Un calme paisible régnait dans la salle commune des Serpentard. La plupart des élèves de la maison au Serpent d’argent étaient déjà couché. Il ne restait qu'un jeune homme de cinquième année qui rattrapait un retard monstre dans ses devoirs, préparant au passage ses buses et une petite tête blonde qui semblait s'être endormi devant sa tisane du soir. Avec un geste un peu maternelle, une grande brune aux cheveux rebelles déposa sur elle un plaide. Cette fillette était une calamité aux yeux de cette femme, mais Desiderata avait un visage tellement innocent lorsqu’elle dormait que la septième année ne pouvait que se sentir maternelle auprès d’elle, malgré tout.

Finalement, elle se tourna vers la grande vitre qui donnait sur le lac noir, l'air pensive. Les paroles du Professeur Raven tournaient dans sa tête... Bien que Kanaeko acceptait les sacrifices de la vie d'Auror, elle ne pouvait s'empêcher de penser aux autres choses qu'elle souhaitait auparavant... Une simple vie de famille et, pourquoi pas, un enfant ? Mais ces rêves lui semblaient plus improbable encore que le faite de réussir ses ASPICs ainsi que les épreuves d'entrée au bureau des Aurors pourtant réputé très difficile. Doucement, elle ferma alors les yeux, chassant ses rêves d'enfant pour se concentrer sur ses rêves de femme adulte. Sa détermination retrouvée, elle jeta une cape noire à capuchon sur ses épaules et sortit en douce de la salle commune.

Personne en vue dans les couloirs. Avec les Aurors en plus du concierge, il était devenu difficile de circuler sans être vu. Revêtue de sa cape noire unie, elle se fondit gentiment dans l'ombre des couloirs, ses pieds nues marchant avec souplesse et silence a travers les allées vides de l'école par cette heure tardive, les oreilles a l'affût du moindre bruit. Ce fut avec soulagement qu'elle arriva à destination, devant la tapisserie représentant un sorcier (dont le nom échappait à la Serpentard) essayant d'apprendre la danse classique à des trolls... Non ce n'est pas pour admirer ce rappelle d'un passé douteux qu'elle se trouvait ici, mais bien pour se retrouver face à une porte qui venait d'apparaître non loin. Après avoir vérifié qu'elle n'avait pas été suivi, elle se glissa dans la salle et referma la porte derrière elle. Soulagée, elle retira sa cape ainsi que sa robe de sorcière.

La vaste salle contenait un mannequin en bois, une douche dans un coin et un grand miroir. Elle se plaça devant l’autre glace et tira ses cheveux en arrière, formant une queue de cheval quelque peu ébouriffé à cause de la texture complexe de ses cheveux. Ceci fait, elle posa ses affaires à côté, ainsi que sa baguette. La dernière année fit quelques ajustements de dernière minute. Elle était habillée d'un pantalon très ample fait d'une matière qui semblait a la foi souple et légère. Elle était presque torse nu, seule sa poitrine était tenue par des bandelettes qui lui entouraient le buste, lui offrant une grande aisance dans ses mouvements. Ses mains et ses pieds étaient entourés de bandes de tissu blanc.

Ceci fait, elle se dirigea vers le mannequin, fit quelques étirement et commença son entraînement... Mais ce n'était pas avec sa baguette qu'elle se battait. Celle-ci était toujours soigneusement posée sur le petit tas de vêtements à coté du miroir. Utilisant ses poings, ses pieds, et parfois sa tête, elle esquivait des tires factices de sorts envoyé par le mannequin et faisait de son mieux pour le désarmer de toutes les façon possible... Elle y mettait une hargne presque personnelle pour arriver à son but, comme ci elle combattait son pire ennemi… Parfois elle se prenait un projectile ou un coup de la part du mannequin mais elle se relevait, faisant fit de toute douleur... On pouvait dire que la jeune femme avait un petit côté masochiste dans ces exercices car elle semblait vraiment y prendre plaisir… En réalité, s’était l’adrénaline, le danger poussé à l’extrême qui lui donnait cette énergie pour retourner au combat, à tel point qu'elle ne s'était pas rendu compte que la porte s'était ouverte. Elle ne vit que, l'espace d'un instant, une ombre surgir dans le reflet du miroir. Elle sauta alors sur le côté, se glissant entre la silhouette et le mannequin, se saisissant de sa baguette magique et la pointant en direction de la porte.

"Qui va là ?…"

Du sang coulait doucement de sa lèvre, se mélangeant a la sueur qui perlait de son visage. Le souffle court, mais prête a tout, elle attendit de voir qui s'était introduit dans la salle, chose qu'elle pensait impossible.

Octobre 1942.

Trouver le sommeil n’était pas tant donné à tout le monde. La plupart des esprits déchirés voyait la nuit comme une période de la journée où leurs démons venaient se nourrir de leurs angoisses, de leurs craintes et de leurs péchés. Cela faisait combien d’années que Grindelwald n’avait pas trouvé les bras de Morphée de lui-même, sans qu’il n’eût à engourdir son esprit pour y trouver le calme ? Alors il marchait, encore et toujours dans les couloirs de Poudlard. Il vagabondait, errer dans les dédales du château, s’imaginant certainement trouver ce sommeil qu’il avait perdu au détour d’un croisement, derrière la porte d’un placard à balais, qu’en savait-il ? Dormir se dérobait à lui, il n’aurait d’autres choix que de passer une nouvelle nuit blanche ou d’exténuer son corps qui reprenait lentement mais sûrement des forces après quinze ans d’Azkaban. Ses promenades nocturnes, à chasser ce fugitif de sommeil, lui permettait au moins de retrouver une certaine vigueur dans ses jambes, elles qui n’avaient que la cellule exigüe de la prison pour sorcier pendant trop longtemps. Il n’avait pas été en bon état en sortant de l’antre des Détraqueurs, peu de gens l’était de toute façon. Retrouver sa force et ses réflexes d’antan seraient long et fastidieux.

Son vagabondage l’amena au septième étage, sans qu’il ne s’en rende vraiment compte. Il laissait ses jambes avancer, son esprit nullement somnolent continuant de faire fuser ses idées en tête. Quand il aurait retrouvé une forme physique convenable, comment ferait-il pour retrouver sa force d’antan ? Surtout par l’hiver qui arrivait ? Le froid ne l’avait jamais dérangé, ayant grandi dans les hauteurs des Alpes puis ayant fait sa scolarité à Durmstrang où les froids polaires étaient presque présents la moitié de l’année. Mais la neige encombrerait beaucoup trop ses mouvements. La pluie n’aurait rien d’agréable non plus. Non il lui fallait trouver une autre salle, avec possiblement une opposition pour pouvoir retravailler ce jeu de jambes essentiel à tout duelliste chevronné. La puissance était indéniablement importante, il était vrai. Mais parfois, esquiver habilement un sort avec juste un pas sur le côté permettait d’économiser plus de force qu’un Protego tout aussi efficace, certes, mais beaucoup plus gourmand en énergie. Là était l’arrogance des sorciers qui ne se concentraient que sur leur capacité magique, quitte à perdre toute vigueur au bout de deux minutes de combat. Il fallait garder une certaine sagesse et de la ruse face à ses opposants.

Il entendit alors un mouvement dans le mur et aperçut une porte se dessiner entre les pierres de la paroi. Il se retourna brièvement et vit à la lumière des Lumos des baguettes des Aurors que ces derniers étaient encore loin. Saisissant cette opportunité, Gellert passa cette porte qu’il n’avait jamais vu auparavant et se retrouva dans une vaste pièce. Les piliers étaient sectionnés, comme laisser une grande liberté de mouvement aux occupants. Les murs étaient couverts de miroirs et, en face de lui, sur la paroi opposée, se trouvait une cheminée. Intrigué, il s’avança, se pensant seul. Néanmoins, au bout de quelques pas pourtant, il entendit pourtant du mouvement, un souffle court et remarqua également des affaires posées au pied d’un pilier. Il n’eut de faire qu’un pas de plus qu’une voix familière lui somma de s’arrêter. Docile, il arrêta son investigation, nullement inquiété pour autant. Il se dévoila alors en sortant d’entre deux piliers, les mains dans le dos, le pas lent et tranquille. Hantsuki se tenait devant lui, en sueur et en sang, également peu couverte, le menaçant de sa baguette. Il eut alors un sourire légèrement insolent visant à, paradoxalement, mettre en confiance la jeune élève de Serpentard devant lui.

— Tu ne devrais pas menacer un professeur, cela pourrait t’apporter des ennuis.

Il avait déjà eu à faire deux trois fois à Hantsuki. Du haut de ses 17 ans, elle avait un caractère bien trempé, limite irritant à certains moments. Elle l’avait provoquée plus d’une fois et il devait avouer qu’il avait manqué de perdre son précieux calme qu’il avait tant de mal à conserver parfois en sa présence. Mais, étrangement, il ne la détestait pas. Elle était insolente, à la limite de l’irrespect, mais pouvait-il vraiment la blâmer pour ceci. Il n’était, au final, pas si différent : provocateur et quelque peu marginal, il se moquait de ce que les autres pouvaient dire de lui puisqu’il aurait, quoiqu’il arrivait, le dernier mot. Il attendit donc patiemment que Hantsuki abaisse sa baguette, continuant de regarder autour de lui. Il nota la présence du mannequin derrière elle et demanda sur un ton totalement détaché :

— Tu t’entraînes ici ?

Il avait une foule de questions concernant cette salle étrange dont la porte était apparue sans prévenir au milieu du mur. Cependant, il était trop fier pour que ses interrogations eussent des réponses venant d’une élève. Il chercherait donc la solution à son énigme plus tard dans les livres ou demanderait éventuellement à Dumbledore. En revanche, l’endroit était propice à l’entraînement. Il espérait seulement que la salle ne soit pas éphémère.

La jeune femme observa la silhouette sortir de l’ombre. Elle vit une personne d’une grande stature, au teint pâle et aux yeux vairons qui, comme toujours, semblaient lancer des éclairs. Ce fut sans mal que la jeune femme reconnu le professeur de rûnes et ex-mage noir. Aussitôt, elle baissa sa baguette mais ne semblait pas essentiellement rassurée pour autant de le voir. Après tout, elle n’était pas sensé être là, même ci le règlement ne stipulait pas qu’il était interdit de dormir dans la salle sur demande pendant la nuit. Mais Kana n’avait aucunement envie de négocier les faiblesses du règlement de Poudlard avec Grindelwald. Plus d’une fois, déjà, elle s’était brûlée les ailes en essayant de jouer avec lui. A présent, elle était plus méfiante et faisait de son mieux pour le traiter avec respect, ce qui n’est pas toujours facile pour elle, éternelle élève rebelle.

Néanmoins, le sourire du mage noir la surpris… Ce n’était pas quelque chose qu’elle avait l’habitude de voir sur son visage et ce n’était pas un sourire sadique, comme on aurait pu s’y attendre de la part d’un professeur heureux de la prendre sur le faite. L’élève de Serpentard n’arrivait pas à savoir ce à quoi pensait l’ancien mage noir, mais ce n’était certainement pas à mal ou, en tout cas, pas contre elle. Finalement, cela l’aida à se détendre et elle se permit même de sourire.

« C’est vrai… Pardon, Professeur. Je ne m’attendais pas à voir quelqu’un entrer. »

D’un geste, elle fit tourner la garde de sa baguette autour de son doigt avant de la glisser dans la ceinture de tissu de son pantalon, sans pour autant quitter Gellert des yeux. Elle savait le professeur capable d’user de la magie sans baguette. Il aurait sûrement pu la désarmer aisément d’un claquement de doigt, mais il ne l’avait pas fait et Kana lui en était reconnaissante… Mais désormais, ils étaient seuls. Les Aurors étaient coincé de l’autre coté. Malgré tout, l’élève ne semblait pas avoir peur du mage face à elle… Elle était juste méfiante, espérant ne pas trouver une raison de le mettre en boule.

Une tonne de questions lui venait en tête, et principalement une… qu’elle se garda de prononcer pour l’instant. Elle essayait, tant bien que mal, de comprendre son interlocuteur. Après tout, il faisait partit des rares personnes qu’elle aimerait connaître. C’était cette curiosité qui était si dangereuse dans ses tentatives d’approche, attisée dans un premier temps par les souvenirs de sa mère. Mais, petit à petit, elle commençait à se faire son idée propre de l’ex mage noir qui lui semblait être une personne encore plus complexe que tous ce que l’on peut lire ou entendre de lui.

Tel l’entrevue avec un hyppogriffe, elle le laissa faire le premier geste, à savoir ici, poser le premier sa question. Il ne fit aucun doute qu’il était fasciné par cette salle… Il y avait de quoi et pour quelqu’un d’aussi surveillé que lui, cet endroit pourrait être la cachette idéale.

« Oui… C’est aussi un havre de paix quand j’ai besoin de réfléchir loin du bruit de la salle commune. »

Elle prit une des serviettes à cotés de la douche et s’épongea le visage, laissant de belles taches rouges sur le tissu blanc. Elle ne semblait pas tellement pudique mais, en réalité, Grindelwald ne semblait pas non plus gêné, intrigué ou dégoûté par ce corps de jeune femme. Il ne la regardait pas plus et pas moins que d’habitude. Sûrement avait-il été surpris au début mais, aux yeux de Kana, il n’avait pas de réaction différente à d’habitude, quand elle porte sa robe de sorcier. En réalité, l’intention du grand sorcier semblait surtout attirée par cette salle. Visiblement, s’était la première fois qu’il y mettait les pieds, mais il cachait tellement bien son jeu qu’il était difficile de savoir si il en avait entendu parlé ou non. Finalement, elle s’approcha de lui mais resta quand même à bonne distance, posant la question qui lui trottait dans la tête depuis un moment :

« Monsieur, excusez moi mais comment avez vous fait pour entrer ?… Normalement, c’est impossible… A moins que vous ne cherchiez la même chose que moi en passant devant la tapisserie de la danse des Trolls. »

Elle avait dit ça sur un tons de l’ironie, presque plaisanterie… Mais en y repensant bien, il n’y avait pas d’autres raisons possibles à la présence du mage noir. Cela faisait une sacrée coïncidence.

Octobre 1942.

La jeune élève ne semblait avoir aucune agressivité envers lui et Grindelwald ne lui tint pas en rigueur pour avoir levé sa baguette sur lui. Elle était visiblement seule ici, cherchant sûrement le calme dans son entraînement. Il était l’intrus, professeur ou non. C’était lui qui était rentré tel un voleur, sans prévenir, commandé par une curiosité qui l’avait poussé à passer cette étrange porte qui était apparue devant lui. Contrairement à ce que le commun des mortels pensait de lui, Grindelwald ne cherchait pas en priorité et à titre personnel le pouvoir. Non, il l’avait déjà. La Baguette de Sureau en sa possession, il était l’un des plus grands sorciers de son temps, avec juste Albus Dumbledore au-dessus de lui. Et encore. La puissance de son arme aidant, il n’était pas si certain que l’actuel professeur de Métamorphoses soit devant le plus grand mage noir du siècle en termes de force brute. Mais le fameux duel tant annoncé depuis des années entre les deux amants ennemis n’était jamais arrivé et, au fond de lui, Grindelwald savait qu’il l’aurait perdu d’une façon ou d’une autre. Ce n’était donc pas la puissance magique qu’il recherchait avant tout mais la sagesse, dont le moteur principal était une curiosité inextinguible.

Une curiosité qui peinait à être rassasiée dans cette salle. Quelle était cette pièce, pourquoi n’y avait-il aucune mention dans les nombreux livres qu’il avait pu lire sur Poudlard ? Il avait bien lu quelque chose concernant une pièce secrète créée par Salazar Serpentard en personne, la Chambre des Secrets si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, mais pour un endroit censé contenir les arcanes desseins du plus sombre des fondateurs de l’école, le septième étage, avec la porte donnant sur un couloir, n’était peut-être pas l’endroit le plus propice. De plus, vu le contenu de la salle, ce serait parfaitement décevant s’il s’agissait de la fameuse Chambre des Secrets. Il aurait fallu que Hantsuki soit une descendante de Serpentard également et, même s’il ne voulait pas être mauvaise langue, il en doutait fortement. La jeune élève déclara alors apprécier se retrouver dans cette salle pour son calme et la solitude. C’était compréhensible. Il était vrai que l’endroit avait quelque chose d’apaisant. Elle lui demanda alors comment il était arrivé là, sous prétexte que cela était apparemment impossible. La tapisserie il s’en était souvenue, oui. Il était repassé devant rapidement car elle l’intriguait. Puis il avait repris son chemin, normalement. Poudlard était immense et cela faisait déjà plusieurs semaines qu’il était arrivé, il était toujours incapable d’en faire un plan parfait de tête.

— J’ignore ce que tu cherchais. Mais il est vrai que je songeais à un endroit où j’aurai pu recouvrer ma force et mon agilité d’antan quand la météo ne s’y prêterait plus pour le faire à l’extérieur.

Hantsuki semblait en connaître plus sur l’endroit et il ne doutait pas de l’impulsivité incontrôlée de la jeune fille pour que celle-ci lui étale son savoir. Ce n’était pas un défaut, mais Grindelwald était trop fier pour lui demander clairement et franchement la nature de l’endroit. Il regarda alors les mannequins puis le visage précédemment en sang et en sueur de la Serpentard. Elle aussi s’entraînait. Visiblement, elle avait effectivement cherché la même chose que lui. L’esprit vif et faisant leur rapprochement de leur désir similaire, il finit par demander :

— Cette salle n’est pas juste une salle d’entraînement cachée, cela n’a pas de sens. Elle te donne ce dont tu as besoin, n’est-ce pas ?

Il préférait trouver la solution par lui-même que de l’avoir de façon brute et gratuite. Il en avait pourtant déduit cela par ses lectures. Il voyait mal les fondateurs de Poudlard se dire que cacher une salle d’entraînement était une bonne idée. Il y avait notamment la notion d’impossibilité qu’avait énoncé Hantsuki. La formulation de sa question, ajoutée aux connaissances du mage noir sur l’école lui avaient permis de supputer la véritable fonction de cette salle. En réalité, il serait surpris (et déçu) s’il s’était trompé. Mais quelque chose lui disait qu’il avait visé juste. Il s’approcha alors d’un des mannequins et l’inspecta.

— Tu t’entraînes juste à lancer tes sortilèges ?

Il pensa que cette salle serait parfaite pour entraîner Lavande. Il préférait cependant l’extérieur, en réalité, ayant été privé de l’air frais de la nature pendant trop longtemps, sentir le vent doux et entendre le bruissement des feuilles lui faisant le plus grand bien. Néanmoins, il y avait des jours où le ciel les chasserait à l’intérieur, déversant toute sa peine en trombes d’eau inarrêtables. Cela pouvait forger l’endurance et la résistance de quelqu’un, que de s’entraîner sous de telles intempéries, mais il n’en était pas encore là avec Lavande. Ce n’était pas non la priorité non plus. Cette salle était presque providentielle tandis que le milieu de l’automne approchait. N’ayant aucunement envie de repartir et encore moins de laisser Hantsuki tranquille, il renchérit, en se tournant vers elle :

— Tu peux me montrer ce que tu travaillais ?

Il en profita alors pour enlever son manteau et le lança nonchalamment plus loin. Il faisait suffisamment chaud dans la pièce pour se permettre d’enlever une couche, ce qui lui assurerait une bien meilleure aisance dans ses mouvements.

C’est avec un léger sourire un peu surpris qu’elle entendit la réponse de l’ancien mage noir. De sa mère, elle n’a pas appris grand-chose le concernant mise à part qu’il possédait une forte puissance magique et une éloquence à faire pâlir les plus lettrés. Mais personne ne disait que Gellert Grindelwald était du genre à s’entretenir physiquement… Il est vrai qu’aujourd’hui, il paraissait un peu maigrichon même ci, en un peu plus d’un mois, il avait reprit du poil de la bête (en même temps, quand on sort d’Azkaban, on ne sort que rarement en bonne condition physique. Il est déjà bien d’en sortir avec une âme intacte…). Dans tout les cas, cette révélation fit aussitôt grimper le professeur de rune dans son estime. Il s’agissait là d’un homme vraiment complet qui ne se reposait pas seulement sur ses talents magiques mais aussi sur sa force physique.

Mais elle ne préféra pas en faire la remarque, de peur de le piquer au vif comme elle l’avait fait auparavant. Avec le temps, elle avait appris à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire quelque chose à ce professeur qu’il ne valait mieux ne pas contrarier… Elle se contenta, donc, de lui répondre en reposant la serviette, après avoir pris le temps de passer sa langue sur sa lèvre blessé (afin de se donner le temps de bien réfléchir à sa réponse) :

« Oui, c’est cela. Il suffit de passer devant le mur où se trouve la tapisserie de la danse des Troll - pardon, je ne me souviens plus de son nom exacte – en pensant fortement à ce que l’on veut et la salle nous l’offre. La première fois que je l’ai trouvé, ce n’était pas du tout ainsi qu’elle s’était présenté... »

La jeune femme préféra arrêter son explication sur ce point. Peut-être en avait elle trop dit. Mais la question qui s’en suivit la rassura. Elle n’aurait, sûrement, pas à expliquer comment elle avait trouvé la salle la première fois. Néanmoins, cela n’intéressait probablement pas Grindelwald qui se fichait vraisemblablement des petits problèmes d’adolescents de ses élèves.

« En vérité… Là, justement, je m’entraînais à éviter et à désarmer un adversaire sans utiliser la magie… »

Kana avait peur que Gellert trouve cet entraînement ridicule et inutile. Elle se permit alors de hocher la tête lorsque, celui ci, lui demanda de lui montrer. Elle se remit, alors, face au mannequin mais elle ne dégaina pas sa baguette. L’automate s’anima et commença à lui lancer des sortilèges factices qu’elle esquivait tout en le chargeant. Cependant, elle se prit un tir à l’épaule à mi-chemin. Malgré tout, elle continua à charger, sautant finalement sur l’automate, enroulant ses jambes autour de son cou et le fit basculer en arrière. La jeune femme lâcha un cri sauvage, utilisant toute la force de ses muscles combiné au poids du mannequin pour que le choc soit le plus violent possible. Un être humain aurait sûrement eu le cou brisé, mais la jeune élève n’avait pas envie de se retenir face à un morceau de bois ensorcelé qui lui en avait fait bavé toute la soirée. La fausse baguette, elle, était volé des mains de bois au moment du choc et avait roulé aux pieds de Grindelwald.

L’élève de Serpentard se releva en roulant de son épaule touchée. Elle sentait qu’elle allait avoir mal le lendemain matin.

« Ce n’est pas encore au point… Mais je me disais que cela pouvait être utile en combat si je venais à être désarmé d’une manière ou d’une autre. »

Elle n’osait le dire, mais au fond, elle voulait l’avis du mage noir. Tout ce qu’elle espérait, c’était qu’il comprendrait et qu’il ne trouverait pas cet exercice ridicule et, pour le moins futile. En tout cas, elle ne trouvait pas sa présence gênante. Au contraire… ça lui donnait une chance de se rattraper.

Pour en revenir à la décoration de la salle, Kana avait aussi accroché, dans un coin du miroir, quelques photos… Une photo, visiblement récente, la représentait aux cotés de ses parents. Sa mère avait le regard vif, les cheveux blonds légèrement ondulé et semblait ne pas apprécier se trouver sur la photo. Son père, lui, tenait les deux femmes par l’épaule. Il était un peu plus petit qu’elles, mais il avait un sourire fière et semblait joyeux. Kana, fidèle à elle même, souriait en regardant de temps à autre son père en riant. Une seconde photo, un peu plus vieille, montrait une Kana boutonneuse faire un bras de fer avec son père qui la regardait en souriant, alors que l’adolescente forçait sans succès. La troisième photo semblait bien plus vieille. On y voyait une Kanaeko enfant aux cotés d’une fillette aux traits asiatiques. Les deux riaient aux éclats comme après une blague… Mais, par moment, on pouvait les voir échanger des regards plein de complicités… ci ce n’est plus. La Kana pleine de bleus et de sueur dans la salle avait complètement oublié qu’elle avait accrochée ces photos comme à chaque début de séance.

Octobre 1942.

La situation avait de quoi être cocasse, surtout suite aux explications de l’élève. Tout c’était donc joué sur un concours de circonstances pour que le professeur et la Serpentard se retrouvent en même temps dans cette salle. Poudlard réservait donc bien des secrets que Grindelwald comptait bien découvrir. C’était sûrement son côté aventurier, toujours mué par une curiosité insatiable de savoir. À ses yeux, la connaissance était la plus précieuse des armes non seulement pour se défendre, se protéger et anticiper mais également attaquer. Les récits des complots d’antan entre rois, reines et comtes n’en étaient que la preuve parfaite. Et connaître l’existence d’une telle salle pour un sorcier tel que lui… Il ne pourrait que trouver des usages parfaitement utiles pour échapper aux Aurors… ou autre. Tout dépendait de ce dont il avait besoin sur l’instant. Pour l’instant, cette vaste salle était parfaite pour s’entraîner, comme l’avait sous-entendu Hantsuki qui épongeait le sang de sa lèvre ouverte. Elle indiqua alors vouloir essayer de désarmer un opposant sans avoir recours à la magie. Une idée en soit assez intelligente et maligne. La plupart des sorciers ne se contentait que d’utiliser leur baguette et se retrouvaient complètement perdu dès qu’elle était arrachée de leur main.

La Serpentard se mit alors en place, acceptant docilement de faire sa démonstration à l’ancien mage noir. Curieux et intrigué, Gellert resta silencieux, ses mains, comme à leur habitude, cachées derrière son dos dans une posture professorale et digne. Son regard perçant ne lâcha pas la silhouette de la jeune fille s’élancer vers le mannequin qui s’ébranlait, lançant des sorts pastiches, probablement inoffensifs. L’esquive était vive et certes efficace contre un sorcier sans souplesse mais l’entraînement restait intéressant. Surtout au moment où elle finit par se faire toucher. Faisant fi de ce coup reçu, Hantsuki parvint à sauter sur le mannequin avec souplesse pour enrouler ses jambes autour de la nuque du pantin et, avec tout le poids de son corps et entraînée par sa vitesse, le renverser lourdement sur le sol. Le bruit sourd du métal et du bois contre le sol dérangea les oreilles délicates du mage noir qui regarda la brindille qui servait de baguette au mannequin rouler jusqu’à ses pieds. La Serpentard prit alors la parole, disant que tout n’était pas encore au point mais qu’elle avait jugé d’utile de s’entraîner à cet exercice. Grindelwald ne pouvait en aucun cas la contredire. Il se pencha et ramassa le bout devant ses bottes et la regarda machinalement.

— C’est effectivement une bonne technique pour désarmer ton adversaire… et le tuer au passage.

Il jeta le bout de bois inutile par-dessus son épaule avec une nonchalance décomplexée et sourit malicieusement à l’élève.

— Tu perds également trop d’énergie, à mon humble avis. Sauter ainsi, briser la nuque de ton adversaire quitte à te faire tomber aussi… C’est efficace si, comme je l’ai dit, tu comptes tuer ton opposant et surtout s’il est seul. S’ils sont plusieurs contre toi, jamais tu n’auras le temps de te relever.

Il regretta soudainement d’avoir voulu fanfaronner devant Hantsuki en jetant la baguette au vu de ce qu’il comptait faire. N’ayant pas envie de se daigner à la ramasser de ses mains délicates d’ancien mage noir, Gellert, d’un geste du doigt fit venir magiquement et rapidement le bout de bois dans la main du mannequin qui se redressait. Il se mit à peu près la même distance de son adversaire que Hantsuki précédemment et remonta ses manches jusqu’à ses coudes, dévoilant des bras ayant à jamais les traces de leur passé houleux. Il manquait certes d’entraînement mais il y avait certaines choses qui ne se perdaient pas. Les réflexes et l’agilité avaient certainement perdu de leur précision d’antan mais ses muscles avaient gardé en mémoire et avec précision chaque geste qu’il devait faire. Le mannequin commença alors à lancer des sortilèges que Gellert esquivait par simple pas de côté ou en jouant de la souplesse de son torse, le tout sans courir mais en marchant vivement. À environ deux mètres du pantin, il fit un léger et leste saut vers l’avant avant de se retrouver à portée, le tout en se décalant de l’axe de tir de la baguette. Là, d’un geste au vif que brusque, il saisit d’une main le poignet du mannequin avant d’asséner de son autre bras un puissant coup vers le bas dans le coude adverse. L’angle contraire se dessina immédiatement mais Grindelwald en avait oublié l’acier dont était fait l’articulation. Une grimace se dessina brièvement sur son avant-bras tandis que la douleur se propageait sous sa peau. Cependant, le mannequin, le bras brisé, avait lâché sa baguette.

— C’est une autre école, moins létale. Ton adversaire lâche son arme et sera hors d’état de nuire. Tu restes sur tes appuis et tu peux également mieux te positionner si tu as d’autres ennemis contre toi.

Un miroir attira machinalement son regard. Se massant aussi discrètement qu’il pouvait son avant-bras, ses yeux se posèrent tout aussi mécaniquement sur les photos qui étaient accrochées sur le cadre. Il reconnut Hantsuki, bien évidemment, et une autre jeune femme dont elle semblait très proche. Contre sa volonté, sa mémoire lui rappela une photographie similaire de lui et Albus lors de leur rencontre. Ne voulant penser à ce genre de choses maintenant, il détourna rapidement le regard pour le concentrer sur Hantsuki.

— Des questions ? Après, je dois t’avouer que ta technique est intéressante également. Je serai bien incapable de faire la même chose désormais.

L’âge, Azkaban… nombreux étaient les facteurs qui lui avaient fait perdre sa souplesse d’antan, celle qui lui avait permis de se mouvoir telle une ombre vive et insaisissable chez Gregorovitch et lui dérober la Baguette de Sureau, désormais au chaud dans les catacombes du Ministère de la Magie. Mais les décennies avaient passé et s’il désirait recouvrer une partie de cette souplesse et cette force de son intrépide jeunesse, il ne se faisait pas d’illusion que cela n’aurait rien à voir avec ce qu’il avait été jadis. Cependant, d’autres formes de forces et de qualités pouvaient en être tiré. Même s’il serait certainement plus lourd qu’autrefois dès que les stigmates d’Azkaban auraient quitté son corps, il aurait certainement le pied plus assuré et surtout, l’esprit plus tempéré.

Grindelwald resta impassible, ne laissant transparaître pas la moindre émotion sur son visage. Impossible de savoir si il trouvait cela satisfaisant ou non. Le temps semblait avoir grandement ralentit à tel point que, pour la jeune élève, il fallut une éternité pour que l’ancien mage noir ramasse sa baguette. Finalement, lorsqu’il répondit, elle fit une légère grimace et se tourna vers le mannequin. Il fallait qu’elle contrôle un peu plus ses émotions, tout comme à maîtriser sa magie sinon, en cas de duel, elle risquait de tuer quelqu’un sur un coup de sang.

Au son du morceau de bois qui tombait plus loin sur le sol de pierre fraîche, Kana se tourna à nouveau vers son Professeur et vit, avec soulagement, qu’il souriait… Certes, s’était un sourire malicieux, mais ce sourire lui était familier dans un sens… Car, d’habitude, s’était elle qui souriait de cette façon lorsque ses petits tours de force envers les Serpentards fonctionnent, qu’elle montre sa domination et espère, surtout, donner une bonne leçon. Ce qui fit justement Grindelwald à ce moment là. Il lui expliqua pourquoi sa technique était s’avérée dangereuse pour son adversaire et pour elle même et la jeune femme acquiesça doucement à cette explication.

« Oui… Je vois ce que vous voulez dire, Professeur. »

Elle semblait plus à l’aise avec lui. Entonnement, elle s’était un peu ouverte en lui montrant sa technique et la réaction de Gellert l’avait rassurée. Dans un sens, elle commençait à le comprendre, mais elle avait peur de tomber dans le piège de la facilité et préféra continuer à rester prudente avec lui et, surtout, s’efforça à rester respectueuse ce qui, à présent, n’était plus trop un problème.

L’ancien mage noir récupéra la baguette d’un sortilège d’attraction et l’expédia dans la main du mannequin dans un sortilège de répulsion, le tout, sans baguette ce qui, comme toujours, impressionna la jeune élève. Celle-ci, en voyant Gellert relever ses manches et se mettre en position de combat, recula contre le mur, lui laissant la voie libre. Encore une fois, le temps que mit l’automate à se remette debout lui parut incroyablement long. Est-ce qu’elle allait vraiment le voir à l’œuvre ?… Sans magie ? Elle peinait à le croire. Après tout, même ci il était un grand mage noir en son temps, il sortait juste d’Azkaban après une quinzaine d’années passées dans une cellule minuscule. De plus, il commençait à être âgé… Mais elle s’en voulu rapidement à avoir eu cette pensée. Une fois le mannequin en place, Gellert traversa sa défense avec une précision qui laissa Kana bouche bée… Il semblait, comme durant une partie d’échec, prévoir chaque coup à l’avance, esquivant toutes les tentatives de l’automate, avant de faire un saut d’une grande souplesse et de casser d’un geste juste et ferme le coude de son adversaire qui laissa tomber le morceau de bois avant de tomber à genoux… La jeune élève avait la bouche ouverte, visiblement impressionnée… Elle comprenait mieux pourquoi sa mère vénérait cet homme : Il était impressionnant, autant par son charisme que part ses capacités en combat et encore… elle ne l’avait pas encore vu se battre à l’aide de la magie ! Alors, comment était il à sa grande époque, jeune, en pleine forme avec une baguette ?… Elle comprit mieux aussi pourquoi il terrifiait tant tout le monde. Même avec sa baguette à la main, Kana était certaine que, s’il le voulait, il pouvait la tuer ici et maintenant si l’envie lui prenait. Lorsqu’il lui parla, elle hocha doucement la tête.

« Je pense avoir compris… »

Elle se coupa lorsqu’elle le vit marcher vers le miroir et, soudain, elle écarquilla les yeux et tressailli : Les photos. Ce n’était pas des clichés qu’elle laissait à la vue de tous habituellement. Ils étaient là juste pour lui donner du courage et lui rappeler pourquoi elle se bat… L’une d’entre elle sembla attirer son attention et Kana chercha à se rassurer… Même la photo animée avec son amour d’enfance ne pouvait le faire tiquer. Après tout, elles avaient simplement l’air de deux grandes amies en train de rire bêtement à une plaisanterie… Et à son grand soulagement, Gellert fini par se tourner vers elle et ne semblait pas y avoir prêter attention, la félicitant quand même sur sa technique et semblant un peu triste sur sa situation actuelle. Elle voulu le rassurer sur la question mais sans pour autant donner l’air de vouloir le flatter… Ce fut, encore une fois, en choisissant ses mots avec soin.

« Si je puis me permettre, monsieur, vous n’en avez pas eut besoin et votre technique est, de loin, plus efficace et moins dangereuse... »

Elle se frotte à nouveau son épaule… Elle sentait que le lendemain, elle aurait vraiment mal et, alors que ses muscles refroidissent, elle commençait à sentir la douleur lui transpercer ses membres blessés.

« … Je souhaiterais savoir comment vous vous y prenez pour anticiper aussi efficacement les sorts de votre adversaire… Je sais que le mannequin est particulièrement lent, mais même ainsi, il m’arrive de devoir perdre le contacte visuel avec lui… et de devoir deviner son sort suivant. »

Problème d’anticipation… Mais si avec les conseils de Grindelwald, elle pourrait, peut-être, un jour, en conjuguant son expertise avec la souplesse de la jeunesse dont elle faisait encore preuve, réussir à rendre l’esquive des sorts et le désarmement sans baguette vraiment efficace.

Octobre 1942.

Sa petite course et son effort combiné avaient réussi à altérer le souffle pourtant d’ordinaire si calme de Grindelwald. Le fait qu’il était légèrement essoufflé après si peu d’effort prouvait qu’il manquait cruellement d’exercice. Il fallait dire qu’Azkaban n’était pas le lieu propice pour garder une bonne santé, mentale ou physique. Gêné par cette faiblesse flagrante de ses poumons, il se massa son avant-bras endolori du contact ferme et brusque avec le métal. Fut un temps, il serait passé outre cette douleur également. Agacé par ses failles physiques qu’il n’avait jamais connues, son visage s’était légèrement fermé. Pourtant, il souhaitait rester bon pédagogue pour Hantsuki qui semblait littéralement admirative devant la prestation du mage noir. Cela vint réconforter son ego blessé par cette piètre performance. Il fallait qu’il se rende à l’évidence également qu’il n’aurait pas la fougue de ses vingt ans. Jamais plus il ne pourrait sauter aussi lestement et insolemment qu’il ne l’avait fait depuis la fenêtre de Gregorovitch avant retomber sur le sol avec la souplesse d’un chat. Ou alors, il lui faudrait travailler dur. Vraiment dur. Sans baguette cependant, il serait difficile de retrouver sa splendeur d’antan. Il lui faudrait donc trouver une façon de palier à ce manque. Il lui faudrait vraiment travailler très dur alors.

Hantsuki se montra alors d’une perspicacité qui surprit Grindelwald. Elle semblait avoir décelé ses doutes sur ses séquelles d’Azkaban et même sa propre vieillesse en général. Certes, il n’avait pas eu besoin de beaucoup de vitesse, le mannequin en étant dépourvu. Cependant, s’il avait eu un adversaire plus vif en face de lui, il aurait été beaucoup plus compliqué d’esquiver les sortilèges qu’il lui lançait. S’ils avaient été plusieurs, il aurait bien évidemment perdu. Un peu perdu dans ses pensées, il regarda sa pâle paume, songeur. La baguette n’était qu’un catalyseur. La pratique de la magie lui manquait et il lui était bien évidemment défendu de s’en servir, peu importe la raison, même si une certaine tolérance s’était instaurée ces dernières semaines pour les sortilèges les plus inoffensifs. Il était pourtant convaincu qu’il était capable de produire une magie aussi fabuleuse que sa propre légende colportait. Il aurait cependant plus de mal à la contrôler que prévu. Et s’il se décidait d’ériger un mur de flammes juste pour le plaisir, il se ferait instantanément retracé par les Aurors. À moins que cette salle particulière ne le protège. Mais il était impossible de savoir si les murs de la pièce empêchaient la moindre information magique de sortir. Il allait devoir mener des recherches.

L’élève le tira de ses pensées et il baissa sa main qui le brûlait d’expulser cette magie canalisée depuis trop longtemps. Il n’avait aucune mauvaise intention envers Hantsuki, bien évidemment. Il ne souhaitait pas non plus la mettre en danger. Mais il voulait produire quelque chose de beau et grand, se rassurer sur ses propres capacités. Est-ce qu’une personne privée de ses pouvoirs depuis si longtemps était toujours capable d’avoir toujours la même grandeur passée ? En connaître la réponse le démangeait fortement. Mais il préféra se porter sur la question de son élève du soir. Cette dernière semblait surprise de l’avoir vu anticiper avec tant de facilité les sorts du mannequin. Pourtant, comme elle venait de le dire, il était particulièrement lent. Gellert eut un sourire et baissa modestement la tête et le regard tout en croisant ses bras dans son dos. Il était par ailleurs surpris qu’elle se pose la question puisqu’elle avait elle-même donné l’élément clef dans sa remarque : l’anticipation. Visiblement, cette notion avait besoin d’être éclairée auprès de la jeune fille. Grindelwald avait remarqué qu’à part le cours de Défense Contre les Forces du Mal, l’enseignement au combat n’était pas privilégié à Poudlard. Il était vrai que la plupart des élèves ne finissaient pas Auror, mais savoir se défendre un minimum était, à ses yeux, primordial.

— Tu l’as dit toi-même : l’anticipation. Cela passe par le timing et le contact visuel.

Il s’approcha d’elle, se tenant à deux bons mètres d’elle, avant de la regarder droit dans les yeux.

— Ne lâche pas ton adversaire du regard. Regarder son bras, sa jambe, ce n’est pas utile. Tu apercevras son mouvement du coin de l’œil.

Comme pour appuyer ce qu’il venait de dire, il désigna le bord de son iris blanche avant de remettre sa main dans son dos.

— Tiens son regard. Ce sont ses yeux qui trahiront ses intentions en premier. Bien sûr, il faut que tu aies suffisamment confiance en tes mouvements. Mais tu bouges bien déjà, tu ne devrais pas avoir trop de problèmes. Tu fais du Quidditch en plus, non ? Tu dois déjà avoir une bonne agilité.

Finalement, il recula d’un pas et remonta une de ses manches qui était retombé sur son avant-bras, dévoilant une peau blafarde mais également éternellement marquée par la rudesse de sa vie de mage noir.

— Oublions la magie pour le moment et faisons cela à la façon « Moldue ». J’imagine que tu sais te battre alors, viens, essaye de me frapper.

Son visage demeurait fermé et sérieux. Pourtant, à l’intérieur, il jubilait d’un enthousiasme enfantin. Grisé par cette envie de combat, il espérait de tout son cœur froid et noir qu’Hantsuki accepte sa proposition. Bien évidemment, le but n’était pas de se faire mal. Il ne répondrait pas par un coup, mais juste par une contre-attaque parfaitement inoffensive. Il n’ignorait pas non plus les origines asiatiques de la jeune fille et il se demanda si elle avait adopté ces méthodes de combat. Gellert, lui, était resté propre à ses racines européennes. Ainsi, il fléchit sur ses jambes, releva légèrement ses bras sans se mettre en garde et regarda la jeune fille droit dans ses yeux. Si son visage était impassible, la flamme qui brûlait dans son regard hétérochrome devait être parfaitement visible. Il ne pourrait pas faire de la magie ce soir, mais tester les restes de l’endurance de son corps l’exaltait tout autant. En réalité, peu importe s’il se prenait un coup ou non. Malmener son ego arrogant ne le dérangeait pas dans l’immédiat. En provocant Hantsuki, il se provoquait également et il trouvait cette idée étrangement mais particulièrement plaisante.

Le mage noir semblait s’être perdu momentanément dans ses pensées… A quoi pouvait il bien songer dans un moment pareil ? On le connaissait sûr de lui et quelque peu effrayant. Mais, ainsi, au naturel, il semblait presque perdu. Il faut dire, il a de quoi l’être. Il sort d’Azkaban après quinze ans pour se retrouver à enseigner la matière la plus ennuyeuse qu’il existe à Poudlard sans même avoir le droit d’avoir une baguette à la main… Alors que, au moment de la naissance de Kana, il atteignait le sommet de sa gloire. Finalement, il reprit contenance et se permit même un sourire ce qui rassurait un peu la jeune élève qui se détendait petit à petit. Le Professeur de Rune se redressa, commença à lui raconter les secrets de l’anticipation. Kanaeko ne quittait pas son regard, aussi intimidant soit-il, fronçant même légèrement les sourcils… Les yeux. Tel était la clé pour anticiper, qu’il s’agisse d’un sortilège ou d’un coup physique. Conserver le contacte visuel…

La jeune Serpentard hocha doucement la tête et se souvint alors de ses matchs. Elle n’avait jamais penser à se servir de son habilité avec un balais et une batte pour se battre avec une baguette à la main (ou simplement ses poings). Pour le coup, elle y voyait des mathématiques. Un rapide calcul d’angle, de force, et de vitesse afin de désarçonner un adversaire (tout en évitant de lui casser un membre si possible). Mais, il est vrai qu’elle devait garder au maximum les deux cognards à l’œil. Elle devait anticiper leurs mouvements, leurs attaques et leurs trajectoires. Ce n’était pas chose facile, mais à force, on y arrive. Ce n’est qu’une question d’entrainement et de pratique.

Finalement, Grindelwald eut un geste qui intrigua Kana. Il avait remonté ses manches, dévoilant des bras blanc, couvert de cicatrices et autres marques qui semblaient terriblement ancienne… Cela également piqua la curiosité de l’élève : On ne sait rien de sa vie d’avant mage noir. Qu’est-ce qui a bien plus lui arriver pour qu’il en arrive à devenir celui que l’on connaît aujourd’hui ? Qui était il à son âge ?

Mais sa proposition fit cligner des yeux la Serpentard. Il voulait se battre ?… C’était une proposition à laquelle elle ne s’attendait pas. Jamais dans ses rêves les plus fous elle ne s’était imaginée combattre Gellert Grindelwald en combat singulier et encore moins à mains nues ! Il lui avait donné un avant goût juste avant. Il était redoutable avec une baguette, mais également très dangereux sans. Ce n’était sûrement pas une bonne idée, mais… un sourire un peu fou se dessina sur son visage et ses yeux brillaient. Il aurait tout aussi bien pu lui tendre un sachet de mouches en caramel, elle aurait semblé tout aussi heureuse.

« Très bien, Professeur... »

Elle se mit alors en position avec souplesse, pliant les genoux et se mettant en garde, visiblement très enthousiaste malgré l’air froid et sérieux de Gellert. Contrairement à lui, elle montrait pleinement son désir d’en découdre, un large sourire et les sourcils froncés. Elle ne put s’empêcher de se murmurer pour elle même...

« … Je n’osais pas demander... »

Une fois que tout deux semblèrent prêt, Kana attaqua, restant en position défensive jusqu’à se trouver à porter et elle enchaîna une série de coups rapide. Le but n’était pas de faire mal en un coup, mais surtout de déstabiliser, de toucher les endroits sensibles (bien sur, étant donné qu’elle se battait, là, à la loyal, elle ne frappait pas sous la ceinture). Mais elle ne se retenait pas, essayant de mettre en pratique ce qu’elle avait appris ce soir. Elle essayait d’être imprévisible tout en gardant à l’œil celui de Grindelwald. La seule chose qu’elle espérait, s’était que ce dernier ne se contente pas de défendre, mais qu’il finisse par contre attaquer… Peu importait les blessures, les cicatrices qu’elle gagnerait ce soir. Elle avait soif d’apprendre de nouvelles choses et qui de mieux pour lui apprendre à se battre que le plus grand mage noir de tout les temps ?

Octobre 1942.

L’audacieuse et presque indécente proposition du mage noir sembla ravir la jeune fille. Cette dernière se montrait aussi téméraire que prévu et que Grindelwald n’était pas déçu de la voir répondre ainsi à son invitation. Bien évidemment, ce moment serait seulement entre eux deux. Cela n’avait pas intérêt à s’ébruiter sinon, il pourrait d’avoir importants problèmes. De toute façon, chaque liberté qu’il prenait était un gros risque pour son séjour à Poudlard. Il savait qu’il tirait sur la corde, épuisant certainement les nerfs d’Albus et des Aurors, probablement constamment sur le qui-vive alors qu’il se montrait au final, parfaitement inoffensif. Tel un enfant qui testait la limite de tolérance et de patience de ses parents, Gellert s’amusait à faire un pas toujours plus loin chaque semaine voire chaque jour, pour savoir quand est-ce qu’on allait le rappeler à l’ordre. Ce jour-là, ce fut au tour de Hantsuki de payer les frais de cet insolence puérile qui faisait brûler cette flamme audacieuse dans la carcasse bientôt sexagénaire du mage noir. L’âge n’était qu’un chiffre après tout. Puissant sorcier qu’il était, il avait encore des décennies si ce n’était des siècles encore à vivre. Quant à la maturité… Il pouvait en faire preuve quand il y en avait besoin. Mais pas tout de suite.

Le commentaire de la Serpentard pour elle-même parvint aux oreilles du mage noir dont un sourire se dessina sur ses lèvres. Le regard remplit de défi, il attendit que sa disciple du soir attaque la première. Dès lors, il put noter la différence flagrante de condition physique entre la jeunesse d’Hantsuki et ses années de prison à Azkaban. Les coups étaient rapides et même s’il n’eut pas trop de problèmes à esquiver pour le moment, il sentait que son endurance n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait pu être autrefois. Il n’y avait rien de guère étonnant à ceci, mais il allait devoir user de la ruse pour pallier à cette faiblesse. Même s’il sentait que Hantsuki ne cherchait pas à faire mal, elle y mettait une force brute qui fit, à un instant, grimacer le mage noir lorsque le choc vint réveiller cette légère douleur qu’il avait à l’avant-bras depuis qu’il avait frappé le mannequin. Rapidement, il trouva une ouverture et ne tarda pas à en profiter. Lestement, il parvint à se dégager de l’axe d’action de la Serpentard et se plaça sur sa gauche avant de lui prendre son bras et de l’immobiliser dans son dos.

— Tu vois, tu m’as lâché des yeux un instant. Tu as regardé là où tu voulais frapper, ce qui m’a permis d’anticiper. Recommence.

Il la libéra de son étreinte et se remit en position. Il sentait déjà que ses articulations lui faisaient mal. Il fallait dire qu’il avait passé quinze ans dans un des lieux les plus humides sur terre. Et même s’il était destiné à une longue vie, son corps n’avait pas été si préservé que cela depuis sa naissance. Entre l’escalade dans ses Alpes natales, sa scolarité mouvementée et ardue à Durmstrang, sa croisade vindicative et son long emprisonnement, il avait été soumis à des conditions extrêmes tel que le froid polaire ou la fatigue constante. Non, Grindelwald n’avait pas été tendre avec lui-même. Si, quand il était libre, cela l’avait endurci au point de ne pas avoir à rougir face aux meilleurs combattants moldus, il ressentait maintenant les faiblesses et séquelles qu’avaient engendré son isolement de quinze ans à Azkaban. Au bout d’un certain temps, d’un combat qui paraissait néanmoins déséquilibré, Gellert conservant néanmoins l’avantage de l’expérience, le corps du mage noir commença à montrer des signes de fatigue. Son souffle devenait court et ses muscles raides. Il arrêta son coude à quelques centimètres de la mâchoire de Hantsuki.

— Attention à tes côtés, tu t’ouvres un peu trop.

Il ne sut combien de minutes s’écoulèrent. Pour le moment, personne n’avait vraiment donné de coup à l’autre. Du moins, Gellert parvenait à parer et contrer suffisamment les attaques d’Hantsuki pour que celle-ci ne l’atteigne et lui-même arrêtait ses coups au dernier moment. Cette fois-ci, il était parvenu à bloquer sa nuque dans son coude pour la forcer à se pencher en avant et arrêta son genou juste avant la collision avec l’estomac et le foie de l’élève. Le geste avait dû être suffisamment brusque cependant pour couper le souffle de la Serpentard.

— N’oublie pas les jambes non plus…

Une fois de plus, ils se remirent en place. Peut-être que Grindelwald eut la mauvaise idée d’essayer de dissimuler son essoufflement. Par orgueil instinctif, il ne désirait probablement pas montrer le moindre signe de fatigue à la jeune fille. Pourtant, ce rythme imposé à ses poumons ne plut guère à ses derniers. Concentré sur la régulation de son souffle, il eut cependant plus de mal à contrer et anticiper les frappes de Hantsuki. Il se déconcentra tout seul, à bout de souffle, les muscles endoloris. Ce fut à son tour de baisser les yeux pour voir où il allait frapper et cette erreur lui valut cher. Le poing avec une force peu maîtrisée de Hantsuki vint finir sa course sur son nez. Légèrement sonné, il fit deux trois pas en arrière, renversant sa tête en arrière. Avec un grognement de douleur, il plaça machinalement sa main au-dessus de sa bouche, constatant qu’un flux assez conséquent de sang s’écoulait déjà. La douleur ne lui permit pas de dire si son nez était cassé ou non. Hantsuki lui dirait certainement après. Il vit cependant un moment de doute dans les yeux de sa disciple et, sans hésiter, ayant recouvré sa concentration et sa combativité, en profita pour faire jouer et son poids. Il lui bloqua les bras et envoya, avec toute sa force, sa jambe faucher ses deux chevilles afin de la faire tomber en arrière. La Serpentard au sol, Grindelwald eut un sourire amusé, essayant toujours d’éponger son nez avec sa manche qu’il avait rabattu sur son bras blafard. Il tendit alors son autre main pour l’aider à se relever.

— Pas mal du tout… Je dois avouer…

Légèrement haletant, autant que son orgueil le permettait à ses poumons, il réprima une petite grimace de douleur. Ce long combat l’avait épuisé. Oui, il aurait énormément de travail à faire pour retrouver sa force d’antan. Il était ressorti d’Azkaban décharné et, s’il avait repris de la masse, il restait bien loin de ce qu’il avait été autrefois et ce qu’il redeviendrait sûrement.

— Tu te bats bien et tu apprends vite… C’est très bien, vraiment…

De sa manche qui n’était pas couverte de sang, il s’essuya rapidement le front, brillant de transpiration. Cela faisait une éternité qu’il n’avait pas sué comme cela et il était heureux de retrouver cette sensation. La pulsation de son cœur dans les oreilles, la chaleur qui lui avait sûrement fait rosir ses joues de craie, il avait l’impression de sentir la vie affluer de nouveau dans sa carcasse qui avait jeté en pâture aux Détraqueurs pendant trop longtemps. Quelque part, il était reconnaissant envers Hantsuki. Reconnaissant de l’avoir sentir de nouveau, de goûter à son propre sang après un combat rude. Et, inconsciemment, il éprouvait également une certaine satisfaction de lui avoir enseigner ce savoir assez insolite de la part d’un sorcier aussi puissant que lui.