragaillardi s’esquissa sur l’élégance de la barbe brune ;

- Vous me faites un grand plaisir, Albus. Que diriez-vous de nous retrouver jeudi soir à 18h30 devant l’entrée des visiteurs du Ministère ? Nous irons à pied si vous le voulez bien. C’est à peine à vingt minutes de marche. Je vous suggère de vous couvrir, le froid risque d’être mordant.

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- Alors ?

- Je dois admettre que vous ne m’aviez pas menti. Ce saumon est divin. Le vin aussi est excellent.

Albus sourit, avalant une nouvelle gorgée du nectar minéral, presque translucide, qui exacerbait le goût exquis du saumon déjà aiguisé par l’art culinaire d’outre-manche. Il souriait comme pour oublier son embarras. Oublier la flamme vacillante de la bougie qui brûlait, lascive, et scintillait entre leurs deux regards. Oublier l’exquise délicatesse de Gareth qui avait retenu la table près de l’âtre délicieusement ronronnant, par souci de la personnalité frileuse du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Oublier que la tendresse du regard d’encre se faisait plus hardie, à mesure qu’il s’égarait dans le ciel d’été du sien, et que ses doigts semblaient proches, bien trop proches de la main qu’il avait posé sur la nappe blanche, et que sa nature farouche tendait à faire frissonner. Oublier enfin que tout cela était un peu trop pour lui, que Poudlard lui manquait déjà, qu’il n’était plus qu’un vieux loup pathétique et solitaire qu’aucune charmante compagnie comme celle de Gareth ne pourrait plus sauver ;

- N’est-ce pas ? Leur Chablis est extraordinaire. Nous pouvons faire confiance aux français en matière de vin. Ce sont les maîtres. Je suis ravi que cela vous plaise. La cuisine de ce restaurant est exceptionnelle, mais votre compagnie ne la rend que plus exquise.

Sous la chaleur du feu, sous les effluves du sublime vin blanc, sous la hardiesse de l’éloge surtout, les joues d’Albus rosirent. Le brillant et sage Professeur, désormais, ne pouvait plus dissimuler sous ses airs de bienveillance taquine les intentions de son charmant collègue. Et celui qui parvenait, de par son aplomb malicieux, à susciter l’embarras des membres des plus hautes sphères qui s’affairaient à le déstabiliser, voyait ce soir la tendance s’inverser à la faveur de la séduction grâcieuse de son comparse qui lui insufflait la nervosité fébrile d’un adolescent effarouché. Malgré ses joues cramoisies sous sa barbe, malgré son sourire malicieux qui tremblotait, Albus, à la lueur vacillante de la bougie, tenta de s’insuffler un élan de courage dont d’ordinaire il ne manquait pas, pour faire de nouveau étinceler ces étoiles taquines au fond de ses yeux, de celles qui parvenaient à l’extirper de situations embarrassantes, d’ordinaire ;

- Oh, je ne m’y entends que bien peu en matière de vin. La cuisine de Poudlard est plus traditionnelle. Et en réalité, hormis un verre d’hydromel de temps à autres, je n’ai que rarement l’occasion de boire. Il est vrai que l’on me voit parfois boire un verre à la taverne de mon frère à Pré-Au-Lard, la Tête de Sanglier, j’ignore si vous connaissez ? Il ne faut pas être regardant sur la propreté des verres, mais son lait de chèvre au miel est un délice, si vous avez l’occasion d’y passer.

Byrne eut un sourire pincé, s’efforçant à la politesse hypocrite de celui qui ne veut pas froisser son interlocuteur. Albus n’était pas sans ignorer les bavardages relatifs à la masure souillonne et mal famée au cœur de laquelle on le voyait pénétrer joyeusement et sans honte, au mépris des regards et des on-dit scandalisés que le grand Dumbledore se fourvoie à mettre les pieds dans un tel bauge, fut-il celui de son frère. Le brillant Professeur ne le savait que trop et s’en amusait, cette malice de plus lui permettant de retrouver un peu de calme et d’aplomb, au détriment de l’enthousiasme de Byrne qui semblait s’être étiolé à l’image de son charmant comparse attablé à l’un des tabourets poussiéreux du pub malfamé ;

- Je me souviens de la cuisine de Poudlard. Je vous accorde qu’elle est très réconfortante. Je me rappelle que j’adorais le porridge des Elfes et leurs saucisses grillées du dimanche. Oh mais j’y pense, vous devez avoir mon neveu comme élève. Le fils de ma sœur, Charlie Harris. Il est à Serdaigle, en cinquième année.

Byrne avait élégamment détourné la conversation vers un sujet qui mettait Dumbledore à l’aise. Et, de fait, le sourire d’Albus se fit plus franc, et, dans son regard de ciel d’été, les étoiles enthousiastes et taquines étincelèrent de nouveau ;

- Oui bien sûr, le jeune Harris ! Excellent élève ! Vif, intelligent, un brin fantasque. Nous avons commencé les sortilèges de Défense il y’a une semaine, et ses essais de Protego ont été les plus prometteurs de toute la classe !

Un large sourire fendit la barbe brune de l’oncle ravi, tandis qu’un serveur débarrassait discrètement les assiettes vides, et qu’à la question un brin obséquieuse il répondait à la place d’Albus qu’ils prendraient les profiteroles, dessert inconnu du paysan solitaire littéralement emmuré vivant dans la plus prestigieuse école de sorcellerie du monde qui se contentait de la réconfortante cuisine britannique. Avec un sourire de gentleman poli, Byrne s’expliqua, tandis qu’Albus tâchait de contenir son regard qui, soudain, s’assombrissait d’une certaine nervosité devant leurs mains libres à tous les deux qui gisaient sur la nappe blanche ;

- Pardonnez mon audace, mais je suis certain que vous allez adorer. Il s’agit de choux à la crème recouverts de chocolat chaud. C’est absolument divin. Et lorsque je dirais à ma sœur que son fils croule sous les compliments du grand Professeur Dumbledore, elle ne va plus tarir d’éloges sur lui ! Tout comme moi, elle a beaucoup d’admiration pour vous.

Et la crainte d’Albus paraissait inévitable. Sur la nappe immaculée, les doigts déjà trop proches vinrent, avec la délicatesse légère d’une brise d’été, se poser sur les siens. Lorsque l’étreinte doucereuse se resserra, et que le regard d’encre chercha à se noyer au creux du sien, Albus déroba ses prunelles de ciel d’été pour les fixer sur ses genoux, ses joues devenues écarlates cette-fois ci, tandis que tout son corps se roidissait sous la proximité qui lui donnait soudain de sourdes envies de fuite. La main était douce et chaude, la paume large et un peu forte. L’étreinte aurait pu être agréable, mais elle était trop aux antipodes de la fine main blanche aux doigts longs, la seule qui ait jamais pu le faire frissonner, la seule qui ait jamais pu compter finalement. Dans ces doigts qui s’unissaient, et qu’Albus ne voulait pas voir, il y’avait quelque chose qui ne tournait pas rond. L’étreinte vide de sens le ramenait à ce qu’il avait perdu, à ce qu’il ne retrouverait jamais, dans les bras de Gareth comme de personne d’autre. La caresse glaçante lui plongeait la tête la première dans les réminiscences de cette main qu’il avait pris au creux de la sienne, de ces deux qui s’étaient entrelacés pour ne faire plus qu’une âme et qu’un cœur, pour que la terre tourne rond et que la Lune accueille l’évidence de l’union de ceux qui n’avaient eu besoin d’aucun mot, d’aucun dîner et d’aucune convenance pour comprendre à quel point ils s’étaient aimés.

La pudibonderie farouche de celui qui ne se découvrait que trop soumis au seul et même homme fut sauvée par l’arrivée du serveur et des choux à la crème qui baignaient dans une sauce onctueuse au chocolat. Albus déroba ses doigts à l’étreinte, avec plus de précipitation qu’il ne l’aurait voulu peut-être. Car sa hâte ne dut pas échapper à Gareth, qui ne dit rien pourtant, et le succulent dessert fut dégusté en silence, la soirée s’achevant sur la note pathétique d’un Albus qui se découvrait incapable de la moindre tendresse envers quiconque d’autre que son bourreau, sacrifié de lui-même aux geôles infâmes d’Azkaban. Dans un souci de bienveillance et de délicatesse envers ce pauvre Gareth qui méritait plus, bien plus qu’une soirée en compagnie de vieil ermite solitaire incapable d’aimer qui que ce soit d’autre qu’un criminel aux mains rouges du sang de ses anciens élèves, Albus tâchait de mesurer sa hâte, tandis qu’il enfilait ses gants et son chapeau.

Dehors, le froid était mordant. La ruelle était sombre et déserte. Et cette accalmie trop intimiste, de nouveau, insuffla à son esprit pourtant téméraire de sourdes envies de fuites, réprimées avec la peine de celui qui se refuse à se conduire comme un mufle ou un adolescent apeuré, devant ce comparse respecté qui s’était montré d’une galanterie et d’une prévenance extrême. Albus tâchait de trouver une parade et, pour une des premières fois de son existence, il ne trouvait rien à dire. Et il n’eut guère le temps d’entrouvrir la bouche pour le remercier, que la main gantée de Gareth se saisissait de la sienne, et faisait un pas de plus pour lui faire face ;

- Merci infiniment pour votre charmante compagnie, Albus. J’ai passé une très agréable soirée.

Ils étaient trop proches. Protégé par l’obscurité, Gareth ne pouvait voir Albus rougir furieusement, et chercher des yeux la moindre échappatoire qui aurait pu s’offrir à ce qui aurait été un délicieux jeu de séduction pour un autre homme, mais qui apparaissait à l’irrémédiable malade d’amour, au cœur piétiné à jamais, comme un traquenard duquel il fallait s’extirper au plus vite. Il se laissa faire comme un automate, pantin chancelant sous cette situation qui le dépassait, quand Gareth porta les doigts gantés à ses lèvres et que, sous la pression de sa main, il le rapprochait un peu plus de lui, et que son autre main se posait délicatement sur sa taille.

C’est lorsque malgré l’obscurité, Albus pu percevoir les prunelles d’encre qui s’entrechoquaient aux siennes, lorsque les effluves délicats du parfum boisé de son comparse parvinrent jusqu’à lui, lorsque la barbe noire était si proche qu’il la sentit un instant frémir contre la sienne, qu’il comprit. Tout cela n’avait aucun sens. Il fallait arrêter, tout de suite, l’irrémédiable souillure faite à l’amour qu’il avait offert à Gellert, envers et contre toute l’opprobre qu’il lui avait jeté au visage en retour. Malgré la trahison, l’abandon, malgré l’aigreur du crachat qu’il avait jeté sur les cendres de leur passion consumée sur la tragédie des Dumbledore, la moindre offrande à un autre, de ce qu’il avait déjà donné corps et âme au bourreau de toute sa vie paraissait impossible. Albus recula doucement d’un pas ;

- Je suis navré Gareth, c’est impossible…Je dois y’aller, je suis désolé…

Et l’évidence qu’il avait toujours su lui apparut, implacable. Il avait eu beau s’aveugler à se croire capable de belles convenances ; pouvait-on seulement jouer la comédie d’un simulacre d’amour après avoir connu l’Evidence ? La piètre comédie de l’acteur médiocre touchait à sa fin. Le rideau tombait sur les facéties surjouées du clown mélancolique en mal d’un fragment de son âme, arraché par celui qui avait emporté sa lumière avec lui. Il fallait fuir. Et en réalité Gareth prouvait encore sa valeur et sa grandeur d’âme, parce qu’il ne se fâcha pas, ne chercha pas à retenir la taille qui s’échappait de ses doigts, et sa courtoisie dans le rejet de sa personne forçait le respect lorsqu’il s’efforça de rassurer son invité ;

- C’est à moi de m’excuser…Je me suis montré trop cavalier…Je ne voulais pas vous brusquer ou vous offenser…Pardonnez-moi Albus.

Albus secoua la tête. Ce n’était rien. Ce n’était pas lui. Ce pauvre Gareth s’était comporté comme un véritable gentleman, et n’importe quel autre homme que le mélancolique et brisé Dumbledore lui serait tombé dans les bras après une si galante cour. Mais l’étau de Gellert Grindelwald lui avait emprisonné le cœur bien trop fort, et ses lèvres avaient distillé le parfum de son âme au creux de ses veines, poison insidieux, indélébile, courbant à jamais l’échine du grand Albus Dumbledore à ses pieds, le privant pour toujours d’une autre lumière que la sienne, qu’il lui avait arrachée sans scrupules. Et ce n’était guère le froid mordant qui faisait frissonner le brillant membre du Magenmagot, une larme menaçant de noyer un de ses yeux, devant l’implacable prison au creux de laquelle Gellert Grindelwald l’avait soumis et emprisonné. Il fallait partir ;

- Vous n’avez rien à vous reprocher…Vous avez été parfait. C’est moi, je suis désolé. Oublions cela, voulez-vous ? J’ai passé une excellente soirée, je vous l’assure…Nous nous reverrons lundi à la prochaine séance du Magenmagot. Tâchez de ne pas trop m’en vouloir, je vous en prie…

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Un bruissement de cape, à peine un chuintement dans l’ombre. Le grand Albus Dumbledore, les larmes noyant ses yeux, était rentré chez lui. Assis en tailleur au pied de l’immense et fascinant miroir, les larmes silencieuses continuaient de dévaler ses grands yeux de ciel d’été, écarquillés sur le reflet de son bourreau qui le fixait, un air d’arrogance triomphale, goguenarde presque, sur le visage devenu blanc de ses crimes et ses exactions qui avaient fait trembler l’Europe. Du haut de sa victoire, du fin fond de sa cellule, Gellert le regardait avoir perdu. L’auguste mage noir toisant le vaincu, terrassé par la seule force de ses lèvres et de ses bras, il y’avait de cela si longtemps. Son regard polaire écrasait, de son mépris triomphal, le perdant à genoux, et son sourire semblait railler les pleurs silencieux du plus grand sorcier du monde asservi au reflet d’un criminel engeôlé qui ne pouvait plus faire de mal à personne. Sauf à lui, son premier et plus grand martyr, dépouillé de sa fierté et la grandeur qu’il inspirait au monde sorcier, mis à nu, vulnérable, devant le seul homme qu’il fut désormais capable d’aimer.

- Oh Gellert…

Encore. Après tout ce temps. A jamais voué à rester l’adolescent transi abandonné au sourire de celui qui était devenu le meurtrier le plus terrifiant de toute son ère. A jamais voué à demeurer l’ermite malheureux et déjà mort qui pleurait le reflet d’un homme qui n’existait même plus. Sans honte ni pudeur aucune, Albus lui offrait le fiasco de sa déconfiture à genoux, le laissait rire de ses pathétiques efforts au creux desquels il se débattait pour se débarrasser en vain de son joug. Mais plus maintenant. La lutte était terminée. Le grand Albus Dumbledore n’appartiendrait jamais qu’à un seul homme. Fut-il le sombre manipulateur qui avait extorqué dans le Pacte de Sang la promesse de n’avoir jamais à affronter son unique potentiel rival ; fut-il le sombre amant qui avait foulé aux pieds le cœur que l’adolescent lui avait remis entre les bras comme une relique sacrée ; fut-il celui qui crachait l’aigreur de son rire à la face décomposée ; fut-il celui qui se vantait aujourd’hui d’avoir la peau de celui qui l’aimerait toujours plus que n’importe qui. Rien, jamais, ne pourrait brûler les racines de ce que le jeune prince arrogant avec semé cet été-là, au creux du terreau fertile qu’avait été le cœur d’Albus. Les doigts tremblants de sa main droite, ces doigts qui s’étaient fourvoyés à l’hérésie d’un autre, se posèrent dans un geste vaincu et résigné sur la glace. Et lorsque le reflet des doigts trop blancs vinrent s’apposer aux siens, dans la doucereuse et terrible chimère dont il s’imposait la douleur, Albus Dumbledore leva un instant ses yeux écarquillés, et pleura de plus belle, sur l’illusion d’un amour perdu qui n’existait plus qu’au fond de ses souvenirs.

©️ plumyts 2016
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Albus Dumbledore
Albus Dumbledore
Âge : 61 ans.
Sang : Sang-Mêlé.
Nationalité : Anglaise.
Patronus : Un Phénix.
Épouvantard : Le cadavre de sa sœur et, depuis peu, la silhouette de Gellert Grindelwald qui s'éloigne de lui inexorablement, et ce malgré sa main tendue vers lui.
Reflet du Riséd : Gellert Grindelwald à ses côtés.
Avatar : Jude Law.
Messages : 215
Double-Compte : Belladone le Fragile, Desiderata la Peste, Aurora la Simplette, Minerva la Sévère, Solveig la Dure à Cuire.
Date d'inscription : 14/02/2019

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MessageSujet: Re: Pensine d'Albus Dumbledore  Pensine d'Albus Dumbledore Icon_minitimeVen 3 Déc - 22:32



Pensine d’Albus Dumbledore

« Souvenir 4 »

Printemps 1941

Albus opposa un charmant sourire à la sentence du calvaire qu’on lui infligeait. Azkaban. Leur dédain de sa personne n’avait donc aucune limite. Car tous savaient que le patriarche des Dumbledore était mort là-bas, enterré sous un quelconque monticule de terre délaissé, abandonné à l’anonymat des créatures mortes déjà à leur arrivée. Tous savaient sa répulsion légendaire des Détraqueurs, sa haine viscérale à l’encontre de la torture psychologique de laquelle on les laissait se repaître. Tous l’avaient entendu déclamer ses plus brillants plaidoyers pour la cessation de ces pratiques atroces. Et tous, enfin, semblaient prendre un plaisir évident à contrarier le grand Albus Dumbledore dans l’un de ses plus douloureux échecs, et à lui jeter à sa face taquine et bienveillante leur victoire nauséabonde, acclamer sans vergogne leur triomphe de la barbarie, dans l’utilisation de pauvres diables engeôlés comme chair fraîche à monstres avides d’espoir.

Pourquoi ? Oh, Albus démêlait aisément quelques fils de l’écheveau de mesquins et de jaloux qui se targuaient de lui faire payer sa supériorité naturelle sur eux. Triomphe pathétique d’une médiocrité aigrie, qui, pour la majorité, ne voyait là que l’assouvissement de leur curiosité sadique, en confrontant le plus grand sorcier de sa génération à l’ignominie de leurs gardiens de prison. Certains plus ambitieux avaient peut-être l’audace de croire en sa démission de son tout nouveau poste de Président du Magenmagot. D’autres avaient prêté l’oreille aux commérages qui vagabondaient sur une très ancienne amitié avec le plus sombre criminel de son époque. Et leur ignorance crasse de l’indéfectible lien que lui et Gellert Grindelwald avaient tissé ensemble aurait presque pu le faire sourire, si le glas du calvaire qui s’annonçait ne pesait pas sur son âme comme un sombre ciel d’orage, prêt à crever et à déferler l’écume de ces ans gaspillés sur la pauvre plaine fertile de son cœur usé.

Ah, ils voulaient faire du mal, et sans doute n’auront-ils jamais la joie cruelle de savoir à quel point ils avaient visé juste ! Le grand Albus Dumbledore, derrière l’éclat taquin qui s’entrechoquait à ses lunettes en demi-lune, tremblait de la peur terrible d’avoir mal. Malgré les avanies, malgré les injures et les crachats du mage noir à l’humble offrande de son amour jeté à plein bras, Albus ne voulait pas contempler le terrible spectacle de sa décrépitude. Gellert Grindelwald avait eu beau être le cauchemar incarné des hantises de toute une génération sorcière, aucun de ses crimes ne saurait faire oublier au grand Albus Dumbledore l’adolescent rieur qui le saisissait entre ses bras minces pour déposer un baiser sur les lèvres alanguies par la soif qu’il avait eu de lui. Les atrocités commises par ces mêmes mains qui avaient recueilli leurs amours avaient beau être aux antipodes du sage et humaniste Dumbledore, Grindelwald n’en restait pas moins un fragment même de son être, arraché par la force, sacrifice infligé au jeune garçon désormais privé de la seule lumière dont il eut jamais besoin pour puiser la force de vivre. Ses crimes étaient un peu les siens, par conséquent sa douleur aussi. Il ne voulait pas voir la déchéance de l’homme de sa vie, parce qu’il tomberait lui aussi.

Et pourtant l’indicible froid le saisissait à la gorge ce matin-là. Albus avait resserré son écharpe sur son cou dans un geste vain. Certes, la pleine mer qui s’abattait avec une rage folle contre les falaises de l’ilot cinglait de son écume saline les joues rosies du Président du Magenmagot et de la petite assemblée. Certes, le déferlement du vent sur la plaine minuscule gelait les doigts, malgré l’imminence du printemps. Mais le froid venait d’ailleurs. Irréel, il glaçait les os et les âmes, et Albus n’eut qu’une œillade noire pour les gardiens flottants et encapuchonnés qui s’amoncelaient sur leur sillage. La visite funeste, pathétique de crétins endimanchés venus toiser les pauvres diables soumis à la camisole de leur propre folie, commençait avec la confrontation à une grande porte de fer, affreuse, sinistre, que bordait sur la droite un champ minuscule, stérile, sur lequel ne semblait pousser que quelques petites stèles dépouillées et laissées à l’abandon. En franchissant le seuil de l’inhumaine geôle à sorciers, le cœur d’Albus se serra un peu plus, à tenter de s’imaginer lequel de ces monticules infertiles recouvrait les ossements paternels, à s’essayer de se figurer combien de semaines ou de mois de solitude extrême, de dénuement et de souffrance il avait eu à endurer, avant de subir le trépas d’une fin abandonnée de tous.

Les cellules se succédaient au fil de leurs pas, qui martelaient l’asphalte maudite du glas de leurs souliers pompeux et cirés avec soin. Les cris mugissant d’âmes au supplice se mêlaient au hurlement du vent qui s’engouffrait dans les interstices des cellules. Les pleurs résonnaient comme un écho contre les murs de pierre froide, et certains, la tête au creux de leurs paumes décharnées, suppliaient le retour de l’étreinte maternelle, qu’importait leur âge, cauchemardant en plein jour, sans plus aucune notion du temps ni de l’espace, perdus et engeôlés dans la folie de leurs propres remords qui leurs dévoraient l’âme. Ce n’était qu’un défilé d’ombres, une pâle copie d’êtres humains déjà morts, vidés de leur essence et de toute cette force de vivre dont s’insufflaient les monstres en capuchon, pour ne plus leur laisser que cette subsistance ténue et vide d’espoir qui ne pouvait plus les faire aspirer qu’à la tombe.

« Ah, le voilà ! »

Le ton, qui s’était voulu triomphal, avait perdu de sa superbe. Celui qui avait voulu la douleur du grand Albus Dumbledore récoltait de plein fouet le revers de sa cruelle médaille. Le sadisme d’un sourire victorieux tremblait, pâle et incertain, sur son visage livide. Ils s’étaient arrêtés. Et là, devant la cellule aux barreaux glacés, le silence s’était fait. Pas un cri ne s’échappait de la geôle à laquelle les bureaucrates faisaient face. Albus redressa ses lunettes en demi-lune sur son nez aquilin, brisé par son frère, il y’avait de cela si longtemps, s’accordant une seconde avant d’affronter la scène qu’on lui infligeait par la force. Personne ne pouvait rien deviner de l’émoi d’Albus Dumbledore. S’il ne souriait plus, sa barbe ne frissonnait pas. Et si l’éclat taquin dans ces prunelles de ciel d’été semblait s’être ternie, on ne pouvait rien y lire d’autre qu’une détermination et un courage qui, à seuls, l’empêchaient de tomber à genoux.

Parce que soudain, le visage déformé par la rage d’Abelforth était beaucoup trop clair à son esprit, accoutumé aux contours flous d’un souvenir étiolé par la douceur du temps. Parce que soudain, le bois immaculé du petit cercueil d’Ariana l’éblouissait de sa laide lueur. Il aurait presque juré qu’il la voyait là, la cascade de boucles blondes comme un champ de blé au soleil, s’étaler en corolle autour de la silhouette informe, gisant comme une poupée de chiffon à ses pieds. Se la figurer ici, l’innocente pureté de sa petite sœur, au creux de l’horreur, des cris et des larmes de l’atroce prison, faillit une seconde lui faire perdre la tête. Tout n’était-il pas sa faute ? Ils pouvaient bien chanter ses louanges à corps et à cri, tous ces fidèles qui lui avaient forgé ce piédestal sur lequel il avait cru à sa bienveillante suprématie. Il avait été un assassin bien avant Gellert, fratricide, jeune coq stupide trop amoureux, trop fort et trop négligent, et s’était abreuvé à la source de ses adorateurs qui avaient cru voir en lui l’âme bonne et merveilleuse qui répandait sa sagesse comme une parole divine. Ariana. Pauvre martyre esseulée, sacrifiée sur l’autel de son amour pour Gellert. Pauvre père, immolé derrière l’atrocité de ses murs, pour le seul crime d’avoir protégé sa famille de la peur et de la haine des autres, arraché à lui alors qu’il n’était qu’un garçonnet déjà trop intelligent, qui avait compris qu’il ne le reverrait pas. Pauvre mère, tombée au rude combat de l’éducation d’une enfant traumatisée, qui avait porté toute sa jeune vie les stigmates de l’effroi de la différence. Pauvre Abelforth à la vie malheureuse, ruinée, par sa faute, sa faute à lui seul, à ses rêves de grandeurs et à ses amours, à son indifférence négligée pour ce rôle de patriarche dont il n’avait pas voulu.

Pauvre de lui. Alors, au comble de l’horreur, comme pour achever au plus vite l’épouvantable calvaire que ses adversaires lui avaient infligé, il leva les yeux. D’abord, il ne vit rien. Rien d’autre que l’obscurité d’une cellule plongée dans un crépuscule sans fin. Albus vit la faible lueur pointer de sa baguette, sans s’être souvenu avoir voulu lancer le sortilège. D’abord, l’ombre informe d’une paillasse crasseuse, élimée jusqu’à la corde, jonchant un sol nu de tout autre mobilier que celui là. D’abord, il ne le reconnut pas. En réalité, il ne reconnut pas forme humaine à l’amas tapi au fond de la cellule. L’uniforme à rayures semblait pendre sur des membres dont il ne parvenait pas à distinguer les contours. Autour des genoux décharnés, l’étreinte de ce qu’il ne pouvait pas croire être les mains et les bras de celui qui avait été son tendre amant, avant, bien avant d’avoir terrorisé le monde et la foule qui toisait sa déchéance comme celle d’un animal sauvage enfin mis en cage. La blancheur des mains semblait irréelle, translucide presque, et, dans l’horreur de sa maigreur immobile, un instant, Albus le crut mort. Rien pourtant, pas même l’imminence du trépas de l’unique amour de son existence, ne parvenait à l’arracher à la contemplation horrifiée du seul homme que son cœur meurtri ait jamais été capable d’aimer. Inexorables, ses prunelles de ciel été, désormais vidées de cette flamme allègre, malicieuse, qui y vacillait en permanence, poursuivait son chemin douloureux, de la longueur des ongles acérés et noirâtres qui exacerbait la maigreur famélique des mains qu’il avait trouvé si belles, autrefois, à ce visage de prince arrogant dont il avait imploré le retour à la Lune des nuits entières.


Un rideau de cheveux emmêlés, d'une blondeur sale, encadrait des joues qui n'en étaient plus, sinon l'ossature de pommettes cadavériques, sur lesquelles s'étiraient une peau mince, grisâtre, qui tombait en décrépitude. La chevelure informe tombait sur les épaules décharnées, que l'on découvrait à travers le coton grossier et trop mince de l'uniforme. Il entendit vaguement un de ses piètres compagnon le héler d'un "Grindelwald !" pathétique, qu'il avait voulu autoritaire. Mais tous, bien plus qu'Albus, accusaient le joug des Détraqueurs, et tous commençaient à pâlir sous l'infâme imbroglio d'un lieu hanté par les espoirs arrachés, les cris de ceux qui se battaient encore et le silence de celui qui avait fait s'acclamer et trembler les foules, spectateurs fascinés par une légende qui s'écroulait, le découvrant humain, diminué et à l'agonie, à l'article d'une mort certaine qu'ils avaient tous réclamé à corps et à cris.

Albus n'aura personne à qui avouer il avait aimé l'arrogance princière de Gellert. Sa manie de balayer le monde d'un revers de main, ces sourires narquois lorsqu'Albus se targuait d'être plus sage que lui, ces yeux qui plongeaient sans ciller au creux des siens lorsqu'il le sentait rosir ou s'effaroucher. Là, il ne s'agissait pas de cela. Gellert plantait dans le vide l'hétérochromie d'un regard qui ne voyait plus, semblait n'entendre rien ni personne, fermé au monde, à l'horreur et au désespoir qui ne l'avait pas complètement dévoré, pas encore, pas tout à fait. Ce regard, Albus l'aurait reconnu en tous temps et en tous lieux, malgré qu'il fut brisé, malgré qu'il fut à une seconde de s'éteindre, malgré qu'il semblait, pour la première fois de son existence, avoir abandonné tout à fait. Et la clarté grisâtre de sa barbe, géméllaire de sa chevelure qui n'était plus que l'ombre des boucles dorées qui avait dansé au creux de son cou grâcile, ne suffisait pas à dissimuler le vide étrange dans le creux de ses joues, y devinait les dents tombées sous les sévices du froid, de la faim, et de l'horreur d'une longévité exceptionnelle dont Gellert Grindelwald avait peut-être battu le record.

Albus Dumbledore tenait encore debout parce qu'il était lui. Immense sorcier à l'immense coeur, à l'inébranlable courage et à l'infaillible loyauté. N'avait-il pas scellé dans le pacte de sang cet été là la promesse de n'être toujours qu'à lui ? N'avait-il pas réitéré ce serment trente ans plus tard, après s'être fourvoyé à l'hérésie de la compagnie d'un autre, devant la douce folie du reflet de celui qui lui hantait le coeur et l'âme, encore, toujours, malgré le temps, les épreuves, et le paradoxe de ces chemins qui les avaient façonnés ennemis, par la force des choses ? Non, si il était debout, c'est parce qu'elle était à genoux, cette partie de son âme qui lui avait été arrachée, et que si il lui fallait une raison de demeurer le vénérable et respecté Albus Dumbledore que rien ne semblait atteindre, l'agonie de l'homme de sa vie n'était-elle pas la raison la plus instinctive, la plus naturelle chez cet homme qui avait vanté et déploré la gloire et la puissance mésestimés de l'amour, qui pourtant avait été à l'origine de son destin brisé. Mais qu'importait le gâchis, qu'importaient les ans gaspillés, les espoirs avortés et les vies brisées. Sa raison de vivre se mourrait. Qu'importait la sagesse ? Qu'importaient les larmes et son coeur piétiné par l'audacieux prince rebelle qui s'était joué de lui ? Il le sauverait, encore, toujours, de ce destin dans les griffes duquel il s'était empêtré tout seul, parce qu'il n'avait pas écouté, parce qu'Albus était définitivement le plus sage des deux, parce qu'il n'en avait fait qu'à sa tête et parce qu'il avait perdu.

"Gellert ?" Pour la pathétique petite assemblée pâlichonne et frémissante, il ne se passait rien. La Légilimancie d'Albus n'avait trouvé d'égal dans le monde sorcier que l'Occlumancie de Gellert. Sans doute la puissance exacerbée de ce don, chez le formidable mage noir Autrichien, était pour beaucoup dans son exceptionnelle longévité dans les méandres infernaux de cette prison du désespoir. Albus n'avait pas chercher à pénétrer son esprit par la force. Non, c'était un poing qui martelait timidement une porte close pour demander l'autorisation d'entrer, le balbutiement timide de celui qui a peur d'effaroucher une bête traquée, une main tendue avec délicatesse vers le premier accès de tendresse qu'on lui offrait en quinze années d'horreur, et auquel il ne devait plus croire. "Gellert, c'est moi..."Rien. Toujours rien. Les infranchissables murailles de Gellert, à force d'avoir été dressées, semblaient s'être retournées contre lui. Son esprit enferré dans la forteresse inexpugnable bâtie pour échapper à la folie, et dans laquelle il s'enlisait, qui devenait son tombeau, qui lui dévorait le peu d'âme et de coeur que lui avaient encore laissé la voracité des monstres gardiens d'Azkaban.

Le plus grand des calvaires, le plus grand des combats d'Albus Dumbledore dans la contemplation de l'agonie du trop fier amour de sa vie, luttant pour ne pas céder aux affres du désespoir, dont les bras de cendres se refermaient autour de lui, au creux de cette île infâme, gorgée de magie cruelle qui les contraignaient à se réiterer, inlassables, les plus affreuses épreuves de leurs vies. Lutter pour appeler vainement cette âme soeur brisée qui le regardait sans le voir, contempler le vide au creux de ses prunelles qu'il avait étinceler du feu ardent de la rage de vivre, de la soif de justice et de l'exaltation mutuelle qu'avait insufflé en eux leurs rêves de grandeurs. "Gellert, regarde moi..." Rien. Rien d'autre que le vide abyssal qui lui crevait le coeur. Comme un trou béant au creux de cette âme qu'il avait connu  survoltée et trop vivante, et qu'Albus supportait si mal de voir agoniser, qu'il lui semblait que l'offense avait été faite à sa propre chair, que l'opprobre rejaillissait sur lui, comme une souillure que l'on avait jeté au reflet de son âme, esprit géméllaire au sien que l'on ne pouvait attaquer sans le blesser lui aussi. Le solaire Albus Dumbledore lui insuffla alors la seule lueur d'espoir dont était capable sa formidable magie ici. Et cette fois-ci la puissance de sa Légilimancie se fit un peu plus intrusive, et c'est l'écho de ce qui sans doute était demeuré son plus beau souvenir, qu'il avait choisi et qui l'accompagnait depuis des années dans la création de ses Patronus, qu'il tenta de distiller à l'esprit de Gellert comme une offrande humble, sacrée, donnée à pleines mains au mourant qui s'égarait dans les méandres de sa propre folie. C'était une après-midi de juillet, les cieux d'azur étaient éclatants et le soleil radieux. Là, sous l'ombre de l'immense châtaignier qui abritait leurs pérégrinations ensoleillées, Albus se souvenait avoir ri. Il se souvenait de la gravité profonde du regard de Gellert, qui l'avait fait taire et rosir, tandis qu'un bras avait glissé autour de sa taille, et que ses lèvres s'étaient rapprochées avec une telle lenteur qu'il s'était souvenu de la lueur du soleil qui s'était infiltrée au creux des cils blonds. Et quand enfin l'étreinte de leur premier baiser s'était brisée, c'est lui avait dû récupérer dans la sienne la main tremblotante d'un Gellert farouche qui lui tournait déjà le dos, comme par peur du rejet. Albus avait enfoui son visage écarlate au creux de son cou, avait posé ses lèvres sur les boucles blondes, et Gellert avait recueilli au creux de ses bras celui qui deviendrait son amant maudit et le tout premier de sa longue liste de martyrs.

Rien. Gellert ne semblait toujours rien voir. L'impuissance, chez un sorcier à qui rien n'avait été impossible, mêlé au désespoir que lui insufflaient la monstruosité des Détraqueurs, finirait par avoir raison de lui. Albus ne pouvait rien pour lui. Pas ici, pas maintenant. Les larmes menaçaient de noyer ses grandes prunelles de ciel d'été. Surtout pas. Albus eut un sursaut de cette combativité de Gryffondor dont il avait été un des plus brillants élèves. D'un geste presque obsessionnel, sa main ne tremblait pas lorsqu'il redressa ses lunettes en demi-lune sur son nez aquilin, et son regard avait presque recouvré sa lueur taquine lorsqu'il se posa sur son plus virulent collègue, qui avait hâte de voir la décrépitude de Gellert et autres bandits dont le sort funeste avait semblé le ravir. Livide et en sueur, il paraissait ne tenir qu'avec peine sur ses deux jambes, et, s'il y'avait peut-être un peu de la bienveillance dont Albus ne se déparaît jamais, elle était teintée d'une vengeance douceâtre, railleuse, aiguisée d'une pointe de condescendance lorsqu'il lui proposa :

- Nous devrions y'aller. Nous en avons assez vu et vous avez l'air bien mal en point.

Il lui offrit même un semblant de sourire curieux et poli, comme s'il attendait son approbation. Comme si il le raillait d'avoir cru ainsi regarder de haut le sorcier qu'il était. Nul ne saurait à quel point cette visite forcée aura été un supplice, à quel point il avait le coeur en larmes, à quel point il aurait eu moins mal, peut-être, à se trouver à la place de celui qui se mourrait seul, quand son coeur n'avait fait que lui appartenir, durant tout ce temps. "Je reviendrai, je te le promets." Albus tourna les talons. Il tiendrait parole. Si il ne devait plus avoir qu'un seul but dans la vie, s'il ne devait plus accomplir qu'un seul et unique dessein, il y insufflerait toute sa force, de son amour, de sa magie et de son intelligence, pour extirper des griffes des créatures honnies l'homme qui s'était joué de lui, l'avait trompé et piétiné le coeur, massacré ses élèves et réclamé sa mort à corps et à cris. Cela se passait de raison ou de sagesse. Envers et contre tous, il le sauverait.

©️ plumyts 2016
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Albus Dumbledore
Albus Dumbledore
Âge : 61 ans.
Sang : Sang-Mêlé.
Nationalité : Anglaise.
Patronus : Un Phénix.
Épouvantard : Le cadavre de sa sœur et, depuis peu, la silhouette de Gellert Grindelwald qui s'éloigne de lui inexorablement, et ce malgré sa main tendue vers lui.
Reflet du Riséd : Gellert Grindelwald à ses côtés.
Avatar : Jude Law.
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Double-Compte : Belladone le Fragile, Desiderata la Peste, Aurora la Simplette, Minerva la Sévère, Solveig la Dure à Cuire.
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MessageSujet: Re: Pensine d'Albus Dumbledore  Pensine d'Albus Dumbledore Icon_minitimeLun 13 Juin - 22:33



Pensine d’Albus Dumbledore

« Souvenir 5 »

Automne 1890

La chouette effraie émit un hululement sinistre en s’engouffrant par la fenêtre entrebâillée. Ses grandes ailes battirent pour se poser avec délicatesse sur la table du salon, où trônait la tourte aux rognons fraîchement sortie du four pour le dîner. Le réconfort de ses tièdes effluves semblaient vouloir lutter avec la fraîcheur automnale qu’avait insufflé l’oiseau de mauvais augure par sa brutale irruption.  Il avait dardé ses grands yeux de jais sur le plus grand des garçonnets, occupé à changer de menus aspects de l’apparence d’un dragon en peluche vert et jaune qui appartenait à sa jeune sœur. Le petit Albus, en levant sur le rapace ses grands yeux bleus écarquillés, vit s’éteindre la lumière du sourire ravi qu’il avait eu, en étant parvenu à changer les deux boutons noirs cousus à la place des yeux en prunelles véritables, brillant de la flamme cramoisie que la créature véritable était capable d’éructer. L’enveloppe jaunâtre, cachetée d’un sceau écarlate, gisait au creux du bec comme la menace latente que toute la famille attendait plus ou moins consciemment. Occupé à faire léviter au ras du sol les balais d’un jeu de Quidditch miniature en bois, Abelforth avait jeté un regard suspicieux au volatile, un regard presque gémellaire de celui de son aîné, mais que la méfiance et la défiance durcissait déjà. Au creux d’un fauteuil au coin du feu, près de son père, la petite Ariana avait serré sa poupée de chiffon contre elle, ses yeux bleus pâles comme un froid matin d’hiver tressaillant d’une panique qui la laissait prostrée et craintive, tant et si bien que ses boucles blondes se mêlaient à la soie noire de la chevelure de la poupée, son visage cherchant à s’y enfouir jusqu’à s’y dissimuler.

La haute stature de la matriarche s’était plantée, immobile, inflexible, affrontant le couperet qu’elle n’avait que trop attendu avec cette horreur mêlée du soulagement que c’en était enfin fini des tortures de l’incertitude. Les pans de sa longue jupe couleur de feuille d’automne bruissèrent autour de ses chevilles lorsqu’elle déposa avec des gestes d’une fermeté prudente la soupière fumante qu’elle tenait au creux de ses mains qui ne vacillaient pas. Un tablier blanc, usé mais propre, ceignait la taille mince de la matrone qui ne trahissait aucune signe d’émotion. A la meilleure place au coin du feu, une paire de lunettes en demi-lune chaussées sur un nez aquilin, Perceval s’était figé sur les pages du livre ouvert qu’il ne lisait plus. Une âcre exhalaison de tabac s’évapora lorsqu’il tira une bouffée sur sa pipe, mais c’est une ferme lueur de résignation qui étincelait au fond de ses yeux d’azur d’ordinaire malicieux, qu’il avait légués à ses deux fils. L’ouvrage fut refermé d’un coup plus sec qu’il ne l’aurait voulu, tandis qu’il se tournait vers le charmant tableau de la petite famille qu’il avait érigé, dont il avait été si fier, et qu’il sentait à deux doigts de perdre ;

- Eh bien, nous mangeons ?

Cette simple question, formulée d’un ton paisible, sembla extirper la maîtresse de sa maison de sa torpeur immobile, et déjà elle était revenue de la cuisine, une grosse miche de pain et une motte de beurre dans les bras ;

- Oui. Les garçons, à table. Abelforth, range tes jouets avant que quelqu’un ne trébuche dessus.

L’autoritarisme maternel avait repris ses droits dans la formalité du ton qui n’admettait aucune réplique. Albus se leva, docile, le regard toujours rivé sur l’oiseau. Personne ne s’était donné la peine de décacheter et d’ouvrir la lettre qu’il avait laissé choir sur la table. Tout le monde ne savait que trop quel funeste message elle revêtait. Même Abelforth, malgré sa mine bougonne, ne jugea pas opportun de discuter les ordres, et empila en vrac les petits jouets de bois au creux du placard près de la bibliothèque. Perceval s’était levé, et avait pris en silence la main d’Ariana qui le suivait sans mot dire, enfermée dans son mutisme effrayé.

Tous s’installèrent dans un silence de mort, Ariana sursautant lorsque l’oiseau prit congé dans grand bruissement d’ailes, que Kendra remplissait les assiettes creuses d’une soupe à l’oignon fumante et que Perceval découpait, impassible, des tranches de pain qu’il distribuait à son épouse et à ses enfants. Albus s'était saisi du petit couteau au manche de bois sculpté par son père pour ses huit ans, et n'avait pas même eu besoin de tendre le bras pour que la motte de beure glisse doucement vers lui. Avec une minutie gourmande, le garçonnet, qui, comme sa fratrie, sentait sans la comprendre l'ambiance peser au sein de leur douillette intimité, étala une couche épaisse de beurre sur la large tartine, qu'il donna à Abelforth, qui accepta d'un geste bougon en y mordant à pleines dents, tandis qu'il répétait l'opération pour lui-même. Kendra s'occupait d'Ariana elle-même, avec des soins que l'on accordait aux enfants en très bas-âge, sous le regard d'Albus et d'Abelforth qui n'avaient posé aucune question sur la régression soudaine de leur benjamine, sur son mutisme forcené et son regard écarquillé sur une terreur connue d'elle seule. Ils présumaient seulement d'une tragédie qu'ils ne comprenaient pas, dont le mystère expliquait la soudaine horreur qui planait sur la petite famille, et dont la vague conscience encore ne suffisait pas à leur faire perdre l'appétit.

- Qu'est qu'il y'a en dessert ? Bougonna Abelforth d'un air de défi, touillant sa soupe de sa cuillère d'un air désinvolte, tandis que Kendra servait d'un air grave son époux en bière. De son côté, Albus se délectait de la fameuse soupe, épaisse, brunâtre et onctueuse, qui, peut-être, était le plat le mieux réussi de la cuisinière émérite qu'était sa mère, qui lança un regard autoritaire au cadet ; - J'ai fait mon gâteau au citron, celui qu'Albus aime. La petite mine du garçonnet se plissa d'un air rageur, comme sa mère le présageait sans doute, révélant déjà du haut de ses sept ans un caractère explosif, assombri par une tendance à la colère et à la jalousie ; - Pourquoi c'est toujours pour Albus ? La cuillère tinta avec fracas lorsqu'il la posa trop brusquement sur l'assiette dans un geste de rage, qui fit s'écarquiller les yeux terrifiés d'Ariana et étinceler des éclairs de colère au fond de ceux de son père qui le fusilla du regard ;
- Cesse de dire des sottises et mange ton assiette. Tu n'auras aucun dessert de toute façon, si tu ne finis pas ta soupe. Et les bras que le petit garçon avait croisé sur sa poitrine se délièrent, et il récupéra sa cuillère par la seule force de l'autorité paternelle, mangeant d'un air boudeur, s'enfermant dans un mutisme obstiné. Albus se pencha une seconde, chuchota avec un petit sourire fraternel ; - Ne fais pas la tête, nous demanderons à Maman de faire tes sablés préférés au miel et à la cannelle demain. Mais la mauvaise humeur d'Abelforth était tenace, et c'est un regard plein de hargne qu'il darda sur la bienveillance de son aîné ; - Laisse moi toi ! Le cadet avait de nouveau laissé choir la cuillère dans un tonitruant fracas, qui se mêla au grincement de la chaise de Perceval qui se levait avec précipitation.

La correction qu'il réservait à Abelforth lui fut épargnée de justesse par des coups brefs et sourds assenés à la porte. Toute la petite assemblée, qui semblait s'y attendre sans vraiment y croire, se figea. Albus avait complètement délaissé son assiette et sa tartine, les yeux écarquillés sur la porte, animé par les prémisses de cette bravoure et de cette insatiable curiosité qui contribueraient à sa renommée, bien plus tard. Et tous semblaient avoir subi le même sortilège de Stupéfixion, les rendant gourds, amorphes, insufflant à la scène une aura pathétique et aux protagonistes un air de stupidité commune. Et tandis que Perceval s'extirpait le premier de leur torpeur imbécile, la porte s'ouvrit à la volée, et deux mages en robe apparurent à l'encadrure de la porte. Leur baguette, pointée devant eux, aiguisait la menace latente qui assombrissait leur visage déterminés, comme prêts à l'attaque. Kendra s'était levée, et Ariana s'était recroquevillée derrière elle, tandis que les deux représentants du Ministère, une femme petite et sèche et un homme trapu, aussi large que haut, s'approchèrent du patriarche d'un air de méfiance vindicative ;

- Perceval Dumbledore ?

C'était la petite femme sèche qui avait parlé. Albus la dévisageait avec une curiosité qui dissimulait mal la tragédie que son instinct lui soufflait au creux du cœur. Elle paraissait sans âge, malgré que sous son chapeau brillait quelques mèches striées d'argent, trahies par la noirceur de jais du reste de sa chevelure. Une broche en forme de phénix nouait les pans de sa cape, et, comme pour échapper à l'horreur de la situation, le garçonnet la contemplait avec une fascination étrange, irréelle, comme si l'admiration du splendide animal en argent lui permettrait de s'évader de la déchéance de son père qui se jouait sous ses yeux d'enfant. Il suffisait seulement de le regarder un peu plus, alors il se transformerait en phénix véritable, immense, et peut-être partirait-il avec lui, loin de son père qui opinait de la tête d'un air sombre, loin de sa mère qui avait crispé ses doigts sur les plis de sa jupe dans une douleur digne et immuable, loin d'Ariana qui pleurait de terreur désormais, loin d'Abelforth au caractère trop bien trempé qui réclamait déjà aux malotrus ce qu'ils voulaient à son père. Ils ne prêtèrent guère attention au petit insolent, et la femme revêche fusilla Albus du regard, qui, pourtant, ne baissa pas son regard de sa contemplation mystérieuse, tandis que la voix de l'homme, cette fois-ci, s'élevait ;

- Avez-vous reçu le hibou du Ministère qui vous informe de votre comparution immédiate ? Une fois de plus, Perceval hocha gravement la tête. Il n'avait rien l'intention de nier, et assumait les conséquences qui incombaient au chef d'une famille, lorsque l'on infligeait du mal à celle-ci. Il aurait fallu du regret, pour que s'étiole la résignation de Perceval. Or, il n'en avait aucun. Enfant ou adulte, Moldu ou sorcier, il recommencerait dix fois, mille fois, le crime pour lequel on venait l'arrêter ce soir ; - Je l'ai reçue. L'homme lui lança un regard insondable, qui sans doute s'était vainement voulu menaçant, parce qu'il feignait l'indifférence et le formalisme lorsqu'il reprit la parole ; - Vous allez devoir nous suivre, et vous serez conduit à Azkaban après votre jugement. Pour rappel, vous êtes accusé d'utilisation de la magie à l'encontre de... Tout le monde n'avait pas ce don inné pour l'autorité naturelle. Perceval, contrairement à cet Auror trapu, en était pétri. Il avait simplement levé la main, et l'autre s'était tû, malgré toute la fermeté qu'il avait voulu insuffler au creux de sa petite tirade bien huilée ; - Je reconnais les faits et je vais vous suivre. Il est simplement inutile de les énoncer devant mes enfants. Accordez moi quelques instants pour leur dire au revoir, et je vous suis. La question était purement rhétorique. Perceval s'était déjà retourné, cherchant son aîné du regard ; - Albus, mon garçon, viens par ici...Le garçonnet mis quelques secondes à s'arracher de sa contemplation et à reprendre pied avec la réalité. Pourtant, lorsque les quelques pas qui le séparaient de son père furent franchi, il leva son visage vers lui et planta ses grands yeux écarquillés dans les siens, sans vaciller ou faillir. La main large se posa sur son épaule, avec cette force immense de père qui fait office de roc et de déité vivante, qui menaçait de l'hérésie de s'écrouler. Albus sentit son épaule trembler et faillir, mais la seule force de son père n'en était pas la cause. Un long soupir s'échappait de ses lèvres mangées par cette barbe grisonnante qu'Albus lui avait toujours connu. Il avait une tâche de soupe sur sa chemise. S'attacher aux petits détails empêchait Albus de céder aux sirènes de la terreur et de l'imminence du chagrin ; - Je vais devoir m'absenter. Et je sais que tu n'es pas seulement l'aîné, mais aussi le plus sage, et le plus brave de cette famille. En somme, tu es l'homme de la maison désormais. Et je partirai rassuré si tu me promettais de veiller sur ta mère, ta sœur et Abelforth. Tu veux bien m'en faire la promesse ?

Albus n'avait pas bougé. Une certaine irréalité le roidissait, la stupeur du choc, sans doute, tandis que son esprit déjà vivace avait tout compris, l'assimilait et en accusait l'horreur, menaçant sa belle fierté d'apparat qu'il se forgeait devant son père, à s'écrouler d'une seconde à l'autre. C'est presque avec une fermeté d'adulte, une autorité d'homme fait que son père lui demandait d'être, qu'il répondit par une autre question, sèche et brutale comme un couperet ; - Reviendras tu ? Perceval comprit, sans doute, dans le regard de son fils, que la vérité était son seul exutoire. Qu'il n'accèderait à sa requête que s'il le traitait comme l'adulte qu'il voulait qu'il soit. Il sentit les doigts sur sa petite épaule se crisper un peu plus, et les yeux se résigner un peu plus derrière les lunettes en demi-lune ; - Non. Probablement pas. Albus l'avait déjà compris. Pourtant, son menton trembla un instant, et ses grands yeux écarquillés commençaient à le brûler. Ses lèvres frémirent et se crispèrent en cette moue qu’ont les enfants qui essaient de réprimer un gros chagrin, qui peuvent paraître comiques en cas de situation moins tragique que la piteuse scène qui se déroulait là. Pourtant, Albus tint bon, et son menton était de nouveau fermé, et son regard s’entrechoquait toujours aux prunelles paternelles, lorsque la prière fut réitérée ; - Eh bien, tu me le promets ? Une seconde d’éternité, à contempler le moindre détail qu’il lui faudrait conserver dans sa mémoire, afin de se graver les souvenirs d’un parent qu’il n’aurait que trop peu connu. Sa barbe qui grisonnait étrangement plus à la joue droite ; les ridules autour des yeux lorsque les facéties d’Albus l’amusait ; son rire tonitruant et ses gestes d’affection bourrue ; les tempes que l’on voyait un peu plus chaque jour, a mesure que sa chevelure se clairsemait ; la montre à gousset dont la chaîne pendait de sa poche ; les sempiternelles bretelles de cuir noir ; le pan de la chemise qui finissait inexorablement par ressortir du pantalon ; les pantoufles à carreaux fourrées de laine, qu’il réclamait chaque fois le seuil de la maison franchi. Soudainement intrigué, Albus baissa les yeux. Son père était chaussé de ses mocassins du dimanche. Il savait, et peut-être Albus l’avait-il su dès le début, lui aussi. Et puisqu’il fallait se comporter en homme, cela commençait par ne pas décevoir la dernière image qu’il aurait de son père, par des larmes ou des refus égoïstes ; - Oui, Papa.

Perceval eut un soupir soulagé, et quelque chose s’étiola dans son regard. Comme si il pouvait enfin se permettre d’abandonner et de lâcher prise face au monde duquel on s’apprêtait à l’exiler. La large main cessa de s’appesantir sur la frêle épaule, pour venir ébouriffer la tignasse rousse de l’aîné de ses enfants qu’il ne reverrait plus ; - J’avais bien dit que tu étais brave. Je suis fier de toi. A présent fais moi un baiser. Perceval plia les jambes et tendit sa joue mangée de barbe. Albus passa les bras autour du large cou et les effluves de son eau de Cologne l’enfoncèrent dans les réminiscences de souvenirs qu’il avait de lui avec la même violence que si on lui avait plongé la tête dans un seau d’eau, et la conscience trop nette qu’il s’agissait des derniers qu’il aurait de lui. Manquant de fléchir, il posa un trop rapide baiser sur sa joue piquante de barbe et ôta ses bras qui retombèrent, ballants, le long de son corps. Perceval comprit, sans doute, qu’éterniser ses adieux ne ferait qu’aiguiser le calvaire de tout le monde ; - Allons, vas retrouver ta mère.

Puis ce fut le tour d’Abelforth. Albus, qui avait trotté jusqu’à sa mère, crispait à présent ses petites mains dans les plis de sa jupe, voyait ses petits poings se serrer et sa voix trépignante de rage s’entrecouper de sanglots. Et quand Abelforth tourna le dos à tout le monde, s’essuyant les yeux d’un revers rageur de la main, Perceval enjoignit avec plus de douceur la craintive Ariana à s’approcher. Avec plus de délicatesse qu’avec ses garçons plus grands et moins craintifs, le patriarche la souleva dans ses bras et la serra contre lui. Un regard entendu à son épouse ; leurs adieux étaient scellés depuis longtemps déjà. Mais lorsqu’il fallut se séparer, ce fut le drame. Il fallut arracher la fillette hurlant et tempêtant des bras de son père dont les yeux restèrent figés sur cette ultime image de sa famille pour laquelle il avait sacrifié sa liberté, avec pour immuable compagnon de cellule le cri assourdissant de la fille qu’on lui arrachait en ayant voulu la venger. Albus tint bon une seconde encore, les yeux rivés sur le large dos de son père qui ne se retournerait plus, enfouissant en plus de ses mains son visage dans les jupes de sa mère, y laissant couler le torrent de larmes silencieuses qu’il avait réprimé afin que Perceval Dumbledore emporte à Azkaban le doucereux espoir de ne pas avoir surestimé son aîné. Il sentit vaguement la main osseuse de la matriarche se poser sur ses cheveux, faisant de même avec Ariana dont les sanglots bruyants secouaient son corps gracile d’inquiétants tremblements qui semblaient des spasmes. Le petit visage rond d’Albus, qui revêtait d’ordinaire cette mine adorable de sagesse malicieuse, était froissée et creusée de profonds sillons de larmes, lorsqu’il la redressa. Et ce fut quand il prit la main d’Ariana qu’elle commença à réellement recouvrer son calme, et la conscience de la responsabilité incombée par l’ultime volonté de son père lui fut d’un étrange secours, à lui aussi. De la main d’Ariana, qu’il exposa paume en l’air, il fit jaillir avec l’ombre de son sourire malicieux une rose sauvage d’un bleu profond qui s’éclaircissait à mesure que l’on s’approchait du bord des pétales. Il parvînt même à l’exploit de lui arracher l’esquisse d’un sourire ; - Prends là. Doucement, avec une prudence craintive, ses doigts s’approchèrent de la tige, et la fleur lévita au creux de sa paume, tandis qu’elle la suivait des yeux, fascinée par son envoûtante beauté. Albus s’en saisit et la coinça dans le petit ruban de soie qui lui ceignait le poignet : - Voilà, comme ça elle va avec ta robe. Viens, il y’a du gâteau au citron, tu n’as pas oublié j’espère ? Et tandis que leur mère s’était approchée d’Abelforth, Albus entraînait par la main sa petite sœur à table, avec à cœur de faire son possible pour être celui que son malheureux père avait espéré, et être à l’image de ce qui lui apportera peut-être une maigre subsister à l’horreur d’Azkaban, que son esprit d’enfant ne pouvait heureusement pas se figurer. Pas encore.

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