« Quelle bande d’abruti... »

Je profitais de la cohue devant le panneau d’affichage de la salle commune pour m’étendre sur le canapé en cuir le plus confortable afin de manger ma pomme tranquillement. Les élèves, principalement les troisièmes années, s’étaient agglutinés à devant l’affiche fraîchement apparue désignant les prochaines dates de sorties à Pré-au-Lard. Personnellement, grincheuse, comme toujours, je mangeais ma pomme en lisant un ouvrage intitulé « Sortilèges d’Attaque et de Défense Toléré par le Ministère de la Magie » avec en sous titre « A Utiliser avec Précaution ». Cela faisait un moment que je cherchais un livre pareil et je l’avais trouvé finalement sur le chemin de traverse chez Fleury et Botts en occasion. Il y avait pas mal de choses qui étaient proscrit à l’école et pourtant vitale en cas d’attaque de mage noir… J’aurais aimé m’entraîner à combattre un Imperium, mais je ne pourrais sûrement pas m’y aventurer avant d’avoir été admise en tant qu’Auror.

C’est alors que je laisais un passage sur le sortillège Doloris qui parlait, non seulement du sort, mais aussi de l’état d’esprit qui l’entourait que Lavande était venu s’asseoir à mes pieds, pour travailler elle aussi. Je lui avais sourit et l’avais saluée en lui laissant de la place. Je ne voyais pas forcément souvent ma seule amie qui traînait le plus souvent avec ma rivale de toujours, Jasper. Profitant de ce moment, je lui avais proposé de venir avec moi lors de la prochaine sortie à Pré-au-Lard, chose qu’elle avait accepté.



Deux semaines avant Halloween, nous voilà donc en direction de Pré-au-lard, l’une à coté de l’autre. Le temps était nuageux et menaçant, mais cela n’empêchait pas les élèves autorisés à sortir de l’école pour se rendre dans le village voisin, peuplé à cent pour cent de sorciers. J’avais laissé  ma robe de sorcier au dortoir pour ma tenue de moldu, à savoir, un pantalon noir, une chemise blanche et une veste noir. Je détonnais un peu avec ces habits à la fois décalé niveau mode et au style garçonne, mais tout le monde à l’école était habitué à ce genre d’extravagances de ma part depuis le temps. Chose qui étonnait le plus les élèves autour était le sourire que j’arborais, chose inhabituelle, tant j’étais heureuse de pouvoir sortir avec Lavande. J’étais pleine d’énergie et, pour une fois, d’énergie positive.

« Ca fait du bien de pouvoir sortir un peu… Il faudra que je passe chez Derviche et Bang mais ça peu attendre un peu. »

Car oui, je ne l’avais pas précisé, mais je tenais mon balais sur mon épaule. Le match amical contre Gryffondor m’avait montré qu’il commençait à montrer des signes de l’age et qu’il avait besoin d’une petite révision. Je fis deux foulé et me pointa devant Lavande, le sourire au lèvre, marchant à présent en marche arrière devant elle.

« Alors, tu veux aller où en premier ? Zonko ? Honeydukes ? »

Mi-Octobre 1942.

Pré-Au-Lard, un lieu loin de toutes les préoccupations générales de la société magique. Rempli de sorciers, c’était un endroit à l’insouciance qui sied pour un village juxtaposant le précieux domaine de Poudlard. Même si elle n’avait pas rarement le moindre sou pour en profiter, les horaires de visites étaient toujours des moments agréables : voir un peu du paysage, se fondre dans la masse d’écoliers soudainement trop occupés pour s’occuper d’elle. Lavande y avait même pris l’habitude de s’y perdre, allant jusqu’à ses frontières, là où se trouvait la mal-aimée taverne de la Tête du Sanglier. Quand elle était seule, la née-moldue s’y dirigeait et conversait avec enthousiasme avec le patron des lieux. Ce dernier partageait son désaveu de l’école de magie, ainsi elle pouvait se confier en toute quiétude. Tous deux partageaient une certaine ironie salée par rapport au merveilleux professeur Dumbledore, bien que Lavande ignorât pourquoi. Elle avait tant à dire, tant à déverser dans toute la frustration que lui conférait l’école, que sa maigre conversation de petit fille en oublier à questionner son interlocuteur. Ce dernier ne lui en tenait pas rigueur.

Ce jour-là, quand les horaires furent inscrits sur le panneau et que les tout jeunes troisièmes années se jetaient dessus comme des chiens affamés d’un morceau d’os creux, Lavande entra dans la salle commune. Elle fixa la grande vitre sous-marine d’un air inquiet, n’ayant jamais apprécié avoir à s’approcher de celle-ci pour faire le tour des canapés, et s’approcha de Kanaeko. La née-moldue déplia son livre à ses pieds, se cachant des autres en s’asseyant par terre, juste derrière l’accoudoir où était posé sa camarade. La salle commune avait ses avantages quand elle était grouillante de monde, ces dizaines de yeux qui pouvaient être témoin, ou même s’interposer si jamais il lui arrivait quelque chose – Kana la première. Elle la salua d’un coup de tête et d’un sourire avant de se concentrer sur la lecture de son livre : un traité d’herbologie primaire, encore un bouquin de ceux qui ennuyaient la flamboyante Kanaeko. Les deux jeunes filles étaient entièrement et parfaitement opposés, bien que partageant une certaine hargne d’exister qui suffisaient à les unir, ainsi qu’une compassion l’une pour l’autre qui leur permettaient de cohabiter en toute sympathie. Lavande montrait une éternelle gratitude devant la protection de son aînée, et cette dernier appréciait mystérieusement sa compagnie. C’était assez pour les rendre amies. Même si les traumatismes passés de la vie de Lavande faisaient qu’elle trouvait le mot « ami » assez étrange, et qu’elle avait souvent la sensation d’être plus supportée qu’autre chose – et même si c’était déjà très bien à ses yeux. Elle trouvait déjà assez exceptionnelle le fait qu’on puisse l’accepter à ses côtés, même si elle se trouvait être une plante en pot peu causante et qui entendait peu de choses aux motivations adolescentes de ses camarades.

Ce fut donc avec joie qu’elle accepta quand Kanaeko l’invita à faire le tour de Pré-Au-Lard à ses côtés. Une fois là-bas, Lavande s’émerveilla une fois de plus de toutes les merveilles que l’on pouvait y trouver. La rue principale restait un enchantement pour les yeux, d’un rustique qui lui rappelait tous les bons côtés de son propre village – sans les plus terribles inconvénients. Un lieu féerique finalement, et bien loin de la réalité de la campagne. Mais cela faisait longtemps que Lavande avait compris le monde sorcier comme totalement coupé de la réalité en général.

En comparaison de Kanaeko, dont la tenue détonait par ce côté garçon manqué, Lavande était un exemple du traditionalisme. Avec le petit vent d’automne qui se levait, elle avait ajouté à sa chemise beige un vieux pull éliminé qui rendait ses formes brouillonnes et lourdes. Sur ses jambes, une longue robe noir qui farfouinait le sol en passant, pleine de tâches de poussière et reprisée derrière. Collants effilés qui ne se voyaient de toute façon pas, et chaussures d’uniformes venaient compléter le tableau. A eux-deux, elles formaient un tableau assez atypique. Personne n’aurait pu les imaginer amies. Silencieusement, Lavande suivait son amie qui déclarait avoir besoin d’aller à Derviche et Bang pour faire ajuster son balai. La née-moldue se rendait compte avec amusement que ses deux camarades les plus proches étaient de ferventes joueuses de Quidditch, chose qui ne l’avait jamais véritablement intéressée. Au moins savait-elle monter sur un balai, mais l’intérêt d’un sport d’équipe restait pour elle un insondable mystère : plutôt se casser une jambe que faire gagner quoique ce soit à Serpentard. Elle se gardait pourtant bien de le dire à Kanaeko, consciente qu’il n’y avait pas que des vérités bonne à dire. Rattrapant son amie dont la marche sportive et musclée faisaient passer la démarche de la née-moldue pour une feignante, Kanaeko passa une nouvelle fois devant elle et lui fit face sans cesser sa marche. Où aller ?

— Mmmh… voyons-voir.

Lavande sourit, regardant le sol en se mordillant le bout d’un doigt. La pauvresse ne supportait pas la pitié, et avait refusé toutes ces années la gentillesse de Kanaeko ou de Jasper qui se proposaient de temps en temps de lui payer quelque chose. Elle avait accepté – les toutes premières fois. Mais l’insupportable sentiment de culpabilité qui lui avait rongé le coeur, et la peur qu’elles ne fussent lassés de tenir la laisse à une sans-le-sou, l’avaient convaincu d’arrêter. Depuis, elle s’occupait d’aider Kanaeko à faire ses devoirs les plus ennuyeux – généralement les dissertations bien longuettes comme celles de l’Histoire de la Magie (surtout de l’Histoire de la Magie). Cela permettait à Lavande d’avoir une petite idée du programme des Aspics, elle qui de toute façon s’éduquait à contre-courant de tout le programme de Poudlard. Tout ça pour dire qu’elle avait une petite bourse qui n’attendait qu’à être dépensé. Frémissante, Lavande hésitait, une petite idée en tête. Elle rougit délicatement et regarda  le magasin Honeydukes avec un petit sourire en coin :

— Et bien… j’aimerai bien faire un petit tour à Honeyduckes… je cherche un cadeau pour quelqu’un. Mais c’est un passionné de bonbons et j’ai peur de faire un mauvais choix, tu t’y connais toi ?

Les confiseries n’étaient pas sa tasse de thé. Elle n’avait clairement pas l’habitude d’en manger, et cette absence faisait qu’à chaque fois qu’elle en mangeait une, le goût du sucre était poussé à son maximum. Même si elle les aimait, il était parfois difficile de les apprécier pleinement qu’en tant que connaisseur. Mais depuis cette soirée de septembre, où elle avait failli connaître une fin atroce sous la vengeance de Desiderata Rosier, Lavande cherchait un moyen de rendre la pareille au professeur Raven. Elle n’avait rien raconté à aucune de ses amies. Cette nuit où elle rentrait de la Tour d’Astronomie, et où elle avait fini par prendre un goûter réconfortant dans le bureau du professeur à la gentillesse si délicate et élégante. C’était un petit souvenir doré qu’elle gardait en silence contre son coeur – comme toutes les rares parcelles de bonheur qui lui arrivaient. Elle les gardait égoïstement pour elle, ayant peur de partager ne serait-ce qu’une seconde de cette merveille qui lui avait été donné à elle. Rien qu’à elle, que pour elle. Cet égoïsme sévère, qui n’était qu’à l’égal de toute la souffrance qu’elle avait connu dans sa vie, ne lui apparaissait pas comme un défaut. Elle ne s’en rendait même pas compte. Non, son souvenir ne deviendrait pas moins beau en le partageant à ceux qui rendaient sa vie moins cauchemardesque jour après jour. Mais voilà, il s’agissait de la première fois qu’elle tombait pleinement et si abruptement amoureuse.

Il ne me fut pas facile, dans les débuts, d’ignorer la garde robe usée de Lavande qui mettait en valeur ses difficultés financières. J’essayais toujours de lui offrir des choses de bons cœur, mais ces actions ne lui plaisaient pas et insister pouvait finir en dispute, chose que je préférais éviter à tout prix. Mais je n’étais pas la seule à avoir ce genre de souci avec la brunette car, quelques années auparavant, j’avais croisé Jasper avec elle à Pré-Au-Lard, et la lionne n’arrivait pas à convaincre Lavande de la laisser lui offrir quelque chose… C’était un peu exaspérant, surtout qu’il ne s’agissait pas là de pitié, mais d’amitié. C’est peut être une des rares choses sur lesquels la Gryffondor et moi étions d’accord d’ailleurs : Cela nous fait toujours plaisir de lui offrir quelque chose, surtout que ce n’est pas comme ci nous n’en avions pas les moyens. Heureusement, il existe toujours des évènements comme Noël ou les anniversaires. Mais bon, j’évite quand même de lui offrir trop. En général, une robe à son anniversaire et un livre sur « L’Art de la Stratégie Militaire » à noël. Enfin, tout ça pour dire que nous avions trouver un arrangement. Grace à son aide précieuse, je pouvais avancer en théorie presque aussi vite qu’en pratique. Grace à son aide, j’avais une chance d’accéder à mon rêve et, en retour, je pouvais lui offrir un peu d’argent.

Un groupe de troisième année passèrent à coté en nous regardant avant de murmurer dans leur coin… Nul doute que les personnes qui n’étaient pas habituées étaient hautement surprises en nous voyant avec nos dégaines et nos démarches opposées. Mais je les ignorais. Au moins, je pouvais voir Lavande sourire, spectacle bien trop rare à mes yeux… La voir ainsi pensive à se demander où aller m’aurait sûrement fait craquer des années plus tôt. Malgré l’évolution de mes sentiments à son égard, je la voyais devenir de plus en plus belle au fur et à mesure des années. Cependant, je la vis rougir et proposer d’aller chez Honeydukes… Je ne l’avais jamais vu avoir ce genre de réaction et cela m’intrigua :

« Aller acheter des bonbons pour quelqu’un hein ?... »

Bon je ne la connais sûrement pas aussi bien que sa rouquine de meilleure amie, mais elle me cachait quelque chose… Je revins à ses cotés de façon à pouvoir lui parler un peu plus bas.

« Je ne suis pas experte, en dehors des mouches en caramels... Mais dis moi… Tu n’aurais pas un petit béguin pour un garçon fan de bonbon, par hasard ?... »

J’étais amusée, je dois l’avouer… Mais aussi curieuse et un peu inquiète. Il y avait bien quelques garçon (bon pas à Serpentard bien sûr) qui sont, quand même, attiré par Lavande mais aucun (à ma connaissance) n’avait osé l’approcher et je voyais mal la petite brune solitaire que je connais faire le premier pas. Alors, j’avais, quand même, un peu peur pour elle. Peur qu’elle se retrouve embobinée par un garçon qui ne cherche qu’à profiter d’elle… Dans le fond, c’était un peu inutile car Lavande est bien plus maline que la plupart des gens ne le pense, mais, d’instinct, je ne pensais qu’à la protéger. C’est sur le ton de la rigolade que j’ajoutai (heureusement, toujours à mi-voix) :

« Voyons… laisses moi deviner… Le seul expert en bonbon que je connaisses c’est le professeur Raven et son légendaire saladier plein de chocolat! »

Ce fut le premier nom qui me venait à l’esprit. J’avais encore en tête l’immense saladier de chocolat qu’il avait présenté devant moi et, lui même, m’avait confier posséder énormément de friandises… Pour le coup, moi qui pensait avoir misé assez loin pour ne pas tomber dans le mille et laisser le mystère planer le temps que Lavande soit prête à se confier, je venais juste d’enfoncer une porte que je n’aurais même pas dû effleurer.

Mi-Octobre 1942.

Elles s’étaient arrêtés de marcher, laissant les amas d’élèves les contourner et les premières années les regarder étrangement. Elles étaient si différentes l’une de l’autre, qu’ensemble, elles paraissaient déguisées. Lavande regardait tout autour d’elle, observant les magasins où fluctuaient des vagues incessantes d’élèves souriants, prêt à dépenser pour leur plaisir tout ce qu’il leur était possible d’obtenir. La née-moldue s’était trop souvent sentie à part de ces jeux, trop souvent simple observatrice de la vie qui se déroulait devant elle. Aujourd’hui, elle fixait le magasin d’Honeyduckes avec un petit sourire rêveur qu’on ne lui reconnaissait pas. Elle n’était pas du genre à espérer quoique ce soit, et pourtant, ses yeux brillaient d’une lueur fugace, presque invisible dans la transparence de son regard pâle. Elle voyait là une opportunité en or de remercier celui qui lui avait sauvé la vie ce soir-là. Même si cela faisait bientôt un mois qu’ils n’avaient pu se reparler, se limitant à la classique et simple relation élève-professeur, ne s’apercevant que durant les cours de défense contre les forces du mal, Lavande voulait forcer le destin. Elle se voyait déjà, récupérant un petit paquet de pâtisserie dans son sac et rendre visite à son professeur après les cours. Une petite entrevue de quelques minutes pour lui donner son gâteau, chaleureusement le remercier et repartir. Ce ne serait peut-être rien, mais pour la première fois depuis des années : Lavande espérait.

Cela intrigua Kanaeko à raison, qui répéta sa phrase. Oui, acheter des bonbons pour un garçon qui aimait les bonbons. Si la née-moldue faisait tout pour naturellement cacher ses émotions, afin qu’on ne put les briser, l’amour qu’elle ressentait était trop fort pour être si facilement cacher. Une fois qu’elle parvenait à ressentir quelque chose dans son coeur glacé, son visage était un livre ouvert que l’on ne pouvait refermer. Le trop plein d’émotions devait partir, s’envoler. Ainsi elle ne put que timidement hocher la tête, évitant soigneusement le regard de Kanaeko qui s’approchait d’elle avec un sourire mutin. Elle parla doucement, et Lavande ne put que l’on remercier infiniment intérieurement – elle ne supporterait pas qu’un élève aléatoire ne connaisse ce petit secret. Son amie déclara ne pas être vraiment une spécialiste des bonbons, mise à part les mouches en caramel – c’était déjà bien plus que ce qu’elle en connaissait. La jeune fille ne doutait pas une seule seconde en son aide précieuse… néanmoins, elle continua en l’accusant d’avoir « le béguin pour un fan de bonbon ». Alors le visage de Lavande se confondit en gêne, ses joues prenant rapidement une teinte écarlate qui jurait avec le vert de ses yeux. Sa peau si pâle et presque fantomatique devenait vivante, luisante d’un rose éclatant qui lui donnait un tout nouveau visage. Elle bredouilla des syllabes entre ses lèvres, toute honteuse qu’elle ait pu deviné si vite. Était-ce donc une si grande évidence ? Ne pouvait-elle donc rien cacher ? Elle se mordit les lèvres, incapable d’induire en erreur son aînée. Si ce n’était que ça, l’information était assez vague pour être valider. Lavande hocha donc à nouveau la tête, imperceptiblement, enfonçant ses mains dans ses coudes pour ne pas avoir à s’en occuper.

C’était sans compter sur le bagou de Kanaeko qui poursuivit son enquête. Que le seul expert de bonbon connu à ses yeux était le professeur Raven, et son… célèbre saladier plein de chocolat. Lavande se pétrifia d’un seul coup et déglutit, ramenant un poing contre ses lèvres. N’y avait-il donc personne d’autre ? Pourquoi tout de suite était-ce à lui qu’elle pensait ? Était-ce donc si répandu qu’il aimait les sucreries ? En avait-il déjà proposé à d’autres étudiants à part elle ? Et ce célèbre saladier plein de chocolats : il n’était que dans son bureau. Comment le connaissait-elle ? Avait-elle déjà mis les pieds dans son merveilleux bureau, à la tendre chaleur de cheminée, aux bois lustrés et délicats de ses bureaux, s’était-elle déjà assise sur ses fauteuils, plongé sa main dans ce saladier gracieusement offert, avait-elle bu de son thé ? Les questions fusaient dans l’esprit de Lavande qui restait, interdite, une intense et insupportable chaleur l’entourant dans le cou.

— C.. comme… comment tu sais q… que… qu’il po… possède un saladier de chocolat ?!

Elle voulait soudainement tout abandonner. Qu’importe si elle ne pouvait lui offrir un bonbon en remerciement. Ce ne serait de toute façon qu’une goutte dans l’océan de toutes ses possessions. Il lui suffisait de claquer des doigts pour obtenir une pâtisserie toujours plus riche, délicate et rare que tout ce qui pouvait être dans ses moyens, ici dans le magasin le plus standard de tout Pré-Au-Lard. Un grand poids tomba dans son coeur : si Kanaeko avait pu également goûter un petit peu de ce souvenir qu’elle chérissait tant, alors c’est qu’elle n’était pas aussi unique qu’elle l’avait espéré. Elle jeta un dernier coup d’oeil à Honeyduckes et se mordit les lèvres, l’éclat dans ses yeux avait disparu. Cet argent qu’elle avait gagné était trop précieux pour être dispensé dans un pathétique cadeau qui n’aurait aucune valeur. Si elle économisait pour la prochaine fois, elle pourrait peut-être s’acheter un nouveau sac ; cela faisait six ans qu’elle traînait celui-là. Toute honteuse, elle baissa la tête :

— Pardon… en vérité, ce n’est pas très important, laisse tomber. Je pense qu’il faudrait passer en premier à Derviche et Bang, si la réparation leur prend du temps, on pourra toujours faire autre chose après !

De toute façon, elle n’avait plus qu’une envie : rentrer à l’école. Elle cherchait déjà dans sa tête tous les petits recoins de l’école dans lequel elle pourrait se réfugier pour y oublier ses malheurs. A quoi donc songeait-elle, comme si c’était si simple. Il était un professeur, et un professeur possède des centaines d’élèves. Elle n’avait rien de plus spécifique que le fait d’avoir été une victime sauvée le temps d’une nuit. Ses mains jouèrent nerveusement avec les fils abîmés de son sac en bandoulière.

— Enf...enfin bien sûr... ce n'est pas le Professeur Raven... , se sentit-elle obligée de rajouter.

Lavande s’était raidit et figée soudainement à l’évocation du Professeur Raven… La jeune joueuse de Quiddich s’arrêta avec un pas de retard, ne s’attendant pas à ce que son amie s’arrête aussi brusquement. Il lui fallu un instant pour comprendre qu’elle était allée bien trop loin et que ce qui devait être, à la base, une simple plaisanterie, allait rapidement se transformer en une véritable catastrophe. La réponse de Lavande la dérouta et elle ne comprit pas tout de suite. Dans un premier temps, elle crut que le garçon en question, tout comme Belladone, possédait un grand saladier de chocolat. Le sourcil levé, l’air un peu perdu, Kana ouvrit la bouche pour répondre et la referma brusquement en se rendant compte que… Lavande parlait belle et bien du Professeur de Défense contre les Forces du Mal. D’un coup, elle se sentit blêmir. Le visage de son amie qui était, l’instant d’avant rêveur et heureux, semblait s’être écrouler et son regard avait perdu toute clarté comme-ci son âme elle même venait de s’effacer au plus profond de son esprit. La réponse de la petite élève de Serpentard débraillée ne fit que donner un coup supplémentaire dans la conscience de Kana… Celle-ci s’en voulait affreusement. Elle avait l’impression d’avoir gâcher, sur une simple plaisanterie, une possibilité pour son amie solitaire de passer une bonne journée… et de tenter sa chance en amour, chose inédite. Lavande ne s’en était pas rendu compte, mais il était un peu tard pour avouer qu’il ne s’agissait pas de Belladone. Si ce n’avait pas été lui, elle ne se serait pas mise dans un soudain état de détresse.

« Viens, suis moi. »

Elle ne lui laissa pas le choix de toute manière. En faisant preuve du maximum de délicatesse qu’elle pouvait avoir dans de pareilles circonstances, elle prit la main de Lavande et l’entraîna dans une ruelle proche. Évidemment, elles étaient seules avec quelques poubelles à coté de laquelle, la jeune batteuse posa son balais avant de sortir de sa poche intérieure sa baguette d’Acacia et qu’elle pointa vers la rue principale.

« Assurdiato ! »

Un léger bruit sourd se fit entendre, révélant que le sortilège avait fonctionné… Il était hors de question que quelqu’un surprenne cette conversation qui pouvait donner de gros ennuis à Belladone et Lavande… Mais peu importait pour Kana que son amie enfreigne les rêgles ou non du moment qu’elle soit heureuse et qu’elle se sente bien dans sa peau… Chose trop rare. Son amie était amoureuse et, à la vue de son regard, elle semblait totalement désespérée à l’idée que Kana l’apprenne ou, du moins, c’est ce que pensait cette dernière. Elle se tourna vers son amie, essayant de cacher sa gêne et son sentiment de culpabilité pour lui dire :

« Je suis désolé. Tu sais je voulais simplement plaisanter… Tu sais bien que ce n’est pas moi qui vais te mettre des bâtons dans les roues, au contraire ! »

Elle se baissa doucement et la prit par les poignets, gentiment, les caressant du bout de son pouce. Kana cherchait à rallumer vainement la flamme dans le regard de son amie. Cette dernière ne semblait pas vouloir qu’elle sache qu’il s’agisse du Professeur Raven, alors elle fit de son mieux pour ne pas mettre ce nom dans la conversation.

« Si vraiment tu es amoureuse, c’est vraiment quelque chose de génial !… Je ne te souhaite que ton bonheur, Lavande… Tu devrais le savoir maintenant. »

Elle avait la sensation de revivre le pire moment de sa vie : Son face à face avec l’épouvantard en troisième année : Une Lavande en sang en train de lui hurler dessus, l’accusant de l’avoir abandonnée… Là elle n’était pas en sang, mais belle et bien blessée au fond d’elle. Elle ne l’accusait pas de l’avoir abandonné, mais Kana se sentait coupable de son mal, ce qui était pire encore. Elle se mordit la lèvre et lui murmura presque.

« Aller… Viens, allons chez Zonko… Ne changes pas tes plans envers ce garçon, s’il te plaît… Pas à cause d’une nouvelle bêtise de cette idiote de Kanaeko hein ? »

Mi-Octobre 1942.

La honte qu’elle ressentait lui dévorait les joues d’un voile écarlate : son secret n’avait pas tenu plus d’un mois. Elle en était incapable ; mentir n’était pas son genre. Ce n’était pas la façon dont marchait ses pensées. La pauvre née-moldue était un livre que tous pouvaient lire, aux pages écorchées, certes, mais dont l’encre était encore vive. Elle esquivait le regard de Kanaeko, pour limiter les dégâts, récupérer un peu de rideaux sur l’autel défait de ses sentiments. Après tout, comment osait-elle encore rêver après toutes ces mornes années ? C’était déjà peine perdu, il fallait se faire une raison. Offrir ces sucreries ne feraient que la dévoiler un peu plus au yeux du professeur. Il se sentirait couvert de honte, d’être aimé par une élève, une enfant de rien, qui ne payait pas de mine, dont l’ignoble engeance était visible comme une bulle invisible qui la séparait du monde. S’il n’osait plus la regarder dans les yeux, où trouverait-elle son repos ? Elle tenta de fuir.

Mais son amie ne le lui en laissa pas l’opportunité. Elle saisit sa main, l’intimant de la suivre avant de la faire disparaître dans une ruelle du village. Lavande restait silencieuse, sa voix incapable de sortir davantage de ses lèvres maintenant qu’elle se savait le coeur nu devant sa vieille amie. Elle avait tant de mal à se confier, et le fait de l’avoir fait malgré elle propageait l’angoisse dans les tremblements discrets de ses épaules. Mais Kana ne l’avait pas amené ici pour se moquer – ou pour la convaincre d’arrêter. Que ses pensées étaient une folie et que cela ne lui apporterait plus de souffrances qu’autre chose. Elle ne tenta pas de lui répéter qu’elle n’était qu’une élève à peine majeure, contrairement au professeur qui approchait la trentaine. Elle ne fit rien pour l’écarter de ses convictions – peut-être aurait-elle du. Tout au contraire, la rebelle se saisit de ses poignets et la regardait avec confiance et tendresse ; ce qui gêna la née-moldue qui détourna une nouvelle fois le regard, cramoisie. Elle n’était pas habituée à ce qu’on la touche et cela la mettait dans des états d’alerte ; un petit lapin qui se sentait en danger. Mais ses paroles étaient pleines de douceur. La serpentard lui présentait humblement ses excuses, déclarant qu’elle ne voulait que plaisanter, et qu’elle ne ferait rien pour la déranger. Lavande eut un petit rire embêté ; il était vrai que sa susceptibilité était légendaire, tant elle n’avait pas l’habitude qu’on rit de ce genre de choses avec elle. La campagnarde n’était même pas sûre de très bien comprendre le sens du terme « second degrés ». Elle savait que cette froideur, cette insensibilité relative la mettait dans d’étrange situation qui n’était pas très agréable – surtout pour les rares personnes qui acceptaient de la supporter. Ils la trouvaient finalement encore plus bizarre, si c’était possible. Mais Kana faisait attention, s’excuser comme si elle n’était qu’un enfant qui avait trébuché.

Elle ne voulait que son bonheur. Lavande sourit timidement et hocha la tête. Oui, elle avait été là pour l’aider, dès qu’elle était témoin des moqueries que la née-moldue subissait. C’était comme si elle était son garde du corps. Lavande savait aussi que c’était leur dernière année ensemble. L’année prochaine, elle aurait quitté Poudlard. Elle aura passé ses Aspics avec succès, et sera parti pour le Ministère, comme elle l’avait tant souhaité. Lavande la regarderait partir. Bientôt tout le monde partira… et il ne restera plus qu’elle. Si elle était vraiment amoureuse… ? Les mots de Kanaeko résonnaient en écho dans la tête de Lavande. Qu’est-ce que c’était l’amour ? Elle n’était même pas sûre de le savoir non plus – elle ne savait rien. Tout ce qu’elle savait, c’était que l’existence entière du professeur Raven la rendait heureuse. Qu’il lui suffisait de le voir bouger, sourire, respirer, être en vie, pour se dire qu’il y avait encore une étincelle d’espoir dans ce monde – elle qui avait tout perdu. Elle voulait son bien, et serait prête à se battre pour lui contre toutes les forces de l’univers… pourtant, elle savait aussi qu’elle en mourrait si jamais il devait trouver son bonheur auprès d’autrui. C’était un amour égoïste qui trépignait au fond d’elle : pouvait-elle véritablement qualifier cela « d’amour » ? Elle s’était suffisamment approchée de lui pour sentir son coeur battre contre son oreille ; elle aurait voulu que cela dure l’éternité. Lavande déglutit. Kana ne la força pas à répondre, même si son silence la peinait. Elle l’encouragea à aller tout de même chez Zonko, refusant qu’elle ne gâche sa sortie par sa faute. Lavande laissa échapper un rire sincère malgré elle :

— Oh… non, tu n’y es pour rien… tu es juste beaucoup trop perspicace et intelligente et… et chui un peu trop bête, j’ai foncé tête baissé. C’moi qui suis désolée okay ? J’ai juste… pas l’habitude.

Elle voulut lui faire un sourire, avec ses grandes dents qui sortaient de sa bouche. Le sortilège autour d’elles pouvait cesser de faire effet, il n’y avait plus de grande bouffée de chaleur, de panique à trembler les mains et faire claquer les dents. Il ne restait plus que Lavande qui souriant, timide et rassurée, bien que décontenancé face à la confiance que Kanaeko mettait en son projet.

— Je pensais que… heum… enfin chais pas… j’ai… j’ai eu peur. Enfin je…

Elle avait toujours peur. Peur de comment elle savait que le professeur Raven possédait un saladier de chocolat. Peur que ses encouragements ne soient que des faux semblants pour ne pas la blesser. C’était ridicule, même elle savait que son vertige était irresponsable. Mais elle s’y plaisait tant.

— Tu penses… vraiment que je devrais ? C’est juste pour un remerciement après tout… je ne veux pas que ce soit trop… déplacé… C’est parce que… le soir où j’avais astronomie, je suis descendue un peu tard aux cachots et il y avait des élèves… ils s’auto-proclamaient club de magie noir. J’ai failli être leur victime ce soir-là si… s’il n’était pas apparu à ce moment-là. Il m’a sauvé et il m’a invité à manger et boire un peu pour me remettre de mes émotions… je devais avoir une mine encore plus atroce que d’habitude, murmura-t-elle en passant ses doigts sur ses joues mangées par les cicatrices d’acnés ; Je voudrais juste lui trouver un petit quelque chose pour le remercier même si… même s’il a pas vraiment puni ces enfoirés à leur juste valeur… marmonna-t-elle.

Les joues de Lavande se mirent à rougir de plus belles, jamais on eut vu sa peau avec autant de couleurs, tandis qu’elle souriait bêtement en regardant l’allée centrale.

Kana n’est pas quelqu’un de méchant au fond, mais elle n’a que peu d’amis. Pourquoi cela ? Simplement parce qu’elle ne sait pas trop y faire avec les gens de façon général. Ce n’est pas simplement dû au faite qu’elle n’aime pas se plier aux traditions des Serpentards (c’est à dire à insulter les nés-moldus et à jouer les fière à bras)… Elle ne sait juste pas s’y prendre avec les êtres humains de façon général. Cela s’est vu lors de sa première rencontre avec Lavande. Celle-ci avait tiquer sur le comportement plutôt mauvais de Kana envers ses aînés. Cela aurait pu s’arrêter là, mais elles ont continuer à se voir… L’une protégeant l’autre et l’autre protégeant l’une, chacune à sa façon. Kanaeko s’était rendu compte que Lavande était devenu son garde-fou. Sans elle, elle aurait pu mal tourner avec le temps, surtout avec la mauvais influence que pouvait prodiguer la maisons aux couleur vert et argent. Il n’y a qu’un pas qui sépare le justicier du criminel et la jeune femme aux tenues fatiguées étaient toujours là pour la ramener de temps en temps sur le droit chemin.

Mais les boulettes ne sont jamais bien loin et là, s’était de loin la plus grosse que Kana n’ait jamais faite envers son amie. Elle attendit sa réponse calmement, laissant le silence à la fois gênant et pesant s’installer… Tant pis si pour le coté désagréable de la situation, mais il ne fallait pas que Lavande change d’objectif. Finalement elle répondit et, cette réponse tira un sourire amusé à Kana, un peu malgré elle. Perspicace et intelligente ? Elle n’aurait sûrement pas dit cela. C’était un coup de chance ou… plutôt de malchance dans cette situation. En tout cas, la plus jeune des deux Serpentard semblait aller bien mieux. Elle souriait mais, prudente, Kana la gardait à l’œil et faisait attention à ses gestes et paroles. D’ailleurs, elle lui lâcha doucement les poignets, la laissant se reprendre doucement en main.

La jeune femme aux yeux vairon la laissa parler, vider totalement son sac. C’est ainsi que Lavande lui révéla l’incident dans les cachots. Kana perdit son sourire instantanément. Un club de magie noir dans les cachots qui a failli sacrifier Lavande ?!… Au sein même de Poudlard, cela semblait insensé ! Cela eut le don de faire monter la colère au creux du ventre de la prétendante au poste d’Auror. Mais la suite la rassura. Le faite que le Professeur Raven lui soit venu en aide était une chance et… peut-être même plus que cela. Il n’est pas si étonnant qu’il n’ait pas été assez ferme avec les élèves de ce club de magie noir. Après tout, Belladone n’est pas très doué quand il s’agit d’amener la discipline déjà durant ses cours. Il est même surprenant que les élèves du club se soit plier à son autorité aussi facilement. Aussi, il faut le dire, Dippet n’aurait sûrement pas été très indulgent de son coté si c’était venu chuqu’à ses oreilles… Kanaeko soupira doucement et secoua la tête en retrouvant son sourire.

« Tout s’explique alors… C’est génial qu’il soit venu à ton secours et vraiment gentleman qu’il t’ait raccompagné à son bureau. »

Ça lui ressemblait bien… Même ci cela ne voulait rien dire. Après tout, Belladone avait agis de la même manière avec Kana. Cette dernière ne voulait pas donner de faux espoirs à son amie, mais la voir ainsi, souriante, heureuse… C’est bête à dire, mais elle n’a jamais semblé aussi belle ! Non, il fallait être positif et espérer le meilleurs pour eux surtout qu’ils feraient probablement un très jolie couple.

« Je ne répéterai cela à personne, promis. Et je pense que, à l’inverse, il est parfaitement normal que tu lui offres quelque chose en retour... »

Kana se gratte un des quelques boutons qui lui restait sur son visage d’adolescente en regardant en l’air. Elle lui aurait bien payer un chocogrenouille pour se faire pardonner mais elle ne voulait pas risquer de relancer une dispute qui semblait avoir été esquivé de peu.

« … Et puis, ça montera à quel point tu lui es reconnaissante. Avec ton jolie sourires et tes petites joues roses, ça ne pourra que lui faire de l’effet. »

Elle glisse gentiment un pouce sur sa joue (Kana étant du genre très tactile) et rit légèrement avant de reprendre son balais.

« Aller, viens. Allons acheter ce qu’il lui faut. »

Mi-Octobre 1942.

Pour n'importe qui d'autre, déclarer une longue amitié achevée via de si futiles hospices était stupide. Cela n'avait été que l'effleurement d'un malentendu, un soupçon de jalousie fermement ancré dans le cœur froid de Lavande. Pour cette dernière, il ne suffisait que d'un rien. L'idée qu'elle ait pu goûté au même plaisir qu'elle, dans le bureau du professeur, à son thé exquis et à ses milliers de gâteaux, lui était cruellement insoutenable. Tout pour elle prenait des proportions inimaginable, tant le monde ne semblait tourner qu'autour d'elle et de ses tracas, ses tragédies et son absence. Et quand bien même sa camarade faisait preuve de tout l'amour infantilisant dont elle était capable, soignant ses inquiétudes d'un petit pansement souriant, Lavande ne parvenait pas à lâcher sa garde, méfiante, suspicieuse. Même si elle souriait elle-même, et qu'elle luttait contre cette partie sombre qui lui recommençait de feuler en retour, la Serpentard ne savait pas quoi en penser. Au moins l'encourageait-elle à poursuivre dans sa voie, et c'était là le plus important. Mais toute la bonté du monde suffirait-il à adoucir le tempérament carnassier de la pauvresse ?

Mais à cet instant, et contre toute attente, elle se confia à son amie. Elle raconta les péripéties de cette terrible nuit de Septembre, dans les hauts couloirs qui menaient à la tour d'astronomie. Ce club qui presageait encore de sombres jours au sein de l'établissement, et bien sûr, l'héroïsme (toute raison gardé) de cet homme, ce professeur qui lui avait sauvé la vie, dont elle se pâmait à chaque seconde. Rien qu'évoquer cet épisode la rendait rouge de gêne, tant elle en était finalement heureuse. C'était un premier pas qui les avait rapproché, et elle pouvait désormais se rapprocher de lui sans honte ni crainte du ridicule. En effet, c'était plus que génial qu'il soit venu à son secours, même si beaucoup dirait qu'il s'agissait de la moindre des choses pour un professeur que de protéger ses élèves par tous les moyens--et qu'en cela, il n'avait pas été très vindicatif. Mais c'était un tout jeune professeur dont il s'agissait des premières semaines d'enseignements, alors Lavande avait fini par lui pardonner. Et oui, si gentleman. Lavande passa timidement une mèche de ses cheveux derrière son oreille, regardant sur le côté. Si délicat, si princier. Il avait une générosité qui ne faisait que sublimer son apparente correction de bourgeois gentilhomme. La jeune fille qui pourtant, avait en mépris ces gens trop chanceux, ne pouvait s'empêcher de le voir comme l'exception qui confirme la règle, l'ange au milieu du donjon.

Kana la rassurera sur le fait qu'elle n'en parlerait à personne et qu'il était tout à fait normal qu'elle veuille lui offrir quelque chose en retour. Lavande fut rassurée, son action ne passerait peut-être pas pour celle d'une demoiselle désespérée au cœur tourmenté par les beaux yeux de Belladone Raven. Un cadeau des plus aimables pour l'homme qui l'avait sauvé, c'était naturel. Lavande sourit dans son écharpe. Elle avait retrouvé son calme. Mais pourquoi elle savait que l'on trouvait des saladiers de chocolat chez lui ? Néanmoins, elle n'eut pas le temps de réagir que son amie revenait à la charge, déclarant ô combien cela ne pourrait que lui faire plaisir et même lui faire de l'effet, avec son sourire et ses joues roses. Joues qu'elle carressait d'un pouce, Lavande se reculant subitement comme un animal sauvage - elle, par contre, était tout sauf tactile. Joues qui devinrent en effet plus rouge encore, écarlate même, donnant un aspect plus étrange et désagréable au possible à sa peau verdâtre. Mais elle souriait, d'un air crispé tant elle souhaitait cacher son immense émotion et ses larges dents. La jeune fille se détourna discrètement et commença à marcher jusqu'au magasin de bonbons.

 - Je... J'espère que tu auras raison... Hum hum, mais enfin l'important c'est de rendre un service à mon tour ! Tu sais que je n'aime pas avoir des dettes !

Petite enfant qui craignait que l'on eut percer son cœur à jour, et qui, même si son secret était évident, tentait par tous les moyens de changer de paradigme. Elles s'approchèrent de la boutique et déjà des centaines de senteurs les prenaient à la gorge. Du sucre par milliers, à les rendre diabétique. Des coulis de caramels et des sucres d'orge, des sucettes de toutes les couleurs, qui pétillent et qui coulent. Lavande fixait la vitrine et demanda à Kana:

 - C'est quoi toi tes préférés ? Moi j'aime bien les Chocogrenouilles mais j'ai peur qu'il soit déçu s'il ne trouvait pas une nouvelle carte... Et c'est quoi ça ?

Chacun de ses mots resonnaient d'une innocence et d'une curiosité désarmante et désarmée. Elle ignorait tout de ces merveilles, dont elle s'intéressait ici pour la première fois, porté par l'envie sincère de découvrir les petits plaisirs de l'autre.

Octobre 1942

Kana ne fut pas vraiment surprise par son mouvement de recul. Contrairement à elle, Lavande se comportait comme un chat sauvage. On peut l’approcher, nouer une relation, mais difficilement la toucher. Sinon, la jeune dernière année l’aurait sûrement cajolée depuis un moment. Mais, peut-être que ce n’était pas plus mal au fond. Cela évitait les situations trop bancale aux yeux de la jeune américaine. Cependant, elle aimait beaucoup ce teint que prenait sa peau malgré tout. Kana pourrait s’en amuser, comme elle le fait avec Darragh d’ailleurs. Néanmoins, Lavande n’était pas trop du genre à en rire… Ce qui était bien dommage car voir cette jeune femme, d’habitude si terne, prendre des couleurs faisait réellement plaisir à voir. Ressentir des émotions, c’est ce qui nous défini, c’est vivre.

La joueuse de Quiddich récupéra son balais, heureuse de voir son amie reprendre la route, et brisa au passage le sortilège avant de ranger à nouveau sa baguette dans sa poche.

« Tu ne me dois absolument rien, Lavande. Au contraire, dans l’histoire, c’est moi qui doit m’excuser pour ce malentendu. »

Elle espérait qu’elle la laisserait au moins lui offrir un chocogrenouille… Pour le prix que cela coûte, la septième année voulait vraiment offrir quelque chose à sa cadette. La voir réagir aussi brusquement précédemment l’avait déstabilisée, il fallait le dire. Jamais encore elle n’avait vu Lavande aussi expressive. D’un coup, la jeune américaine se rendit compte que sa magie et ses émotions fonctionnaient de la même manière. Parfois, ça ne fonctionne pas, mais lorsque cela fonctionne, sa camarade de Serpentard peut devenir rapidement explosive. Aussi, elle se rendit compte qu’elle devrait peut-être faire un peu plus attention avec Jasper à l’avenir. Après tout, la relation entre les deux joueuses rivales était devenue un peu plus tendue en ce début d’année et Kana avait peur de la réaction de son amie si elle assistait à une dispute avec la superbe Gryffondor aux cheveux de feu.

En arrivant devant la boutique, les odeurs devinrent plus présente et, aussitôt, Kana sut qu’elle allait obligatoirement acheter quelque chose. Malgré tout, elle restait une grande gourmande. Observant elle aussi la vitrine, elle observa avec envie une boite de mouche en caramel. A la question de Lavande, elle lui sourit.

« Hein moi ?… Eh bien moi c’est ça, les mouches en caramel… A la fois croustillant et fondant. En plus, c’est assez amusant d’essayer de mes gober sans les mains… Enfin, un peu dangereux aussi mais passons. »

Plus d’une fois elle a failli s’étouffer avec une mouche coincée dans la trachée dans le passé… Elle se racla la gorge et regarda ce qu’elle pointait du doigt.

« Oh ce sont des fondants du chaudron ! Ce n’est vraiment pas mauvais non plus ! Après, les Chocogrenouilles, c’est une valeur sûr. Tout le monde aime ça et puis, même ci il a déjà la carte, le chocolat reste excellent ! »

Kanaeko souriait ouvertement. Lavande intéressée par les friandises, cela faisait plaisir à voir. Elle faisait vraiment attention à tout, désirant faire plaisir au Professeur Raven tout en évitant le moindre risque de le froisser.

« Remarque, je dois acheter quelques bonbons pour moi même… Si tu veux, je prends un paquet de chaque et ça te permettra de goutter… Tant qu’on évite les dragées surprises de Bertie Crochue... »

Elle fit une grimace, se souvenant de la dernière fois qu’elle en avait mangé… Celui qui avait un goût de vomi avait failli, véritablement, la rendre malade pour le coup… Dans tout les cas, cette idée lui plaisait. Cela lui permettait de se racheter auprès de Lavande en plus d’aider cette dernière à trouver la friandise parfaite ! Dans tout les cas, à part les dragées, il n’y avait pas de mauvais choix. Tout là dedans était exquis.

Mi-Octobre 1942.

Là encore, si compréhensive. Si amicale. Si doucereuse que ça en devenait presque dérangeant. Sa pétillante joie paraissait forcée, comme s’il fallait en avoir pour deux. Lavande s’était toujours sentie quelque peu mal à l’aise à ses côtés ; à cause de quoi ? Cette bienveillance à l’outrance qui la mettait en permanence la tête sous l’eau, incapable de s’en sortir par elle-même ? Son côté rebelle, qui allait avec l’enthousiasme, et dont elle ne partageait pas du tout les élans – quand bien même s’était-elle assagie depuis leurs premières années ensemble ? Peut-être était-ce sa couleur de peau, qui la déstabilisait toujours quelque peu tant c’était quelque chose de trop étrange et de trop lointain pour elle, ou ses tenues garçonnes qui tranchaient esthétiquement avec les petites robes de grand-mère de la née-moldue. Peut-être un peu des trois à la fois, ou le simple fait que sa familiarité peu farouche déclenchait chez Lavande comme des mécanismes d’auto-défense naturels qu’elle ne saurait expliquer par des mots. Elle se gardait bien de lui en parler, car cela aurait été remuer l’eau boueuse pour ne plus pouvoir y boire. Kana était une jeune femme en devenir, gentille, courageuse, douée et travailleuse ; et c’était tout ce que Lavande pouvait espérer d’une bonne amie. Elle était de toute façon mal placée pour parler de « malaise social », au vu de la sensation de dégoût et de nausée qu’elle procurait aux autres. Ainsi son aînée récupéra son balai et brisa le sortilège en répétant que Lavande n’avait rien à se reprocher, que tout était un simple malentendu. Cette générosité était à la limite de la condescendance, et même si la née-moldue la supportait sans broncher depuis un moment maintenant, elle n’en garda pas moins une petite moue. Non, tout n’était pas de sa faute ; elle avait exagéré sa réaction, paniquée qu’elle était qu’on puisse lui arracher la moindre parcelle de bonheur, ou qu’on puisse s’en moquer. Elle avait largement sa part de responsabilité dans cette conversation mélodramatique, mais elle préféra ne rien en dire : Kana ne lui aurait pas laissé le choix.

Elles s’en allèrent donc à la boutique de friandises et sucreries ; un monde fou les attendait, chacun se pressant aux vitrines pour s’acheter son stock de bonbons jusqu’à la prochaine sortie. Pour une fois, cela ne dérangeait pas Lavande. Son esprit était lui-même accaparé par l’idée de trouver le meilleur cadeau qui soit. Kana parla des mouches au caramel, qu’on attrapait au vol entre les dents, pour le laisser fondre lentement sur la langue, tandis que la mouche essayait désespéramment de s’enfuir, donnant un petit goût de champagne dans la bouche. Puis elle lui montra des fondants du chaudron, ressemblant davantage à des desserts qu’à de véritables friandises mais qui faisait toujours son effet – sans nul doute qu’ils se marieront à merveilles avec les thés du professeur. Mais Kana était moins convaincue, et précisait que les Chocogrenouilles restaient une valeur sûre, quand bien même on avait la carte en double – son chocolat était l’un des meilleurs qui soit. Cela n’aidait pas vraiment la petite serpentarde, qui fixait ces monceaux de sucres et de couleurs sans faim ni caprice. Elle ne songeait qu’à ce qui lui plairait le plus. Alors Kana proposa d’acheter un paquet de chaque, permettant à Lavande de tester chacun d’entre eux pour acheter son préféré ; l’idée alliait l’utile à l’agréable. La née-moldue n’était pas sûre de devoir accepter mais finit par lâcher prise, tant pis. Elles récupérèrent tout ce qui était beau et bon, simple mais efficace, peu cher mais prisé par tous, les caramels et les chocolats, les pointes de vanille et de noisette, les muffins et les bonbons. Bien évidemment, elles évitèrent les Dragées Surprises de Bertie Crochue – à se demander pourquoi une telle chose existait autrement que pour le plaisir de tenter le diable. Dans les petits sachets, des patacitrouilles – que Lavande savait comme faisant parti des préférés du professeur, lui dont les saladiers en étaient remplis à ras-bord – des baguettes magiques à la réglisse, des suçacides, des fondants du chaudron, des Fizwibiz, des petits œufs au chocolat en forme de vif d’or.

— Et ça… ? demanda-t-elle, l’air particulièrement intéressée.

C’était malheureusement du Miamhibou. Lavande se mordit les lèvres et détourna le regard, vexée d’avoir été appâté par de la nourriture pour animaux. Quelques chocoballes vinrent rejoindre les sachets, ainsi que quelques couinesouris en sucre et en dernier, quelques plumes en sucre. Peut-être même d’autres sucreries mais dont Lavande ignorait tout des noms, obscurs pour les néophytes du bonbon comme elle. Heureusement que Kana était à ses côtés, sinon elle aurait véritablement acheté ce Miamhibou pour le professeur. Mais ces biscuits avaient l’air si bon ! Elles se posèrent dans quelque coin de Pré-Au-Lard, sur un rebord pierreux face au magasin. Lavande n’était pas habituée à manger du sucré, et au bout de quelques sucreries, elle ne faisait plus la différence entre un sorbet et un berlingot. Elle détesta les couinsouris et les plumes en sucre, les baguettes à la réglisse et les Fizwibiz. Mais la question n’était pas ce qu’elle aimait elle, mais ce qu’il aimait lui. Elle suçotait un petit œuf tout en fixant le vague à ses pieds, avant de proposer :

— Peut-être que je fais fausse piste… je dois me rendre à l’évidence, je n’aime pas vraiment les bonbons. Les patacitrouilles et les fondants ça ressemble plus à des pâtisseries, c’est pour ça que je les préfère. Mais ce n’est pas intéressant d’en offrir quand la personne peut en avoir dans un claquement de doigt…

Et il n’y avait rien qu’elle puisse offrir qu’il ne pouvait très facilement obtenir. Même si ce n’était que l’intention qui comptait, elle voulait y mettre les belles formes – faire plus que les autres, mieux. Qu’il se souvienne d’elle plus que n’importe qui. La née-moldue refusa poliment quand Kana lui montra le reste des bonbons auquel elle n’avait pas touché. Puis, jouant avec la terre battue du bout de sa chaussure, elle fit, songeuse :

— Peut-être que je pourrais cuisiner… faire une pâtisserie moldu… tu en penses quoi ? Ce serait quelque chose de différent. En plus les elfes de maison sont toujours gentils avec moi. En tout cas, merci pour m’avoir laissé les goûter.