Septembre 1942

A ses paroles, Kana eut un spasme d’agacement qui fit se soulever légèrement sa joue gauche au niveau de la pommette. Darragh n’était pas un garçon facile à mettre à l’aise. Timide et quelque peu introverti, il reste, la plupart du temps, calme et docile. Mais, quand il se décide à se lâcher, il peut rapidement piquer dans le vif et la jeune Serpentard n’apprécia guère le fait d’être comparée à l’un des pires élèves de l’école… Bien entendu, elle savait qu’il ne s’agissait là que de pur taquinerie en provenance de son ami, mais elle lui répondit quand même sans cacher son agacement et croisa les bras.

« Tu oses me comparer à ce crétin qui ne sait pas faire la différence entre un cognard et un pigeon ?! Je te signale que, moi, je ne cherche pas à faire le zouave pour me faire prendre exprès et afin de battre le record de retenue en une année… D’ailleurs, je ne me fais prendre que rarement ! Sinon, j’aurais passé plus de temps en retenue qu’en cours. »

Elle lui tira la langue lorsqu’il pointa son doigt vers elle mais elle sourit aussi, levant un sourcil.

« Tu n’oserais pas… Et puis tu sais très bien que rien ne me fera changer… Tu ne peux pas faire de moi une sainte comme moi je ne peux pas faire de toi un rebelle… Même si… ça m’attriste quand même, je l’avoue. »

Elle leva doucement les épaules. En vérité, elle espérait quand même, un jour, l’entrainer dans une de ses aventures avec, bien évidemment, toute la prudence que cela imposait. Elle ne voulait pas que Darragh fasse perdre des points à sa maison, sachant bien que cela mettrait un grand coup au moral de son ami. Non, elle voulait juste lui faire connaitre les joies de provoquer l’interdit, de visiter un château de nuit, entièrement vide, de connaitre la monté d’adrénaline lorsque l’on entend des bruits de pas à l’autre bout d’un couloir mais aussi, et surtout, lui montrer la Salle sur Demande. La brunette savait qu’il pouvait lui faire assez confiance pour lui faire découvrir ce lieu pourtant si secret à ses yeux. Mais les paroles qui suivirent la fit soupirer doucement également. Elle sortit une montre à gousset de sa poche qu’elle observa un instant avant de la ranger à nouveau.

« Comme chaque année tu me diras… j’irais bien pour toi, mais je ne suis ni préfète, ni Serdaigle… »

Elle souriait, taquine… Cela ne l’aurait pas dérangée si elle pouvait. En vérité, elle aurait aimée être préfète. Après tout, elle avait l’autorité nécessaire et cela aurait été une mission qu’elle aurait accomplit avec honneur… Mais elle comprenait aussi pourquoi elle n’avait pas été prise : la discipline dont elle était dépourvue. Pourtant, tout aurait pu être tellement simple si seulement elle avait daigné se tenir à carreau un minimum. Le pire dans tout cela, c’était de ne laisser aucun choix à la personne nommée. Kana savait que son ami n’avait jamais demandé à être préfet. Bien entendu, il était tout désigné à la vue de son talent et de sa bonté. Mais il n’avait ni la volonté ni le tact nécessaire pour cette mission… Elle soupira à nouveau à cette pensée. Tout le monde ne s’appelle pas Tom Jedusor, monsieur je-suis-parfait-partout. Mais Darragh changea de sujet et la jeune femme sourit et s’avachie à nouveau dans son siège.

« J’espère !... Après, notre bon Capitaine a quitté l’école l’année dernière. Je paris que c’est Weasley qui a été nommé à sa place et je suis certaine qu’il fera tout pour que je ne sois pas reprise… Je sais que son cousin vise mon poste depuis un moment… Et en plus, je suis une fille ! Une fille dans une équipe de Quiddich quelle honte pour notre équipe ! Après tout, à les entendre, on pourrait croire que la place de la femme c’est A LA CUISINE ! »

Elle s’était rendue compte que sur cette dernière phrase, elle avait quelque peu haussé le ton… Mais il y avait de quoi. La façon de penser moyenâgeuse de sa maison l’exaspérait. Elle se passa une main sur le visage avant de lâcher dans un soupire :

« Excuses moi… c’est sur le coup des… nerfs disons.»

Mais elle balaya à nouveau cette pensée alors que son regard allait à nouveau sur les bras et les cuisses du jeune homme… Revoir ce garçon sage et doux dans un corps d’athlète lui faisait bizarre et cela l’intriguait. Une idée lui vint à l’esprit. Une chose qui allait à l’encontre même de l’esprit de Darragh mais qui valait le coup d’être proposée :

« Et toi, tu ne penses pas t’inscrire ? Avec un corps pareil, je suis certaine que tu deviendrais un Batteur redoutable ! »

Et pourquoi pas ?

Poudlard Express, 1^er Septembre 1942.

Darragh semblait avoir dit quelque chose qui ne fallait pas. Le regard de Kanaeko s’était durci, comme outrée de la comparaison pourtant innocente que le jeune Serdaigle avait faite avec Adoxus Gwydd. Le ton de la Serpentard était sévère et dur, ce qui fit baisser les yeux de son ami de honte. Ne sachant trop où se placer, il regardait les mains sur ses cuisses, sans essayer même de se défendre. Il ne comprenait pas pourquoi elle prenait autant la mouche face à cette petite blague. De plus, il était certain que certains professeurs soient même d’accord avec lui et que Kanaeko, qui se défendait maintenant avec une certaine virulence, faisait certainement preuve d’une certaine mauvaise foi. Même si Gwydd était un idiot, la Serpentard avait un palmarès de retenues et une réputation proches de lui. Darragh n’était pas sûr que le Gryffondor fasse le zouave, comme elle disait, volontairement. Il se moquait juste éperdument de l’autorité et des règles et Kanaeko était exactement dans le même cas que lui. Virées nocturnes dans Poudlard, implications en cours relativement aléatoires… Si elle ne se montrait pas insolente, elle n’aimait pas qu’on lui imposât des choses. Et sur ce point, elle ne différait pas beaucoup de Gwydd (bien que ce dernier se montrait bien plus irrespectueux qu’elle).

Elle sembla se radoucir alors, consciente que son ami n’avait qu’une simple taquinerie. Pourtant, il s’en voulait d’avoir fait cette comparaison. Jamais il n’avait voulu la froisser, jamais il n’avait voulu la vexer. Il eut un petit sourire timide tandis qu’elle le pointait du doigt. Non, il n’oserait pas la sanctionner. En réalité, Kanaeko était un peu sa seule vraie amie et il n’aurait pas toléré un seul instant être en froid avec elle. Il avait beau être de nature solitaire, son amitié avec elle était précieuse. Mais, comme elle le disait également, il ne risquerait pas de porter préjudice à sa maison. Il ne risquerait pas d’enfreindre les règles de l’école pour elle ou même pour n’importe qui d’autre. Il était, à ce jour, un élève irréprochable au niveau de la discipline et comptait bien le rester. Il ne pouvait se permettre de tout gâcher à deux ans de la fin de ses études. Il eut une moue inquiète. Peut-être Grindelwald serait le genre de professeur cruel à mettre des retenues à tout va pour aucune raison, certainement frustré de se retrouver rabaisser à donner des cours à des adolescents… Mais pour l’instant, cela n’était pas encore arrivé.

— Tu n’as pas besoin d’être à Serdaigle pour assister à cette réunion : toutes les maisons sont mélangées. Mais tu as besoin d’être préfète en effet… Ou préfète en cheffe, mais je crois que Slughorn n’a pas plaidé en ta faveur.

Il rit doucement et très brièvement. Sa petite touche d’humour allait peut-être de nouveau agacer son ami aussi préféra-t-il recouvrer un air sérieux, tout ombre de sourire disparaissant. Il ouvrit même la bouche pour s’excuser mais il eut la présence d’esprit de se dire que cela était peut-être exagéré. Il l’écouta plutôt parler de son année de Quidditch qui se profilait et de ses doutes quant à être conservée dans l’équipe suite au changement de capitaine. Elle s’emporta de nouveau, surprenant Darragh qui ne s’était pas attendu à ce que la conversation provoque chez elle un émoi si vif. Il fronça légèrement les sourcils, se demandant pourquoi elle semblait si à cran.

— Je… Ne t’en fais pas, tu es une excellente joueuse… La meilleure batteuse de Poudlard actuellement. Ce serait ridicule que Weasley ne te prenne pas… Slughorn ne laissera pas faire ça, tu le sais !

Il essaya de sourire, bien qu’une certaine inquiétude pouvait être lue dans ses yeux.

— Tu es sûre que ça va…? Je te trouve un peu nerveuse… Tu n’as pas pris Étude des Runes, tu ne devrais pas être à cran comme ça !

Encore une fois, son sourire amusé fut bref. Se rendant compte qu’il pouvait à nouveau la vexer, pour il ne savait quelle raison, il s’empressa de faire disparaître toute trace d’amusement sur son visage. Elle lui proposa alors d’essayer le Quidditch et il dut s’avouer être pris au dépourvu.

— Je… Je n’y avais songé mais… J’ai toujours trouvé le Quidditch un peu violent, donc je ne sais pas… Pourquoi pas… Mais après, le physique ne ferait pas de moi un bon joueur, puis je ne trouve pas avoir tant changé que ça…

Il sourit timidement. Darragh n’avait jamais supporté faire du mal aux autres alors envoyer une balle folle se fracasser dans les côtes de ses camarades. Il eut alors la brève image de Kanaeko tombant de son balai par sa faute et cela lui fut très désagréable. Il était bien trop tendre pour un sport comme celui-ci. Il préférait les échecs et la version moldue, bien évidemment, où les pièces ne se détruisaient pas violemment entre elles lorsqu’elles étaient prises. Il sourit et haussa légèrement les épaules.

Septembre 1942

Elle n’avait pas voulu se montrer dur avec son ami, loin de là. La jeune Serpentard était plus animée par l’instinct que par la raison, ce qui est l’opposé total de Darragh, beaucoup plus réfléchit. Bien entendu, au bout d’un moment, elle comprit un peu mieux où il voulait en venir et là tout devient plus clair à ses yeux. Si elle avait réagi ainsi, c’était surtout à cause de sa rivalité avec les Gryffondor qu’elle-même considère comme étant de plus en plus ridicule car la septième année savait qu’elle avait beaucoup plus du caractère téméraire et protecteur des Gryffondor que des rusés et ambitieux Serpentard. D’ailleurs, peut-être éprouve-t-elle des regrets au fond ? Peut-être aurait-elle dû se concentrer sur sa témérité plus que sur son ambition le jour où le Choixpeau Magique lui a été posé sur la tête ? Mais elle n’a jamais creusé le sujet. Après tout, personne ne semblait s’intéresser à son comportement de lionne alors qu’elle vivait dans la fosse aux serpents et cela lui allait très bien…

Kanaeko fit la moue à sa remarque et sembla s’affaissée dans son fauteuil… Non, Slughorn n’avait pas plaidé en sa faveur et elle savait bien pourquoi. En y repensant, le Maitre des Potions lui avait soufflé quelques sous-entendus à l’époque de sa quatrième année, durant l’un de ses dinés… Mais, à l’époque, en pleine crise d’adolescence, la Serpentard était des plus infectes avec presque tout le monde, y comprit les professeurs. Pourtant, elle avait déjà un certain talent magique et une autorité croissante dans sa maison. Mais une préfète qui fini en retenue, au moins une fois par semaine…

« Non en effet… Après, je ne peux pas lui en vouloir ! On ne se fréquentait pas encore à l’époque, mais il va sans dire que j’étais vraiment détestable à cette époque. Presque autant que Gwydd aujourd’hui. »

Dit-elle en riant légèrement. Elle espérait que sa réaction aiderait son ami à se détendre. Après tout, si elle ne s’était pas calmée avec les années, jamais elle n’aurait pu avoir un ami comme le jeune Irlandais. Contrairement à ce que beaucoup pensaient, le jeune Serpentard faisait de son mieux pour s’assagir. Mais, tout le monde est limité par sa propre personnalité. Kanaeko elle-même ne savait pas si la maturité l’aiderait à devenir plus sage, plus calme et plus patiente… Une pensée la fit sourire un peu plus alors qu’elle regardait le visage de Darragh. Il avait toutes les qualités qu’il lui manquait et, lui, manquait cruellement d’ambition et de témérité qui, entre ses mains, seraient des qualités non négligeables. Le jeune homme a tout pour réussir : Il est intelligent, brillant, sage… sans parler qu’il est bien parti pour devenir un beau garçon. Il pourra choisir le travail qu’il voudra à sa sortit de Poudlard. Pourtant, à l’entendre, il voulait simplement passer sa vie entouré de grimoires et de parchemin. Si cela pouvait le rendre heureux pourquoi pas ?... mais quel gâchis.

A sa remarque sur le Quiddich, elle haussa les épaules en souriant. Les directeurs de maisons ont la main mise sur les équipes, c’est vrai. Mais bon, il y a d’autres problèmes qui peuvent s’ajouter comme la cohésion d’équipe par exemple.

« On verra… »

Répondit-elle avait un léger sourire. Si elle venait à être refusée en tant que batteur, elle s’essaierait bien à être attrapeur… Dans sa rivalité avec Jasper, elle serait extrêmement fière d’attraper la petite balle en or avant elle. Mais, elle n’en était pas là et elle comptait bien garder cette idée pour elle-même tant qu’elle n’avait pas essayée au moins une fois ce poste particulièrement difficile. Elle rit à sa remarque concernant son comportement.

« Excuses moi… Je suis toujours comme cela dans le Poudlard Express et jusqu’à mon premier jour… Je n’ai pas forcément hâte de revoir mes a-d-o-r-a-b-l-e-s compagnons de maisons et plus particulièrement les sangs-purs… En tout cas, ne te sens pas visée par mes sauts d’humeurs.»

Non, elle n’avait pas vraiment hâte. Elle se demandait bien quel genre de nouveaux élèves allaient les rejoindre cette année, s’ils allaient être meilleurs ou pires ?... Elle repensait à Lavande, si injustement mal traitée alors qu’elle n’avait commis que pour seul crime d’être née moldue. A sa réponse concernant ses doutes sur une possible participation au Quiddich, Kana hocha les épaules et se redressa sur son fauteuil, le regard malin.

« Tu devrais essayer… J’aurais bien aimée te voir à l’œuvre et te montrer deux ou trois trucs, mais hélas, il est déjà assez difficile d’avoir le terrain lorsque l’on est une équipe entière, alors à nous deux… Mais essais au moins de participer aux sélections de Serdaigle. Tu pourrais être surpris ! Et puis, n’ait pas peur. Si je devais me prendre un cognard en pleine tête venant de ta batte, avec un nez cassé ou des dents en moins, je serais fière de toi !... Car je ne suis pas facile à toucher ! »

Elle se mit à rire. Néanmoins, elle était parfaitement sincère. Malgré tout, Kana lui murmura :

« Bon… Si tu entends des mots du genre Kono Yarou, Temee ou Inpo… n’y fait juste pas attention. »

L’avantage de jurer sur le terrain en Japonais, c’était que personne ne pouvait comprendre et, donc, la faire sortir pour comportement déplacé ce qui l’amusait grandement.

Poudlard Express, 1^er Septembre 1942.

Darragh continuait d’arborer un sourire poli. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de penser que l’indiscipline de Kanaeko était un important gâchis. Elle avait clairement des aptitudes incroyables que peu de ses professeurs semblaient avoir remarqué malgré les bons résultats de ses BUSE. En réalité, elle était vraiment une sorcière au potentiel extraordinaire mais ses petits problèmes de comportement masquaient toutes les portes qui s’ouvraient à elle, même à ses propres yeux. Il était cependant trop timide pour pouvoir essayer de lui faire comprendre. Il ne voulait pas non plus la contredire et se taisait dans un silence contreproductif. Il espérait juste que son amie gagnerait en maturité au cours de l’année. Il craignait que son indiscipline ne soit incompatible avec ses projets de devenir Auror. La rigueur et l’assiduité étaient primordiales et il s’agissait là de deux qualités qui manquaient au tempérament de feu de la jeune Serpentard. Mais sa seule voix ne suffirait pas. Cette année serait un tournant pour elle, en plus d’être sa dernière. Son destin allait se jouer dans les prochains mois, loin des terrains de Quidditch dont elle parlait avec un enthousiasme sincère. Peut-être vivait-elle trop au jour le jour mais comment pouvait-il seulement l’en blâmer…?

Kanaeko ne semblait pas vraiment ravie pourtant de retourner à Poudlard. Elle semblait éprouver une véritable aversion pour ses camarades et Darragh se demanda naïvement pourquoi le Choixpeau l’avait envoyé à Serpentard. Plus il la connaissait, plus il se disait qu’elle aurait parfaitement eu sa place à Gryffondor. De plus, cette maison était réputée pour être un peu plus ouverte d’esprit sur la pureté du sang que les verts et argents… si on oubliait Adoxus Gwydd, bien entendu. Aucune maison ne convenait réellement à cet énergumène. Le jeune Serdaigle se rendit alors compte que la brute de Gryffondor occupait pas mal ses pensées ces dernières semaines. Il se rendit compte qu’il nourrissait une sorte de colère idiote depuis qu’Aurora Bishop lui avait dit qu’elle était sortie avec lui pendant quelques temps. La vérité alors de cette étrange impression frappa alors Darragh qui avait toujours cru être au-dessus de ce genre de sentiment : il était jaloux. Jaloux d’un garçon qui faisait une tête de plus que lui et deux fois son poids. Bien évidemment, la donne avait changé avec le gain de masse musculaire et la poussée de croissance que le jeune Irlandais avait eu pendant l’été mais la prise de conscience se faisait tardive.

— Dis-toi que tu n’auras à supporter tes camarades que dix mois encore…? Ce n’est rien dix mois, ça passe vite.

Il sourit et essaya de s’imaginer alors sur un balai, une batte à la main. Ce n’était pas la force physique qui semblait lui manquer s’il s’en tenait à l’enthousiasme jovial de son amie. Mais il n’avait pas l’impression d’avoir cette hargne de vouloir gagner, quitte à faire du mal à un autre. Sauf Gwydd, bien évidemment. Il se demanda alors si Aurora pourrait s’intéresser à lui s’il venait à entrer dans l’équipe de Serdaigle. Si Adoxus avait réussi à lui plaire d’une façon ou d’une autre, peut-être pouvait-il également ? Il entendit alors la remarque de Kanaeko sur des mots à la prononciation étrangère qu’il reconnut comme étant du Japonais.

— Si c’est pour que tu m’insultes sur le terrain, ce n’est pas la peine…

Il eut alors un léger sourire amusé avant de reprendre un air plus sérieux, son regard azuré se perdant à l’extérieur, pensif. Il n’avait pas aperçu la jeune Poufsouffle sur le quai. Elle n’était pas non plus passée dans les couloirs du train. Ils avaient certes échangé de façon épistolaire durant l’été mais tout n’avait été qu’un doux rêve auquel il n’y croyait qu’à moitié. Il avait déjà lu des écrits sur des maladies mentales où les souffrants s’inventaient une vie, des souvenirs et étaient convaincus de leur véracité. Et s’il n’avait jamais reçu de lettres ? S’il avait rêvé de cette après-midi à réviser à l’ombre d’un arbre avec elle. Toujours sans regarder Kanaeko, il finit par dire :

— Dis… Les filles, elles… elles aiment bien les joueurs de Quidditch, non…?

Il savait que son amie était une fille… « différente », bien loin des clichés sur pattes qui courraient et gloussaient çà et là dans Poudlard. Kanaeko était, au final, aux antipodes d’Aurora. Sa question lui semblait pourtant stupide, ridicule, presque indigne. Il secoua la tête, les joues rouges de honte.

— Oublie ce que je viens de dire.

Confus, le visage cramoisi, il n’osa plus regarder Kanaeko dans les yeux. Il se sentit même comme sale et souillé de sa propre pensée, comme s’il n’était qu’un vil animal du genre masculin plus que machiste. Au final, il se sentait un peu comme Gwydd et cette idée le répugnait.

Septembre 1942

La jeune femme hocha doucement les épaules en réponse. Dans un sens, il était vrai que l’idée de revoir ses camarades de la maison au Serpent d’Argent l’agaçait, mais dans un autre, elle aimait Poudlard et, malgré tout, la maison Serpentard. Comme l’a si bien présenté le Professeur Dumbledore à son arrivé, cette maison avait été comme une seconde famille et elle s’y était attachée malgré les énergumènes qui la peuplait… Mais, au final, étais-ce différent par rapport à chez elle ? Sa mère ne l’acceptait pas comme elle était, un peu comme les enfants de moldus et quelques autres malheureux de la maison de Salazar Serpentard ne sont pas accepté par les enfants de sang pur. Autant, au début, elle pensait pouvoir faire changer les choses, autant maintenant, elle savait que cela était vains. Personne ne peut modifier une éducation reçue depuis l’enfance. Elle finit, simplement par sourire un peu tristement, gardant sa réflexion pour elle.

Mais elle ne put s’empêcher de rire à sa remarque.

« Rassure-toi, ce sera juste sur le coup. »

Elle rit à nouveau, un peu gênée, se rendant compte qu’elle jurait, peut-être, un peu trop facilement et de façon beaucoup trop spontanée. Si elle voulait intégrer les rangs des Aurors, il faudrait qu’elle se contrôle un peu plus.

« Mais je suis sûr que tu peux devenir un bon joueur et puis, si tu as trop peur de blesser les autres, tu peux toujours essayer de devenir poursuiveur, gardien voire attrapeur ! »

Mais sa carrure actuelle le prêtait plus à devenir batteur. Néanmoins, il s’agissait là d’un rôle qui demandait, en plus d’une bonne condition physique, une grande vivacité d’esprit où l’hésitation se résultait par un coup de cognard. Finalement, Darragh posa une question qui fit bifurquer le regard de la jeune femme vers ses yeux à lui. Il avait l’air ailleurs, le regard dans le vide. La jeune Serpentard n’avait pas le souvenir de l’avoir déjà vu ainsi… Et, soudain, il secoua la tête et se ravisa, le visage soudain rouge, pire que lorsqu’elle lui avait tâté le bras. Le regard de Kanaeko s’éclaira car elle crut comprendre ce dont il s’agissait. Un sourire malicieux vint s’ajouter à ses yeux pétillants alors qu’elle sautait sur la banquette à côté de son ami.

« Oh que non, tu ne prendras pas la fuite ! »

Elle allongea son bras au-dessus de la banquette, entourant presque les épaules du jeune homme. Une mèche de cheveux lui barrait la moitié du visage mais elle ne prit pas le temps de la ramener en arrière.

« Pour répondre à ta question, la plupart des filles aiment bien les joueurs de Quiddich. Il faut dire ce qui est, l’action, le risque et l’adrénaline partagé avec la foule, ça aide un peu… Et ça donne un certain charme. »

Kana détourna un instant le regard… Elle devait avouer que, même elle, n’était pas indifférente à l’effet que donne certaines joueuses sur un balais… Peut-être que c’est pour cela qu’elle déteste autant Jasper Blake ? Après tout, cette « mademoiselle Parfaite » n’était pas dénuée de charme, cela va sans dire et sa façon de jouer… Mais bref, elle chassa cette pensée de sa tête, se reportant sur le cas Darragh.

« Mais, dis-moi… tu ne serais pas un peu amoureux toi, par hasard ?... »

C’était limite cruel de jouer ainsi aux devinettes car, sur ce point-là, le jeune garçon était un vrai livre ouvert. Qu’il réponde ou non, qu’il dise la vérité ou non, cela se verra de suite. Heureusement, Kana n’avait aucune envie de lui nuire, bien au contraire ! Voir ce garçon (qui est encore plus solitaire qu’elle) s’intéresser à quelqu’un était une chose magnifique à ses yeux… A défaut de pouvoir, un jour, connaitre cela, elle voulait que ses amis, eux, profitent de la vie. L’euphorie de Kana était lâchée. D’ailleurs, elle se demandait bien de quelle fille il s’agissait car elle n’avait pas le souvenir de l’avoir vu fréquenter en fréquenter aucune… Du coup, elle pensait plus à quelqu’un de Serdaigle. La personne qui ressemblait le plus à Darragh était sa camarade, actuelle septième année, Solveig. Mais elle avait bien du mal à imaginer une conversation entre lui et la Norvégienne en dehors des « Tu en penses quoi de la révolte des gobelins du 12e siècle ? » ou allez savoir quelles conneries d’intello… Non, Kana espérait vraiment quelque chose de plus piquant, de plus surprenant. Pour le coup, elle ressemblait plus à une gamine de huit ans qu’à une adolescente de presque dix-huit ans.

« Je la connais ?... Huhuh ! »

Poudlard Express, 1^er Septembre 1942.

Darragh ne se méprenait pas : son gabarit avait bien trop changé pour convenir à un poste d’attrapeur, malgré ce que disait Kanaeko. Elle avait beau s’enflammer d’ailleurs, ce n’était pas parce qu’il semblait avoir la carrure parfaite pour être batteur qu’il serait un bon joueur de Quidditch. Il savait sciemment qu’il devait avoir de bons réflexes, une lecture de jeu impeccable et un sens de l’équilibre irréprochable sur son balai. Or, à part les leçons de vol faites en première année, il n’avait jamais trop eu l’occasion de remonter sur une Comète ou autre Brossdur. Même si Serdaigle n’avait jamais eu une équipe de Quidditch incroyable (voire même étant souvent considérée comme la pire) et que les critères de sélection étaient naturellement moins élevés qu’à Serpentard ou Gryffondor, il n’était pas sûr de passer le premier stade de sélection. La carrure ne faisait pas tout. S’il devait être aussi réactif qu’un paresseux en hypoglycémie, la chance d’être retenu était bien mince. Et dans ce cas-là, il ne voulait pas non plus se rendre ridicule devant Kanaeko ou Aurora… Il n’était déjà pas le garçon le plus intéressant de Poudlard, alors s’il devait rater tous ses cognards pour finir dans la boue…

Il en espérait presque qu’elle n’avait pas fait à sa remarque stupide mais c’était mal connaître sa camarade de Serpentard. Il regrettait amèrement d’avoir demandé ce qui pourrait plaire à une fille, la jeune rebelle se précipitant à côté de lui comme pour l’empêcher de se défiler. Incertain, Darragh sentit ses joues chauffer à une vitesse folle, son regard braqué sur ses genoux. La nervosité lui dévora alors les entrailles, ayant presque peur que Kanaeko se mette à le serrer contre elle. Mais elle se contenta de se coller à lui et de lui faire comprendre qu’il ne pourrait pas se dérober. De plus, il connaissait son amie : elle ne le lâcherait pas tant qu’elle ne serait pas satisfaite. Aussi soupira-t-il légèrement, résigné. Dans un premier temps cependant, Kanaeko lui avoua que les joueurs de Quidditch faisaient effectivement de l’effet, qu’ils avaient un charme en plus. Darragh hésitait toujours autant à essayer de s’inscrire cette année. La peur du ridicule le taraudait. Il n’avait jamais été le plus populaire mais jusque-là, il n’avait jamais eu d’ennuis car il était resté à sa place. S’il essayait de venir dans ce groupe un peu fermé des élèves appréciés, il n’était pas sûr d’y être accueilli les bras ouverts.

Mais voilà ce que Darragh redoutait : la manifestation flagrante de l’insatiable curiosité de Kanaeko. Il n’y avait aucune retenue, aucune pudeur dans les questions de la jeune fille qui ne ménageait pas ce pauvre élève de Serdaigle certainement épris de la Poufsouffle. Mais il était honteux pour lui d’avouer cette excentricité de son cœur. Aurora n’était pas n’importe quel élève : elle était aux antipodes de ce que dégageait Darragh. Lui réservé, silencieux et discret, comme pouvait-il s’éprendre de cette jeune fille solaire et pétillante ? Tout le monde aimait Aurora. Tous les garçons la trouvaient jolie et plus de la moitié avaient déjà eu avoir un béguin pour elle, même léger. Non seulement Darragh n’était pas « original » mais en plus, l’élue de son cœur avait cette aura inatteignable pour quelqu’un comme lui. Il savait qu’il n’avait aucune chance, qu’il visait trop haut, lui, l’insignifiant élève studieux de Serdaigle au fond de la classe. Pourtant, Kanaeko ne le laisserait pas partir tant qu’il n’aurait pas craché le morceau. L’air quelque peu grave, déçu de sa propre situation et défaitiste, il poussa un léger soupir. Finalement, conscient qu’il était peine perdue de lutter contre la curiosité de son amie, il finit par dire, d’une voix timorée :

— C’est Aurora Bishop, une Poufsouffle de sixième année…

Craignant alors les moqueries taquines de la Serpentard, Darragh releva la tête et la regarda d’un air sévère.

— Ne te moque pas ! S’il te plaît…

Il soupira à nouveau, ne sachant trop quoi faire pour se dépêtrer de cette situation. Maintenant qu’il avait avoué, Kanaeko allait non seulement l’embêter avec cela toute l’année mais en plus s’investir corps et âme pour qu’il se passe quelque chose entre ses deux camarades. Il ignorait si la Serpentard connaissait Aurora ou si elle s’en tenait uniquement à la réputation de cette dernière. Dans tous les cas, Darragh sentait que cette année serait un peu plus longue que prévue. Perdu pour perdu, il continua :

— Cela fait des années que… enfin que… Et euh… Un jour je me suis rendu compte qu’elle ne savait même pas que j’existais. Cela m’a déçu, évidemment mais j’ai fait avec et j’ai essayé de passer à autre chose. Je n’y suis jamais vraiment arrivé. Un peu mais pas totalement. Et l’année dernière, avant les BUSE, je l’ai aidée à réviser et, même si elle doit me voir comme le bon élève qui connait tout sur tout, et bien ça m’a rappelé que… Je ne sais pas si on peut parler d’amour, c’est bien trop tôt mais oui, je l’aime bien oui. Je crois.

Il n’osait regarder Kanaeko. Cependant, il appréhendait l’éruption d’enthousiasme de son amie et attendait presque à se faire secouer dans tous les sens.

Septembre 1942
L’excitation de Kana était à son comble. Son ami, pourtant si timide, si solitaire, s’était épris d’une fille durant l’année précédente mais ne lui en avait rien dit ?! Pourquoi donc ?... A la réflexion, la réponse venait d’elle-même, surtout à la vue de la situation actuelle : il la savait curieuse. A présent, il devait regretter cette question qui insinuait bien plus qu’elle ne laissait paraitre. Il lui avait demandé si les filles aimaient les joueurs de Quiddich et ce n’est pas le genre de question que l’on pose sans avoir quelque chose derrière la tête. Or, Darragh n’est clairement pas un coureur de jupons, donc, c’était, tout simplement, qu’il avait une fille en vue. Le pauvre, son amie a le chic pour lui donner des sueurs froides alors que ce jeune homme était habitué à une vie tranquille et sans vague… dans cette vie, Kanaeko faisait presque figure de tsunami.

Il eut une légère hésitation. Visiblement, il savait que Kana ne le lâcherait pas aussi facilement (et il avait bien raison pour le coup). Alors, il lâcha finalement le nom : Aurora Bishop. Ce nom disait vaguement quelque chose à la jeune Serpentard. Ce ne fut que lorsque la maison au blaireau fut citée que Kana arrivait, enfin, à mettre un visage sur le nom de la mystérieuse jeune femme qui avait réussi à prendre le cœur de Darragh. Bon, elle ne la connaissait pas personnellement (pas encore du moins) mais elle la connaissait de réputation. Il s’agissait d’une des filles les plus populaires de l’école, brillant plus par sa beauté physique que par ses performances scolaires. Kanaeko aurait pu, même, la détester comme elle déteste la plupart des filles trop parfaites qui avait tendance à se pavaner dans le château, s’amusant de leurs charmes juste pour se sentir plus intéressantes. Cependant, Bishop était différente. Elle semblait humble, ne se vantait pas de sa beauté et reconnaissait pleinement ses faiblesses. De plus, elle semblait particulièrement souriante et amicale avec presque tout le monde… Peut-être même un peu trop. Dans tout les cas, Kana ne s’attendait pas à ce que Darragh, un garçon travailleur et exemplaire s’éprenne d’une simplette comme Aurora Bishop ! Elle voulut le taquiner sur le sujet mais le jeune homme la pria de ne pas le faire, levant sur elle un regard ampli de mise en garde. Regard qui surprit la Serpentard au plus haut point car jamais, encore, le jeune homme avait il fait preuve d’une telle autorité. Il ne s’en rendait, probablement, pas compte lui-même, mais ce regard couplé à cette nouvelle coupe de cheveux, le rendait presque effrayant… lui qui ne ferait, pourtant, pas de mal à une mouche.

Du coup, la jeune Serpentard resta silencieuse et laissa son ami s’expliquer. Alors il flashait sur elle depuis plusieurs années mais n’avait osé l’approcher que l’année précèdente afin de l’aider pour ses devoirs. C’est avec un sourire fier qu’elle apprit que Darragh avait, tout de même, surmonté sa timidité pour approcher Aurora et lui proposer son aide. Quand il eut fini, elle sourit, découvrant des dents blanches qui contrastaient fortement avec sa peau, devenue plus sombre que d’ordinaire après un été sous le soleil.

« Mon cher Darragh… Si seulement tu pouvais te voir comme je te vois. En montant dans ce train, je m’attendais à revoir le petit garçon timoré de Serdaigle et, à la place, je vois un beau jeune homme, fort et intelligent. »

Elle fini par poser sa main sur sa joue, contemplant son visage, presque fascinée, les yeux brillants et le sourire aux lèvres.

« Tu ne dois pas douter de toi, je te l’assure. Si tu as des sentiments pour cette fille, tentes ta chance. Crois-moi, je suis une fille, et je te le dis… Toutes les chances sont de ton coté. Aurora aurait bien de la chance de t’avoir comme petit copain. »

Finalement, ne voulant pas rendre la situation plus gênante pour lui (se sachant bien trop tactile pour la plupart des gens), elle retira sa main et alla appuyer son dos contre la paroi du wagon.

« Ne laisse pas passer ta chance en tout cas. Sinon, je te l’assure, tu risques de le regretter plus tard. »

Elle lui offre son sourire taquin.

« Je ne compte pas m’en mêler… mais je te préviens, si je ne te vois pas saisir les opportunités qui s’offrent à toi, au bout d’un moment, je vais me sentir obligée de vous bousculer un peu tous les deux, si tu vois ce que je veux dire. »

Et ce n’était surement pas ce que souhaitait le jeune homme. D’ailleurs, même si Kanaeko disait cela pour le secouer gentiment, elle était parfaitement capable de mettre sa menace à exécution. Néanmoins, elle espérait sincèrement qu’elle n’en aurait pas besoin.