THE TRUTH UNTOLD

asia & hero

1er Septembre 1942. Dans la forêt interdite.
Oh that would be my first death
I been always afraid of

« Je ne vais pas te faire de mal, approche. » La créature ne le comprenait pas, évidemment. Mais Asia savait que le son de la voix pouvait influencer son comportement vis-à-vis de lui. Il s'agenouilla, et tandis une main, comme pour le caresser. Le sombral s'approcha, maladroitement. Les yeux de Asia se perdirent sur ses quatre membres squelettiques, sa queue dépourvue de crin. Cette créature aurait pu le faire cauchemarder tant de fois, s'il n'y avait pas eu l'Albanie. À côté de toutes les horreurs qu'il avait vues cet été là, la créature qui lui faisait face faisait bien pâle figure. Du bout de son nez froid, la créature frôla la paume tendue du garçon et Asia se surpris à esquisser un sourire. « Ça doit être terrible, de n'être vu que par une poignée de personne, mmh ? » En guise de réponse, le sombral secoua doucement la tête. « Je ne pourrais pas le supporter. Tu sais, moi j'ai besoin d'être remarqué. Thessalie dit que c'est un besoin maladif chez moi. Mais elle peut parler, madame adore être sur le devant de la scène aussi. » Asia eut une pensée pour sa sœur aînée, qui avait toujours eu à cœur de lui montrer le bon exemple à suivre. Thessalie était une femme modèle aux yeux de ses parents. Et lui ? Il était chéri, aimé. Il savait que sa mère était fier de lui, toujours.

Mais pour combien de temps ?

« Tu penses que je devrais y aller ? Je suis en train de rater mon cours de potion. » Et il excellait en potion. « Un préfet en chef ne devrait pas faire ça. » Et pourtant, malgré le malaise que procurait chez lui le fait de rater un cours, Asia n'avait pas plus envie de se rendre en cours que ça. « Hero s'inquiète, tu crois ? » Le sombral pencha la tête sur le côté. « Sans doute que oui. Moi aussi, je m'inquiète. Je ne veux pas qu'il se blesse. Il est nul en potion. Imagine que tout lui explose à la figure ? » Il baissa les yeux et le sombral recula de quelques pas. Asia baissa un doigt sur son visage et soupira. Tu sais, c'est lui qui m'a fait ça. Mais je n'ai jamais réussi à lui en vouloir d'avoir marqué mon visage de la sorte. « Tu devrais y aller. Rejoindre le reste du troupeau. » Et je moi, je devrais y aller aussi. Je commençais à avoir froid, planté dans la forêt à parler avec un cheval mort. « Aller, va-y ! » Comme si elle avait compris, la créature lui tourna le dos, et se mit à trottiner.

Asia se redressa, épousseta son pantalon et soupira. Il allait devoir trouver une bonne excuse pour avoir raté un cours. Et pendant qu'il marchait, balai dans une main, baguette dans l'autre, Asia se retrouva à fulminer tout seul, encore. Il n'avait aucune idée de là où il allait, mais il lui semblait que les bois étaient déjà bien moins épais, et que de ce fait, il touchait au but. Crétin de cousin., pensa-t-il. Crétin de cousin idiot. Idiot Hero ! Il avait envie de le hurler, pour vider son sac, mais au lieu de quoi, il essuya une larme qui avait roulé sur sa joue. Il avait beau être fâché, Hero restait la personne que Asia chérissait le plus au monde. Et il le voulait près de lui, tout de suite. Il voulait passer à autre chose, l'entendre rire, ou juste le voir sourire. Il voulait rentrer dans leur dortoir, et dormi avec lui toute la nuit, et peut lui importait les regards un peu agacé de leur camarades de chambrée.

Et puis, au bout de quelques minutes, il cru bien entendre sa voix. Il pouvait la reconnaître entre mille. Seulement, il n'était pas (seule). Une voix, féminine, alternait avec la sienne et Asia fronça les sourcils. Que fichait-il dans la forêt avec une fille ? Brusquement, il eut envie d'enfourcher son balai, et de filer à toute vitesse. C'était tentant. Le laisser poireauter des heures dans la forêt interdite. Le laisser se faire du mouron. Mais quelque part, le cœur de Asia avait bondi de joie entendant son cousin venir le chercher. Alors malgré lui, il pressa le pas, jusqu'à la distinguer, à une dizaine de mètre. « Hero ! » Il se rapprocha à grand pas, pour se planter devant lui, essoufflé par sa marche rapide. Il était revenu. « Excuse moi.* » Il en avait oublié la présence de la bleue et bronze, et puis, de toute façon, il n'avait d'yeux que pour lui.


1er Août 1942. Quelque part en Albanie.
If this can no longer resonate
No longer make my heart vibrate

L'eau était glacée. Encore plus froide que ce à quoi il s'attendait au départ. Pourtant, il n'hésita pas un seul instant avant d'y tremper sa seconde jambe, puis d’avancer lentement dans les eaux sombres du lac. Sur la rives, le pogrebin avait reprit sa forme initiale, délaissant son camouflage et regardait de manière intrigué le petit sorcier s'enfoncer dans l'eau. Sa proie avait réagi de manière bien étrange. Il attendrait donc qu'il revienne sur la rive, puis s'écroule pour l'achever.

Une fois l'eau au niveau de la ceinture, Asia commença sérieusement à se demander ce qu'il fichait ici. Petit à petit, le serpentard reprenait ses esprits. Le froid lui engourdissait les orteils, lentement, puis les pieds. Il sentait les plaques glissantes sous ses pieds, et puis, soudain, il chuta. Le lac sembla l'engloutir tout entier, alors que Asia découvrit la réelle profondeur de l'étendue glacée. La tête à peine hors de l'eau, il hurla un « lumos », et quand il sombra pour de bon, la panique l'emporta pour de bon.

Tout n'était qu'obscurité. Ses yeux peinaient à s'ouvrir, et il se retrouva rapidement à court de souffle. Et Asia avait repris ses esprits, complètement. Il réalisait qu'il se trouvait au beau milieu du lac. Qu'il se noyait à moitié à cause de la fraîcheur extrême de ce dernier, et de ses membres de plus en plus lourd. Il plongea à nouveau, malgré lui, agitant sa seule et unique source de lumière autour de lui. Il devait nager jusqu'aux berges, il devait...

Hero.

Il était là lui aussi. Il flottait de manière un peu étrange, sous la surface. « Non... Non... » La panique gagna tout son être et Asia accéléra ses moulinés, les bras désormais gelés. « Hero ! Hero ! » Pourquoi ne répondait-il pas ? Pourquoi en bougeait-il plus ? Il plongea à nouveau sa tête sous l'eau et tendit une main vers son cousin, inerte. Maladroitement il le saisit par le col et cracha l'eau froide qui s'infiltra nouveau dans sa bouche. Il bataillait avec son cousin, avec sa baguette, avec son propre corps qui en lui obéissait qu'à moitié. Et la rive n'était plus qu'à quelques mètres...

« Hero ? Hero, s'il te plaît répond moi... Hero... » Il le hissa avec difficulté sur la rive, et puisa dans ses dernières force pour le faire rouler un peu plus loin. Épuisé, il se traîna hors de l'eau avec difficulté, et ce fut là qu'il le vit. Le caillou gris et luisant. Le pogrebin sauta sur le corps de son cousin, les dents et les griffes sortit. « Non ! Dégage de là ! Laisse-le ! » Il leva sa baguette, la main tremblante, et se releva, trempé et glacé. « Stupefix ! »

« Hero, tu m'entends ? Hero ? » Il lui donna quelques petites claques sur la joue, écartant les mèches sombres de son joli visage. « Hero, s'il te plait... » Il attrapa une des mains froides de son cousin et posant son front contre le sien, laissa éclater sa colère. Tu sais, je me sentais atrocement coupable maintenant. Cette idée de voyage venait de moi. Cette idée d'aller dans la forêt venait de moi. Et maintenant, je me retrouvais à te serrer dans mes bras pleurant et gémissant toutes les larmes de mon corps, parce que j'étais persuadé de t'avoir perdu pour de bon. Le corps tremblant, Asia ne résista pas à l'envie de passer un doigt sur ses lèvres violettes. Il était bien trop engourdi pour sentir un souffle, aussi infime soit-il.

*prononcé en français.
#6FA163 couleur dialogue

THE TRUTH UNTOLD

asia & hero

1^er Septembre 1942, dans la Forêt interdite.

« Tu es certain qu'il se trouve dans la forêt ? » Hero écarta des tiges de ronces aux épines acérées du passage de la demoiselle et se força à sourire. « Eh bien c'est là que je l'ai eu laissé en tout cas. » « Vous étiez dans la forêt ? Tous les deux ? » « Mmh, oui. » Un hululement sonore les fit sursauter tous les deux. Les questions d'Evelyn l'embarrassaient car elles étaient toutes plutôt légitimes. « Nous faisions… de l'exploration. » En un sens, il avait essayé en tout cas mais explorer les pensées de son cousin devenait difficile ces derniers temps. Ses propres sentiments se mêlaient à tout ça, il manquait de distance pour être objectif. Et puis bien sûr, il y avait aussi ce qu'il espérait voir dans les yeux d'Asia. « Oh. De l'exploration. » marmonna la Serdaigle, perplexe. Le silence s'étira entre eux tandis qu'ils progressaient entre les arbres aux racines noueuses. De temps en temps, les deux septième année lançaient des appels qui restaient sans réponse. « Quel imbécile... » À cet instant, Eve lui attrapa le coude pour le retenir. « Hero... » Sa voix fut suivie, quelques instants plus tard, par des craquements de branches.

Sa colère flambant de nouveau avec rage, Hero se précipita vers la source du bruit et fonça vers son stupide, abruti, imbécile de cousin pour lui asséner une claque monumentale qui résonna sous le couvert des bois. « Espèce de… Espèce de… Abruti ! Que faisais-tu ? Tu ne pouvais pas venir en cours pour… Pour... » À court de mots, il asséna une seconde claque à son cousin et agita vainement ses doigts endoloris. Voilà pourquoi il détestait frapper les gens : ça faisait beaucoup trop mal aux doigts. En pestant, il souffla sur sa paume de main et fusilla son cousin du regard. « Ça ne va pas bien dans ta tête ? Rester dans cette forêt tout seul ? » Il lui criait dessus un peu pour ça, et beaucoup pour son colère de tout à l'heure. « On rentre. » lui jeta-t-il avec hargne. L'adolescent fit volte-face et rectifia le col de sa chemise d'un air aussi digne que possible et attrapa Evelyn par la taille. « Excuse-moi, Eve, de t'avoir entraînée dans cette aventure, tout ça pour cet idiot fini. » Il avait envie de le blesser. De lui faire du mal pour lui faire payer cette frayeur. J'avais juste eu envie de t'embrasser dans un endroit où personne n'en saurait jamais rien, et toi, tu... Il trébucha sur ses lacets. Les joues brûlantes, Hero poursuivit sa route jusqu'à la lisière de la forêt.

J'avais bien envie de pleurer, mais ça n'aurait pas été digne. Père me l'avait dit une fois : les hommes ne pleurent pas. Les hommes se doivent de faire ce qu'ils ont à faire avec honneur et dignité, sans montrer leurs blessures. Hero voulait être un homme comme son père, un homme honorable et fier. Ce n'était pas facile tous les jours, mais… « Je dois rejoindre ma table. Hero, on se revoit prochainement ? » Evelyn lui effleura la main avec un sourire, salua Asia et s'éloigna dans le couloir. Il n'avait même pas remarqué qu'elle n'avait pas lâché ses livres, tout ça pour venir avec lui. Il la regarda disparaître avant de pivoter lentement vers son cousin. « J'ai rayé mes chaussures à cause de toi. »


1^er Août 1942, quelque part en Albanie.

À l'instant où son nez crevait la surface du lac, Hero enfouit ses mains dans les chevaux d'Asia. Il le voulait à lui, tout à lui. Il avait envie de lui hurler tous ses sentiments, de l'embrasser plus fort, de fusionner pour de bon avec son cousin. Ils étaient nés à deux, mais l'adolescent se souvenait des récits de Platon dans le Banquets. Les hommes étaient initialement nés avec quatre bras et quatre jambes, et une tête à deux faces. Mais ils étaient si puissants que les dieux les craignirent. Zeus les sépara alors en deux créatures distinctes, condamnées à chercher leur autre moitié à jamais. Hero n'avait pas à chercher, il connaissait déjà sa moitié. Son autre lui. Celui qui le complétait et sans qui il se sentait si terne, si incomplet.

Il se laissa tomber à l'eau.
Pour suivre Asia au bout du monde.

L'eau froide du lac s'imisca dans ses vêtements, dans sa bouche, manquant de l'étouffer. Les lèvres d'Asia contre les siennes se firent plus pressantes, plus brutales. Les mains de son cousin remontèrent le long de son dos, glacées, violentes. Déchirant sa chemise, elles lui griffèrent le dos avant de se refermer autour de son cou. Sentant la panique le submerger, Hero essaya de repousser son camarade. Il ouvrit les yeux dans l'eau brunâtre pour voir Asia, le visage froncé par la concentration. Méthodique. Ses lèvres s'ouvrirent sur des dents beaucoup trop noires pour être celles de son cousin. Et il faisait froid. Le jeune sorcier avala une goulée d'eau, s'étouffa. Il manquait d'air, il… Ses doigts griffèrent vainement les bras d'Asia, avec force puis avec désespoir. Il n'y arrivait pas. Il avait froid. Sa vision sembla s'obscurcir. Hero hoqueta, s'étouffa pour de bon. Le visage d'Asia lui sourit avec douceur et lui caressa la joue lorsqu'il ferma les yeux. Son cerveau privé d'oxygène se retrouvait incapable d'analyser ce qu'il voyait, ce qu'il ressentait. Il avait froid, et envie de se laisser aller, comme au moment de plonger dans le sommeil. Il ne sentait plus ses membres. Asia l'avait embrassé. Asia l'avait noyé. Asia l'avait tué ? La panique le quitta quand le noir prit place au reste.

Il t'a tué.
Il t'a embrassé. Asia t'a embrassé.
Pour te tuer. Pour t'assassiner. Te noyer au fond d'un lac.

Un regain de terreur le brûla de l'intérieur. Se redressant brutalement, il se retourna sur le ventre pour vomir un flot d'eau glacée avec laquelle il s'étrangla. Toussant comme un noyé, il sentit ses yeux se mettre à pleurer pendant qu'il aspirait de grandes goulées d'air froid. Ses poumons sifflants lui donnait l'impression d'être déchiré de l'intérieur. Sa main trouva à l'aveugle une autre main, des doigts qu'il serra à les écraser, pour un peu de présence, un peu de… Hero cligna des yeux et sa vision s'éclaircit enfin. Enfin… Complètement perdu, claquant des dents, il posa le front sur le sol, sa respiration laborieuse et son cœur battant à lui rompre peinant à se calmer.

*prononcé en français.
#6666ff couleur dialogue

THE TRUTH UNTOLD

asia & hero

1er Septembre 1942. Dans la forêt interdite.
Then like this may be how I die my first death
But what if that moment’s right now

« Je t'en rachèterais d'autres, s'il n'y a que ça. », siffla-t-il.

Il n'en revenait pas. Hero l'avait giflé. Par deux fois. Devant une fille. En lui hurlant dessus et en l'insultant. Il l'avait couvert de honte en moins d'une minute, et maintenant, il se plaignait de ses chaussures. Hero ne portait pas la main sur lui. Hero n'était pas violent avec lui. Jamais. Il passa une main sur sa joue encore rougie, et fronça les sourcils, refusant de le regarder droit dans les yeux. « Je vais ranger mon balai. », maugréa-t-il. « Ne m'attends pas pour manger, je n'ai plus faim. » Et il se dirigea à grand pas vers les vestiaires, prêt à envoyer boule n’importe qui ferait l'affront de lui parler. Hero avait touché, non, bousillé son ego. Il l'avait piétiné, avant de lui hurler dessus, et de l'humilié. Et sa fierté avait été touchée en plein cœur.

Il lui avait déjà pardonné, au fond, et c'était peut-être ça qui le foutait en rogne plus qu'autre chose. Asia pardonnait toujours tout à Hero. Toujours. Même la blessure ignoble qu'il lui avait infligé, il y a des années de cela, Asia avait passé l'éponge. Il gardait sa rancœur pour d'autres occasions, d'autres gens. Mais pas pour Hero. C'était comme s'il se l'interdisait, sauf qu'il le faisait tout à fait naturellement.

Il balança son balai dans son casier et claqua la porte d'un violent coup de pied, jurant dans sa barbe au passage. En réalité, il avait terriblement faim. Mais sa fierté à deux balles le poussait à aller jusqu'au bout, et, ignorant les cris de supplice de son estomac, il prit la direction des cachots. Il cacha à moitié le mot de passe au portrait de leur salle commune qui parut bien offusque de l'attitude du jeune homme, et ignora complètement les quelques élèves qui se trouvaient encore dans leur salle commune. Il grimpa en direction de son dortoir, ôta rapidement ses chaussures et se laissa tomber dans son lit, la tête enfouie dans son oreiller.

Quelques secondes plus tard, un museau humide se déposa contre sa joue, et Asia leva une main pour caresser la tête de son chat, venu s'allonger près de lui. « Je l'aime, tu le sais ça ? » Le chat ronronna. « Bien sûr que tu le sais. Lui aussi le sait. Ce n'est même pas comme si je tentais de le lui cacher. » Il renifla et resserra son emprise sur l'oreiller qu'il tenait sous sa tête. « Alors pourquoi tout est aussi compliqué, hein ? »


1er Août 1942. Quelque part en Albanie.
Heartbeat pulsing slow in my ears bump bump bump
Try to flee but back into the maw jump jump jump

« Hero ! » Il était revenu. Il était vivant, il était... là. « Accio ! » Les affaires qu'il avait déposés précédemment sur les rives du lac lui revinrent et Asia s'empresser d'attraper sa veste pour le lui déposer sur les épaules. Il le redressa, avec douceur et application, et passa une main sur son front humide. L'aube pointait le bout de son nez. La première journée de leur voyage avait été une catastrophe. Ils n'avaient pas dormi, errant toute la nuit dans cette forêt maléfique. « Hero, répond moi... Est-ce que ça va ? » Ils devaient quitter cette forêt au plus vite. Avant que tout ne recommence. Avant qu'ils ne se perdent pour de bon. Ils devaient trouver un endroit sec, et sûr, pour reprendre des forces. « Explique-moi Hero, que c'est-il passé... »

Il craignait qu'une nouvelle créature ne les attaque. Et Asia était à bout de force. Il était épuisé, fatigué, ses membres le tiraient... Et il avait froid, terriblement froid. Ils ne pouvaient pas continuer ainsi. Seulement, ils ne pouvaient pas prendre le risque de rester ici une minute de plus. Ils devaient se rendre en dehors des bois, loin de ce village maudit, dans un endroit où ils seraient en sécurité. Un village habité serait le mieux, mais Asia n'avait aucune idée de quel chemin emprunter. « C'est de ma faite, excuse-moi cousin... » Il avait cru que ce voyage les rapprocheraient. Qu'ils pourraient tout oublier du malaise qui planait entre eux depuis un bout de temps déjà. Il avait juste voulu voyager avec lui. Être avec lui. Loin de leurs familles. Loin des regards. Loin d'éventuels jugements. S'était-il trompé ?

*prononcé en français.
#6FA163 couleur dialogue

THE TRUTH UNTOLD

asia & hero

1^er Septembre 1942, dans les couloirs de Poudlard.

Il n'avait pas envie d'autres chaussures. Il n'avait même pas envie de parler chaussures en fait. Il voulait juste que Asia s'excuse, tout ça parce que son cousin l'avait blessé dans son ego. « Tss… Laisse tomber. » Malgré lui, Hero le regarda s'éloigner vers le stade avec un pincement au cœur. Ils ne se fâchaient pas, ils en étaient incapables. Et pourtant, ce soir, c'était ce qui y ressemblait le plus : ils n'avaient même pas envie de rentrer au dortoir ensemble. Avec une pointe d'aigreur, l'adolescent donna un coup de pied dans une motte de terre et s'éloigna lentement vers la Grande salle. Son estomac était très loin de crier famine – les disputes et la mauvaise ambiance, ça avait nettement tendance à lui couper l'appétit – mais Hero se refusait à aller se coucher le ventre vide, tout ça à cause de son cousin.

Il se laissa mollement tomber à la table de Serpentard en se demandant ce qu'il allait bien pouvoir fabriquer tout seul. Sauf s'il rejoignait l'espèce de petite bande qu'ils avaient soigneusement rassemblé au fil des années avec Asia ? Il ne couperait pas aux questions mais rien ne l'empêchait de les envoyer balader avec le peu de dignité qu'il lui restait. Si tant est qu'il lui en reste avec des chaussures crottées et un bas de pantalon humide. Les autres arrivèrent peu à peu et il leur fit signe, se jurant d'aller se coucher le plus tard possible.

Leur petite bande de sang-purs n'était pas si mal. Ça n'avait pas été simple pour Asia et Hero de se constituer un réseau. Leurs parents en disgrâce aux yeux du ministère ne leur facilitaient pas la tâche, et leur statut de sang parvenait tout juste à racheter cette honte d'avoir des parents emprisonnés ou malmenés par le gouvernement. Ils avaient juste tourné ça à leur avantage, mais avec Grindelwald dans le château… Le sorcier jeta un regard en coin au sorcier. On dirait une poule mal plumées...


1^er Août 1942, quelque part en Albanie.

Le souffle erratique, Hero peina à saisir le sens des questions. Ses poumons le brûlaient comme s'il venait de courir un marathon sans aucun entraînement, à tel point qu'il se demanda s'ils n'allaient pas exploser. Ses pensées s'agitaient dans tous les sens, sans qu'il puisse en saisir une, sans qu'il réussise à réaliser ce qui venait réellement de se produire. Il était au bord d'un étang, et… « L-les morts, ils étaient... » Claquant des dents, il fixa Asia comme s'il venait de voir un fantôme. « E-et puis t-tu m'as… Tu m'as tué... » Malgré lui, il eut un geste de recul face à son cousin. Il l'avait entraîné dans l'eau, il l'avait embrassé, et puis… Il m'avait étranglé. Hero sentait encore les doigts minces de son cousin se refermer autour de son cou et serrer, serrer… Il porta inconsciemment une main à sa gorge. Ce n'était pas son cousin qui l'avait entraîné dans le lac, sinon il n'aurait pas eu cette expression angoissée sur le visage, pourtant le démon, la créature, avait eu sa tête. « Partons d'ici... » Est-ce qu'il se sentait apte à marcher ? Pas du tout. Il n'arrivait même pas à s'imaginer se lever. Pourtant, ils ne pouvaient pas rester ici, où ils allaient finir par se faire dévorer, tuer, ou pire… Et hors de question de se faire tuer par un clone d'Asia. « Pardon de… t'avoir laissé... » Là-bas, tout seul dans les bois, face à une armée de morts marchant. Hero ne savait pas même pas s'ils étaient réels ou s'il s'agissait d'une illusion, d'un sortilège.

Hero puisa le peu d'énergie qu'il lui restait pour se redresser tant bien que mal et essayer de se hisser sur ses pieds. « O-on y va ? »


04 Septembre 1942, dans le dortoir de Serpentard.

Il avait vraiment essayé de rester fâché.
Pendant deux jours.

Après ça, le manque de son cousin devint trop insupportable et il se glissa, à l'aube, entre les rideaux du lit d'Asia pour se blottir contre lui. Les autres dans le dortoir ronflaient bruyamment, personne n'écouterait. « Pardon...* » Il fourra ses pieds glacés sous la couette et chercha à atteindre le visage de l'adolescent du bout du nez, juste pour le réveiller, juste pour que tout redevienne comme toujours entre eux. Ils étaient incapable de rester en froid, et ces deux jours à s'éviter avaient dû être les plus longs depuis… toujours. « Désolé, Asia... » marmotta-t-il d'une petite voix.

*prononcé en français.
#6666ff couleur dialogue

THE TRUTH UNTOLD

asia & hero

1er Septembre 1942. Dans la forêt interdite.
No song affects me anymore
Crying out a silent cry

Deux jours. Ils ne s'étaient jamais ignoré aussi longtemps. Même enfants, après une grosse bêtise, Asia n'en avait jamais voulu aussi longtemps à son cousin. Enfin, il ne lui en voulait pas réellement. Il s'appliquait juste à l'ignorer, puisque ce dernier voulait la jouer comme ça. C'était puéril, digne de deux enfants de trois ans, mais au fond, Asia était toujours un gosse. Un gosse qu'on avait forcé à grandir trop vite, mais un gosse quand même. Il découvrait encore tout de la vie, et ces deux derniers jours, Asia avait découvert qu'une vie sans lui était inenvisageable. Il avait vraiment pris sur lui pour ne pas aller voir Hero à de nombreuses reprises, et pour ne pas lui parler durant leur cours. D'ailleurs, leur camarades de chambre avaient bien vu le changement, et leur plus proches amis c'était d'ailleurs inquiété. Mais Asia l'avait envoyé bouler, comme il savait si bien le faire quand il était d'humeur exécrable.

Ce matin-là ce fut le contact de pieds froids sur les siens qui le tira lentement de son sommeil. Il papillonna lentement des paupières pour entrevoir son cousin. Et enfin, il s'autorisa à esquisser un léger sourire. Sans un mot, il colla son front au sien, passant une main autour de sa taille, avant de se lover contre lui. Il lui avait manqué. Deux jours, c'était une éternité dans le monde de Asia et Hero. Deux jours, c'était beaucoup trop. Il resserra son étreinte. « Tu m'as manqué.* » À les entendre, ils venaient de se retrouver après une longue absence. « Ne me lâche plus. », murmura-t-il en attrapant une de ses mains. Ne me lâche plus, aujourd'hui, demain, tout le temps. Il avait envie de le rassurer, de lui dire qu'il allait finir par grandir, et qu'il allait arrêter de se comporter comme le gamin puéril qu'il était, souvent. Qu'en grandissant, il prendrait soin d'eux. Qu'il s'émanciperait, juste pour lui. Je pouvais aller à l'autre bout du monde avec toi, pour toi.

Et puis, Asia n'était pas complet sans Hero, et Hero n'était pas complet sans Asia, et cela avait toujours été. Avant les sentiments, avant que tout ne bascule entre eux. Ils avaient été éduqués ensemble, trop proche, trop soudé. Et personne n'avait jamais remis en question leur proximité. « Et je suis désolé aussi. » Je te l'avais déjà dit, dans la forêt, mais j'allais me répéter jusqu'à que tu comprennes que j'étais vraiment sincère. Je ne m'excusais jamais en l'air avec toi. J'étais toujours sincère. Tu étais la seule personne sur cette planète à laquelle je refusais de mentir, avec laquelle je voulais être honnête en permanence.


1er Août 1942. Quelque part en Albanie.
Ocean with all the lights silenced
My wandering feet held in a rut

Ils n'avaient aucune idée d'où aller. Mais Asia marchait, soutenant son cousin sur une épaule, suivant son instinct qui le poussait à quitter ces bois au plus vite. À présent tout semblait clair dans son esprit. Il n'avait toujours aucune idée de la raison l'ayant poussé à s'enfoncer sur ce terrain aussi obscur, mais maintenant qu'il voyait pleinement ce qui l'entourait, il avait peur. Peur de de nouveau perdre les pédales. Peur de se faire suivre par une autre créature maléfique. Peur de perdre à nouveau son cousin. « Nous y sommes presque... » Il percevait un peu de lumière. Un peu, seulement, mais c'était déjà ça.

Et quand ils déboulèrent dans une petite clairière dont l'ambiance tranchait nettement avec celle des bois, il se laissa tomber à genoux. « Ici... On peut peut-être... Se reposer ici ? » Ils avaient tout le nécessaire dans leur sac pour établir un petit campement. Ils ne leur manqueraient plus qu'à jeter quelques sorts de protections pour fortifier le tout, et le tour était joué. Asia les avait appris auprès de sa grande sœur avant de partir, cette dernière s'inquiétant du sort de son jeune frère une fois en autonomie totale avec son « maladroit de cousin » comme elle se plaisait à le surnommer gentiment.

*prononcé en français.
#6FA163 couleur dialogue

THE TRUTH UNTOLD

asia & hero

1^er Septembre 1942, dans les couloirs de Poudlard.

Deux journées affreusement interminables. Quarante-huit heures qui semblaient être passées au ralenti, longues, infinies et ridicules. Ce n'était que deux jours, rien de plus. Pourtant, même auprès de ses amis divers et variés, plus ou moins proches, il manquait quelque chose. Hero s'était demandé ce qu'il se passerait si un jour, Asia venait à disparaître. En fait, la réponse était plutôt simple. Je disparaîtrais aussi. Comme leurs pères, si proches qu'ils avaient embrassé le même destin à peu de choses près. Mais malgré cela, Hera ne se sentait pas l'âme de son géniteur. En dépit de tous ses efforts pour être parfaits, pour être comme lui, Hero n'était pas Octave Weasley. Il était… autre chose.

Blotti dans les draps chauds de son cousin, l'adolescent le regarda ouvrir les yeux avec inquiétudes. Deux jours… C'était en partie pour préserver son égo et prouver qu'il pouvait vivre sans lui, mais c'était aussi et surtout car il avait eu peur de ce moment. Ce moment où il venait chouiner auprès de Asia et où il lui fallait attendre sa sentence. Si son cousin le repoussait… Alors devant cette peur, il avait repoussé cet instant, heure après heure. Quarante-huit, c'était bien trop. Et apparemment, il n'était pas le seul à le penser. Un soulagement intense suivi d'une pointe de honte le submergea quand Asia ouvrit les paupières pour lui dire qu'il lui avait manqué. Et toi donc… Imagines-tu comment ces journées ont été longues ? C'était bien pire que si tu n'avais pas été là, car tu étais présent mais inaccessible. Hero avait déjà vécu deux journées entières sans voir son cousin. Plusieurs fois, même. Mais jamais, jamais, il n'avait eu à endurer la double peine de l'avoir près de lui sans pouvoir lui parler, sans pouvoir le toucher, sans même pouvoir le regarder délibérément en face. Comme si j'avais voulu te rayer de mon monde. « On passe à autre chose ?* » Pourtant, Hero gardait cette impression tenace qu'ils ne passeraient à rien du tout s'ils n'élucidaient pas la source de leur discorde. Mais c'était bien plus simple de zapper un chapitre embarrassant et repartir sur de nouvelles bases. Des bases un peu trop branlantes sans doute.

1^er Août 1942, quelque part en Albanie.

Après une bonne centaine de mètres à progresser en trébuchant sur son cousin, accroché comme il pouvait à lui pour ne pas tomber, Hero se sentit un peu mieux. Malgré ses poumons sifflants et ses quintes de toux à répétition qui l'auraient plié en deux s'il n'avait pas été en train de vivre la terreur de sa vie, il lâcha Asia pour lui prendre la main. Et cette fois-ci, Hero ne comptait plus la lâcher. Pas si ça signifiait perdre son cousin au profit de quelques créatures carnivores planquées dans des lacs sordides. « Ne me lâche pas...* » Vu la poigne avec laquelle Hero serrait les doigts d'Asia, il n'y avait que peu de risques. Mais il avait peur. Peur de mourir seul, comme ça venait juste de manquer de se produire ; peur de perdre Asia, dans un recoin sale et sombre de cette forêt maléfique ; et peur de perdre la tête, un sort pire que la mort à son avis. Et tant pis pour ses chaussures s'il devait courir jusqu'au bout de la nuit en traversant marais et ornières.

Dans une quinte de toux épuisante, il trouva le courage de se mettre à courir. Ses vêtements glacés lui donnaient froid, et tout son cœur réclamait de la chaleur. Courir, c'était bien. Il tira son cousin en avant, porté par l'envie de sortir d'ici. Aucune idée de leur destination, tant qu'elle ne comportait plus ni arbres, ni lacs, ni monstres. Peut-être bien que l'aventure n'était pas pour lui finalement. Peut-être qu'il faisait partie de cette espèce politique qui préférait les guerres de couloirs aux guerres tout court. Peut-être qu'il était fait pour le château, ses dédales, ses dangers, et qu'il n'était pas capable de survivre dans un autre type de milieu hostile. Les jacassements de Poudlard lui manquaient cruellement en cet instant. Il gagnait bien de batailles armé d'une cravate et de chaussures cirées qu'avec sa baguette ou ses poings. Et puis… c'était trop inconfortable. « Je… veux… sortir… d'ici... » Ses poumons n'en pouvaient plus, ils allaient exploser. Plié en deux, il ralentit la cadence et s'arrêta tout à fait, agrippé à la main d'Asia. Il en avait mal aux doigts, mais il l'avait serrée si fort qu'il ne trouvait plus comment le lâcher.


*prononcé en français.
#6666ff couleur dialogue

THE TRUTH UNTOLD

asia & hero

4 Septembre 1942. Dans la forêt interdite.
Every noise and sound's been cut
Killin' me now, killin' me now
Do you hear me yeah

« Oui, passons à autre chose… » Pour beaucoup, c’était une phrase plus simple à dire qu’à faire, mais dès que cela concernait son cousin, Asia savait y mettre du sien. Ce n’était pas compliqué de passer à autre chose quand il le lui demandait avec cette voix-là, ni même de passer l’éponge sur leur dispute puéril, deux claques dans la forêt, et une humiliation totale. Il savait s’être puni suffisamment en ne lui parlant pas, et il savait que cela était réciproque. Oui, au fond, cela ne servait à rien d’enfoncer le clou, ou de maintenir l’humeur exécrable entre eux.



        Les jours étaient passés et avec eux l’agacement de Asia envers Hero. Comme il l’avait lui-même prédit, les choses s’étaient tassées. Les journées de cours avaient filé, Asia s’était demandé comment cette année pouvait être pire que les précédentes à chaque fois que son regard rencontrait celui du nouveau professeur… Et puis lentement, mais surement, l’idée saugrenue de prendre la relève s’était insinuée dans son esprit.  Ce n’était un secret pour personne qu’il aimait affirmer d’où il venait, qui était sa famille. Ce n’était un secret pour personne que Asia Carrow méprisait les nés-moldu et certains sang-mêlés qu’il ne jugeait pas assez sorcier. Et ce n’était un secret pour personne que son cousin devait partager les mêmes idées. « On devrait se réunir entre nous. » lâcha-t-il tout bas dans la bibliothèque dans laquelle ils faisaient leur devoir. Il se tourna un peu plus vers Hero, un air sérieux sur le visage, et reposa sa plume encore pleine d’encre sur son buvoir. « S’il est dans ce château, c’est pour une raison. Il attend surement la relève. Soyons la relève Hero. » En réalité, Asia ne savait rien des plans de Grindelwad. Il ne savait rien de pourquoi il se trouvait ici, de si son alignement avait changé… Sans doute que la chose lui semblait trop absurde pour être réelle.



1er Août 1942. Quelque part en Albanie.
Sinking slowly like in a trance
Struggle but it's all ocean floor

Lui aussi ne demandait que ça. Il ne voulait que quitter ces bois terrifiants, ces monstres affreux et toute la peur qui peuplait cet endroit. Il ne lâchait pas son cousin d’une semelle, il s’y refusait. « Je reste, je reste… » Il était lui aussi à bout de souffle, avec la désagréable sensation d’avoir les poumons en feu. Ou glacé. Asia ne savait plus très bien, dans sa tête, tout se mélangeait. « Il… Il faut qu’on… parte d’ici… » Mais pour aller où ? Revenir en arrière dans le village ? Certainement pas. Dans le premier lieu où ils avaient atterris ? il lui sembla qu’elle était l’option la plus sage.

Asia manquait de force et d’énergie.

Et là était le principal souci. Transplaner en demandait beaucoup trop. « Encore quelques minutes de repos… Je pourrais transplaner… » Transplaner lui semblait être la seule option viable et rapide pour sortir d’ici. Mais transplaner nécessitait du temps de récupération. Le corps plié en deux de douleur et de fatigue, il inspira un grand coup, et sentit le monde légèrement tanguer sous ses pieds. Son équilibre le perdit une fraction de seconde, mais il se rattrapa in extremis à Hero. Balayant du regard les arbres autour de lui, Asia déglutit : cet endroit tout entier lui donnait la chair de poule, et l’envie de rester planté là lui sembla une mauvaise idée. N’importe quelle créature vicieuse pouvait s’en prendre à eux, les attaquer, les tromper de nouveau… Où diable avaient-ils mis leurs pieds ?

*prononcé en français.
#6FA163 couleur dialogue

THE TRUTH UNTOLD

asia & hero

15 septembre 1942, dans la bibliothèque de Poudlard.

Et ils étaient passés à autre chose.
C’était sans doute la plus belle chose dans leur relation : leur capacité réciproque à se pardonner et à passer à autre chose sans rancœur. Enfin parfois, Hero se demandait si c’était vraiment quelque chose de bien ou si ça ne contribuait pas un peu à tous leurs non-dits et leurs sentiments compliqués et bizarres. Peut-être un peu.

Pour l’heure, Hero était penché sur un parchemin, la plume en l’air depuis si longtemps que l’encre commençait à fossiliser sur la pointe. Il avait beau être assez bon élève, il détestait les devoirs à rendre. D’abord il ne savait jamais par où commencer, et ensuite il n’arrivait jamais à se concentrer. Du coup, ses dissertations traînaient en longtemps, éternisant douloureusement le moment de les rédiger. Quelle phrase d’accroche serait la meilleure ? Problème épineux quand il fallait relater à propos de quelques herbes flétries de botanique. À la place, il décida d’illustrer son devoir d’un joli schéma de ladite plante au nom compliqué. À l’instant même, Asia le coupa dans son élan et Hero se laissa tomber contre la table dans un bruit sourd. Comme téléportée, la bibliothécaire apparut à côté d’eux et lui asséna un coup de livre sur le crâne. « Vous allez abimer la table en plus de dissiper les autres, monsieur Weasley. » Et elle repartit à petits pas affairés. « Abimer la table ? C’est la table qui m’abime, oui. »

Il revint à leur conversation. « Sa relève ? » Le jeune sorcier grimaça. Avisant la bibliothécaire qui passait comme par hasard au bout de leur allée, il entreprit de dessiner sa fichue plante avec soin. S’il ne trouvait rien à écrire, il y aurait au moins écrit quelque chose sur son parchemin, en plus de son nom et de la date. « Comme… un club ? » Il parlait à voix si basse qu’il lui fallut se pencher pour être sûr d’être entendu. « On n’aura pas trop de mal, tu sais, avec tous les autres de Serpentard. » En fait, l’idée lui plaisait bien. « Tu sais quoi, Asia ? Je termine ce machin, on sort d’ici, et on voit ensemble. » L’idée lui plaisait beaucoup même. C’était peut-être ce désir, cette quête même, d’appartenance qui chuchotait à son oreille, mais l’idée de fonder quelque chose de vrai avec son cousin l’enthousiasmait. Il voulait qu’ils fassent leurs preuves. Tous les deux, mon Asia.


1^er Août 1942, quelque part en Albanie.

Dans une nouvelle quinte de toux où Hero cracha ses poumons, il finit par lâcher la main d’Asia. La marque de ses doigts s’imprimait sur le bras de son cousin, en rouge sur fond blanc. « At-attends. » Il toussa de nouveau avec l’impression bizarre que le lac tout entier logeait encore dans ses poumons, s’étrangla avec un manque flagrant d’élégance, puis esquissa quelques pas supplémentaires. « J-je vais transplaner pour nous. » Comme ça ne nécessitait pas d’utiliser sa stupide baguette – qu’il aimait de tout son cœur – le transplanage ne lui avait pas posé de problème dans l’apprentissage. Hero détestait juste les sensations de ce mode de déplacement.

Résolu, l’adolescent attrapa les deux mains de son cousin, s’accrochant à lui comme s’il allait tomber, et ferma les yeux. Un ouragan les broya en deux et ils s’écroulèrent sur une herbe grisâtre qu’ils avaient sans doute foulée plus tôt dans leur voyage. Hero tituba sur quelques pas et se plia en deux pour vomir un reste d’eau sale. « T-tu as une conception bizarre des voyages, Asia. » Mais ils étaient sains et saufs, pour le moment.

— FIN —

*prononcé en français.
#6666ff couleur dialogue