Octobre 1942

L’adolescente avait acquiescé docilement au petit discours suffisant de Desiderata, ne l’empêchant pas de récupérer le dessin qu’elle avait fourré dans sa poche sans autorisation préalable. La fillette sentait son aînée en pleine réflexion, pesant sans doute le pour et le contre de sa proposition, alléchante mais non sans risque. Tous n’étaient pas détachés de Poudlard au point de hausser les épaules devant un renvoi potentiel, et sa jeune comparse semblait de cette majorité. La petite Rosier manqua de peu de lever les yeux, devant cette couardise que tant semblaient manifester devant la répudiation de la prétendue plus prestigieuse école de sorcellerie du Monde, qui se refusait à aborder jusqu’à la théorie des bases de Magie Noire. Ne faisait-elle pas partie de leur Histoire, de leur culture, de la magie du sang qui coulait dans leurs veines ? D’immenses sorciers n’en avaient-ils pas suffisamment démontré la puissance, la beauté et l’incroyable pouvoir qui émanait de cette forme de Magie qui restait si stupidement controversé ?

La jeune brune avait du potentiel, pourtant. Desiderata se targuait de le percevoir, au fond de la petite âme taciturne, timide, qui hochait doucement la tête à ses propos. C’était là les qualités des plus grands leaders dont elle avait parcouru avec une avidité fascinée les biographies, et qui avaient laissé leur empreinte immuable au fil des siècles. Elle semblait curieuse, dotée d’un don que Poudlard gaspillait allègrement, et surtout, elle ne semblait pas idiote. Cette qualité restait suffisamment rare au cœur de cette école pour ne pas être soulignée, ou même appréciée.

De fait, la preuve de son intelligence se révélait dans la gravité soudaine du visage de la petite brune, qui faisait face à la menace à peine voilée de Desiderata. Docile, toujours, son aînée acquiesça, déglutit péniblement avant de l’assurer de sa discrétion. La fillette lui jeta un regard entendu. Très jeune, nouvelle à Poudlard, les candidatures à son petit club ne se bousculaient pas. De l’importance d’attirer les jeunes potentiels en accrochant leur intérêt, et non par la peur ou la force. Et si Desiderata ne connaissait pas la Légilimancie, nul doute que le savoir de grand-père, couplé à la richesse de sa bibliothèque qui regorgeait d’ouvrages fascinants sur la pratique des forces obscures, suffirait au moins à lui faire tenir parole. Le savoir de ses aïeuls comblerait les désirs de savoir de Magdalena, relatifs à la Légilimancie, bien plus que Poudlard ne le ferait jamais, et ce même s’il ne s’agissait que de théorie pure et simple. Aussi, l’adolescente ne pourrait pas l’accuser de n’avoir pas tenu sa promesse.

L’élève de troisième année semblait vouloir continuer sur sa lancée, mais hésitait. Manifestement, les humeurs colériques et dédaigneuses de sa cadette semblaient l’inquiéter. Pesant soigneusement ses mots, l’adolescente se lança dans une litanie reconnaissante, remerciant Desiderata de l’intérêt qu’elle lui portait. La petite Rosier avait vu juste. On ne s’attachait jamais aussi bien les gens qu’en leur témoignant de l’intérêt. Desiderata esquissa un léger sourire, un peu forcé, sentant la nécessité de rendre son remerciement à sa nouvelle recrue :

- Ce n’est rien…Poudlard gaspille des dons qui devraient être encouragés…Je ne comprends pas…Alors, oui, c’est vrai, je ne suis pas Legilimens, et même je n’y connais pas grand-chose, mais je tâcherai de te fournir la documentation et les conseils de ma famille et de leurs amis. Eux savent la valeur d’une pareille magie…Quant aux visions, j’y compte bien, tant que tu continues à ne pas me ménager en me mentant ou en déformant ce que tu vois…

Desiderata acheva sa tasse de thé, réprimant un bâillement. Il commençait à se faire tard, mais un petit air satisfait se composait pourtant sur ses traits juvéniles que la fatigue rendait plus enfantins, encore. La soirée n’avait pas été vaine, loin s’en faut, et les efforts payants. Se relâchant quelque peu, la fillette s’adossa contre le fauteuil de cuir, avalant un crapaud à la menthe d’un air distrait, laissant la chaleur du feu nimber sa petite silhouette d’un réconfort douillet.