Le feu sous la cendre - Gellert



 
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Le feu sous la cendre - Gellert

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Albus Dumbledore
Albus Dumbledore
Âge : 61 ans.
Sang : Sang-Mêlé.
Nationalité : Anglaise.
Patronus : Un Phénix.
Épouvantard : Le cadavre de sa sœur et, depuis peu, la silhouette de Gellert Grindelwald qui s'éloigne de lui inexorablement, et ce malgré sa main tendue vers lui.
Reflet du Riséd : Gellert Grindelwald à ses côtés.
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Double-Compte : Belladone le Fragile, Desiderata la Peste, Aurora la Simplette, Minerva la Sévère, Solveig la Dure à Cuire.
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MessageSujet: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeVen 14 Mai - 9:16



Le feu sous la cendre

« J’ai vu dans ton cœur, et ton cœur est mien. »

Automne 1942

Un soupir s’exhale d’entre les lèvres mangées de barbe aux reflets de cuivre. Traître aveu d’un désespoir mal feint, il vrombit sans pudeur au creux de l’alcôve solitaire, vient s’écraser contre la discrétion de la pierre qui avalera son secret dans la froideur grise de ses murs. Une nuit de plus. Une nuit de plus à marteler l’asphalte des pérégrinations chimériques d’un esprit trop brillant et trop tourmenté pour le repos des braves. Et les lames de bois de son bureau accusent sans complainte aucune leur rôle de martyr des insomnies nébuleuses du grand Albus Dumbledore ; tandis que lui-même entrechoque l’azur de ses yeux aux étoiles qui narguent les cieux trop noirs, leur oppose la froide souffrance qui les roidit comme un affront, comme à des égales, douleur tue que le commun des mortels ne saura jamais. Et même la Lune semble refuser ses bras à un esprit aussi grand, elle qui semble bercer le monde de son sein blond, en recrachant l’âme prétendument paisible du mage peut-être le plus tourmenté de Grande-Bretagne. Que la glorieuse nuit et sa blonde maîtresse lui refusent donc l’harmonie et l’accalmie des bienheureux ! Peut-être était-il trop intelligent pour la joie des simples. Peut-être le pacte de sa vie d’infortune s’était-il scellé au berceau, conclu par de mauvaises fées qui s’étaient enorgueillies de la cruauté douceâtre d’un châtiment qu’il saurait mériter, quelques années plus tard.

Les songes insondables du plus insaisissable mage de son ère virevoltaient au gré de la Lune et d’un sommeil qui se refusait à lui. Avait-il existé un jour, à travers tous les âges du monde, et au creux de n’importe quelle autre âme, un enchevêtrement d’ornières sur un chemin qui avait pourtant déroulé son tapis rouge sous ses pieds, et promettait les phares et la lumière d’une gloire dont il se protégeait les yeux, s’emmurant le coeur au creux de la forteresse grisâtre de Poudlard ? Son destin avait des allures de vaste farce. Pied de nez de Dame Nature, taquine et cruelle pour l’aîné des Dumbledore ; goguenardise terrible faite à la promesse d’un avenir brillant, appelé à la renonciation abrupte par de sombres impératifs dont Albus ne ressassait que trop la tragique issue, depuis désormais quatre décennies. Offrir à un seul être une si exceptionnelle intelligence et une si extraordinaire puissance magique tout en le sommant d’assumer le rôle d’un petit patriarche d’une famille de campagne relevait là de plus acerbe traîtrise de la nature, des forces occultes et des lois du destin.

Avoir placé Gellert près de lui le rendait morose. Comme une souffrance inutile, mutilation de ses peines dont le coeur désormais sourd à cette affection qu’il n’aura donné qu’une fois portait les indélébiles stigmates.Vision omniprésente du jadis amant semblable à du sel sur une plaie ouverte, à une Pensine sans fond, ouverte à l’abîme de ces réminiscences cauchemardesques qu’il avait tenté d’étouffer dans la pierre de l’édifice qu’il servait depuis tant d’années. La brève passion étiolée dans les affres du drame, dans la mélancolie aigre d’une solitude de quarante trop longues années, pour un tourment qui revenait plus lancinant, mais plus doucereux aussi, comme une mélancolie qui couvait désormais sous les cendres du brasier dévorant de la colère, du chagrin et de la passion qui avaient fini par se consumer. Irrémédiable fatalité. Aujourd’hui la symphonie douloureuse d’un coeur gros lui assourdissait les pas et l’âme, suivait son sillage, corbillard dont le commun des mortels ne distinguait pas les ombres sinistres, se limitant à l’humble respect pour le Professeur vénéré aux allures taquines de grand sage bienveillant.

Albus Dumbledore était réputé très doué pour administrer la bonne parole. Et en réalité il la déversait avec brio, et les ouailles éblouies recueillaient bouche bée la science infuse exhalée avec cette verve inégalée de pédagogue indulgent. Albus Dumbledore, donc, aurait déclamé qu’il n’était pas bon de se complaire dans les rêves, en oubliant de vivre. Il aurait sans doute insisté, arguant le danger d’effleurer du pied le précipice d’un passé inéluctable, au risque de se noyer au fond d’un abîme de chimères, et de s’offrir un aller simple pour la douce folie. La fougue aurait insufflé de l’écho à sa voix, parce qu’il y croyait de tout son coeur, de tout ce coeur divisé entre cette sagesse légendaire de pédagogue respecté, et la braise de cette passion si lointaine qu’il avait cru froide, enterrée sous la cendre avec le cadavre d’Ariana, dont l’innocence avait payé de sa vie la passion trop brève qui avait consumé les deux plus grands sorciers de leur temps. Trop lourd tribut à payer. Et le dos d’Albus se courbait sous la mort qui lui brisait les épaules depuis trop longtemps.

La morsure du métal froid sous les doigts qui glissent sous sa chemise lui fait l’effet d’une douche glaciale. Le ramène dans un bond saisissant quarante années en arrière, à la lueur polaire des boucles blondes qui avaient ondulé au vent d’été de Godric’s Hollow, à ces yeux trop pénétrants dans lesquels on entrevoyait déjà l’audace d’un destin que retiendrait la légende des siècles ; à ce sourire au fond duquel luisait déjà la promesse de mettre le monde à ses pieds. Il s’était contenté d’Albus, un moment, un bref instant d’éternité qui avait brillé des feux du paradis. Et puis, la soif, inextinguible. Cette faim qui confinait à la voracité, celle de croquer le monde, d’asseoir une suprématie d'idéaux forgée par lui seule avait conduit au drame des Dumbledore, et à l’immolation de l’amour d’Albus qu’il avait décidé d’emmurer là, comme une relique sacrée mais honteuse, autel doré de la gloire de Grindelwald dont la promesse d’une vie brillante avait été son sacrifice.

Les doigts qui se serrent un instant sur le pendentif le décident. Il saura. Qu’importaient la noyade, la folie et la perdition qu’il aurait prédit aux autres. Albus Dumbledore n’était pas le commun des mortels. Un miroir, si merveilleux fut-il, n’aurait pas raison de son formidable esprit.

Et pourtant ! En pyjama rayé et sortie de lit de soie brune, planté devant le fameux Miroir de Risèd dont il connaissait les dangers mieux que personne, l’ombre de Grindelwald planait derrière son épaule. Encore. Toujours. Après tant d’années. Et l’esprit brillant de Dumbledore se surprenait à s’extirper de la torpeur nébuleuse de son affligeant déni. Ne l’avait-il pas toujours su ? N’avait-il pas recherché dans les tréfonds de ce reflet du plus profond de ses désirs la confirmation de ce qu’il savait déjà ? La haute silhouette polaire, le sourire presque tendre qui s’y esquissait, ne lui firent pas l’effet de la douche glacée qu’il s’était préparé à affronter. Si certaines blessures ne guérissaient pas, le temps pouvait en étioler la violence de la douleur, et la révélation d’aimer encore et toujours l’artisan de son malheur ne le berçait plus que d’une sourde mélancolie, douceâtre, exempte d’une colère consumée depuis longtemps, évidence à l’amertume avalée avec la sagesse d’une maturité venue avec les ans.

A se perdre dans les tréfonds de ce trop étrange regard d’ombre, il en avait oublié le temps. Comme les autres. Les failles d’Albus Dumbledore ne faisait-il pas de lui ce commun des mortels, duquel il se croyait mis au ban, de par cette intelligence qui le rendait vénérable et respecté, déifié presque ? Le terme à cette contemplation qui aurait pu durer une seconde ou quelques heures d’éternité fut scellé dans un bruit de pas tranquille. Albus n’avait guère besoin de se retourner pour sentir la présence près de lui, ni même pour en déceler l’origine. Il le reconnaîtrait toujours, de dos comme de nuit, dans une seconde ou dans quarante ans.


- Le grand Gellert Grindelwald aurait-il l’audace de s’essayer à la contemplation de son reflet ? Peut-être même en devineras-tu les attributs par toi-même...Il s’agit là d’un Miroir très particulier, je serais curieux d’avoir ton avis sur la question…

Un pas de côté, pour lui laisser le champ libre, et l’ombre du sempiternel sourire taquin qui se tourne vers le mage noir, dont la présence, il en était certain, ne relevait pas de la simple vulgarité d’un hasard, mais d’un énième pied de nez de ce destin qui avait passé son temps à se jouer de lui.
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Gellert Grindelwald
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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeLun 17 Mai - 15:11



Le Feu Sous la Cendre

« I APOLOGISE IF YOU FEEL SOMETHING »

Novembre 1942.

L’air dans son le bureau de Grindelwald était lourd cette nuit-là. Progressivement, les arbres perdaient les feuilles, glissant inexorablement vers la froideur de l’hiver. Cela faisait des années qu’il n’avait pas vu la neige, elle qui avait sa plus fidèle amie durant toute sa jeunesse. Nurmengard qui caressait les éternelles, Durmstrang recouvert de son manteau blanc pendant presque la moitié de l’année et ses nuits interminables. La glace serait certainement magnifique à Poudlard et Gellert avait hâte, hâte que l’humidité automnale laisse place à la luminosité septentrionale qui viendrait aveugler ses iris asymétriques. Un été caniculaire avait changé sa vie, retrouver sa neige bien aimée était comme un retour aux sources, la promesse d’une nouvelle vie. Il espérait seulement qu’elle ne tardât pas à arriver cette année. Il n’était pas très friand des signes du destin, malgré son Troisième Œil, convaincu qu’il était seul maître de son avenir. Mais il devait avouer que certaines prédictions avec quelque chose de rassurant et de réconfortant. L’inconnu faisait peur à n’importe qui et s’imaginer que les choses, quoiqu’il arrive, se passeraient d’une certaine façon permettait de balayer cette angoisse d’un revers de la main. Mais ce n’était pas le cas, ce soir-là, dans l’atmosphère étouffante du bureau mitoyenne à la salle de cours dédiée à l’Étude des Runes.

C’était devenu monnaie courante, ses escapades nocturnes. Ne pouvant trouver le sommeil mais ses vieux démons venant lui tenir une compagnie morbide, il préférait fuir cette prison mentale et respirer un air qui ne semblait pas vicié. Les Aurors le suivaient, quand il n’avait pas décidé de leur fausser compagnie (ce qui arrivait rarement tout de même). Mais cette nuit-là, il avait dans l’idée d’aller jeter quelque chose qu’il ne voulait plus voir. Tel un objet hanté, possédé, ce pendentif des Reliques de la Mort était, selon lui, le responsable de son mal être quand il se trouvait enfermé dans son bureau. On le lui avait donné, discrètement bien entendu. Il semblait que quinze ans après, certains sorciers continuaient d’adhérer à son idéologie, n’acceptant pas que tout ceci était terminé. Non, Gellert voulait laisser ce passé derrière lui. La neige viendrait tout recouvrir définitivement. Le pendentif fermement tenu dans son poing, il prit la direction du septième étage, là où il avait trouvé cette salle secrète par hasard, mais dont la jeune Hantsuki lui avait appris le fonctionnement. Il devait y avoir une configuration de cette salle pour y cacher les objets indésirables. Sinon, le pendentif irait rejoindre les créatures dans les abimes du Lac Noir.

Il marchait maintenant dans les couloirs du quatrième étage, la pluie martelant les vitres fines du château. Quelques semaines plus tôt, il avait eu vent d’un passage secret à ce niveau et cela faisait maintenant deux trois fois qu’il l’empruntait. Ce corridor caché le menait directement au septième étage, non loin de la tapisserie du sorcier qui voulait apprendre à danser aux trolls. Alors, quand les Aurors eurent le dos tourné, Gellert se déroba à leur regard, grimpa les marches poussiéreuses et, en deux minutes à peine, arriva devant le pan de mur vierge où apparaîtrait la Salle sur Demande quand sa demande serait exaucée. Grindelwald n’était pas inquiet sur le délai de sa disparition. Il n’en avait que pour cinq minutes après tout, à peine. Les Aurors seraient trop confus et paniqués pour oser le dire dans leurs rapports. Bien évidemment, le mage noir choisissait de disparaître à fonction du tempérament de ses gardiens, plus nerveux ils étaient, moins ils seraient susceptibles d’avouer leur bévue à leurs supérieurs. Arrivé donc, Gellert passa trois fois devant le mur, pensant fort à sa demande. À la fin de ses allers-retours, une porte se dessina dans la pierre et un sourire satisfait se grava sur les lèvres pâles du mage noir. Rapidement, il vérifia que personne ne le regardait et entra à l’intérieur.

L’endroit était bien différent de ce qu’il avait imaginé. Ce n’était pas une simple pièce, mais une véritable cathédrale, dont la croisée d’ogives surplombait dignement le blond septentrional de ses cheveux. Cependant, des bancs que l’on pouvait trouver tout au long de la nef s’amoncelaient à la place de véritables montagnes de reliques oubliées, de cahiers à moitié déchirés, des ustensiles inconnus aux sifflements et cliquetis réguliers. Fasciné, Gellert continua de s’avancer entre les piles, se demandant quels trésors les élèves avaient pu y cacher au fil des siècles. Une idée le fit alors sourire : c’était un endroit parfait pour y cacher une des Reliques de la Mort. Continuant sa visite, s’enfonçant un peu plus dans ce labyrinthe de babioles oubliées, une silhouette au loin le coupa dans sa marche. Il n’était pas seul. Malgré la pénombre, il reconnut pourtant les longs cheveux solaires qui tombaient avec grâce et souplesse sur les épaules de son propriétaire. Albus Dumbledore se trouvait dans cette même pièce que lui et semblait concentré sur ce qui se tenait en face de lui. Discrètement, Gellert s’avança et vit un magnifique miroir, à la glace légèrement piquée par endroit. Que faisait-il donc à cette heure de la nuit devant un tel objet…?

L’audace et la curiosité le firent s’avancer vers Albus. Une étrange sensation d’appréhension naquit alors au creux des entrailles du mage noir. Malgré son sourire assuré, il se tenait sur ses gardes. Et s’il ne s’agissait pas réellement de Dumbledore ? Sa propre silhouette apparaissant progressivement dans le reflet, Albus prit alors la parole, sans se retourner ni lui adresser un regard. Le sourire qu’il affichait rassura pourtant Gellert qui accepta son invitation et vint se placer à ses côtés, ses lèvres étirées par la même courtoisie taquine. Albus vanta alors des propriétés particulières au miroir où seuls leurs plus banales silhouettes s’y reflétaient. L’instant paraissait surréaliste : le mage noir avait dû parvenir à s’assoupir et il était plongé enfin dans un rêve agréable, loin de ses sempiternels cauchemars. Si cela n’était qu’un songe, alors autant jouer le jeu jusqu’au bout et ne surtout pas essayer de penser à l’éventualité de se réveiller. Avec le même sourire, il regarda leurs deux reflets, presque avec tendresse nostalgique. Malgré tout, il s’efforçait d’afficher un air assuré, renforcé par son sourire malicieux. Quelques secondes s’écoulèrent pourtant mais rien ne se produisit : ils regardaient eux-mêmes, sans aucune autre particularité. Il s’agissait là d’un banal miroir.

— Je ne vois que nous. Rien de plus que nous deux.

Cependant, un détail accrocha finalement son regard : les mains de leurs reflets se tenaient, comme quarante auparavant, leurs doigts entrelacés. Le sourire de Gellert disparu et ses sourcils se froncèrent, intrigué. Ses bras étaient placés comme à leur traditionnelle habitude dans son dos. Pourtant, ce n’était pas ce qu’il voyait. Dans la glace, il reconnaissait une pudeur, un secret inavouable et très certainement nié. Y être confronté le perturbait. Voilà donc le moment où le rêve devenait cauchemar. Dubitatif, Gellert entrouvrit ses lèvres, comme prêt à poser une question, mais il resta muet. Finalement, il eut un petit soupir et resta interdit, ses yeux se perdant sur leurs deux mains discrètement liées.
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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:01



Le feu sous la cendre

« J’ai vu dans ton cœur, et ton cœur est mien. »

Automne 1942

Le spectacle de marionnettes se poursuivait, sans souci du piètre jeu de ses acteurs, dont l’absurdité frisait le ridicule. Théâtre d’ombres qui se mouvaient au sourire d’Albus, étiolé dans les méandres du sacrifice de sa benjamine, dans l’interminable chapelet de secondes qui s’étaient égrenées durant ces quarante ans, sans lui ; dans cette désillusion de se découvrir un vieil homme amer, dont les promesses de gloire scellées au berceau s’étaient écroulées à ses pieds vaincus, avant même d’en avoir vu la bâtisse érigée. Sourire pour oublier. Pour oublier qu’il avait vieilli, qu’il n’était plus qu’un fantôme du passé, accroché aux bribes d’une passion funeste oubliée de tous. Le miroir lui envoyait en plein visage, en pleine vanité poignardée par l’humilité auquel le formidable objet le contraignait. A considérer les bienfaits du temps, aussi. A se découvrir épris comme au premier jour, à ne plus avoir si mal que cela, finalement. Supportable. La formidable puissance du temps qui s’égrène, inlassable, et qui finit par tout apaiser, même d’inéluctables tourments. La douleur vive de la passion laissée aux adolescents qu’ils avaient été, pour que ne subsistent plus chez ces patriarches qu’une vague mélancolie, et un incommensurable sentiment de gâchis.

Le grand Albus Dumbledore pouvait se fourvoyer tant qu’il voulait. Se croire au-dessus de tous, vivre la sérénité tranquille de sentir le monde sorcier fourmiller sous sa main, ne pas parvenir à ses chevilles. L’humanité, la mortalité, la faiblesse des hommes lui revenaient en plein cœur, balayant cet orgueil démesuré qui avait exacerbé la sauvagerie solitaire qui l’avait littéralement emmuré vivant. Il n’y avait plus de Directeur Adjoint à la plus prestigieuse école de sorcellerie du monde, plus de Président du Magenmagot face au Miroir du Risèd. Il n’y avait plus que la naïveté de l’adolescent époustouflé par les boucles blondes et l’insolence du sourire de celui qui deviendrait son bourreau. Il n’y avait plus que la lassitude de l’homme usé par une passion consumée trop vite, entre deux sorciers qui avaient peut-être été trop grands, trop fusionnels et trop semblables, pour que le drame ait pu être évité. Et les raisons qui auraient dû pousser le sage Professeur à s’indigner, ou à minima s’inquiéter de la présence seule et sans surveillance du criminel repenti dans les couloirs en pleine nuit semblait ne plus avoir de raison d’être. Embarrassant pragmatisme relégué au second plan, à la faveur d’un passé aux ombres déchûes dont leurs seules mémoires se faisaient les témoins.

Albus Dumbledore pouvait se targuer de sa puissance, de son aura, de cette intelligence qui l’engeôlaient au cœur de sa tour d’ivoire, loin de la simplicité de ces mortels qui le vénéraient. Le redouté et redoutable Gellert Grindelwald était toujours là, derrière son épaule, à braver l’adolescent naïf qu’il avait été de ce sourire un brin insolent, un brin supérieur. Car peut-être, sans doute même, Albus Dumbledore pourrait vaincre Gellert Grindelwald. En termes de magie pure, il y’en avait eu peu, depuis Merlin lui-même, qui pourraient se targuer de rivaliser avec lui. Mais il y’avait eu et il y’aurait toujours une supériorité de Grindelwald sur Dumbledore, depuis cette hardiesse au fond du premier regard qui avait dévisagé le petit paysan britannique qu’il avait été, jusqu’à ce sourire tranquille qui lui fouettait encore l’âme, après quarante années de feinte désinvolture et de solitude forcenée. Domination implacable, qui ne s’expliquait pas, inexorable loi de la nature que même l’auguste Albus Dumbledore n’avait jamais cherché à contrer.

Même la curiosité n’est plus aussi vive qu’autrefois. Lorsque la place est cédée au profit du mage noir, lorsque le regard hétérochrome se prête à l’audacieuse contemplation, Albus veut savoir. Si la curiosité est indéniable, pas le moindre éclair d’enthousiasme, pas même la plus petite bribe d’ardeur ne vient faire étinceler l’azur d’ordinaire pétillant de malice de ses yeux. Plus rien d’autre ne subsiste sur ce visage ravagé par les ans inutiles que ce sourire terne, faussement taquin, ce sourire déchu dans le reflet duquel miroitaient des larmes qui ne couleraient plus. Source tarie à la faveur d’une mélancolie tranquille de vieil homme qui s’était résigné au déferlement des passions, pour la taquinerie goguenarde et l’affection toute simple qu’il vouait à ses collègues et ses élèves.

La réponse lui fait froncer les sourcils, mais le sourire persiste encore, toujours. Soit Gellert ne s’était pas suffisamment approché du Miroir, soit l’inéluctable réalité d’un destin à jamais relié était partagé, encore, toujours, depuis tout ce temps. Malgré la terreur, malgré la sombre célébrité, malgré la furie des innombrables disciples. Albus avait eu beau s’enfermer, il n’avait pu empêcher les rumeurs de traverser les murs, aussi épais les eut-ils forgés. Là encore, la naturelle domination de Grindelwald avait plané sur son quotidien comme une irréfutable évidence ; quand le doux rêveur qu’avait été Albus Dumbledore avait préféré enterré ce qui lui restait de cœur, enfoui dans les braises de la seule et unique passion qui avait animé sa vie, le mage noir en devenir, plein d’une passion et d’une rage de vivre et de vaincre encore brûlante, était allé se consumer au feu des autres et d’un pouvoir dont il semblait s’être repenti. Et c’était si absurde, de ne pas savoir si Gellert avait vraiment à l’âme la nostalgie d’un amour qu’il n’était pas parvenu à oublier, ou si il devait simplement se décaler de quelques centimètres pour se découvrir auréolé de gloires, d’applaudissements et de vivats célébrant ses crimes et ses funestes exploits, qu’un léger rire, taquin, amusé presque, vint s’échapper des lèvres d’Albus ;

- Oh…Et bien, peut-être devrais tu t’approcher, Gellert.

Une enjambée sur le côté, invitation faite au mage noir de s’offrir à la contemplation du Miroir. Et là, cela fonctionne. C’est inéluctable. Et le léger rire, un peu usé à force de ne servir que trop peu, s’étiole dans le froncement de sourcils polaires du grand Grindelwald, s’éteint sous l’air grave de la sempiternelle mine d’insolence bravache qu’il semblait se faire un devoir d’arborer. Les lèvres s’entrouvrirent, même, et le Miroir du Risèd avait peut-être accompli là son plus grand miracle en coupant l’herbe sous le pied du formidable orateur qui, toujours et en toutes circonstances, avait fait montre d’une répartie dont l’audace pouvait estomaquer, émerveiller ou scandaliser. Combien de disciples l’acclamaient-ils à la lueur de ce reflet chimérique ? Combien de regards extasiés, combien d’échines ployées, combien de baguettes offertes à sa suprématie ? Et le sourire d’Albus tendait à s’effacer enfin, sous la funeste vision qu’il ne pouvait qu’imaginer ;

- Et bien ? Qu’en penses-tu ?

Etait-ce pitoyable ou beau, cet espoir qui avait survécu à son cœur brisé d’adolescent ? Peut-être un peu des deux. Mais il y’avait encore cette infime brise d’un désir qu’il avait cru mort et enterré depuis longtemps, cette espoir pathétique d’avoir cru être celui qui serait resté marqué au cœur que l’on disait de glace du grand Gellert Grindelwald, tout en sachant que cela ne changerait plus rien.

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Gellert Grindelwald
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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeLun 14 Juin - 13:10



Le Feu Sous la Cendre

« I APOLOGISE IF YOU FEEL SOMETHING »

Novembre 1942.

La réponse brève de Gellert ne sembla satisfaire la curiosité évidente d’Albus. Poliment, il l’invita à se rapprocher du miroir. Dissipé, perturbé par ces deux mains liées dans la glace, le rédimé s’exécuta docilement, s’avançant d’un pas comme si cela allait dissiper ce mirage. Mais rien ne se produisit de différent. Il regarda le vrai Albus se décaler de l’axe du miroir mais rien ne changea dans la projection. Son fantôme était toujours là, souriant doucement, tenant toujours la main de l’autre spectre aux traits du mage noir. Rien, strictement rien, ne changea. Comme figé dans le marbre, lui-même et Albus se contentaient de lui sourire avec douceur. Cette vision l’apaisait étrangement, le rassurait. Cependant, son désormais collègue insista gentiment de savoir ce que les iris hétérochromes de Grindelwald voyaient. Devait-il jouer la carte de l’indifférence ? Prétendre que tout est redevenu à la normale, même s’il passait devant la véritable utilité de ce miroir ? Le sourire d’Albus dans la glace était le même que celui de son épouvantard. Cette tendresse honnête qui offrait sa confiance. Le cœur atrophié du mage noir se serra, comme appelé par cette vision qu’il insufflait malgré une crainte puissante et sourde en lui.

Un étrange sentiment de désir naquit, mêlé à cette appréhension pernicieuse, rendant le tout désagréable. Gellert avait l’impression d’être étrangement à l’étroit. Et il avait la sensation que toucher la vitre piquée par l’humidité ambiante et les âges lui apporteraient des réponses. Pouvait-il chasser ce lui qui le narguait en tenant ce que son cœur se surprit à désirer ? Jamais il n’avait eu conscience que cette main, il voulait la serrer depuis des années. De quoi sa soif inextinguible de colère l’avait-il privé durant des décennies ? À quoi les affres de la haine l’avaient-il dérobé ? Dans quel gouffre de rage avait-il été plongé ? Et tout cela pour rien. Pour ne laisser dans son sillage que désolation et peine. Il avait incarné l’espoir dans les âmes fébriles de certains mais il s’était empoisonné, vicié par sa propre perversion de justice biaisée, les ruines de ses rêves brisés. Des vies, il en avait pris des quantités. Et Albus était certainement la première. Ariana, son plus grand regret. Rien ne pourrait leur redonner leur passé révolu, rien ne pourrait redonner vie à la jeune sœur Dumbledore, tuée par l’orgueil d’un garçon effrayé qui avait voulu jouer à l’homme. La seule réponse que Gellert avait à la peur était visiblement la violence colérique et aveugle.

Albus, lui, avait toujours eu la sagesse. La flegme impassible et réfléchie de celui qui savait. Pour cela, Gellert l’admirait. Cette résilience à endormir les sorties de son cœur, à savoir quand l’écouter et l’ignorer. Dumbledore contrôlait, mais Grindelwald avait toujours été l’esclave de ses humeurs. Aussi stratégique pouvait-il être, aussi réfléchi et calculateur, Albus aurait toujours le dessus car il prenait les décisions qu’il fallait quand il fallait. L’impulsivité n’était, après tout, pas une qualité. Si les deux hommes avaient été amenés à s’affronter, Gellert l’avait toujours su, il aurait perdu. Il n’aurait jamais eu le courage de vaincre cet homme qu’il avait profondément aimé. Il n’avait, par ailleurs, jamais eu le courage de s’avouer qu’il l’avait aimé jusqu’à récemment. Et qu’il l’aimait toujours par ailleurs. C’était en tout cas ce que semblait lui dire leurs deux sourires et leurs mains liées. Dumbledore était la justice sage et la raison éclairée. Grindelwald était l’impulsivité même, l’agressivité irréfléchie, un bourreau qui ne se souciait guère de procès. En cela, Albus serait toujours meilleur que lui. En cela, Albus était non seulement un meilleur sorcier mais également qui méritait le bonheur. Pourquoi diable s’était-il embarrassé d’une ordure comme lui dans un lieu si idyllique ?

— Je vois un mirage. Des regrets aussi. Quelque chose qui aurait pu être.

Il aurait pu être plus précis que cela. Mais pour le moment, le poids de ses mots l’abattait juste. Sa propre culpabilité, celle qui lui collait à la peau comme l’humidité d’Azkaban, le froid brûlant au fond de ses poumons, lui fit baisser l’échine et pousser un soupir. De l’espoir, il n’en avait plus trop. Il était plutôt devenu clairvoyant sur sa condition, son avenir. Les Détraqueurs ne l’avaient pas brisé. Seuls ses crimes avaient été ses bourreaux. Seule sa honte ne lui permettait pas d’envisager un avenir. Entaché, marqué à jamais, il n’avait pour seule repentance que l’honnêteté de ses propos et de ces gestes ici, à Poudlard, fief incontestable d’Albus. Il avait été à Azkaban pour être puni. Il était désormais dans cette école pour être jugé. Et ce miroir semblait être un de ses nombreux procès, faible chance de prouver à son responsable l’entièreté de sa franchise. Mais là encore, quelque chose dans cette scène paraissait trop surréaliste pour que cela soit réel. Cette nef secrète remplie d’objets entreposés au fil des âges et des générations, cette rencontre fortuite, Albus qui se tenait là telle la Divine Providence, cette vision idyllique et surréaliste dans un miroir qui dépassait sa fonction première… Peut-être était-il parvenu finalement à trouver le sommeil, cette nuit-là. Peut-être son subconscient essayait-il de lui dire quelque chose. Alors autant jouer franc-jeu, une fois dans sa vie. Se découvrir, prendre un risque. Donner à Albus l’honnêteté que Gellert aurait toujours dû lui offrir. Abandonner son éternel masque de désinvolture pour laisser paraître cette franchise qui lui avait fait défaut pendant des décennies. Que risquait-il de perdre, de toute façon ?

— Je ne vois toujours que nous deux. Et nous…

Son regard se décala du reflet et s’aventura à l’opposé d’Albus. L’exercice n’était pas facile, jamais Gellert n’avait eu souvenir de s’ouvrir autant, de se mettre à nu, de s’offrir à la merci de celui qui avait toujours eu le dessus sur lui.

— Nous nous tenons la main.

Les quelques mots avaient prononcé dans un souffle. Au final, il n’avait pas répondu à la question d’Albus. Il ne savait pas quoi en penser. À vrai dire, il était perdu et désorienté. Une partie de lui l’insultait de lâche et de faible, tombant en disgrâce, loin de sa splendeur d’antan, à se morfondre et dévoiler à Dumbledore les secrets les mieux cachés de son cœur. Mais Gellert s’en moquait. Maintenant, cependant, il avait envie de fuir. De retrouver cette pudeur et cette intimité outrancières qui l’avaient poussé dans les bras d’une solitude maussade et infertile à quoi que ce fût. Sa tête s’était déviée à l’opposé d’Albus, ne lui laissant que sa nuque, prêt à se soumettre à la lame de son châtiment, à son implacable incrédulité. Comment diable pourrait-il donc croire à quelque chose d’aussi improbable. Amusé par sa propre bêtise, Gellert recouvra alors son rictus insolent, eut un léger rire et s’efforça de retrouver contenance. Il se tourna à nouveau vers Albus, son sempiternel sourire nonchalant gravé sur ses lèvres pâles.

— Et toi, alors. Qu’en penses-tu ?

Ses mains blanches toujours liées dans son dos, Grindelwald retrouva rapidement sa droiture, menton relevé fièrement, balayant la moindre trace de faiblesse et d’abattement qu’il avait pu laisser entrevoir quelques secondes.
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Albus Dumbledore
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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeVen 25 Juin - 15:33



Le feu sous la cendre

« J’ai vu dans ton cœur, et ton cœur est mien. »

Automne 1942

Sous la flanelle rayée de sa chemise, le Pacte de sang glaçait la peau d’Albus. Les doigts du grand sage, fébriles soudain, se recroquevillent sous l’irrésistible désir soudain de s’y agripper. Et le pendentif semble peser plus lourd, à mesure que les secondes s’égrènent à contempler l’idylle de ce qui aurait pu être. Si ce qui n’avait pas été et ce qui ne serait plus ne valait guère la peine de s’y attarder, Albus n’en décrochait pas l’azur de ses yeux, pourtant. La lueur taquine s’érodait au reflet de l’immense gâchis, et le mirage d’un bonheur tranquille, consumé dans les braises d’une passion dévorante, semblait se jouer de lui ; lui rappeler que le temps n’était rien. Que ces quatre décennies de solitude forcenée pouvaient s’envoler en fumée et en cendres, sous la simple brise d’un souvenir, sous le mirage doux-amer qui se collait à ses yeux qui ne riaient plus. Les sourires des deux adolescents, qu’il avait cru si lointains, s’esquissaient avec beaucoup trop de netteté, confiants en l’avenir, insouciants et bienheureux, comme pour lui rappeler qu’ils n’avaient jamais cessé d’exister. Qu’il avait eu beau les ensevelir, ces deux jeunes idiots qui avaient cru conquérir le monde ; le murmure d’un écho qui vrombit contre un mur ; le doux chatoiement d’une source au réveil de l’hiver ; les prémices d’un sourire de glace sous la peau devenue trop blanche. Et les chimères d’une passion invaincue, de nouveau, se saisissaient du cœur du grand sage et de sa risible vanité. Y plantaient leurs griffes, et le venin se distillait au creux de ses veines, roidies dans cette léthargie contemplative de tout ce qu’ils avaient perdu.

L’écho d’une voix qui retentit. Les mots auraient pu être les siens. Mirage. Regrets. Une seconde, l’azur fané d’un regard vieilli se lève sur les lèvres trop blanches, comme scellées. Comme si l’aveu ne venait pas d’elles, fierté pudibonde d’un mage noir repenti qui s’essaie aux confidences de sentiments refoulés sous la façade roidie de l’auguste despote qui avait harangué des foules asservies à son terrible charisme. Et si le grand Albus Dumbledore n’était que l’un des leurs ? Le plus puissant sorcier depuis Merlin réduit au rang d’esclave, mêlé à l’innombrable foule partisane soumise au joug de cet impénétrable sourire qui lui avait fait fondre le cœur.

Alors le regard d’Albus se baisse et se rive sur ses pantoufles. Soumis, vaincu par l’insubmersible nef que le temps n’avait pas érodée. Tombé aux pieds de l’adolescent aux boucles blondes et au sourire insolent, pour ne jamais se relever, et courber l’échine en secret, malgré cette prétendue majesté, malgré cette sagesse de façade qui s’écroulait au point de faire entrer le plus grand mage noir de son siècle au sein d’une école fourmillant d’élèves. Et leur pudeur se heurtait au silence que rien ne semblait devoir briser, et à ce reflet qui les happaient malgré eux, attirant leurs regards usés dans les méandres de ce qui aurait pu être, si seulement. Tant de si et de champs des possibles, pour finalement deux vies de misères affectives et de solitude acharnée, que c’en était triste à pleurer. Que ce miroir goguenard pourrait, à lui seul, rendre fous à lier les deux plus incroyables sorciers de leur ère.

Et conférer au grand Gellert Grindelwald une sincérité insoupçonnée. Ou une énième manipulation. Il n’y avait pas grand-chose contre lesquelles le Directeur Adjoint de Poudlard ne pouvait rien. Tout président du Magenmagot qu’il était, tout manitou suprême de la Confédération internationale des Mages et Sorciers, toute titulature ronflante, tout superlatif obséquieux n’y changeait rien ; Albus n’avait aucun moyen de savoir si Gellert lui mentait ou non. Seuls pouvaient le guider un cœur las et désabusé, et la confiance que Grindelwald avait déjà trahie, une fois, il y’a si longtemps. Mais y’avait-il plus trompeur qu’un cœur qui bat à l’unisson d’une vie qui en avait rythmé ses moindres frissons, ses plus petites palpitations ? Pouvait-on réellement se fier à l’organe qui l’avait raccroché, toutes ces années, à l’existence et à l’âme de celui dont, pourtant, il n’avait eu de cesse de combattre les crimes ? Non. Le sage Albus Dumbledore, irrémédiablement, aurait répondu non.

Et pourtant, comme il mourait d’envie d’y croire, à ce chagrin partagé ! A ces braises gémellaires qui avaient sillonné leurs solitudes respectives, à ces cendres sous leurs pas, à cette douleur partagée, au deuil d’une passion avortée avant même d’avoir eu le temps d’exister pleinement ? N’étaient-ce pas encore que les pérégrinations chimériques du doux rêveur qu’il ne croyait plus être ? Pouvait-il seulement croire à la fidélité du cœur de Gellert, après l’abandon, après la traîtrise, après l’illustre renommée qui avait prêté le flanc à tant de rumeurs ? La sagesse d’Albus Dumbledore n’était-elle qu’un leurre ? Pouvait-il vraiment s’abandonner à la foi qu’il avait en ce sourire qui avait consumé sa vie ? Il n’y avait nulle raison lorsque l’amour distillait son venin par tous les pores de sa peau vieillie et usée par l’amertume.

Et il s’apprêtait à émettre des doutes. Méfiance. Le charisme de Grindelwald n’avait-il pas coûté la vie d’une innocente, par le passé ? Brebis immolée à leur idylle et à ses rêves de gloire, et aujourd’hui Albus se refusait à réitérer les erreurs passées quarante ans plus tôt, luttait contre l’irrépressible désir de s’y jeter corps et âme malgré tout. Et la balance pencha, soudain. Quand l’humilité pudibonde du mage Autrichien lui avait fait courber la nuque ; quand sa fierté outrancière lui fit redresser l’échine d’un bond tranquille ; quand son regard hétérochrome se planta dans l’azur du sien, miroitant du superbe défi qu’il y insufflait ; quand le rire sardonique s’égrena, que le sourire insolent de l’adolescent qu’il n’était plus s’esquissa, Albus comprit. Plus que n’importe quel autre aveu, cette air bravache prouvant sa sincérité. Un Grindelwald manipulateur aurait feint la mélancolie, aurait usé de litanies grandiloquentes, larmoyantes, aurait feint l’humilité et le repentir. L’arrogance surjouée du mage noir équivalait à un aveu de pudeur. De toute la douceur de ses yeux d’azur, Albus tenta de lui faire comprendre, le lien qui unissait leurs deux regards paraissant n’avoir jamais vraiment été brisé. Plus que toute autre chose, cette suffisance qui dissimulait les tréfonds de sentiments qu’il ne voulait pas avouer avait touché Albus plus que de raison, lui aussi pudibond et secret à sa manière. Aussi c’est une lueur taquine retrouvée qui brilla dans son regard, lorsque cette fois-ci il répondit à la question que Gellert lui renvoyait ;

- Eh bien, j’avais en premier lieu pensé te répondre que je me voyais avec une bonne paire de chaussettes de laine à la main, mais ce serait faire offense à ta sincérité. En réalité l’image que je contemple n’est pas très différente de la réalité. Tu es près de moi. Comme maintenant.

C’était si simple, et pourtant. Quand tant d’autres miraient des heures durant un reflet d’eux-mêmes, couronnés, courtisés ou croulant sous l’or, Albus voyait derrière son épaule le reflet souriant du mage noir le plus terrifiant de son époque. Ce fut au tour d’Albus d’être secoué d’un léger rire. Tout ceci était bien trop absurde, et les quelques mots échangés avaient été sans doutes les confidences les plus intimes qu’ils aient eu à extirper en quatre décennies. Pour tous les deux, sans doute, l’exploit était de taille. Alléger l’atmosphère s’imposait ;

- Mais dis-moi, puis-je savoir comment tu connais l’existence de cette salle ? Voici à peine un trimestre que tu es ici, et tu découvres déjà un des secrets les mieux gardés de Poudlard ?

Un sourire mi-amusé, mi-attendri flottait sur ses lèvres. La force de se méfier, l’énergie de se mettre en colère, ce soir, s’étaient étiolées à la lueur de mélancolie renvoyée par la reflet du fabuleux Miroir, qui était peut-être l’objet magique le plus dangereux que dissimulait les murs sacrés de Poudlard.


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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeLun 28 Juin - 14:30



Le Feu Sous la Cendre

« I APOLOGISE IF YOU FEEL SOMETHING »

Novembre 1942.

Rapidement après son aveu, Grindelwald se demanda si en offrir autant à Dumbledore était une bonne chose. Son honnêteté brusque et nouvelle le perdrait sûrement, placée là comme une offrande à l’autel du pardon de l’éminent professeur de métamorphoses. Cette seconde chance qu’Albus lui avait offerte gratuitement, sans que rien ne justifiât une telle décision, Gellert voulait l’en remercier. Lui prouver qu’il pouvait lui faire confiance malgré ses péchés, ses fautes, ses crimes. Comment son âme damnée pouvait ainsi échapper à sa sentence parfaitement méritée ? La bienveillance de Dumbledore avait-elle réussi à déceler le désir profond et sincère de pénitence du mage noir dont les stigmates de ses sombres méfaits marquaient toujours son visage d’albâtre ? Grindelwald n’était plus que l’ombre de l’homme cruel et violent qu’il avait été. Sa colère, bien que toujours pernicieusement présente au fond de lui, s’était tarie, gisant là comme un vieux cauchemar, un traumatisme pouvant refaire surface mais dont son esprit essayait de s’en débarrasser du mieux qu’il pouvait. Cette colère, il voulait l’abandonner définitivement. La laisser au stade d’ancien chapitre de sa vie. Elle avait été son passé mais ne serait certainement pas son avenir. Les années qui se présentaient, il voulait être guidé par l’honnêteté, avoir la même foi que celle que Dumbledore avait placé en lui.

Car il n’y avait pas meilleure marque de confiance que celle que lui offrait Albus à l’instant présent. En effet, Gellert était seul, donc sans son escorte personnelle de geôliers, dans une salle secrète de Poudlard, au beau milieu de la nuit. Il n’avait rien à faire là. Et pourtant, Albus ne lui avait fait aucun commentaire sur cette légère indiscipline, cet écart de conduite dont les conséquences auraient pu être désastreuses. De plus, rien n’indiquait que Dumbledore avait pris sa baguette. Péché d’orgueil ou excès de confiance, il ne s’était visiblement pas attendu à trouver son ancien amant, son meilleur ennemi dans la même salle secrète que lui. Et pourtant, il demeurait d’un calme olympien, ne trahissant aucun signe de nervosité s’il avait été habité par l’un d’eux. Cela avait sûrement poussé Gellert a joué franc-jeu. Mentir n’était plus dans son intérêt. Rester taciturne aurait pu être une option, l’empêchant ainsi de se dévoiler, d’indiquer ce qui semblait être un reflet plus que personnel, voire même intime. Non, il avait envie de rendre sa confiance à Albus, le remercier de cette lumière dans laquelle il le plongeait depuis quelques semaines, loin d’Azkaban et de ses horreurs. Ainsi, lui avait-il posé la question en retour, de ce qu’il y voyait lui, dans cet étrange miroir.

Gellert ne savait pas trop à quoi s’attendre comme réponse. Il ne connaissait toujours pas les propriétés de la glace devant eux. Il fut donc naturellement interloqué quand Albus lui parla d’une paire de chaussettes qu’il aurait pu voir mais cela aurait été, selon ses dires, un mensonge et que ceci n’aurait pas remercié la spontanéité du mage noir. Ce dernier était un peu perdu, regardant toujours ces deux mains qui avaient jadis été liées par le sang et qui désormais avaient leurs doigts entrelacés dans cette vitre piquée à certains endroits par l’âge et le temps. Il resta silencieux quelques instants, réfléchissant à cette réponse d’Albus qui apporta plus de questions encore dans son esprit déjà troublé. Le professeur ne voyait rien de plus qu’eux deux. Rien de plus que leur simple reflet. Le visage de Gellert se ferma un peu plus, ses sourcils se froncèrent. Plusieurs théories se bousculèrent dans sa tête et une revint avec le plus d’arguments en sa faveur, même si certains éléments ne collaient absolument pas. Il releva alors tête pour lire les inscriptions gravées dans le haut du Miroir mais avant que son cerveau ne puisse tenter d’en déchiffrer le texte, la voix d’Albus le ramena près de lui.

Il eut un sourire amusé et baissa les yeux. Il était vrai que cela pouvait sembler étonnant que le mage ait pu découvrir cette pièce qui paraissait si improbable à trouver. En réalité, il n’aurait jamais pu la retrouver si Kanaeko Hantsuki ne lui en avait pas expliqué le fonctionnement. Un dilemme s’imposa alors à lui. Devait-il continuer dans son honnêteté qu’Albus avait salué ? Ou couvrir cette élève qui ne faisait rien de mal si ce n’était faire le mur en pleine nuit ? Ce genre d’irrespect au règlement, Hantsuki devait en être coutumière. L’accuser de cela était donc parfaitement inutile. De plus, il ignorait si cette salle était interdite d’accès. Peut-être pas pour les élèves, mais sûrement pour lui, principal danger de la communauté sorcière et des innocents têtes blondes de Poudlard. Finalement, il préféra jouer la carte de la désinvolture, de la nonchalance insolente qui le caractérisaient si bien. Il ne voulait pas que la jeune élève de Serpentard ait des problèmes à cause de lui mais il ne désirait pas non plus qu’Albus se mette à douter de lui. Il fallait donc trouver un compromis pour que sa loyauté de fasse défaut à aucun d’entre eux. Il conserva alors son sourire insolent.

— Tu sais ce que disent les Moldus : « un vrai magicien ne révèle jamais ses secrets ».

Taquin, il regarda Albus avant d’hausser les épaules avec innocence.

— J’ai toujours aimé les mystères, les énigmes et ce château en est truffé. C’est un véritable terrain de jeu pour l’esprit, en plus d’être particulièrement agréable avec un domaine d’une beauté indicible.

Il marqua une pause, continuant de regarder Albus du coin de l’œil, son sourire ne s’effaçant nullement.

— Plus sérieusement, il semblerait que nous ne soyons pas les seuls ici à connaître l’exitance de cet endroit. Libre à toi d’interroger aussi bien les vivants que les morts pour m’avoir expliqué comment cette pièce fonctionne – parce que je l’ai découverte tout seul, en réalité.

Il n’y avait nul mensonge dans ses paroles mais la vérité était partiellement dite. Il savait qu’Albus aurait d’autres chats à fouetter que de mener l’enquête pour savoir qui avait daigné révéler l’un des secrets les mieux gardés du château. Gellert s’avança alors vers le miroir, essayant de mieux discerner les écritures en son sommet. Mais la poussière accumulée au fil des années et la pénombre nocturne l’empêchaient de discerner chacune des lettres. Cependant, le peu qu’il parvenait à lire ne signifiait rien de précis. Il regarda alors son reflet : son bras était tendu vers l’arrière, comme ne voulant pour rien au monde lâcher la main d’Albus. Gellert tourna alors le dos au mirage, regardant le vide là où leurs doigts semblaient être joints dans une autre réalité. Il ne comprenait pas. Et il était à la fois dévoré la curiosité et enthousiaste d’être confronté à cette frustration bien singulière de ne pouvoir trouver la réponse par lui-même. Les mains toujours dans son dos pourtant, il dit, sans croiser le regard d’Albus :

— J’ai pensé qu’il s’agissait d’une Glace à l’Ennemi mais certains détails ne collent pas : pourquoi nous… pourquoi interagissons-nous ensemble ? De plus, je pense avoir bien plus d’ennemis que toi et ma propre personne. Et enfin… je refuse de te considérer comme un ennemi.

Il releva les yeux brièvement vers Albus, le visage fermé dans un sérieux trahissant une profonde réflexion. Il se mit alors à faire quelques pas entre le miroir et le professeur. Que se passerait-il s’il se saisissait de la main d’Albus ? Lui serait comblé, son cœur s’emballant à cette simple idée de ce simple geste, mais comment le Miroir réagirait-il ? Une partie de lui mourrait d’envie de le savoir. Cependant, il s’avéra que cette partie était minime. Si elle paraissait prédominante pourtant, il se moquait presque de savoir à quoi cette glace pouvait bien servir, le sourire d’Albus et leurs deux mains croisées le hantaient. Il aurait en effet préféré cela que de savoir. L’amour plutôt que la connaissance. Il arrêta sa déambulation méditative et sourit.

— Cela n’a rien à voir avec une Glace à l’Ennemi.

Il revint se placer à côté d’Albus, plus proche de lui cette fois-ci, souriant toujours.

— Je ne comprends toujours pas pourquoi je vois ce que j’y vois, mais... mais cela me plaît.

Il baissa alors les yeux, son sourire s’effaçant légèrement, curieux de voir s’il allait prendre cette phrase comme une invitation. Comme pour l’encourager, Gellert ramena ses mains devant lui, ces dernières demeurant toujours croisées cependant, mais ne se dérobaient plus à leur regard.
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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeVen 2 Juil - 11:34



Le feu sous la cendre

« J’ai vu dans ton cœur, et ton cœur est mien. »

Automne 1942

Albus fronça les sourcils, un demi-sourire s’esquissant sur ses lèvres mangées par les reflets de cuivre de sa barbe. Gellert Grindelwald aurait toujours une longueur d’avance sur tout. Quand certains Professeurs déambuleraient des décennies au creux du plus petit des couloirs de la fabuleuse école, dans la farouche ignorance de l’existence de cette salle merveilleuse, Gellert Grindelwald en découvrait les dangereux délices en à peine une saison. Et Dumbledore continuait à sourire doucement, ne sachant s’il devait s’offusquer ou s’amuser d’une telle propension à tout découvrir bien trop vite. N’était-ce pas pour cela, entre autres, qu’il l’aimait autant ? Mais le mage Autrichien ne semblait pas d’humeur à la coopération, ou à une quelconque docilité envers son « geôlier. » Le sourire se fit plus insolent, sardonique presque, comme un écho à cette réponse narquoise qu’il lui assénait avec l’air triomphal de celui qui se refuse à l’aveu réclamé d’une voix tranquille. Albus haussa un sourcil, levant l’azur clair de son regard pour toiser Gellert d’un air faussement désapprobateur, par-dessus ses lunettes en demi-lune. Et pourtant, le sourire s’élargissait devant le portrait qu’il brossait de la majestueuse école de sorcellerie. Touché en plein cœur, parce que l’école avait été son foyer, peut-être bien plus que la petite maison de Godric’s Hollow, bien plus longtemps, assurément. Et les louanges chantées par le seul homme qu’il ait jamais aimé avait au creux de ses oreilles le doux clapotis d’une source claire, le tintement délicat d’une feuille qui bruisse au premier vent d’automne, le crissement des premières neiges sous les pas aventureux ;

- Je suis heureux que tu te plaises ici. Peu de gens peuvent s’imaginer à quel point j’ai aimé et j’aime cet endroit. Poudlard est ma maison.

Et Gellert saurait-il un jour à quel point lui offrir un morceau de son toit, l’abriter au creux du seul chez-soi auquel il aspirait désormais prouvait son indéfectible amour pour lui, que quatre trop longues décennies n’étaient pas parvenues à étioler ? Pouvait-il seulement comprendre quelle valeur pouvait-avoir aux yeux d’azur de Dumbledore ce qui semblait à tant d’autres n’être qu’une simple école ? Albus en doutait, et peu lui importait, après tout. Ses motivations avaient beau être l’indéniable reflet de l’unique et ardent passion qui avait animé sa vie, elles restaient après tout profondément égoïstes. Avoir Gellert près de lui, tout simplement, et combler ainsi par sa simple présence les quarante années de vide abyssal creusées par le déchirement de l’abandon et la sourde mélancolie de l’absence d’une partie de son âme, lorsque le mage noir n’était pas là. A eux deux ils fusionnaient enfin, entité complète, entière, et si les plaies ne se pansaient pas, au moins n’avaient-elles plus aucune importance, lorsque ces yeux sans pareil dardaient leur lueur de défi sur l’homme le plus respecté du monde sorcier, qui souriait encore, face à l’énième insolence qui était faite à son autorité. Il n’enquêterait pas, et Gellert le savait, à ce sourire narquois duquel il ne semblait pas vouloir se déparer, cette nuit ;

- Je n’en ferai rien. Les secrets de Poudlard sont à tous ceux à qui ils veulent bien se découvrir. Simplement je m’inquiète pour la sécurité des élèves. Il y’a dans cette salle nombre d’objets à manipuler avec précaution. Et ce miroir reste à mes yeux et de très loin le plus dangereux.

Les mains croisées dans le dos, Gellert feignait la statue de marbre impassible qu’il avait été aux yeux de ses ouailles, à l’époque maudite de sa gloire funeste. Mais son sourire semblait s’être fondu à la glace de sa mine, et son regard ne dardait plus sa lueur de défi dans l’azur des prunelles de son ancien amant, lorsqu’il lui fit part de ses réflexions. Cette fois-ci, Albus leva un regard franchement étonné, y dissimulant non sans mal la peine qui en ternissait l’azur solaire. Une glace à l’ennemi ? Voici ce qu’inspirait en premier lieu à l’unique homme de sa vie la vision de leurs deux mains entrelacées ? Et pourtant, Grindelwald réfutait cette hypothèse, arguant qu’il se refusait à considérer Dumbledore comme un ennemi. Le cœur d’Albus s’allégea quelque peu du poids des larmes trop versées aux pieds de l’immense gâchis d’une passion qui avait pu survivre à tout, à la mort comme au temps. Un léger soupir empreint d’une lasse mélancolie s’exhala de ses lèvres ;

- Avec raison. Tu ne serais pas ici si je te considérais comme un ennemi. Mais tu as raison, le Miroir du Risèd n’a absolument rien à voir avec une Glace à l’Ennemi. Il est infiniment plus puissant et plus dangereux. Au point de faire lever un sorcier aux dons exceptionnels de son lit au cœur de la nuit pour le contempler.

Cette-fois ci, Dumbledore lança un sourire taquin à la statue de sel dubitative qui le toisait de toute sa roide immobilité. Pour sûr, la curiosité de Grindelwald avait été piquée au vif, et Albus en réalité se délectait de le voir peiner à découvrir les mystères du Miroir du Risèd. Voici une énigme de Poudlard qu’il n’aura pas résolu d’un claquement de ses doigts d’albâtre. Et si la pudeur le retenait tout à l’heure, l’honnêteté de Gellert semblait lui libérer le cœur. S’il ne connaissait pas le fonctionnement du Miroir, comment aurait-il pu inventer cette histoire, dans un simple but de manipulation ? Cette nuit, rien que cette nuit, face au reflet de ce qu’ils avaient gâché, Albus voulait lui offrir une confiance éhontée, et lui faire l’aveu de ce que personne, jamais, n’avait su déceler derrière les étoiles taquines de ses yeux et la lueur solaire de son sourire. Et s’il avait été plus jeune, moins désabusé et moins las, Albus Dumbledore aurait peut-être, sous sa barbe aux reflets de cuivre, rougi de l’aveu du seul et unique amant de sa longue vie. C’est pourtant plus que jamais taquin, presque provocateur, qu’il consentit enfin à lui donner l’ombre d’un indice ;

- Le contraire m’aurait étonné. Il semblerait que certains mystères de Poudlard t’échappent malgré tout, Gellert. Je vais te mettre sur la voie. Pour l’homme le plus heureux de la Terre, il ne serait qu’un miroir ordinaire ; il n’y verrait que son reflet, rien d’autre que son reflet. Malheureusement pour nous deux, nous ne sommes que les plus puissants, et ce Miroir aurait la faculté de me rendre fou, si je n’étais pas…moi. Aussi comprendras-tu désormais mon inquiétude vis-à-vis des élèves.

Cette fois-ci, pourtant, Dumbledore avait baissé vers ses chaussures la mélancolie de ses yeux et ses lunettes en demi-lune. Ne venait-il pas tout bonnement d’avouer que le reflet de la simple présence de Gellert Grindelwald à ses côtés l’extirpait de ses draps en pleine nuit, et pourrait engloutir sa raison et sa sagesse toute entière aux détriments de la plus douce des folies, lui, communément admis plus grand sorcier depuis Merlin, vaincu par l’amour que trop faisaient l’erreur de sous-estimer. Se pouvait-il vraiment que le plus grand désir de l’auguste et terrible Gellert Grindelwald fut sensiblement le même que le tendre Albus Dumbledore ? Les reflets se faisaient écho, gémellaires, presque, et faisaient basculer en quelques secondes les quarante années de certitude d’Albus qui avait crû son amour bafoué, trahi, humilié au profit d’une quête que Gellert s’était empressé de poursuivre alors même que le cadavre d’Ariana était encore chaud ;

- Je songe à le déplacer…

Un soupir de plus. Albus était fatigué. La douceur du rêve inespéré lui inspirait une méfiance à laquelle il ne voulait pas songer pour le moment. Gellert l’aurait donc réellement aimé ? Il voulait tant y croire, soudain, qu’il repoussait au fond de son cœur trop las cette idée merveilleuse et d’une absolue tristesse, pourtant. Il fallait être sûr que ce fut vrai, avant d’espérer. Supporterait-il un nouveau réveil aussi brutal que celui qu’il avait mis, en vain, quarante années à tenter de panser les plaies ?

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Gellert Grindelwald
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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeVen 2 Juil - 14:31



Le Feu Sous la Cendre

« I APOLOGISE IF YOU FEEL SOMETHING »

Novembre 1942.

Ce n’était pas la première fois que Grindelwald entendait dire que Poudlard avait été plus qu’une école. Cette dernière avait été un véritable foyer pour bon nombre d’anciens élèves et semblait laisser une profonde empreinte dans le cœur de tous ceux qui avaient pu en fouler les pierres. Cela ne faisait que quelques semaines que Gellert vivait sous le toit du château millénaire et il sentait déjà son effet dans son cœur. En réalité, c’était une sorte d’enveloppe qui recouvrait son âme à l’instar d’Azkaban et pourtant, d’une façon parfaitement opposée, bien évidemment. Là où la prison des sorciers lui laissait un sentiment de crasse, d’humidité, posant comme un voile de ténèbres et de désespoir sur une peau que l’on finissait par vouloir arracher, Poudlard déposait plutôt un châle bienveillant, de pureté, d’espoir, de chaleur et de lumière. Il n’était pas étonnant qu’Albus s’y sente bien. Il n’était pas étonnant qu’il y soit revenu après Godric’s Hollow plutôt que la carrière toute tracée jusqu’au poste de Ministre de la Magie. Il y avait ce sentiment de retraite reculé, de calme et de plénitude qui apaisait toute âme meurtrie si tant est que celle-ci veuille se faire soigner par la magie du lieu.

Ainsi Gellert se contenta de sourire à cette confession, ne voulait renchérir sur les sentiments d’Albus qui semblait parler avec son cœur. Il devait avouer cependant que cela devait être un ressenti bien insolite que d’être dans son endroit préféré, là où il se sentait le mieux, et d’y faire rentrer l’homme qui était responsable du plus gros gâchis de sa vie. Le rédimé baissa les yeux, coupable. Il était même étonnant que le château lui laisse découvrir ses secrets, l’accueille en son sein comme l’un des siens alors qu’il avait détruit et prit un grand nombre de vies parmi ses anciens élèves. Purgatoire ou simplement la naïveté de croire en une seconde chance, Gellert ne le saurait jamais vraiment, tandis qu’il jeta un bref coup d’œil à l’officieux maître des lieux, son regard se perdant dans les reflets cuivrés de la barbe et des cheveux de ce dernier. Un léger sourire instinctif vint étirer les lèvres pâles du mage noir, tandis qu’il écouta l’inattendu magnanimité d’Albus suite à la faculté de Gellert à percer les secrets de l’école. Là où n’importe qui y aurait vu comme une possibilité pour l’obscur sorcier de prendre la fuite et retrouver son apogée d’antan, le professeur de métamorphoses y voyait juste la curiosité de son ancien amant. Et il ne se trompait pas.

Cependant, il indiqua les dangers du Miroir et Gellert afficha, et cela lui arrivait rarement, un air intrigué. Albus savait comment le pendre à ses lèvres. Parfois loquace, d’autres fois taciturne et secret, il savait en divulguer suffisamment pour susciter la curiosité au sein de son auditoire et Gellert était sans nul doute son public préféré. Lui qui venait de dire qu’il se moquait de savoir ce que signifiait vraiment la projection dans le miroir, le voilà à nouveau en train de contempler leurs deux mains jointes. L’idée de la Glace à l’Ennemi avait été parfaitement stupide et il s’en voulut de l’avoir prononcé. Il avait peur de perdre l’estime d’Albus en ayant ce genre de raisonnement grotesque et irréfléchi. Cependant, l’homme à ses côtés continua d’insister sur la dangerosité de l’objet sans que cela n’aide le mage noir à comprendre. Il s’y connaissait, pourtant, dans les aspects les plus sombres de la magie mais cependant, il ne ressentait aucun maléfice obscur, aucun enchantement dangereux. Il devait se rendre à l’évidence : il était certainement un moins sorcier que quinze ans auparavant et cela le rendait fou. Il ne put néanmoins s’empêcher de retenir un petit rire amusé lorsqu’Albus se décrivit comme étant un sorcier aux dons exceptionnels. La vanité ne lui brûlait pas les lèvres mais pourtant, il avait raison. Il était en effet un mage hors-du-commun et il en avait bien conscience.

Gellert demeura cependant silencieux, attendant qu’Albus ne daigne lui délivrer un indice pour résoudre cet épais mystère devant ses yeux dépareillés. Il ne réagit que par un sourire à la provocation équivoque de son seul et unique amour, le seul dont il acceptait les taquineries aussi franches et flagrantes. De toute façon, personne ne s’y se serait jamais osé : son nom provoquait encore bien trop l’effroi dans l’âme des badauds autour d’eux. Il écouta pourtant attentivement les indices, maigres et pourtant secrets d’Albus, ne sachant trop quoi en retenir. L’homme le plus heureux n’y verrait rien d’autres que lui-même. Et ce Miroir avait également le pouvoir de rendre fou, peu importe la puissance magique du sorcier. Mais Gellert ne sentait aucune malice s’échapper de cette glace, il n’y avait qu’un calme apaisant, un bonheur naïf dans ces doigts enlacés. Il ne parvenait donc pas à saisir le quelconque danger qui pouvait en émaner. Malgré cela, malgré son incertitude, il avait pourtant une confiance aveugle dans la mise en garde d’Albus et prit donc son avertissement très au sérieux. Il resta donc silencieux quelques secondes durant lesquelles sa réflexion murissait, s’organisait… Et peut-être trouva-t-il une piste finalement au milieu toutes les informations à sa disposition.

Gellert avait pu voir Albus alors que celui-ci n’était plus dans l’axe du Miroir. Et si l’illustre sorcier à côté de lui disait vrai, alors il se pouvait que la personne projetée puisse se trouver à des lieux du Miroir. Car Albus, selon lui, était tiré hors de son lit en pleine nuit pour y voir visiblement le visage blafard du mage noir. De plus, au vu de ses connaissances sur l’objet et le détachement de la situation, l’expérience devait lui être familière. Ce que Gellert savait déjà en revanche, c’était qu’il s’agissait, à l’instar d’un Patronus ou d’un Épouvantard, quelque chose de personnel et d’intime. D’un côté, l’homme le plus heureux n’aurait sous les yeux qu’un vulgaire miroir. Bien évidemment, il y avait un lien avec le bonheur, cela semblait indiscutable désormais. Rien ne pourrait l’emplir avec plus de joie que de tenir la main d’Albus après quarante ans loin de lui. Peut-être qu’était-ce également ce qui rendrait Albus heureux, que d’avoir Gellert à côté de lui. Dans ce cas…

— Mais… puisque je suis là, et que tu m’y vois… Le Miroir n’est devenu qu’un simple reflet pour toi, non…? C’est ce que tu voul… oh.

Il venait de comprendre. La réponse était si simple qu’il se sentit stupide. Pire, il comprit alors que la solution était cachée dans le reflet même du nom du Miroir. Riséd. Il suffisait d’inverser les lettres pour avoir la clef du mystère. C’était si grossier que Gellert ne put s’empêcher de rire doucement, affligé de sa propre bêtise, de sa propre lenteur d’esprit. De plus, il se sentit soudainement idiot d’avoir révélé si naïvement son désir le plus profond. Il replaça alors ses mains là où elles se trouvaient la plupart du temps : dans son dos, les dérobant à la moindre tentation qu’on les lui prenne, pudeur bafouée qui cherchait pourtant à conserver bonne figure.

— Tu t’es joué de moi.

Se sentant pourtant quelque peu humilié et mis à nu, Gellert conserva son sourire, menton relevé dans le but de rester le plus digne possible face à cette fourberie dont il avait été victime. Comme pour changer de sujet, il ajouta, le regardant droit dans les yeux :

— Pourquoi le déplacer ? La salle est censée demeurait secrète non ? De plus, si j’ai bien compris son fonctionnement, elle prend l’apparence de ce que l’on souhaite. Il n’y aurait pas meilleur endroit pour y cacher un tel objet.

Finalement, il baissa son regard et osa un soupir, trahissant sa perdition. Quelques années auparavant, il aurait été furieux contre Albus. Il aurait eu l’impression d’avoir été trahi et que son ancien amant avait voulu se venger bassement en se moquant de lui. Et pourtant, la réalité était tout autre : il s’en amusait. Dumbledore avait abusé de sa confiance et de son orgueil pour la retourner contre lui et lui soutirer une information intime que Gellert aurait bien voulu garder pour lui. Finalement, il recouvra son sourire mais n’osa toujours pas le regarder dans ses yeux azurés.

— Sinon… Maintenant que je suis à côté de toi… Tu y vois finalement ta paire de chaussettes ?

Ou peut-être y voyait-il la même chose que lui désormais : leurs mains enlacées dans la plus simple mais la plus honnête des façons, trahissant cette volonté d’aimer discrètement mais sincèrement. Car oui, c’était, à quelques détails près, la même chose que son Épouvantard mais également le même message : Gellert désirait l’amour d’Albus et d’en honorer la réciprocité, autant qu’il en avait peur, ainsi que de ses conséquences.
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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeMar 6 Juil - 10:26



Le feu sous la cendre

« J’ai vu dans ton cœur, et ton cœur est mien. »

Automne 1942

Un sourire doux, compréhensif, presque tendre, accueillit la confession d’Albus. Mais le mage noir repenti pouvait-il seulement apprécier à sa juste valeur l’affection qui liait le sous-directeur aux murs qui avaient été sa maison et son foyer, si longtemps, bien plus que Godric’s Hollow et l’âtre froid de la masure désolée qu’il avait habitée quelques temps, seul, une fois le dernier survivant de sa famille maudite parti ? Albus était peiné d’en douter. Il aurait voulu y croire, de toutes ses forces. N’y parvenait pas pourtant, voyant en l’unique amour de sa vie l’homme sans attaches qui avait parcouru le monde qu’il avait tenu sous sa main sans sourciller, et qui s’était arraché à la passion dévorante qui l’avait consumé sans même se retourner. Il était donc seul, comme il l’avait été sa vie entière depuis cet été, incomplet sans celui dont l’abandon avait scellé le destin prometteur et auréolé de gloire que tous lui avaient promis. Et son œil étincelant de malice s’amusait sans honte de l’air sincèrement intrigué de Gellert qui, sans doute, ne prendrait pas à la légère les mises en garde d’un des plus grands sorciers de son temps.

Il était curieux de contempler le visage qui avait inspiré tant de terreur et de cauchemars au monde magique se froisser sous la mise en garde d’Albus, devant ce qui lui semblait n’être qu’un simple miroir. Et pourtant ! Même les tréfonds insondables de l’intelligence redoutable de Gellert se heurtaient à l’énigme, et si Dumbledore n’avait pas le cœur à le laisser s’empêtrer trop longtemps dans les abysses d’une ignorance qui ne lui était que trop peu coutumière, l’occasion était trop belle pour ne pas la saisir. Car après tout, en errant ainsi dans les couloirs en pleine nuit et sans escorte, ne faisait-il pas fi de tous les règlements qui lui avaient été imposés, et qui en principe, devaient encadrer sa libération d’Azkaban ? La vengeance n’était-elle pas bien douce ? Il était toutefois certain qu’elle n’était pas désintéressée, et Albus comptait bien accueillir comme il se devait l’aveu trop intime que le grand Gellert Grindelwald lui soumettait à son insu. Trop estomaqué, trop méfiant, trop émerveillé peut-être, la réalité de la confession n’atteignait pas encore les hauteurs insondables de l’exceptionnel esprit d’Albus Dumbledore. Le plus grand sorcier de puis Merlin reculait d’un pas devant la vérité qu’il avait extorqué par la ruse. Il avait trop peur d’avoir mal. Encore.

Le rire taquin de Gellert, un brin insolent, résonna contre les alcôves de pierre de l’immense salle. Pas le moins gêné du monde, Albus lui renvoya en écho ce sourire malicieux que teintait la mélancolie d’une vie gaspillée. Tous deux se connaissaient trop pour se jouer de faux-semblants et d’humilité surfaite. Ils étaient, à ce jour, les deux plus puissants mages qui foulaient la terre. Et seul l’un aurait pu venir à bout de l’autre. Choc des titans rendu impossible par le pendentif forgé dans leur sang, mêlé à jamais, qui pendait autour du cou d’Albus, imposant la froideur de son métal sur sa poitrine, sous la soie rayée du pyjama.

Et soudain, Gellert comprit. Et la pudeur qui fit soudain baisser le regard d’Albus coupa jusqu’à la légendaire verve du mage Autrichien, dont le cours de la réflexion s’interrompit net sous la réalité qui le heurtait de plein fouet. Soudaine, violente, Gellert Grindelwald prenait conscience de la faiblesse que lui avait extorqué son ancien amant, y faisait face, acculé, vaincu cette fois-ci, cette grande dignité qui le roidissait mise à genoux par l’ingénieuse malice du sous-directeur de Poudlard. Ses mains se croisèrent dans son dos, posture coutumière de despote respecté qui se veut insaisissable et intouchable. Trop tard. Le nez sur la pointe de ses souliers, Albus eut un sourire taquin. Tel était pris qui croyait prendre, et il n’était pas peu fier de son petit tour de passe-passe inopiné.

Oui, il s’était joué de lui. Albus releva ses yeux d’azur, cerclés de ses lunettes en demi-lunes que tous lui connaissaient désormais. Si Gellert était en colère, il était bien décidé à n’en rien montrer. Ce menton fièrement relevé, ses mains liées derrière le dos et ce sourire bravache feignait l’attitude impassible de quelqu’un duquel, justement, on ne se serait pas joué. Et Albus ne put s’empêcher d’insuffler une malice éhontée à sa réponse, malgré la mélancolie et le reproche qui teintait le timbre de sa voix ;

- Ne m’en veux pas, l’occasion était bien trop belle. Et elle ne se serait jamais présentée si tu n’avais pas décidé d’abandonner tes gardes pour t’autoriser une petite virée nocturne dans les couloirs, et dans une salle présumée secrète.

La rudesse des propos aurait pu être prise au sérieux, si cette note taquine ne dansait pas au creux de la voix du sous-directeur, tandis qu’il plongeait l’azur de ses prunelles dans celles de son unique amant, si étranges et insondables qu’elles l’avaient fasciné à leur tout premier regard. Et c’est ainsi noyés dans les profondeurs de leurs yeux respectifs que Gellert dériva de sujet, arguant la parfaite cachette que représentait cette salle aux allures de cathédrale pour un objet si dangereux. Albus eut un triste soupir, teinté d’une lassitude d’homme qui, pour la première fois, se sentait vieux et fatigué ;

- Bien entendu. Il s’agissait même, à l’origine, de mon idée. Mais ta présence ici confirme que le caractère secret de cette salle est tout à fait discutable, d’autant plus que je suis persuadé que tu as obtenu cette information d’un élève. Il ne serait pas acceptable que des étudiants perdent la raison à force d’avoir contemplé les profondeurs pleines de chimères du Miroir du Risèd.

Et ce fut au tour de Gellert de soupirer. Partageait-il cette lassitude de vieil homme brisé par la vie ? Faisait-il lui aussi le deuil de ses espoirs et de ses passions consumées trop vite, contemplant les cendres disséminées aux quatre vents du gâchis orchestré par tous deux ? Il avait baissé les yeux. Et leur pudibonderie prenait un autre visage, à présent qu’ils singeaient la légèreté et l’indifférence, comme pour mieux dissimuler le chagrin qui déferlait sa tempête, dans le déferlement de souvenirs vieux de quatre décennies qui s’entrechoquaient là, face à ce miroir, tous deux plus proches qu’ils ne l’avaient été depuis si longtemps. Et ce fut au tour du rire d’Albus de s’égrener comme le carillon clair d’une cloche d’église au lever du soleil, et d’en laisser le vrombissement tinter comme les murs de la salle aux dimensions presque religieuses ;

- Non, à mon grand regret…Je rêve d’une paire de chaussettes en bonne laine d’Ecosse décorée de citrons, mais je n’ai jamais réussi à dénicher une telle merveille…Ou avec des phénix…Je me suis tourné vers les modèles de tricot Moldu, et je songe à les faire moi-même…Nous ne sommes jamais mieux servi que par soi-même, n’est-ce pas ?

Cette fois-ci, Albus s’osa à un sourire radieux, presque mystérieux, son regard bleu pétillant de malice derrière ses lunettes en demi-lunes. D’un geste, sa main glissa sur la soie rayée du pyjama, découvrant un morceau de cheville recouvert d’une chaussette de laine rouge vif, sur laquelle se pavanaient des étoiles et des lunes brodées au fil jaune, dans une danse entremêlée d’astres nocturnes ;

- J’en ai tout de même de très jolies paires, comme celles-ci que tu vois. Mais elles ne sont pas faciles à dénicher. Celles-ci sont de la main d’une ancienne élève, qui a voulu me remercier quand j’ai donné un coup de pouce à sa candidature au Ministère.

Le sourire était toujours aussi radieux lorsqu’il laissa retomber la soie du pyjama sur sa cheville. Comme pour oublier dans les absurdités de tricot et de motifs enfantins la mélancolie de leur destin gâché, que le reflet du Miroir du Risèd leur renvoyait en pleine face, eux, fiers et vaniteux sorciers qui s’étaient cru aguerris aux ravages du temps et du cœur qui les rattrapaient tous deux, cette nuit, gifle terrible à leurs visages las de singer une gloire qui ne les avait pas rendus heureux.


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MessageSujet: Re: Le feu sous la cendre - Gellert  Le feu sous la cendre - Gellert Icon_minitimeMar 6 Juil - 13:52



Le Feu Sous la Cendre

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Novembre 1942.

Non, Gellert ne lui en voulait pas. Albus avait toujours été taquin et plus intelligent que tout le monde. Il se doutait qu’il avait dû user de la ruse plusieurs fois pour soutirer ce genre d’informations intimes à ses interlocuteurs. Malgré sa répartition à Gryffondor, il demeurait aussi malin qu’un Serpentard, aussi calculateur et opportuniste. L’occasion de forcer Grindelwald à se confesser avait été trop belle pour ne pas la saisir et le mage noir avait été bien trop naïf. Pourtant, il n’avait aucune colère à son égard. Il s’était fait avoir, avait confiance à Albus en lui avouant ce reflet qu’il savait propre et personnel. De plus, l’illustre professeur renchérit, soulignant que Gellert n’avait, de toute façon, rien à faire ici. Coupable, il baissa brièvement le regard, n’ayant pas grand-chose à dire pour sa défense. Le fait que d’être suivi comme son ombre par deux Aurors était pénible et éreintant. Et les seuls moments d’intimité qu’il avait étaient au milieu de ses regrets et des peurs, qui semblaient vouloir s’évader de la simple forme de pensée immatérielle pour apparaître de façon plus concrète devant ses yeux, chaque fois que le Soleil se dérobait à leur regard derrière l’horizon. Alors oui, ne pas avoir deux paires d’yeux sur lui, même si c’était répréhensible, lui faisait du bien.

Tandis que Gellert restait muet, Albus continua dans sa réflexion : le fait que le mage noir ait pu trouver la Salle Sur Demande en un temps record semblait montrer que tous les élèves pouvaient avoir l’occasion de poser leur regard sur le Riséd. Le mage noir ne sut trop quoi en penser, ayant du mal à croire qu’Albus était en train de comparer son esprit vif à celui de pré-adolescents qui avaient autre chose à penser qu’une salle cachée dont très peu connaissaient l’existence. Les sourcils froncés, il ne releva pourtant pas la remarque. Il n’avait d’ailleurs pas son mot à dire sur l’administration de Poudlard, n’ayant aucun poids hiérarchique. De plus, à ses yeux, seuls les moins sages et les plus désespérés pouvaient y perdre la raison. Albus, qui semblait pourtant familier à cette routine nocturne, semblait encore en totale possession de ses facultés de discernement. À moins que… Il l’avait après tout arraché aux mains décharnées des Détraqueurs, alors qu’il méritait mille fois son sort. Était-ce son image, sous les yeux bleus et mélancoliques d’Albus, qui avait poussé ce dernier à lui sauver la vie ? Soucieux, Gellert regarda l’homme à ses côtés et essaya d’y déceler quelque chose, une réponse précise à toutes ces interrogations.

Mais il n’y vit rien. Au lieu de cela, Albus se cacha derrière un ricanement amusé suite à la question de Gellert qui ne comprit pas vraiment ce qu’il y avait de drôle dans l’implicite de celle-ci. À moins que le futur directeur de Poudlard ne l’ait pas perçu. Il regrettait apparemment de ne pas y voir des chaussettes et le mage noir ne sut comment prendre cette affirmation. Niait-il le désir qu’il semblait éprouver pour lui ? Non seulement Albus l’avait trompé pour lui soutirer une information qui, certes, n’aurait jamais révélé en temps normal tout ça pour se protéger derrière une nonchalance désintéressée de la situation ? Tandis qu’il était occupé à parler des motifs qu’il rêvait de voir à ses pieds, Gellert regarda son visage, troublé et presque peiné. C’était donc cela, ce que signifiait leur envie réciproque de l’autre ? Quelque chose de contraignant, presque qu’honteux qu’Albus en aurait préféré voir des chaussettes tricottés mains. Le mage noir fit une moue et baissa les yeux vers les chaussettes écarlates d’Albus. Il ne put s’empêcher alors d’esquisser un sourire amusé et presque attendri. L’excentricité improbable du professeur pour ce genre d’accessoires insolites, Gellert la connaissait et l’aimait, lui qui n’était que sobriété et noirceur dans son accoutrement.

Il parla alors d’une ancienne élève qui lui avait offert ces paires et une nouvelle fois, Gellert ne comprit l’intérêt de lui révéler cela, maintenant. Il ferma les yeux et se surprit à espérer avec force qu’Albus ne rajoute pas que cette fille avait trouvé la mort sous le feu destructeur et vindicatif de la colère de Grindelwald à son apogée. À certains moments, la culpabilité l’assaillait, le rongeait avec force. Tel un feu qui se propageait, il avait l’impression que ses regrets lui gangrenaient chaque nerf de sa peau, le dévorant lentement et le trainant vers les abysses de sa propre honte. Tout cela, il l’avait sous couvert du plus grand bien. Et cela n’avait été qu’un vaste échec : rien n’avait changé. Il y avait toujours des Nés-Moldus qui souffraient dans le monde, victime de la cruauté des Moldus qui ne pouvaient s’empêcher d’haïr ce qui était différent d’eux et à la couardise du monde sorcier qui préférait fermer les yeux face à ses injustices et à vivre en totale autarcie. Il ne comprenait pas comment les sorciers pouvaient encore avoir une telle arrogance, à ne pas essayer de comprendre ce monde dont il se cachait mais qui les entourait malgré eux. Mais son parcours avait fait en sorte que Grindelwald fasse cela dans la colère et la peur. Aucune révolution ne s’est faite dans la paix, cela dit. Mais peut-être aurait-il pu changer cela aussi. Après, à l’instar d’Albus, il était différent de tous. Au-dessus, indéniablement et pourtant si misérable, si éphémère.

Il releva les yeux et regarda le sourire doux et aimant du couple si atypique qu’ils auraient pu faire. Se perdant dans l’azur des yeux du reflet d’Albus, il songea au fait que l’homme qu’il désirait était en pyjama à côté de lui, au fait qu’il devait certainement dormir avec ses chaussettes en laine afin de préserver ses orteils du froid du château, qu’il devait certainement avoir un thé chaud à porter de mains si le besoin se manifestait. Un sourire tendre, mélancolique et rêveur naquit sur les lèvres pâles et froides du repenti. Voilà trop longtemps que les dernières phrases d’Albus semblaient raisonner dans le silence. Des secondes, voire des minutes que Gellert n’avait osé répondre à l’improbable commentaire du professeur sur ses chaussettes rêvées. Mais il ne savait comment y réagir. Mais leur reflet changea alors. Leurs silhouettes bougèrent. Lentement, la projection du mage noir vint poser délicatement sa tête pâle contre celle de l’image d’Albus. Le repenti baissa à nouveau les yeux. Il ne savait quoi dire sur ses chaussettes. Peut-être devait-il reprendre la conversation comme si de rien n’était dans le seul but de prolonger ce moment passé avec lui. Car non seulement il ne voulait se retrouver seul pour rien au monde mais il ne voulait pas se séparer d’Albus. Trop d’années s’étaient écoulées, trop de temps perdu pour oser faire l’outrage d’écourter un instant pareil. Là, dans cette salle, les minutes semblaient s’être arrêtées. À l’abri des regards et des murmures, le temps paraissait s’être suspendu. Gellert se rendit compte qu’il aurait pu rester là des heures, voire même des jours à ne pas bouger, Azkaban ayant malgré tout contribué à cette perte de repères temporels. Finalement, la gorge serrée, il daigna de dire :

— Elles sont très jolies, tes chaussettes. Aux couleurs de Gryffondor, en plus.

Il osa un sourire timide mais bien peu convaincu, se trouvant subitement ridicule, tandis que son propre reflet semblait le narguer d’être ainsi lové contre Albus. Il resta à nouveau silencieux pendant un long moment, son menton bas, son visage fermé et son regard n’osant se poser ni sur le reflet, ni sur les chevilles de l’illustre sorcier cachées par la soie de son bas de pyjama. Finalement, le poids de sa honte fut trop lourd à supporter. Être confronté à ce qui aurait pu être était devenu insoutenable et il préférait subir ce qui avait été. Ainsi, tandis qu’il amorçait un départ de la salle, dans un silence lourd et asphyxiant, il parvint à prononcer :

— Je suis désolé, Albus…

Phrase sincère et globale, les crimes de Grindelwald étaient bien trop importants pour se faire excuser par cette simple phrase. Cependant, sa fierté l’empêchait d’en dire plus, rendant sa gorge bien trop serrée pour émettre à nouveau le moindre son. Il se dégagea alors de l’axe du Miroir, tournant le dos à Albus et s’arrêta brusquement. Immobile quelques secondes, il finit par baisser les épaules tout en poussant un profond soupir. Non, il ne parvenait pas le quitter. Et pourtant, il ne réussissait plus à le regarder dans les yeux. Toujours figé cependant, il dit avec un sourire faux, comme prétexte à ce nouvel acte de lâcheté qu’il proposait à celui qu’il aimait :

— Ce satané miroir…!

Simple excuse de son mal-être et de ses doutes, il voulait dédramatiser la situation et même essayer de se redonner lui-même du courage. Il ne voulait pas partir d’Albus. Non, ce qu’il voulait, c’était placé sa tête contre son épaule.
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Le feu sous la cendre - Gellert

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