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De l'exutoire du dépit - Lavande

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Desiderata Rosier
Desiderata Rosier
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MessageSujet: Re: De l'exutoire du dépit - Lavande  De l'exutoire du dépit - Lavande - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Oct - 15:29



De l'exutoire du dépit

« Entrée du château »

Septembre 1942

La foule était pointée d’un doigt tremblant d’une fureur et d’une indignation non feintes. La petite voix, perçante, pourtant, s’élevait dans une complainte éhontée, plaidoyer pour une innocence à laquelle beaucoup trop croyaient sur parole pour ne pas s’offrir le luxe d’au moins tenter sa chance. C’est que la petite ne manquait pas d’audace, et dans la châtaigne mûre de son regard, il y’avait déjà l’affolante conscience du pouvoir de l’apparence, la candeur feinte qui dorait le vermeil de ses joues, la sagesse factice imprimée sur la mollesse de ses boucles tendres qui retombaient, dociles, sur les petites épaules revêtues de l’uniforme impeccable. Sa maturité affolante avait compris à quel point la nature humaine se complaisait dans l’apparence, -consciemment ou non-. Elle savait quel désavantage l’allure dépenaillée, peu reluisante de la pauvresse, lui donnait une longueur d’avance. Elle savait qu’ils seraient nombreux à croire la petite voix chantante d’une indignation inconvenante mais fort habilement déguisée, parce qu’extirpée de cette petite poupée modèle dont les plis de la jupe retombaient avec une sagesse timorée sur ses petits genoux blancs.

Dumbledore n’était pas un sorcier comme les autres, loin s’en faut. Et sans doute était-ce pour cela que Desiderata l’exécrait autant. Parce qu’elle l’avait compris. Parce qu’il était aisé de mépriser ce qui nous était inférieur, mais que la haine incommensurable commençait vraiment lorsqu’un adversaire invincible nous raillait de sa force tranquille. Et là, peut-être, à cet instant précis, à l’heure de sa défaite cuisante, saluée par le silence affolé d’une foule d’élèves et du Professeur de Métarmophoses, la fillette commençait seulement à appréhender l’immensité de la rage envers cette Moldue qui s’étendait sous ses pas. Abîme dévorant, sans fond, elle la rendait aveugle, sourde au monde qui l’entourait et jusqu’à la plus infime lueur de raison que la haine étouffait de ses bras d’acier. Il y’avait dans cet épouvantail en haillons, pauvre et de naissance ignominieuse, tout ce qu’elle détestait déjà. Mais la conscience d’un aveu qui n’affleurera jamais ses lèvres, le sacrilège de la découvrir plus forte que ce dont elle ne pourrait jamais rêver, cela était l’hérésie de trop, le crime inconcevable de cette créature à peine sorcière qui réalisait là des exploits brutaux et hors de contrôle, mais qui vrombissaient d’une puissance telle que même l’audacieuse fillette en avait tremblé de toute sa jeune carcasse.

L’azur du regard de Dumbledore s’entrechoqua dans les immensités fangeuses des yeux ternes de la pauvresse qui avait retrouvé son teint de fantôme désabusé. Et s’ils avaient été télépathes, leur air entendu n’aurait pas été différent, et lorsque la voix du Professeur s’éleva, c’était comme si le discours avait été convenu avec Lavande au préalable. Railleur, goguenard, malgré la feinte surprise qui ne trompait personne, les pouvoirs de Desiderata moqués ouvertement, il touchait en plein orgueil et ne le savait que trop, elle, vaincue et défaite par celle dont elle supportait déjà mal le partage du toit et du pain. La fillette crispa les poings et son visage se roidit sous la fureur muette, sous le choc de n’être pas crue sur parole, accusant ici les premières rebuffades à ses duperies qu’elle avait cru infaillibles.

Mais sous l’azur acéré des prunelles professorales, Desiderata se tut. Dumbledore saurait le fin mot de l’histoire, s’il le voulait vraiment, et même son orgueil saignant ne suffisait pas à la rendre idiote au point de chercher des ennuis dont elle peinait déjà à se dépêtrer. Elle se contenta d’un regard noir, de ses lèvres pincées dans une moue méprisante d’adulte ulcérée qui vient d’essuyer une cinglante injure. Elle ne regardait plus Lavande non plus. La vision triomphale de ce visage grisâtre, pathétique de laideur souillonne et d’un rideau terne de chevelure emmêlée risquait fort de la faire faillir à cette obéissance à laquelle elle se contraignait trop, déjà. Le sourire satisfait de Dumbledore, déjà, fit tressaillir les lèvres de la fillette, si pincées qu’elles devenaient plus blanches encore que ce petit visage d’albâtre que de sages boucles blondes auréolaient.

Il y’avait une idée derrière ce sourire narquois, derrière ce regard d’azur qui se moquait ouvertement de la petite fille qu’il ne croyait pas. Et l’idée fut exprimée, triomphal, exhibé sous le nez d’une Desiderata ulcérée, qui n’y croyait pas ses petites oreilles beaucoup trop habituées à l’asservissement au moindre de ses caprices. Comment cet imbécile de Dumbledore s’osait-il à une telle injustice ? Les poings se crispèrent un peu plus, les phalanges blanchies, les plis de la jupe d’uniforme au creux des paumes se froissant sous la poigne révulsée de la fillette :

- Mais !

Le rire aux allures de grognement de la souillonne lui fit redresser la tête et refermer la bouche. La rage menaçait de l’aveugler de nouveau, et il lui fallut une expiration, longue de quelques secondes, pour calmer ses sourds désirs d’user de sa baguette qui frémissait sous ses doigts. Elle ne dit rien, mais ne baissait pas les yeux, pourtant, insolence mutique rivée sur cet imbécile de Dumbledore qui venait d’ôter 80 points à Serpentard sans même un battement de cils. Et Lavande qui reprenait ses allures de cocker battu, dans sa promesse pathétique, lui fit perdre le peu de sang froid qui lui restait, surtout quand cette pitoyable manœuvre semblait fonctionner sur ce Professeur stupide, bien plus que les boucles blondes et l’apparence de petite fille parfaite de Desiderata. Ce fut à elle de ricaner, d’un rire sans joie, plein d’une rage âcre, amère, qui vrombissait d’un glas qui n’avait rien d’allègre ou même d’enfantin, tandis que déjà Dumbledore, affairé, leur tournait le dos et les talons en leur enjoignant de rejoindre leurs cours respectifs.

- Tu me paieras ça.

La promesse vengeresse de faire payer l’injure au centuple à cette née-moldue dépenaillée la ragaillardissait, susurrée presque au creux d’une oreille trop heureuse de sa pseudo-victoire sur la fillette qui était loin d’avoir dit son dernier mot. Qu’elle prenne donc le temps de savourer son stupide triomphe, elle et son imbécile de bienfaiteur. Il viendrait le moment où elle la noierait dans son propre opprobre, la renvoyant au caniveau de son existence primaire de laquelle elle avait osait affleurer, pour se mêler à une foule qui ne voulait pas d’elle.


©️ plumyts 2016
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