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Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven

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Lavande Huntergrunt
Lavande Huntergrunt
Âge : 17 ans.
Sang : Née-Moldue.
Nationalité : Anglaise.
Patronus : Une hyène.
Épouvantard : Un Obscurus.
Reflet du Riséd : Elle n'y voit rien, pas même son propre reflet.
Baguette : Branche de hêtre entrelacé, sauvage et inflexible, 24 cm, ventricule de coeur de dragon.
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Date d'inscription : 22/07/2019

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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeMer 23 Déc - 22:07



Le goût de la pluie dans le thé.

« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »


Que ce fut dans une salle de classe poussiéreuse, portée par les murmures de toute une classe d’étudiants attentifs, dans un couloir éteint du septième étage, aux milieux des ruines d’un pont arque-boutant deux tours, la clairière parsemée d’une forêt interdite,  ou la chaleur réconfortante d’un bureau professoral, Lavande était prête à suivre son professeur n’importe où – ou à l’emmener n’importe où. Juste être à ses côtés était si bon, que toutes les épreuves de la vie en semblaient amoindries. Le monde s’ouvrait sur une infinité de possibilité ; il existait donc des êtres aussi doux et aussi innocent sur cette terre ? Si innocent même qu’il en confinait presque à la bêtise. Mais c’était cette insouciante de la part d’un homme si timide, si peu courageux, qui le rendait touchant à l’extrême. Il touchait une partie du coeur de Lavande qui avait été éteinte depuis si longtemps. Une prairie lointaine, couverte de fleurs de toutes les couleurs. La née-moldue en retrouvait le goût, se dorlotant dans la chaleur d’un feu de cheminé, dans ce canapé moelleux, entouré d’un chat et d’un prince. Un conte de fée dont elle ne voulait pas se réveiller.

Avec lui, elle se sentait capable de tout, même de se confronter à la parole de ces notions obscurs dont personne ne devait évoquer l’existence – sous peine de les provoquer ; mais à ses côtés, elle n’avait peur de rien. Elle ne cherchait pas même particulièrement sa protection, c’était même tout le contraire : elle se sentait prête à affronter tous les démons, toutes les plus infâmes créatures et tous les mages noirs de ce vaste monde qu’elle ignorait, juste pour protéger ce beau sourire, cette tendresse qui jaillissait naturellement de son âme, source pure de bonté. Un homme pareil ne semblait n’avoir jamais connu le malheur et le désespoir, et loin d’en être particulièrement envieuse et mauvaise comme avec la plupart des gens, Lavande voulait qu’il en fut ainsi pour le restant de son éternité.

Mais elle se savait interdite ; l’élève n’était pas stupide, même si elle se pâmait de bonheur dans ce cocon doré. Pour le moment, elle se contentait de sa présence, de son sourire, de ses regards posés sur elle. Regarde-moi plus. Elle avait enfin l’impression d’exister. De ne plus être simplement « lavande huntergrunt, la démone crapaude ou la sang-de-bourbe », mais d’être juste Mlle Lavande, dont les accents étaient si beaux, prononcé par cette douce âme. Ses petites attentions la transperçaient en plein coeur, et chacune d’entre eux l’achevait de plaisir. Se rendait-il seulement compte de cette joie qui éclot en elle, les pétales d’une rose fanée qui reprenaient des couleurs au breuvage de ses thés, goûtant à la terre meuble de ses tapisseries, et prenant racine dans ce bureau qui resplendissait de son odeur ? Il l’a tué à petit feu, au fur et à mesure qu’elle tombait profondément, dangereusement et désespéramment amoureuse de lui. Qu’elle souhaitait s’accrocher à lui, tel un gros chat s’accrochant aux vêtements de sa propriétaire pour ne pas être virée pendant son travail, avide de caresses et de massages. Il était si gentil avec elle, allant jusqu’à vouloir lui trouver un exemplaire du recueil de ces célébrissimes contes, et même lui prêter son livre personnel, rien que pour qu’elle puisse le lire. La jeune fille en rougissait, hochant timidement la tête, sa peau se confondant aux teintes des flammes léchant le bois. Si tendre et prévenant.

Cependant, Lavande avait bien senti l’ambiance se refroidir et ce malgré la cheminée. Ses paroles n’étaient pas anodines, et leurs portées dépassaient bien tout ce qui était acceptable dans une conversation badine. Un blanc les sépara pendant quelques secondes, où la jeune fille se mordit les lèvres, honteuse. Les sombres reflets de son âme ne cessaient de jaillir, alors même qu’elle se trouvait dans un écrin de bonheur. Ne pouvait-elle pas se taire, cette fichue ombre, ce monstre qui rongeait son âme pour ne lui faire ressentir que cette haine, cette colère perpétuelle ? Plus que tout, elle aurait voulu pouvoir profiter de l’instant présent. Belladone reprenait pourtant la parole, déclarant qu’elle ferait une adversaire coriace envers la Mort et que son courage en valait bien plus d’un, même parmi les plus anciens. Il regretta néanmoins que de pareilles pensées puissent traverser son esprit fertile et fragile de petite demoiselle. Ô comme elle regrettait aussi. Si elle avait pu se taire, pour une fois. Son professeur s’amusa de sa réplique servant à clôturer ces songes obscurs. Il alla dans son sens, rappelant la profonde sagesse de ceux qui parvenaient à se contenter du peu qu’ils avaient. Lavande eut un petit sourire ; se contentait-elle vraiment de ce qu’elle avait ? Difficile, étant donné le peu qui lui était déjà offert. Elle ne possédait donc pas cette immense sagesse ; la pauvresse voulait récupérer tout ce qu’on lui avait volé. Et ne sachant même pas quel était ce « tout » dont elle parlait, la jeune fille ignorait jusqu’où il lui faudrait aller avant de revenir son point de départ. Le retrouverait-elle seulement un jour ?

Chacun pencha à nouveau son nez sur son travail respectif. Le professeur de Défense contre les Forces du Mal sur ses copies à corriger et son incorrigible élève, sur les piles à trier. Elle rencontrait quelques difficultés à retrouver les bonnes dates, devant parfois délier une centaine de feuilles avant de retrouver le bon endroit. Mais elle ne se plaignait pas – c’était bien là le travail le plus agréable qu’il lui ait été donné de faire. Belladone avait une si belle écriture, et annoter suffisamment ses recherches pour que tout fut simple à transposer en dossier. Une merveille d’organisation dans un esprit si paisible, voilà donc à quoi ressemblait un saint. Lavande aurait aimé avoir cette même direction d’étude, mais ses affaires étaient en trop piteux état, et son écriture de chat n’aidait en rien. Elle avait également tendance à perdre ses fiches, entre ceux qui la faisaient volontairement tomber dans les couloirs, les trous dans son sac par lesquelles fuyaient quelques fois les morceaux de parchemin. Elle était déjà contente de pouvoir écrire ses cours et d’en conserver la plupart dans ses manuels scolaires.

Enfin il parla, faisant sursauter la jeune fille perdue dans ses pensées. Il lui demanda si elle n’avait pas froid, qu’il pouvait lui apporter un plaid auquel cas (mais j’aurai préféré vos bras), si elle désirait reprendre un thé, se fustigeant de ne pas lui avoir proposé plus tôt, ou si elle avait encore faim (si ce n’est de vos lèvres, je ne pense pas...). Son esprit était groggy par toutes ces sources de chaleur qui brûlait son corps et son esprit ; le thé apaisant les plaies de son mental, et la cheminée celles de son corps. Un tendre sourire s’arracha à son visage, dévoilant ses dents et la courbure sensuelle de sa lèvre avant, tandis qu’elle fit courir une main sur l’un de ses bras nus :

- Vous vous rappelez que je suis censée être en retenue ? Vous…

Elle rit, les joues toutes aussi rouges que celle de son interlocuteur, mais d’un rire qui se voulait discret, ruisselant sous des yeux humides, de ces larmes d’excitation et de joie qui transcendent un coeur. Puis elle baissa la tête, laissant la main tomber sur son bras blanc:

- Mais je n’ai jamais passé une aussi belle retenue de ma vie… et je voulais vous demander pardon. Vous êtes si gentil avec moi, et moi je… je parle de tout ça, de pleins de choses sans importance, pas très intéressants… je parle de trucs tristes. Je suis vraiment navrée. Si vous voulez parler de quelque chose, n’importe quoi, je suis toute ouïe, j’adore vous écouter. Vos recherches sont d’ailleurs fascinantes… je perds du temps dans mon travail parce qu’il m’arrive d’en lire des pages entières !

Son coeur battait la chamade. C’était si facile de parler avec lui, qu’elle avait peur de déraper, de dire des choses qu’il n’avait pas envie d’entendre ou qu’il préférerait oublier. De dévoiler son coeur si fragile, cachée depuis toutes ces années derrière une cage en fer. Lavande tendit timidement la tasse et demanda :

- S’il en reste, j’en veux bien encore un peu, il est si bon…, puis elle enchaîna ; tiens d’ailleurs, je vous ai dis que la première fois que j’étais allée à la clairière, il faisait nuit ? La lune était pleine, on y voyait comme en plein jour ! Je n’y suis jamais retournée la nuit, parce que je sais prévenir quand j’ai besoin d’y aller mais… j’aimerai bien un jour y retourner. Pouvoir profiter des lucioles dans les feuillages… vous voudriez….une fois...venir avec moi ? Enfin, je comprendrais si vous refusez… après tout, c’est déjà contre le règlement de l’école d’y aller et vous avez seulement acceptez de m’accompagner si c’était pour que j’aille mieux…

Un sourire rieur s’anima sur son visage, au souvenir de leur promenade ensemble, dans les profondeurs de cet écrin rien qu’à eux. Ce petit miracle qu’ils entretenaient.

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Belladone Raven
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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeJeu 7 Jan - 13:28



Le goût de la pluie dans le thé

Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal

Automne 1942
Dans les yeux de Lavande, il y’avait la vie. Dans toute la fragilité extatique qui en fait son prix, sa beauté et sa force. Dans le miracle d’une résurrection de l’aube après le sépulcre d’une nuit trop froide et trop longue. Comme la renaissance timide d’une rose qui perce de son bouton chétif la terre gelée par la rudesse de l’hiver, narguant toux ceux qui avaient cru y voir son tombeau. Délicatesse frêle d’une flammèche, tremblotant au moindre souffle qui achèverait de la consumer tout à fait, et qui, pourtant, s’efforçait de ne pas vaciller, dans la fierté farouche de l’existence qui s’accroche à ce monde terrible. Il y’avait dans ces yeux là un espoir terni, une jeunesse étiolée sous les injures de la vie, la fatigue d’avoir trop souffert déjà. Et il semblait à Belladone qu’ils avaient commis là une hérésie, tous. Parce qu’il le savait, tout au fond de son âme béante des douleurs des autres, qu’elle avait existé, la Lavande aux yeux d’émeraude brute, qui scintillait au rayonnement pâle de la Lune, et au fond desquels étincelaient, bruts de tous sévices, le miroitement d’espoirs déchus. S’imaginer l’injure d’une telle Lavande, immolée pour n’être plus, à dix-sept ans, que le fantôme désabusé d’une jeune fille à laquelle elle ne semblait plus croire, rendait Belladone étrangement malheureux. Il y trouvait là un sacrifice étonnamment cruel, gratuit, et le désastre pernicieux sur cette si jeune âme comme un incommensurable ravage.

Toute la flétrissure de cette jeune âme trop vite éprouvée hurlait son désespoir dans les tirades exhalées avec l’indifférence de ceux qui n’ont plus peur de rien. Cent années de la vie tranquille du tendre Belladone n’auraient pas suffi à apprécier l’apathie désespérée des dix-sept années de malheur qui s’étalaient à la douceur d’encre de ses yeux privilégiés. Une léthargie envoûtante l’embourbait pourtant dans les prunelles de marécage, contemplation fascinée de cet éclat de la vie qui persistait, farouche, à percer la brume de douleur infligée par les autres. Il l’aurait contemplé des heures durant, cette soie émeraude qui chatoyait à la lueur des flammes, semblant bruisser au moindre mot, comme si elle s’attendait à souffrir à chaque seconde, comme étonnée de l’accalmie que lui offrait là cette nouvelle et étrange recrue au sein d’un corps professoral qui n’avait daigné lui montrer qu’indifférence.

Il fallait se rendre à l’évidence. La copie de la petite O’Gerthy serait la dernière de la soirée. La plume dansait entre ses doigts distraits, l’encre rouge sang qui maculait la pointe étincelant à la tiède lueur de l’âtre. Le jais du regard tendre légèrement écarquillé s’était rivé sur la lueur cramoisie avec le désespoir d’un noyé à un rocher, comme pour s’arracher enfin à l’indécence contemplative qui le plongeait corps et âme dans les affres de cette douleur de marécage qui agrandissait le visage blanc et triste de la plus malheureuse de ses élèves. Et l’embarras de son sourire n’avait d’égal que la honte qui rosissait ses joues mangées par la barbe, parce que l’effroi d’avoir trahi cette stupéfaction gourde le clouait là, devant ses bras ronds et blancs qui s’extirpaient du chemisier de nacre, devant ce regard qui lui promettait la lune, devant ses lèvres dessinées au crayon qui semblaient avoir le goût du pain chaud et du thé à la cannelle.

Comme un souhait informulé qui s’exauce, Lavande eut un sourire soudain. De ces sourires qui transfiguraient la mine grisâtre promise au déclin d’espoirs et de desseins que l’on avait enfoui de force au creux du tombeau des humiliations et des brimades qui ne l’avait pas brisée tout à fait. Pas encore. Les lèvres rebondies se retroussèrent de plaisir, dévoilant une rangée de dents dont l’imperfection rendait le sourire plus charmant encore, unique dans cette joie que Belladone se plaisait à croire le seul destinataire. Et le pauvre regard d’encre qui, dans un élan de hardiesse, s’était arraché à la contemplation vague de la pointe acérée et rouge d’encre cramoisie de sa plume tressaillit un instant et s’écarquilla, affolé, devant la petite main blanche qui glissait avec une douceur exquise sur un des bras de lait et de porcelaine auxquels il s’efforçait en vain de ne plus penser. Et elle ne semblait pas vouloir l’aider, la douce mais un peu fourbe Lavande, qui suggérait là, non sans malice, que les égards de son Professeur n’avaient là rien de très sérieux ou de conventionnel. Les sourcils noirs se froncèrent un instant devant cette ironie mi-figue mi-raisin qu’il ne savait comment apprécier. Raillerie goguenarde ou remerciement déguisé pour cette doucereuse soirée qu’il lui offrait là, sous prétexte de cette réprimande qu’on avait l’injustice de le contraindre à infliger.

- Hum, eh bien…Vous savez ce que je pense de ce simulacre de retenue…Le but n’étant pas que vous tombiez malade, en prime…

Et tandis que Belladone s’apprêtait à se renfrogner, la petite voix triste, bredouillante d’une excitation mal contenue et d’une joie trop inusitée s’éleva. Et peut-être était-ce à cette seconde précise qu’il sut qu’il ne pourrait jamais rien contre cette voix aux embruns de champs et de campagne, aux hésitations tendres qui peinaient à s’affirmer, aux mots parfois mal choisis qui, pourtant, parvenaient mieux qu’une image à exprimer les sentiments beaucoup trop graves d’une si jeune fille. Contre son gré, comme par la force d’un sortilège extirpé d’une baguette ou d’un charme exhalé d’un flacon d’une potion, les lèvres un instant pincées de Belladone s’étirèrent elles aussi, devant l’enthousiasme navré de cette pauvre étudiante si délaissée que l’on sentait palpiter au creux de sa voix l’effroi d’avoir exaspéré, ennuyé ou effrayé une des seules personnes qui aient daigné lui prêter une oreille attentive. Revigoré par l’orgueil et la joie tendre d’avoir insufflé un peu de joie au sein de la morne plaine qui régissait l’existence de son élève, ce fut non sans balbutiements lui aussi qu’il répondit à la douce élève de la maison Vert et Argent ;

- Vous n’avez pas à vous excuser…Tout ceci est loin d’être inintéressant, au contraire…Mais, là où vous avez raison, c’est qu’il ne me semble pas convenable de partager d’aussi graves sujets avec une si jeune fille…Mais non, je ne veux pas vous ennuyer, vous pouvez discuter de ce qui vous passe par la tête…Tenez, je suis flatté que mes notes vous intéressent…Quel sujet en particulier a retenu votre attention ?

La voix qui s’efforçait de garder le peu de contenance qui lui restait s’évanouit dans le silence de boudoir, baigné de la lueur rousse des flammes. Le sourire de Belladone s’élargit pourtant sous sa barbe, lorsque, timide, la petite blanche se leva dans la lumière chatoyante, les doigts recroquevillés sur l’anse de la tasse de porcelaine désormais vide.

- Bien entendu…L’eau crépita au creux du ventre de la bouilloire, et la baguette de sorbier se détourna d’elle pour vider et remplir de feuilles fraîches la théière qui reposait à son côté. Ah oui ?

Le ton était vaguement interrogateur, pourtant ses sourcils s’étaient froncés, à s’imaginer une fillette de onze années affronter les crocs béants de la Forêt Interdite en pleine nuit. Et l’idée d’accompagner une telle escapade nocturne le fit rosir de nouveau, ne sachant s’il devait là se courroucer de l’audace de l’étudiante, craindre les dangers d’une telle cavalcade ou s’émouvoir d’une errance au clair de lune avec pour seule boussole l’émeraude de ses yeux qui faisait pâlir la blondeur de l’astre mère qu’ils aimaient tant, tous les deux. Belladone toussota un instant, embarrassé, pris en otage entre cette sagesse professorale qui lui interdisait de prendre part à une telle aventure, et cette faiblesse pour ses yeux là auxquels il ne semblait rien pouvoir refuser ;

- Je n’ai aucune peine à croire que le spectacle était majestueux mais…Cela reste tout de même très dangereux…Si s’y aventurer en plein jour est déjà interdit aux élèves, les virées nocturnes doivent représenter un risque considérable…Belladone soupira, sur les lèvres une esquisse de sourire amusé que pinçait pourtant une semi-moue embêtée. Néanmoins…Le peu que je connais de vous me laisse à penser que vous irez avec ou sans ma permission, n’est-ce pas ? Aussi, je vous y accompagnerai, une fois…

Le sifflement de la bouilloire vint troubler la discussion paisible. La baguette toujours levée d’un air distrait, Belladone fit léviter la bouilloire jusqu’à la théière, et l’eau fumante vint se déverser dans le réceptacle aux embruns de violette, qui, en un seconde, laissa s’exhaler le doux parfum des feuilles de thé qui infusaient doucement. Les deux tasses fumantes étaient prêtes quand le jeune Professeur se leva, en posant une sur la petite table basse de travail prévu pour la jeune fille, en profitant pour tirer de sa poche la montre à gousset en argent de son aïeul ;

- Par Merlin, je n’ai pas vu l’heure passer ! N’êtes-vous pas trop fatiguée ? Si vous en avez assez, nous pouvons arrêter là pour ce soir…Vous avez peut-être envie de regagner votre dortoir…

Pure question d’une politesse rhétorique, destiné à rassurer l’élève sur l’option qu’elle avait de quitter le boudoir tiède et la présence embarrassée de son Professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Belladone se tût, un sourire plein de réserve sur ses lèvres, tâchant de dissimuler l’indécente envie qu’il avait de voir rester la présence tranquille de la triste élève grâce à qui, plus que les flammes rousses ou les effluves de violette, régnait ici une atmosphère douceâtre d’une soirée d’hiver au coin du feu.


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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeDim 28 Fév - 22:51



Le goût de la pluie dans le thé.

« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »



En cet instant si beau, loué de toutes les grâces de l'amour, du hasard et de la bonne coincidence, des lèvres de Lavande ne cessaient pourtant de perler la tristesse. Il ne suffisait que d'un mot, un seul, pour qu'enfin découle comme une plaie tout le sang de son immancable désespoir. Une brèche dans la barrage de ses émotions, de ses pensées. Quand sa nature l'avait forcé à devenir une occlumens implacable – contre son propre gré – et qu'un petit petit espace laissait transparaître la lumière meurtrière d'une étoile morte... c'était aux côtés de ce professeur trop gentil, trop vivant, qu'elle se sentait enfin libre de laisser tomber cette main à ses hanches, fatiguée d'avoir retenue la fissure jusqu'à ce que l'eau ne coule pitoyablement, par intervalles irrégulières et à l'abri de tous, entre les interstices de ses doigts serrées. C'était plus fort qu'elle. Sa bienveillance lui faisait tant de bien qu'elle lui en faisait mal. La jeune fille se laissait aller au confort de ces fauteuils moelleux, à la tendre chaleur d'un feu de cheminée, avec un délicieux thé qui réchauffait ses paumes.

Ce n'était que l'espace d'une retenue dont elle étirait la durée, au gré d'un chantage émotionnel dont elle n'était pas fière mais dont elle ne regrettait aucune parole. Il était si aimable, si arrangeant et si doux – pour un professeur – qu'elle avait la sensation de s'accrocher à cette scène idyllique avec ses griffes, refusant de partie quand bien même cela aurait été le plus bienséant. L'heure tournait, et même si ce n'était plus leur première rencontre, elle craignait à chaque fois que ces entrevues s'achèvent pour toujours. Que ce n'était "qu'une exception". Parce que ses yeux et ses joues étaient si tristes, et que toute son apparence n'intimait qu'à la pitié ou au mépris. Une vraie femme, forte, courageuse, n'aurait pas supplié quelques minutes supplémentaires dans ce bureau étranger. Mais contrairement à ce que Kana et Jasper lui disaient, Lavande n'était pas si forte que ça; et son désir de s'accrocher à ce fauteuil devenait plus pernicieux et consternant. Elle devenait si obsédée à l'idée de devoir à tout moment partir qu'elle ne profitait plus de l'instant présent. Elle se perdait dans la contemplation des flammes là où elle aurait du s'abreuver de la sage vision de son professeur corrigeant ses copies, ou dans l'étalage de sa propre punition sur la table basse.

Mais la voix enjouée du professeur la ramena sur terre, une fois de plus. Il lui demandait si elle avait froid, et ainsi répondit-elle par une boutade. Comment pouvait-elle avoir froid, si chaleureusement engoncée entre feu et thé, ses bras blancs tiédis par l'aura rouge de l'âtre. C'était un véritable plaisir comme elle en eut rarement goûtée; alors qu'elle eut froid, qu'importe. Mais le professeur ne semblait pas savoir comment prendre la phrase, et répondit avec plus de sérieux que ne s'y serait attendue la jeune fille. Cette dernière n'avait de toute façon jamais été très doué pour l'humour. Aussi se rattrapa-t-elle avec son éloquence tronquée, ressassant en ritournelles ses excuses d'un phrasé trop sombre et d'un sérieux qui plombait l'atmosphère de ce "simulacre de retenue" tout en douceur. Avec un regain d'enthousiasme, Belladone lui répondit. Non, ce qu'elle disait n'était pas inintéressant, bien au contraire. Mais il n'était pas convenable de parler de ces choses-là avec une jeune fille. Lavande fronça les sourcils et détourna le regard, une nausée lui macérant l'estomac. De quoi parle-t-on avec une jeune fille ? Qu'avait-elle encore d'une jeune fille, si ce n'était l'âge et la virginité ? Son imparfaite vie ne souffrait aucune compromission, elle n'était rien d'autre qu'une bouée que l'on avait oublié quelque part dans les tumultes des vagues, dans un océan lointain qu'aucune terre ne vient embrasser. Balottée, frappée, emportée... mais quand vient le calme, on est si loin de tout qu'aucune mouette ne vient chanter pour nous. Maintenant que le professeur venait de prononcer cette phrase, c'était comme une nouvelle barrière qui s'était érigée entre eux. Il y avait des choses dont il ne souhaitait pas parler avec elle, parce que ce n'était pas convenable. Dommage. Lavande eut voulu rajouté: "Que j'aille chercher la personne que j'aime en enfer, c'est une chose. Mais je sais pertinemment que je mourrais avant elle, et à ce moment, personne ne viendra me chercher." Mais ce n'était plus possible. Parce qu'il n'était pas là pour éponger son coeur noyé dans son pessimisme, qu'elle ne ferait une nouvelle fois que briser son coeur trop précieux. Si fragile. Il y avait des choses que l'on était en droit de partager, et une autre partie, plus sombre, plus sale, plus triste. Un bonbon en gélatine qui aurait été pris dans une flaque de boue, et qui se trouve en chacun de nous. On n'a pas le droit de le poser sur la table.

Là encore, avait-elle le droit de dire que l'élément de ses recherches qui l'avaient le plus interpellé dans ses papiers étaient les détraqueurs et les obscurus ? Des créatures sorties de nuls part, façonnés à partir de toutes les émotions les plus sombres. Mais elle ne répondit pas de suite, laissant au professeur l'opportunité de répondre à sa proposition. Jamais elle n'avait ressenti autant de courage que pour cet homme; il fallait qu'elle avance, qu'elle se rapproche, qu'elle lui parle. Tout mettre en oeuvre pour toucher du doigt cet amour qui battait en elle comme jamais auparavant. Cette fois-ci, se ridiculiser n'avait aucune importance. Il lui fallait se battre, et chaque regard qu'il lui confiait, sourire qu'il lui offrait, était un pas de plus vers la réalisation de son rêve.

Elle resta encore silencieuse quand le professeur Raven répéta qu'il devait s'agir d'un spectacle somptueux mais bien évidemment interdit et dangereux. Mais il le disait avec un sourire qu'il s'efforçait de cacher. Lavande lui répondit d'un grand sourire; elle l'avait bien lu dans ses prises de notes. Belladone Raven était un homme qui avait parcouru de grands espaces, et avait aperçu en moins de temps qu'elle n'avait vécu de sa misérable vie, plus de paysages et de sombres miracles, qu'elle en avait appris dans les livres. Un homme pareil devait avoir, bien caché au fond de lui, un courage et une curiosité à tout épreuve. Il le fallait bien pour avoir effectué toutes ces recherches sur le terrain ! Aussi piquait-elle précisément cette même curiosité pour les forces obscures en lui proposant cette promende hors du commun. Tous deux partageaient cette amour de la nuit, qui cachaient les blessures les plus profondes dans les rayons mélancoliques de la lune. Ils aimaient ce qui était dangereux et sombre, l'une par nécessité, l'autre par passion. Mais elle n'appréciait pas qu'il se serve ainsi de son caractère fort et capricieux pour se cacher derrière son envie de l'accompagner, car Lavande en était persuadée: il voulait vraiment venir. Peut-être pas forcément pour elle, mais pour cette opportunité qu'elle lui offrait de voir sous un autre angle, une peur de collégien. La jeune fille baissa pourtant poliement la tête, avec un doux sourire sur ces lèvres. L'important était qu'il vienne. Elle n'avait plus peur de partir, assurée de le revoir en tête à tête.

Et à cette seconde, alors que le Professeur Raven se levait pour la resservir, ce fut sa montre à gousset qui le rappelait à l'ordre. N'était-elle pas trop fatiguée, à rester ici ? Elle avait l'autorisation de retourner à ce dortoir qui devait certainement lui manquer. Lavande tendit sa tasse pour récupérer le précieux liquide et répondit, les yeux mi-clos:

Pardonnez-moi si vous me l'avez déjà dit mais... à quel maison étiez-vous déjà ? Je paris que ce n'était pas à Serpentard, sinon vous sauriez que son dortoir ne peut pas vous manquer. En tout cas pas à moi. C'est débile de l'avoir mis là. Tout le monde sait que la pierre ne conserve presque rien de la chaleur, surtout si elle est en permanence en contact avec de l'eau. Enfin, moi j'ai l'habitude. Mais c'était marrant de voir les gens de ma classe s'arracher la gorge le matin parce qu'ils savent pas ce que c'est que dormir dans l'humidité. Enfin... ils se sont habitués, eux aussi.

Une fois encore, ce ton vitreux. Cette façon de parler des choses, même les plus vicieuses, une ressenti aussi obscure que celui d'être content du malheur d'autrui, avec une voix si paisible et absente à la fois. Elle éludait la question principale: voulait-elle rester ici plus longtemps ? Bien évidemment, mais comment le dire sans avoir l'impression de s'accrocher ? Elle refusait de faire pitié, et pourtant c'était précisément ce qu'elle allait obtenir, à se plaindre ainsi d'un dortoir froid où se cachait les pires couleuvres. Lavande se mordit la lèvre avec violence. Ne pouvait-elle donc pas se taire cinq minutes ? Voilà presque huit ans qu'elle ne parlait plus vraiment, et fallait-il donc que ce soit pour sortir des mots aussi horribles ? Lui qui était si bon, si gentil, si bienveillant et parfait envers son prochain, l'entendait s'amuser des maux de gorges de ses camarades. Elle ne pouvait lui paraître qu'atroce. Mais il était hors de question de se quitter sur une pareille impression. Ne répondant donc pas à son interrogation principale, Lavande but une gorgée de son thé en sortant un parchemin qu'elle avait mis de côté :

Je n'ai pas pu rangé celui-ci, pas encore, je voulais vous en parler... mais quand vous m'avez demandé laquelle de vos recherches m'avait le plus intéressé... J'ai pensé aux Détraqueurs, mais vos recherches dessus sont très complètes et je n'ai pas grand chose à en dire de plus... mais celui-ci...

Le parchemin n'était pas très long, et ne contenait guère d'informations concrètes. Quelques témoignages, des croquis et des informations déjà connues de beaucoup de théoriciens dans le domaine, paraissait-il. Mais ce croquis la hantait, tant il éveillait en elle d'effroyables souvenirs, comme des réminicences du futur. Elle ouvrit le papier devant le professeur, l'invitant à se rapprocher, et lui montra du doigt le dessin:

Ça. Je veux savoir ce que c'est. Les "Obscurus" vous dites ? J'ai eu beau lire, prendre du retard sur le reste du travail, je ne comprends pas. C'est une maladie ? Ça se soigne ?

Difficile de déterminer dans sa voix, qui avait retrouvé des couleurs, s'il y avait de la curiosité, de l'inquiétude, du dégoût, ou tout ça à la fois. Ou une peur, une peur viscérale qui déchirait sa gorge en dessous du timbre propre de sa voix.

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Belladone Raven
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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeMer 24 Mar - 16:30



Le goût de la pluie dans le thé

Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal

Automne 1942
Pour que la Lune ne décroisse pas dans les yeux de Lavande, il fallait en exacerber la lueur. Souffler sur les cendres pour que les braises rougeoyantes ne meurent pas tout à fait. Abriter d’une main tendre la flamme qui y vacille, menace de se voir balayée par le vent d’un désespoir rageur, aigre, à l’affut de la moindre seconde d’un fatal répit pour la farouche petite lueur cramoisie. Pour que les étoiles subsistent, persistent à s’entrechoquer aux émeraudes plantées sur la triste mine, pour que ne s’éteignent jamais plus la myriade d’astres naissants, explosés là en une kyrielle d’étincelle au fond des prunelles ternies par le seul miracle de ces petits riens que le Professeur y insufflait. Les effluves délicats d’une tasse de thé chaud, la frugalité d’un dîner sur le pouce, la chaleur d’un bon feu. Et la monotonie tranquille du boudoir de Belladone paraissait avoir brisé la malédiction du fil des tristes jours de Lavande. Eclaircie impromptue, opiniâtre, qui perce dans la douceur pâle de son éclat l’épaisseur du brouillard qui habille la triste silhouette, empli des cauchemars et des chimères monstrueuses qui pavent son funeste chemin depuis le berceau. Aussi la voir alanguie, presque, les paupières lourdes d’un sommeil tranquille qu’il l’appelait de ses bras tendres, les mains tiédies autour de la tasse fumante, c’était un peu le triomphe tranquille du Professeur bienveillant, la modeste victoire qui valait tant, bien plus que l’éclat des combats de tous ces valeureux qui prenaient toute la lumière.

- J’étais à Serdaigle. Je n’ai pas à me plaindre de ce qui fût ma salle commune. Elle est située dans une tour de l’aile ouest. Elle est vaste et ronde, et la vue est absolument sublime. Elle donne sur les montagnes. Le plafond fait songer à un ciel étoilé, et c’est merveilleux d’y lire près des fenêtres les froids matins d’hiver. Mais je vous rejoins, il n’est guère avisé d’avoir installé vos salles communes dans les tréfonds du château. La logique voudrait que tous les élèves jouissent du même confort, et vous et vos camarades de Poufsouffle souffrent visiblement du froid, de l’humidité et du manque de lumière au fond des cachots. Je pourrais tenter de faire remonter l’information, mais je crains que mon avis n’y change pas grand-chose.

Belladone l’avait bel et bien senti, l’ironie acerbe, mordante, relative aux tracas de ses camarades, tracas auxquels elle s’était accoutumée au berceau et dont elle avait observé la découverte avec une joie féroce chez ses partenaires de maison qui ne lui rendaient que trop bien l’aversion qu’elle leur portait, dans la répulsion glaciale qui roidissait ses traits trop jeunes et trop tristes. Esquisse un sourire tendre, essaye de nouveau de percer le fog de haine, de rage qui l’engeôle dans sa propre résignation, éclairer de la lueur d’une affection tendre le visage grisâtre de la poupée de brouillard dont les membres à l’affût se délassaient ce soir sous la prévenance professorale au cœur trop grand.

- Je suis très touché. Les Détraqueurs sont des créatures abominables, mais fascinantes. En réalité c’est la répulsion que j’éprouve à leur égard qui m’a poussé à me documenter autant. Je vous passerai les détails des récits que j’ai pu recueillir sur leurs effets. Je les déteste, et je vous souhaite de tout cœur de ne jamais croiser leur funeste chemin. Oh, mais je parle beaucoup trop, je vous en prie, montrez-moi ce qui vous intrigue…Oh…

Lavande lui tend d’une main fébrile le parchemin relatif au sujet le moins fourni, le plus obscur et le plus fascinant de toute l’étendue de ses recherches. Sujet frustrant et enivrant, qui glace les os et qui indigne, mais sur lequel la documentation manque à tel point qu’il apparaît encore comme une légende chez beaucoup d’esprits et de hautes sphères. Elle voulait savoir. Et il ne se sentait pas le droit de refuser, mû par cet instinct qui l’avait saisi devant le profil inconcevable de la douce et mélancolique Lavande. Jugement ô combien faussé au premier regard, il l’avait crû quelque peu similaire à lui. Pas tout à fait Cracmolle, mais a l’étincelle de magie balbutiante, vacillant au moindre sort, nécessité de décupler cent fois les efforts des autres pour de moindres résultats. Puis le couloir. Le déferlement d’exceptionnelle magie, et la déconfiture de s’être à ce point trompé. La discussion avec Gellert. L’impression que la douce jeune fille était plus légitime que lui ou que n’importe qui d’autre de recueillir les misérables bribes d’informations qu’il s’était évertué à arracher au gré de longs et éprouvants voyages. Belladone se racle la gorge, et le ton professoral, un brin monotone, remplace la tendresse prévenante de sa voix, comme pour tâcher de prendre la distance nécessaire et pour trouver ses mots avec plus d’aisance ;

- Un Obscurus est une entité magique. Je le qualifierai plus d’hôte indésirable, de parasite si vous préférez, que de maladie. Il apparaît chez un sorcier qui se voit contraint de refouler ses pouvoirs. C’est pourquoi le peu de cas documentés dont nous disposons sont constatés chez des enfants nés de parents Moldus. La persécution subie entraîne une forme de rejet inconscient chez le jeune sorcier. Réprimer nos pouvoirs ne nous est pas naturel, aussi cette essence parasite, que nous appelons Obscurus, naît et envahit le corps de l’enfant. Un sorcier qui héberge un Obscurus est appelé Obscurial. Le drame de cette « condition » réside dans le fait que les cas ayant survécu à l’âge de dix ans sont exceptionnels. La puissance de cette essence est souvent bien trop puissante et trop complexe pour l’immaturité d’un jeune sorcier qui finit dans l’écrasante majorité des cas par succomber. Belladone se racle de nouveau la gorge, boit une gorgée de thé et s’arrête une seconde dans l’émeraude insondable des yeux de Lavande, tente de s’assurer que ce froid récit trop détaillé ne la heurte pas plus que de raison. Le croquis que vous voyez là a été réalisé selon les études menées par Newt Scamander. Il est le seul à s’être sérieusement penché sur la question, et à avoir réussi à capturer un Obscurus, libéré à la mort d’une fillette de huit ans au Soudan. Il est à noter qu’un Obscurus, lorsqu’il contraint son hôte à le libérer, ce qui se produit notamment lors d’un immense chagrin ou d’une grande colère, peut faire d’incroyables dégâts alentours. En 1926, à New-York, d’immenses désastres matériels ayant causé la mort d’un sénateur. J’adhère personnellement à la théorie de Newt Scamander qui a clamé haut et fort qu’il s’agissait d’un Obscurial, hébergé chez un adolescent orphelin ayant subi des maltraitances de la part de sa structure d’accueil. Le Congrès Magique a réfuté cette théorie, au prétexte qu’aucun Obscurial n’avait été recensé depuis des siècles. Au témoignage détaillé de Scamander, ne je peux qu’invalider celle du congrès américain, visiblement dans le déni. Le plus incroyable étant que l’Obscurial en question, prénommé Croyance, était adolescent au moment des faits, presque fait homme. C’est le seul dont nous ayons des traces, à ce jour, qui ait survécu à l’enfance. Sa longévité est exceptionnelle. C’est là tout ce que nous savons, et c’est bien peu je vous le concède, mais le déni des hautes sphères et les victimes dissimulées au cœur de familles Moldues malveillantes ne nous aident guère à avancer sur le chemin de ce dramatique sujet qui ne devrait plus exister. Mais je suis navré, j’espère ne pas vous avoir effrayée. Achevez votre thé tranquillement, et je vous autorise à me questionner sur le sujet autant qu’il vous plaira. Ensuite, il vous faudra retourner à votre dortoir.

Belladone s’arrête dans un silence qui s’appesantit de cette masse froide et atroces d’informations débitées de la voix monocorde d’un théoricien indifférent, comme pour mieux en étioler l’horreur, et faire passer la pilule avec plus d’aisance. Alors que tous deux savaient. Au fil des mots, ils avaient compris, chacun d’eux. Nul besoin de l’exprimer, ni même de se regarder. La chape de plomb, dans l’air, s’obscurcissait de ‘l’inéluctable réalité, terrible, qu’aucun ne s’osait à formuler d’une voix claire. Une sourde envie de pleurer, soudain, et le cœur qui s’enserre dans un étau de glace, gèle ses veines irradiées par l’horreur de ce qui lui semblait avoir toujours su, mais qui prenait tout son sens devant son propre récit éructé à haute voix, qui semblait délier de son esprit trop tendre les nœuds d’un lâche déni relatif à une vérité qu’il n’avait pas voulu voir et qu’il lui faudrait bien affronter pourtant, dans le regard trop triste de l’élève martyre.


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Lavande Huntergrunt
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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeVen 7 Mai - 22:02



Le goût de la pluie dans le thé.

« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »



C'est quoi, un Obscurus ? Question qui aurait pu paraître anodine aux travers des lèvres de n'importe quel autre élève curieux, mais qui prenait toutes ses plus perverses formes entre celles, verdâtres et serrées, de Lavande. Une question dans les habitudes de la délicate fleur fânée qui ne pouvait s'empêcher de ramener le doute et le drame, l'inquiétude et les silences pernicieux, dans des conversations qui se voulaient chaleureuse et tranquille. Mais c'était plus fort qu'elle. Soudainement, elle ne s'intéressait plus à la salle commune que le professeur avait fréquenté. Que lui importait que la salle des Serdaigles donnait sur la majesté du ciel dont on pouvait admirer les lumières de la lune jusqu'au petit matin, en suivant son arc depuis les deux horizons. Qu'importe finalement que les élèves n'aient pas le même confort les uns des autres, car la vie est une rixe de taverne et que rares sont ceux qui s'en sortent sans égratignure. Qu'importe également l'avis d'un professeur parmi tant d'autres élevant une critique venant remettre en question des siècles de sieste au sein de ces cachots. On ne pouvait transformer des rats de gouttières en animal de compagnie, et c'était à peu près la même analogie à laquelle Lavande pensait quand elle voyait les Serpentard, exécrable lie de la sorcellerie, relégués dans les ténèbres du château. Le monde désespérait son propre détracteur. Ainsi, ce ne fut qu'une brève moue qui accompagna la réponse du professeur Raven. De toute façon, il était évident qu'un homme aussi doux, aussi bon et aussi souriant ne pouvait être allé à Serpentard, ni même à Gryffondor, tant il était humble. Son amour pour les confiseries aurait pu le catégoriser dans la salle commune la plus proche des cuisines, mais c'était son intelligence et la profondeur de ses réflexions (dans lequelles Lavande avait son nez plongé depuis deux heures) qui avaient finalement eu raison du Choixpeau.

Lavande eut un petit sourire gêné, et de belles pomettes rouges, quand il lui répondit à quel point il était touché. Après tout, ce n'était qu'honnête d'affirmer qu'un travail bien fait était bien fait. Que la répulsion ait donné envie à cet homme tout en générosité de faire une telle étude était fascinante. Lavande posait son regard sur lui, le caressait de ses pupilles tandis qu'il résumait en quelques phrases son rapport vis à vis de ces infâmes et immondes créatures que tous connaissaient finalement tant sans en avoir vu la peur. L'atmosphère subitement se glaça, à la simple vue de cette feuille sur laquelle était inscrite qu'une poignée de mots d'une calligraphie indiscutable. Un silence incertain, indiscible, une seconde seulement d'hésitation tandis que Lavande fouillait dans les reflets des flammes sur son visage, un semblant de réponse. Belladone Raven était tant décontenancé qu'il se redressait pour prendre la pose du professeur, sa voix au timbre gris résonnant dans le bureau. Il énonça son texte sans grande passion, laissant derrière lui sa candeur d'éternel étudiant pour redevenir le rat de bibliothèque cliché, racontant une anedocte comme on ferait un exposé scolaire préparé à la virgule près. Puis, après la forme, vint le fond. Un Obscurus est un parasite qui apparait chez un sorcier que l'on "prive de ses pouvoirs", la plupart du temps né dans des familles de Moldus. Peu de cas auraient survécu plus de dix ans. "La puissance de cette essence"..."trop puissante et trop complexe"... Les informations auraient été moins pénibles à entendre s'ils n'étaient psalmodiés d'une voix si froide. Lavande profita que le professeur se raclait la gorge pour déglutir discrètement et récupérer sa propre et légendaire contenance. Elle évitait soigneusement son regard, fixant le croquis. Il le remarqua, et s'attacha à lui en raconter la provenance. Un croquis fait à partir du seul "exemplaire" d'Obscurus que l'on pouvait observer à l'oeil nu et en toute sécurité. Un Obscurus encore vivant, séparé de son hôte. Petit à petit, dans l'esprit de Lavande, se dévoilait toute nue une hypothèse, relevant beaucoup plus de l'émotionnel que du rationnel... mais qui apparaissait comme une évidence.

Et au milieu de tout ça, un adolescent, coupable d'incommensurables dégâts ayant causé la mort d'un homme: Lavande eut un mouvement de recul. Toutes les fois où elle avait imaginé les façons dont elle aurait utilisé ses prodigieux et incontrôlables pouvoirs pour détruire ce château et ceux qui lui avaient fait du mal... Le professeur Raven ne s'arrêta pas là, et rappela l'incompétence du Ministère, ayant refusé de croire à un porteur d'Obscurus ayant dépassé le glas évident de son étiquette. Il termina en tentant de la rassurer, espérant qu'il ne l'avait pas effrayé.Qu'elle pouvait reprendre ses esprits en terminant son thé, mais qu'à la fin, il lui faudrait rentrer. Lavande n'avait pas besoin de regarder l'heure pour savoir qu'ils étaient en train de dépasser sur les deux heures que la jeune fille avait gagné par la ruse. Ses yeux vides fixaient encore le dessin, enregistrant toutes les informations qu'elle venait d'entendre, les retournant et les répétant, encore et encore... se refusant à admettre ce qu'ils avaient tous les deux deviner sans un mot de trop, sans un soupir. Lavande reposa la feuille sur la table - un peu trop vite - comme si elle manquait de se brûler. Elle récupéra sa tasse pour boire une petite gorgée du thé refroidie et s'humidifia les lèvres. Il fallait que les mots glissent. Au moindre silence, elle partirait:

Un parasite, dites-vous...? C'est... dégoûtant. Avez-vous songé que cela puisse être autrement...? Comme un... un compagnon ? Une sorte de cavalier noir, qui représenterait tous les possibles de cet enfant qu'on a empêché d'être, et qui se serait incarné en cette chose ? Je ne pense pas qu'il s'agisse de deux entités différentes. Ce parasite ne peut être qu'un reflet, mais alors si c'est le reflet d'un monstre... et si ce n'était pas un reflet, ni une incarnation... mais la simple matérialisation d'une âme tourmentée qui existe au creux d'un corps déjà mort..? Avez-vous idée..? Imaginez seulement... depuis combien de temps l'âme de cette pauvre fille est enfermée pour qu'on l'osculte ?

"Un parasite..." répéta-t-elle dans sa tasse, choquée. Après tout, ce n'était qu'un mot qui changeait. Elle-même l'avait perçu tel un monstre. Mais n'avait-elle pas été conditionné à se voir un monstre depuis le plus jeune âge, avant même d'observer cette forme déchirée au plafond de la salle de DCFM ? C'était trop dur. Les mots lui saignaient ses lèvres gerçant, perçant et tenant à s'échapper, à se dévoiler, pour la première fois depuis toutes ses années. Mais si elle n'était qu'une fille "habitée par un parasite" alors comment la verrait-il ? Une inquiétude qui disparut bien vite. Elle redressa la tête pour plonger, planter sans démordre, d'une immobilité de louve, dans les yeux noircis de Belladone. Fallait-il qu'elle soit stupide: il était à côté d'elle, elle venait de passer deux heures à fouiller dans les tréfonds de ses travaux, ce pour quoi il vendait sa vie corps et âme. La magie noire, à défaut d'user de ses veines, était une obsession. Si elle en devenait une égérie, il ne pourrait qu'en être tout aussi fou. Son coeur battait si fort qu'il l'étranglait. Plus que tout, cette déclaration prouvait à quel point sa confiance en lui était aveugle, à quel point elle s'offrait à lui sans je t'aime ni supplication. Elle prit une profonde respiration et dit:

Quand j'étais en troisième année... nous avons eu un cours sur les Épouvantards. C'était un miracle que je puisse participer à cette pratique, mais tout le monde avait insisté parce qu'ils se disaient que ça serait marrant de voir quel était ma peur la plus profonde... et... et quand je suis passée... j'ai vu... ça. (elle pointa le dessin du doigt) Je l'ai vu, elle bougeait... c'était comme des algues dégoulinantes d'encre qui se faisaient et se défaisaient en fumée, tournoyant, lentement, me fixant. Tout le monde était déçu. Le prof attendait que je fasse quelque chose, la baguette à la main pour prévenir des dégâts... et moi... j'étais pétrifiée. Je ne savais pas ce que c'était... je jure sur ma vie que je ne l'avais jamais vu avant ! Et pourtant je comprends aujourd'hui quand vous employez des mots aussi méchants... ce que j'ai vu ce jour-là, j'ai passé des années à l'appeler "le monstre". Mais je...

Je savais aussi... au fond, je savais aussi que c'était moi. Je savais que c'était moi. Non, elle ne pouvait pas prononcer ces mots. Ils n'étaient pas nécessaires. Mais à présent que ces mots avaient été prononcés, malgré toute la sincérité, l'hésitation qui les avaient incarnés, toutes ses certitudes quant à la passion du professeur... tout se délitait. Elle n'avait pas prononcé les derniers mots. Ceux qui auraient scellé son destin. Elle avait laissé planer le doute, quant bien même il n'était plus permit. Lavande se détourna, cognant la faïence sur l'assiette en reposant sa tasse.

Oh, pardon !

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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeMer 26 Mai - 14:44



Le goût de la pluie dans le thé

Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal

Automne 1942

Et le regret s’échappe dans le souffle agonisant qui s’achève au creux d’une gorgée de thé salvatrice. Péroraison de pédagogue passionné qui s’oublie dans les flammes de l’ardeur exaltée sous le brasier duquel le timide garçon se consume, laisse la place à l’indifférence placide d’un orateur brillant mais glacé, exempt de cette sensiblerie qui lui avait valu tant de railleries. Animé par la fougue qui lui fourmillait dans les doigts lorsque, inlassable, il faisait courir sa plume d’oie sur les montagnes de parchemin qu’il noircissait, la délicatesse exacerbée du Professeur néophyte s’était égarée un instant, trop long, noyée dans les abysses de cette insatiable fascination pour un Mal qu’il exécrait autant qu’il l’attirait. Et pour finir il s’oubliait jusqu’à laisser s’exhaler de la tendresse coutumière de ses lèvres le récit glaçant des catastrophes dramatiques perpétrées par l’orphelin délaissé au sort funeste, dont le malheur avait rejailli au hasard de sa rage et de sa peine, comme l’inconscience vengeresse du mal fait à l’enfant qu’on ne l’avait pas laissé être. Les similitudes entre Lavande et Croyance le frappèrent comme un soufflet. En une seconde fatidique, son regard d’encre s’abîmant en remords à la flamme la plus haute de l’âtre, qui vacillait, lascive, à la danse paisible du brasier ronronnant. Ils n’avaient pourtant eu ni le même destin, ni la même vie. Et pourtant.

Les similitudes lui fouettaient l’âme plus que les différences. Prime jeunesse abandonnée à la cruauté de cœurs de Moldus ignorants, mûs par l’effroi de l’inconnu au point de causer un mal terrible, irréversible, dont leurs sévices sont pourtant à l’origine, sans même que leurs rêves les plus noirs ne puissent en imaginer l’horreur. Et le tendre et délicat Belladone s’était oublié au point de ne plus voir la jeunesse de son interlocutrice, au point de se dissimuler ce qu’il croyait avoir déjà deviné, ce qu’elle pensait savoir elle-même depuis longtemps, ressenti atroce, vague et indescriptible, sur lequel elle n’était jamais parvenue à mettre de mots. Et Belladone ne lui en avait que trop donné, litanie assourdie de cette indolence d’apparât qui déguisait parfois trop bien cette âme sensible aux maux des hommes et du monde. Avait oublié à quel point elle était concernée plus que lui, plus que n’importe qui peut-être, à quel point l’affliction de l’injure qui lui était faite, dans la placidité morne de son discours apathique, pouvait se révéler tant de poignards à son jeune cœur déjà trop meurtri.

Bouleversée, elle l’était, et s’apprêtait à le lui rendre bien. Les lèvres humidifiées à la tiédeur du thé gisant au fond de sa tasse, la mutique, la sombre, la taciturne Lavande parla. Le terme de parasite l’avait heurtée. Comme une injure faite à une parcelle de son âme, hérésie infligée à son moi profond, opprobre jetée sur ce qu’elle considérait comme l’essence même de ce qu’elle avait toujours été. Sa théorie avait beau lui glacer les veines –tant qu’il reposa sa tasse avec un geste d’automate, dissimulant l’encre figée de son regard dans la contemplation d’un point invisible au-dessus de l’épaule de son élève-, il n’y croyait pas. Et jamais, pourtant, Belladone ne friserait l’indécence au point de mettre en doute le ressenti d’une concernée. Non, ils ne conservaient pas captive l’âme d’une fillette depuis de longues années. De cela, il était persuadé. Cette simple idée, pourtant, extirpée dans un souffle glacé des lèvres de Lavande, lui fit frissonner l’échine d’horreur, une trop longue seconde d’imperceptible abandon de son maintien professoral. Belladone déglutit. L’heure n’était plus à l’inhumaine froideur de la pédagogie, mais à la mesure, et à cette délicatesse dont il débordait lorsque Belladone refaisait surface, gagnant du terrain sur le Professeur Raven et sa passion des forces obscures qui lui faisait oublier toute réserve ;

- Je vous prie de croire qu’il n’y avait nulle connotation péjorative dans le terme de « parasite » que j’emploie ; nulle injure envers les Obscurials qui se révèlent les martyrs de l’ignorance et de la peur souvent religieuse de leur entourage Moldu. Votre théorie est intéressante, pourrait être plausible et, bien que je n’aurais jamais la prétention de croire pouvoir affirmer ce que ressentent les Obscurials, il ne serait guère étonnant qu’ils partagent ce ressenti. Je le comprends, et je crois même qu’il est proche de la vérité, dans le sens où je crois que c’est bel et bien de l’âme tourmentée en question que nait l’Obscurus, et qu’il se nourrit d’elle, de ses chagrins et de ses peines juvéniles. Qu’il agit comme un catalyseur, mais dangereux, destructeur, fatal, dans l’écrasante majorité des cas. Je crois à deux entités distinctes, parce qu’il semble que les Obscurials tentent de leur résister, et n’accomplissent pas les dégâts commis par la libération inconsciente de leur Obscurus par leur volonté. Même, ils semblent déployer toutes leurs forces à l’empêcher. Aussi, si l’Obscurus se révélait le reflet de leur âme, ne croyez-vous pas qu’ils ne chercheraient pas à contrecarrer les catastrophes causées, et même laisser libre cours à leur force destructrice ?

Non, Belladone n’adhérait pas à la théorie de la jeune Lavande. Pas parce qu’elle était stupide, pas parce qu’elle était illogique. Elle se révélait même étonnamment grave, sombre et mature, à l’image de sa triste auteure. Mais parce qu’elle n’était pas exempte de certaines failles, que Belladone avait tenté de lui expliquer avec toute l’empathie et le tact dont il était capable. Et pourtant, il n’était pas au bout de ses peines. De ses surprises, pas vraiment. La révélation eut beau lui faire écarquiller les yeux, elle n’était que l’accomplissement de ce qu’ils savaient déjà tout désormais, aboutissement de la sinistre conversation qui avait tissé sa toile obscure et froide autour de ce bureau qui avait eu tout à l’heure de chaleureuses allures de boudoir. L’encre des prunelles suivait l’index trop blanc qui ne tremblait pas en pointant le dessin. Etait-ce seulement possible ? Oui, Croyance l’avait prouvé. Tout concordait. Le destin malheureux de la jeune fille délaissée, laissée aux bans de l’éducation et de la camaraderie que Poudlard était sensée lui apporter. L’étrange incapacité à l’exécution des sorts les plus simples, le paradoxe du coup d’éclat du couloir, explosé par un inoffensif sortilège de Désarmement à la prononciation écorchée. Cet Epouvantard qu’elle n’avait pu inventer. Ils n’étaient que trop peu, en ce bas monde sorcier, à connaître l’existence des Obscurus. Et cette trop rare catégorie de personnes ne comptait aucun élève. De cela il était persuadée. Mais le Professeur Têtenjoy ? Comment une telle révélation avait-elle pu passer inaperçue aux yeux d’un Professeur de Défense Contre les Forces du Mal expérimenté ? Une condescendance qu’il ne se connaissait pas, embrumée par un vague parfum de mépris et un sombre sentiment d’injustice le prit soudain à la gorge. On avait à peine dissimulé la désapprobation que beaucoup avaient voué à sa nomination. Néophyte, trop inexpérimenté, de médiocre puissance magique, Belladone, en toute conscience, voulait bien admettre qu’il n’était peut-être pas la recrue idyllique d’un poste aussi prestigieux. Mais que, du haut de ses vingt-huit ans, l’affreuse, l’indicible réalité lui saute aux yeux, quand le Professeur Têtenjoy ne l’avait pas saisie en ayant la preuve sous ses yeux, l’estomaquait et l’indignait. Combien d’années gaspillées à la malheureuse Lavande, de par l’incompétence de ces aînés qui lui avaient opposé tant de condescendance ! Son regard se fit navré en se posant de nouveau sur le triste visage de la jeune fille qu’il découvrait chaque jour un peu plus dédaignée par ceux qui avaient pourtant eu un devoir de protection et d’éducation sur elle. Un instant même, ses doigts frémirent, sa main se leva de quelques centimètres. Il aurait voulu la poser sur son bras, ou son épaule, manifestation de réconfort ou d’empathie que, peut-être, le tendre jeune homme se serait osé envers une autre femme. Envers une élève, c’était impossible. Le geste de chaste réconfort friserait l’indécence, et il n’en avait pas le droit. Sa main retomba mollement ;

- Ecoutez Mademoiselle, je vous demande pardon. Je crois bien vous avoir heurtée de par la froideur de mes propos. Et croyez-bien que malgré les apparences, il ne s’agit pas d’indifférence, bien au contraire. Mais cette révélation est…J’ai du mal à trouver mes mots…C’est un miracle…Vous êtes un miracle. Que vous ayez réussi à le contrôler aussi longtemps, sans que jamais il ne se manifeste… Je ne parviens pas à comprendre, pourtant. Le Professeur Têtenjoy ? N’a-t-elle eu aucune réaction ? Jamais personne à Poudlard n’a évoqué cette…Eventualité ?

Dumbledore savait. On pouvait miser sur l’incompétence de Têtenjoy. Mais ce qui n’avait pas échappé à Belladone était forcément su de son vénérable mentor. Alors pourquoi ? Quel intérêt de laisser la jeune fille dans l’ignorance ? Pensait-il qu’il s’agissait là du seul moyen de la sauver, de prolonger sa vie peut-être ? L’estomac de Belladone se noua. Prolonger sa vie. Mais la douce Lavande au regard d’émeraude ternie qui lui transperçait le cœur et l’âme avait dépassé au-delà de l’imaginable le seuil de l’existence d’un Obscurial. Leur sinistre conclusion signait-elle là l’arrêt de mort de la douce jeune fille pour laquelle le cœur de Belladone s’était gonflé d’un ardent désir de protection, d’affection et de tendresse ? Non. Le but du jeune Professeur était donc là. Il fallait sauver Lavande. Réussir ou tous avaient échoué, tenté l’impossible, lui offrir là ce que tous lui avaient refusé auparavant ; une main tendue. Un sandwich, un thé chaud et quelques sourires bienveillants pouvaient-ils vraiment vaincre ces sinistres créatures générées par la haine et l’abandon ? Belladone voulait le croire, naïveté désespérée, se raccrochant au propre adage d’Albus, qui croyait fermement aux incroyables pouvoirs de l’amour, trop souvent mésestimés ;

- Quant aux termes péjoratifs que j’ai pu employer, ne vous en offusquez pas, je vous en prie. Je crois que les Obscurus sont des fléaux pour les personnes qui les portent. Des fardeaux, si vous préférez. Ils font du mal aux Obscurials, mais vous n’êtes pas ce mal. Souvenez-vous en. Vous êtes quelqu’un de bien, à qui l’on a fait du mal. De ce mal infligé par d’autres est né votre Obscurus. Vous n’êtes pas votre Obscurus, et je voudrais insister sur ce point. Vous êtes quelqu’un de bien, à qui il est arrivé de mauvaises choses. Sommes-nous d’accord sur ce point ?

Ô combien les affres de la culpabilité avaient dû dévorer les tripes de la jeune fille ! Belladone voulait mettre un terme à ces années de souffrance solitaire, n’hésitait plus à l’insistance, son regard d’encre planté dans l’émeraude des prunelles qui lui faisait face. Et, une fois encore, l’impulsion réfrénée de sa main qui se meurt de vouloir serrer les doigts blancs trop près de lui. Belladone avalad’une lampée le reste du thé qui gisait, froid désormais, au fond de la tasse de porcelaine ;

- Vous n’êtes plus seule. Je ferai tout mon possible pour vous aider. J’aurais parfois besoin de vous demander certaines choses, mais je ne voudrais pas vous heurter ou vous y contraindre. Ce sera quand et comme vous l’aurez décidé. Etes-vous d’accord avec cela ? Mais vous laisser repartir ainsi, après une telle révélation, m’effraie quelque peu. Voulez-vous que j’aille demander une Potion de Sommeil à l’Infirmerie, ou bien un peu de Philtre Calmant, de quoi passer la nuit ?

Le renvoyer à son dortoir ennemi, après cette assommante vérité qui lui tombait comme le ciel sur la tête. Quelle cruauté ! Et pourtant, Belladone n’avait d’autre choix. Si Gellert pouvait apaiser ses nuits d’insomnie au creux de son fauteuil, face à l’âtre ronronnant, cette option restait totalement exclue pour une élève. Le jeune homme n’aurait même jamais dû ne serait-ce qu’y songer.


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Lavande Huntergrunt
Lavande Huntergrunt
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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeMar 1 Juin - 23:47



Le goût de la pluie dans le thé.

« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »



Lavande Huntergrunt en avait trop dit. Les mots s'étaient écoulés de ses lèvres, avec une fureur infernale, niant toutes les limites et les principes de la bienséance. Elle s'était levée contre les mots de son professeur, injuriant intimement leur froideur face à une créature aussi mystérieuse. Il ne leur portait que des mots de mépris, comme d'un parasite ou d'une maladie qu'il fallait se résoudre à résorber, à détruire, à annihiler, d'un problème qu'il fallait régler. C'était en tout cas ce qu'avait ressenti au premier abord la jeune fille, prompt à s'énerver dès que l'on touchait à ce petit morceau de son être qu'elle ressentait comme encore plus elle-même qu'elle-même. Un hôte indésirable. Prompt à s'énerver en toute situation par ailleurs, tant la chaleureuse présence de Belladone brisait en elle tous les murs qu'elle avait sagement construit, pierre par pierre, jusqu'à ce que disparaisse toutes les failles, les errances, les soupirs, la tristesse visible. Cette muraille, personne ne devait jamais la traverser. Personne ne devait voir au-delà de ses meurtrières, les plaines asséchés et volcaniques de ses marécages silencieux. C'était interdit. Mais lorsqu'il s'agissait de ce petit bout d'homme, dont les yeux brillaient sous toute lumière, dont le sourire désarmait ses craintes, et dont la lamentable tristesse éplorée avait le don de calmer Lavande dans ses colères. Avec lui, elle ne craignait pas de confier les clés de sa souffrance : elle voulait les lui offrir. Pas une seule seconde, elle ne parvenait à craindre pour ses secrets. Elle n'imaginait pas que cet homme maladroit au possible, si doux, si perdu lui-même semblait-il, puisse la trahir. Non pas qu'elle croyait sincèrement que ses amies puissent la trahir... mais la peur de l'abandon restait fort, et l'idée que les secrets durement partagés perdent un jour leur valeur pour ne plus devenir que de vagues et lointaines plaisanteries... la dévastait au plus profond de son cœur. Mais cet homme-là (car il ne s'agissait plus d'un simple professeur, à ce stade de leur relation, mais bien un intime confident à ses yeux), elle ne le voyait pas disparaître de sa vie. C'était impossible. Elle ne pouvait plus.

Elle l'observait à la dérobée, tandis qu'il s'emportait à préciser qu'il n'y avait rien de péjoratif dans le terme « parasite ». Une phrase qui lui fit lever un sourcil en souriant. On ne changeait pas un mot aussi facilement ; les termes n'existaient pas pour rien et même s'il était possible de les faire évoluer dans un cirque au milieu d'autres couleurs, il n'en gardait pas moins une racine. Il précisa – et ce fut à ce moment-là que Lavande comprit la différence entre les deux termes – que les Obscurials n'étaient que des victimes, au contraire de leurs pendants dit forcément maléfiques. Il avança que sa théorie, énoncée à l'encre de son propre cœur, n'était pas si inintéressante que ça ; qu'elle était même certainement « proche de la réalité ». Mais ce fut au cours de son monologue que son point de vue revint à celle des « experts » : Deux entités distinctes, parce qu'il « semblerait » que les possesseurs de parasite tentent de se « rebeller » contre lui. Que si l'Obscurus n'était que le reflet de son sorcier, alors ils embrasseraient tout deux cette même idée vengeresse et destructrice. Le désir de la mort, l'embrasement des tourments, justice aveugle où tous sombreraient, innocent comme coupable. Lavande, ayant quitté des yeux le professeur pour se fixer sur la surface claire de son thé, eut un effroyable rictus. Oui, cette envie de laisser libre cours à leur force destructrice. A ce déchaînement de rage et d'effroi sur la terre ; véritable déesse des Enfers née de l'horreur et de la détresse des enfants martyrisés. Quelle sublime image. Si de tous les Obscurials de cette terre s'était élevé un cri, dans le silence le plus total, ne serait-ce que pour qu'elle parvenienne à réaliser toutes ces vengeances... Poudlard, le monolithe de l'incompétence au milieu d'une société nécrosée, et de parents irresponsables. Une amie lui avait un jour dit que les nés-moldus ne venaient pas de « nul part », mais qu'il s'agissait seulement d'un sang lointain, très lointain, parfois sur des dizaines de générations : qu'une fois une personne magique avait dévoué son rang et s'était amouraché d'une personne non-magique... et qu'il suffisait parfois de cela pour causer des tragédies, des années plus tard. Lavande déglutit péniblement et tenta de retrouver sa contenance au travers d'une gorgée de thé. Quelque chose lui grattait dans la trachée.

Pendant ce temps, Belladone lui demandait pardon. Que la froideur de sa voix et de ses termes, le ton professoral de son explication ne cachait en rien de l'indifférence quant à sa condition... sa condition ? Oui, car aussitôt après eut-il répété le mot « miracle ». Vous êtes un miracle. Si Lavande n'avait pas reposé sa tasse plus tôt dans la conversation, celle-ci se serait effondrée sur ses cuisses, brûlant sa jupe et sa peau sans la moindre conscience. Pourtant, cela n'aurait pas du être une surprise : les paroles de la jeune fille ne laissait que peu de places au doute. Elle avait sciemment planté les graines de la réponse sur les lèvres du professeur, dans l'espoir d'obtenir encore un peu plus de son attention, lui le passionné d'obscurité. Elle n'avait pas menti. Mais jamais encore, les mots ne s'étaient inscrits sur ce traumatisant souvenir, celui qui l'avait persuadé de son horreur, de l'être infâme qu'elle cachait sous le masque de son humanité, espérant secrètement que jamais ne s'échappe ce brouillard affamé, qui détruirait ses efforts, la plongeant un peu plus profondément dans les ténèbres sans aucun recours. Pourtant, petit à petit, il l’emmenait au fond du lac. La douleur réconfortante, toujours présente, qui venait exciter ses nerfs quand les émotions se faisaient trop fortes et qu'elle ne parvenait plus à cacher la misère. Cette envie de tout détruire, elle se l'était construite elle-même... l'Obscurus n'y était pour rien. Il n'était qu'un interrupteur, oui, mais d'un mal qui s'était façonné pour elle, par les autres. Un cercueil de fumée dans lequel il ferait chaud s'y blottir pour tout oublier, le moment venu... ainsi Lavande se tenait dans ses pensées, écoutant d'une oreille un peu plus distraite les paroles de son professeur. Il posait un jugement perplexe sur l'inactivité de chacun, de sa précédente collègue mais également de tout Poudlard. Lavande se balança très légèrement de droite à gauche en reprenant son rictus.

Qu'est-ce que la démangeait au fond de sa gorge ? Ce n'était pas la douleur habituelle de l'Obscurus – autant employer le mot maintenant qu'il s'était imposé de lui-même. La jeune fille avait de plus en plus de mal à respirer. Elle avait été heureuse, curieuse, excitée par la présence si proche et si chaude de cet homme qu'elle voyait comme le prince charmant de tous ses rêves idiots. Sa simple aura la mettait dans des états cataclysmiques, la faisant bouillir dans tous ses sens, réveillant en elle une créature qui n'avait pourtant rien d'un monstre. Durant toute la durée de cette « punition », elle s'était acharnée à rendre un travail parfait, à faire la conversation de manière la plus intelligente possible, pour qu'il ne vit pas en elle une stupide adolescente. De ce bonheur, elle était redescendue à des moments d'inquiétudes paranoïaques, se demandant si sa manie de toujours dramatisée les conversations (tout en singeant un air mature) n'allait pas tout simplement faire fuir le professeur. De cette anxiété, elle était devenue curieuse, glissant une question sur cette forme, ce croquis qui résonnait en elle les prémices d'une dangereuse familiarité : un souvenir. Maintenant qu'elle avait eu la réponse, que devait-elle ressentir ? Elle avait eu envie de rire lorsqu'il disait que c'était impossible que les Obscurials ressentent le désir de destruction de leur sombre comparse. Un rire sale, détestable, un rire qui seyait bien à sa maison. Malheureusement, elle avait été arrêté dans son élan par le « miracle », qui confortait dans son cœur une chaleur immense, un bonheur qui l'étouffait. Mais il y avait également cette sensation d'être diminuée par l'homme qu'elle aimait plus que tout au monde et pour qui elle voulait être la plus parfaite... peut-être que finalement, elle n'était qu'une élève « parasitée »... ? En même temps, l'éclat de son regard ne laissait pas entrevoir le doute : il l'admirait.

Déchirée par toutes ces émotions, Lavande se tenait silencieuse, fixant la surface de son thé en luttant pour que quelque chose ne sorte pas de sa gorge. Si elle ne parvenait à choisir, alors peut-être que les prochains mots de Belladone la ferait réagir ? Des mots douloureux, elle en avait entendu beaucoup. Pourtant...dans la voix du professeur tremblait une si innocente lumière, lui murmurant avec une folle certitude qu'elle n'était pas le mal. Il avait fini par comprendre que si la jeune fille s'était targuée d'une si innovante théorie, c'est qu'elle y comptait pour décrire sa propre vision de la maladie. Et Belladone voulait à tout prix effacer cette vision, oublier la sincérité bouleversante de l'horreur qu'elle impliquait, redonner confiance à Lavande qui voyait son individu réduit à un monstre empli d'aigreur et de détresse... il le faisait si bien.

« Vous n'êtes plus seule. » Lavande tentait encore de réduire à néant les gargouillements de sa gorge quand elle sentit ses yeux brûler. Elle se mordit les lèvres jusqu'au sang pour retenir un peu plus ses émotions et détourna grossièrement la tête pour faire semblant de chercher son sac de l'autre côté du fauteuil, oubliant qu'il était du côté du professeur. Elle passa, l'air de rien, la peau de son bras blanc sur ses yeux pour en effacer la brillance honteuse. C'était des larmes de joie, rien de moins. Il la mettait au centre des décisions, souhaitant lui venir en aide de quelque manière qu'elle le souhaiterait. Voyant que l'heure était tardif, il lui proposa une potion pour calmer ses angoisses avant la nuit qui se préparait. Partir ?! Après ses monologues, tentant de cerner la bonté cachée de la jeune fille, juste, partir ? Il voulait la persuadée qu'elle n'était pas quelqu'un de mauvais... non, certainement que non... mais elle voulait faire de mauvaises choses, et c'était les seules choses qui lui faisaient espérer un avenir meilleur. Quelque chose en accord avec ce que tous avaient vu en elle : une bête sauvage. Elle reposa ses yeux sur la tasse, les coudes sur ses genoux, incapable de prononcer un mot avant qu'un murmure ne s'échappe de ses lèvres craquelées :

Qu'est-ce que vous pouvez en savoir... ?

D'une main, Lavande se saisit de la feuille traitant des Obscurus. De l'autre, elle attrapa le poignet du professeur et l'attira avec force en sa direction. Quand il fut assez près, elle frappa sèchement la feuille contre son torse et poursuivit d'une voix déchirée par les remous de sa gorge :

Rien ! Vous n'en savez rien justement ! Vous croyez que c'est si simple ?! Le bien, le mal, c'est ça vot' monde ? Les Obscurials sont gentils et les Obscurus sont m'chants ? C'est des conn'ries p'tain ! (Elle tenta de prendre une profonde respiration, mais elle ne fut que sifflante, alors elle continua en se levant pour être à hauteur du professeur :) Ici, dans votre Poudlard adoré, j'ai croisé des Serpentard d'une gentillesse incroyable, mais aussi des enfoirés chez les Poufsouffles, des lâches à Gryffondor, qui se cachaient derrière les autres pour venir me frapper, et j'ai aussi croisé des cons chez les Serdaigles. Vous vous souvenez du groupe duquel vous êtes venu me sauver ? Il y avait de toutes les maisons, ça ne vous a pas suffi ?! (Son regard acéré fixait dans les profondes pupilles noirs de Belladone, si plongeant si aveuglement qu'elle pouvait à tout moment y perdre l'équilibre :)  Vous pensez que les Obscurus et les Obsurials sont deux entités différentes mais je vous jure que non. Ça n'a rien à voir. Les Obscurus sont crées par notre souffrance, de tous ce qu'on inflige à des enfants qui n'ont rien demandé, vous pensez qu'ils ont l'intelligence et la bonté naturelle de refréner leurs pulsions de vengeance ? NON. (Elle froissa la feuille, toujours contre la chemise de son professeur :) Ils explosent. Parce que c'est ridicule d'endurer tout ça aussi longtemps ! Je ne sais même pas pourquoi je suis encore là moi-même... certainement parce que Dumbledore est devenu me chercher pour m’amener à Poudlard... sinon je n'aurai peut-être pas tenu beaucoup plus longtemps. Mais vous croyez que j'ai tout fait pour « résister » ? Combien de fois, combien de fois j'ai voulu tous les tuer, en sachant que si je me laissais faire, toute l'école y passerait ?! Vous croyez que je suis quelqu'un de bien à qui il est arrivé des mauvaises choses ? Oui, oui certainement, mais ça ne change rien. Je sais pertinemment que ce qui se cache là... ce n'est pas quelque chose que je cherche à empêcher de rentrer en moi... c'est quelque chose que j'empêche de sortir de mon âme. Et toutes vos belles paroles pour dédouaner votre conscience ne sert à rien !! J'ai le profond désir de faire du mal à tout ceux qui m'ont blessé, de manière aveugle et grandiose. Arrêtez de mentir à vous-même, vous le savez !! Lorsque vous êtes venu me sauver cette nuit-là, si vous n'étiez pas intervenu... je les aurai tous tuer. Je vous l'ai dis. JE VOUS AI DIS QUE JE LES TUERAI ! (Elle lâcha le poignet du professeur pour l'attraper par les deux avant-bras, avec une surprenante force qu'elle n'eut pas le temps de considérer:) Vous n'avez pas semblé me croire ce soir-là... et pourtant, l'Obscurus, la part sombre de moi, le monstre, le parasite, se serait échappé à ce moment. La mort, parce que je suis consciente que vivre en cet état est semblable à un long sommeil, était préférable à ce que j'allais subir de leur part. Et je les aurai tous tué, j'aurai détruit le château, écrasant des centaines d'élèves innocents qui ne m'ont rien fait, et vous aussi, vous seriez mort.

D'une phrase à une autre, elle alternait entre la colère et la détresse, sa voix et son visage dévalant des montagnes et remontant des lunes entières à mesure que sa diatribe dévastatrice dévoilait toutes les subtilités de son malheur. Mais oui, Lavande n'avait rien fait de particulier pour survivre. Elle s'était cachée d'elle-même, enfermant ses émotions et tout ce qui pourrait déclencher l'interrupteur, à la manière d'une mère qui cachait tous les objets dangereux auquel pouvait toucher un enfant. Elle s'était forgée un mur d'une solidité à toute épreuve qui devait la protéger pour toujours, lui permettant d'avoir le contrôle permanent sur cette chose. Mais il avait suffit de cet homme et de sa bonté pour la briser, et ses émotions se déversaient avec la violence d'un tsunami. Était-il assez fort pour supporter le choc ? Les tendres et délicates larmes de Belladone suffiraient-elles à supporter l'ouragan que représentait la jeune fille ? Lavande luttait toujours contre les siennes. Elle avouait sa rage et sa haine, se raccrochant physiquement au professeur comme au premier soir de leur véritable rencontre. C'était trop, trop fort, trop puissant, trop lourd à supporter. Seule depuis toujours, elle avait appris à construire son mur lentement, confortant un océan noir qui grandissait avec les années, en même temps que le mur. Mais maintenant qu'il s'était fissuré, l'eau filait entre les fêlures et Lavande ne savait pas si elle aurait la force de les réparer. Rien n'était censé pouvoir le casser. La jeune fille baissa la tête pour ne plus affronter le regard du professeur face à ce qu'elle désirait encore dire :

Vous le savez et pourtant vous êtes là... vous avez toujours été là pour moi. C'est malin, je n'ai jamais eu besoin de personne, et maintenant j'ai besoin de vous.

Pouvait-elle seulement partir maintenant... ? Elle poussa un profond soupir. Dépitée, désespérée mais déterminée, Lavande laissa s'échapper Belladone de son emprise, laissant la paume de sa main caresser inopinément le dos d'une de ses mains à lui. Elle prit son sac, mais tourna le dos au professeur sans le mettre sur son épaule, avançant en le laissant piteusement traîner sur le sol.

Je suis désolée pour avoir froissé votre feuille, mais de toute façon, il n'y avait rien de bien innovant dedans. Vous faites un remarquable travail, précis, détaillé et passionnant : ce torchon ne vous rend pas honneur, oubliez-le.

Mais Lavande était incapable de poser la main sur la poignée. Incapable de faire un pas de plus en direction de la porte. Elle était terrifiée. Malgré qu'elle fut vierge, elle aurait eu moins peur de se mettre littéralement nue devant lui plutôt que de lui avoir cracher toutes ces choses au visage, lui offrant toute l'horreur de son être sur un plateau d'argent.

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Belladone Raven
Belladone Raven
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Épouvantard : Lavande recroquevillée au sol, le visage baigné de larmes, qui implore son aide, personnification de son impuissance à combattre les Forces du Mal
Reflet du Riséd : Lui même sauvant Lavande à son bras, des étincelles flamboyantes jaillissant encore de sa baguette, provenant de la bataille qu'il vient de gagner
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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeJeu 10 Juin - 13:29



Le goût de la pluie dans le thé

Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal

Automne 1942

Le martyr s’époumone au creux de l’émeraude insondable. Pantin de fumée et de cendres, il agite ses longs bras maigres, fend l’air et tempête en vain, s’offre à la contemplation déchirée du Professeur trop tendre qui peine à s’arracher de la cruauté de la vie, la vraie, qui dépeint son lugubre portrait au velours de ses yeux. Que la sombre marionnette s’agite tout son saoûl ! Des lèvres sèches de l’implacable Lavande ne retentira aucun cri. Aucune plainte ni protestation éructée à l’injustice de son sort, hurlée aux cieux bourreaux, complices de son calvaire dans leur indifférence éhontée pour le destin de la fille des champs, scellé par la méchanceté des uns et le dédain des autres. La douleur se meut en un fier silence, désespoir mutique, roidi par cet orgueil des braves que la souffrance a rendu inflexible. Supériorité naturelle, piédestal de sang et de larmes, parce que Lavande avait appris à subir quand Belladone apprenait à compter, essuyait les baisers quand sa cadette parait les coups. Aussi le sage Professeur Raven se taisait, attentif à la leçon de vie que lui prodiguait sa trop triste élève, révérencieux, presque, devant la statue de silence et de marbre aux yeux secs, qui dardait sur l’enfant gâté la dignité de cette douleur qui n’implorait rien ni personne.

Edifice que rien ne semblait devoir ébranler, érigé à la seule force des tourments auxquels elle ne s’est pas soumise. Pas tout à fait. Illusion des bourreaux, sadisme aveugle à la force véritable de la malheureuse Lavande. Qu’importait la blancheur crayeuse de ses traits flétris trop tôt ; qu’importait son échine prétendument courbée au joug des tyrans ; qu’importait que son ombre, éthérée par le chagrin, se fondit à la froideur grisâtre des murs. Quiconque s’osait à plonger dans les tréfonds d’émeraude, plantés à même la cire usée du masque de douleur muette, avait compris qu’il n’en était rien. Un brasier étrange, féroce, glacé, aux flammes immobiles, renvoyait à la face du monde le grondement de ses tripes et la voracité d’un cœur réduit à une insensibilité d’apparat.

Qui aurait cru qu’une si insubmersible nef s’éroderait au lit de la source de douceur tranquille, déversée en un flot tendre des lèvres prudentes et maladroites de Belladone ? Et pour que s’effrite enfin la pierre des remparts qui muraient le cœur de Lavande, le jeune Professeur se sentait prêt à toute la tendresse du monde. Puissent ses innombrables égards trouver les failles de la cuirasse, façonnée par tant de larmes et de rêves brisés ; pour qu’enfin la douce jeune fille qu’elle n’avait pu être se dresse enfin, perce la terre stérile de ses espoirs avortés, ouvre ses pétales pour narguer la plaine désolée de ce qui avait été le tombeau de ses illusions déchûes. Les chimères pourraient-elles devenir réalité, par la seule candeur d’un Professeur un peu idiot ?

Le doux rêveur voulait y croire, à la poésie d’un bonheur découvert à l’encre de ses yeux. Il voulait croire à l’assourdissement de la funeste fanfare qui martelait les pas sombres de Lavande, glas prémonitoire d’un sinistre destin. Pour que s’élève enfin, par la seule force de son sourire trop tendre, la symphonie tranquille d’une vie paisible, et qu’à son allègre mélodie s’égrène enfin la marche sereine de ceux qui avancent le cœur léger. Et c’est elle, pourtant, qui le décroche de sa Lune, et des illusions chimériques auxquelles elle-même n’a plus l’indécence de croire. Celle-là même pour qui Belladone voulait croire à ces billevesées pleines du fantasme d’une vie qui pouvait recouvrir les couleurs, quand pourtant on en avait gorgé la moindre parcelle, jusqu’à ne plus laisser qu’un voile terne, grisâtre, dont le reflet étalait son opprobre sur le visage trop jeune de la douce élève.

Rien. Il n’en savait rien. Et Lavande lui jetait la vérité en plein visage, avec l’aigreur d’un crachat. Sa voix blanche vrombissait d’une juste et sainte colère, et son écho tintait, sinistre, au creux de l’âme fébrile du Professeur qui ne pouvait rien faire d’autre que ployer sous la souffrance indicible qu’il ne pouvait que tenter d’imaginer. Réduit à l’immobilité par la contrainte d’une existence choyée, rendu muet par cette dignité qui l’obligeait à se taire devant la douleur d’un autre, de celles que jamais, malgré tous ses efforts et sa bonne volonté, il ne pourrait partager avec elle. Alors oui, c’est vrai, il n’en savait rien, et s’apprêtait à courber docilement l’échine sous la terrible réalité qu’elle était seule à connaître. C’est la poigne de la petite main blanche, qu’il avait cru fragile, qui l’arrache à son nuage d’innocence avec la force d’un étau. C’est la feuille projetée par la paume tremblante tout contre lui qui l’extirpe de sa léthargie doucereuse à la manière d’un seau d’eau glacée. Fragile. Il l’avait crû fragile ! Ô douce, stupide naïveté ! Ô pédanterie d’aîné, orgueil inconvenant de Professeur bourgeois, suffisance de pédagogue qui croit avoir appris la douleur au creux des innombrables pages sèches sur lesquelles il s’était usé les yeux !

Fragile ? Non. Les yeux vissés aux siens, Belladone, immobile, écoute la tempête arriver à grands pas. Dix-sept années de rage muette, refoulée dans la terne résignation d’un dos courbé et d’une silhouette grisâtre, aujourd’hui libérée de son joug par l’offense de trop, par l’injure trop tendre de celui qui avait cru bien faire. Trop stupide, trop sentimental, trop cartésien peut-être. Et la révolte lui souffletait le visage, le poignet aux prises de la serre que se révélaient sous la hargne les délicats doigts blancs, ses impeccables notes réduites à un chiffon informe qu’elle martelait sur sa poitrine. Et lui, crétin immobile, le voilà prisonnier de l’écume de sa colère, comme un naufragé giflé par les vagues, soumis à la tempête qui le faisait dériver, n’y pouvant rien, n’essayant même pas de s’épuiser au vain affront des forces des éléments qui se déchaînaient contre lui. Les injures fusent comme des crachats, l’accent guttural se révèle sous la rage, embrument l’aigreur de l’injustice éructée enfin à la face du plus tendre de ses pédagogues qui s’était voulu protecteur. Mais n’était-ce pas là une manière de la protéger ? Lui donner le loisir de cracher son aigreur, sa colère et le fracas de son existence, là, dans le secret d’une alcôve, à la face d’un Professeur trop tendre qui serait capable de l’essuyer en silence ? Et l’esprit rationnel de Belladone s’étiolait à la fureur vengeresse, à la douloureuse folie qui balayait toutes les convenances, le respect et la retenue qu’elle devait à son autorité. Car il aurait pu rétorquer, oui. Qu’avoir réfréné ses pulsions de meurtres et de vengeance à assouvir corroborait sa théorie ; que n’avoir pas cédé à l’extrême fatalité de la violence et du trépas prouvait son désir, peut-être inconscient, de résister. Que son désir de souffrance ne renvoyait pas le reflet de son âme profonde, mais qu’au contraire, ces efforts acharnés, cette lutte vaine à subir plutôt qu’à rendre les coups, montraient la face véritable d’un cœur qu’on l’avait obligé à dissimuler.

Il ne lui dirait pas. Parce que le ressenti vrombissait de réalité au creux de la voix frémissante de colère. Et, sous les lèvres tremblantes, Belladone la percevait, la vérité, dans toute sa cruauté indicible, indéniable, de celle dont toute dénégation friserait l’injure. Un soubresaut lui fit frissonner l’échine, lorsqu’elle se saisit de ses deux avant-bras, et qu’il la laissa faire, à demi-conscient de cette force surprenante, mûe par la rage, qui fourmillait dans ses doigts. Glacé d’horreur au récit du massacre, et pourtant ses yeux ne quittait pas les siens, lien invisible, indéfectible, qui, jamais, ne semblait devoir se briser. Parce que l’éclaircie perçait les nuages de candeur et de chimères dont il avait sciemment recouvert les cieux de son existence trop facile. Il savait. Il l’avait su peut-être à la seconde ou il avait cru, minable sorcier, l’avoir sauvé de cette bande de bourreaux juvéniles qu’elle aurait pu écraser du doigt. Il l’avait su mais avait refoulé ce ressenti vague, comme on se débarrasse d’une pensée qui nous encombre. Mais ce soir Lavande ne lui laissait d’autre choix que d’affronter la rude réalité en face. Il n’avait pas sauvé Lavande cette nuit-là. Il avait épargné à l’école et à toute une génération de sorciers un destin funeste, auquel son tragique sort se serait mêlé.

Il le savait et il était là. C’était encore vrai. Pourquoi ? Belladone ne trouverait pas de réponse claire ce soir à ce mystère. Pourquoi se noyait-il toujours si vite au creux de l’émeraude ternie de la jeune fille ? Pourquoi lui brisait-elle à ce point le cœur par un simple sourire ? Pourquoi chaque minute de son quotidien semblait se muer en un désir d’amoindrir son malheur ? Alors, sous la candeur de l’aveu, sous le joug du regard d’émeraude qui avait brûlé de colère, sous l’emprise des doigts qui serraient ses avant-bras, Belladone rosit. De pudeur autant que d’orgueil cette fois-ci. Orgueil mal placé, égoïste, tout à la joie égocentrique d’entendre à ses oreilles tinter le besoin qu’elle avait désormais de lui. Vaguement honteux, vaguement émerveillé, épuisé par ce déferlement d’émotions qu’il n’avait pas encore assimilé tout à fait, Belladone mit quelques secondes à réaliser que son élève avait relâché son emprise ; quelques autres secondes à se reculer, s’apercevant de la proximité soudaine, inconvenante, que la jeune Lavande avait instauré entre eux.

Et lui ne disait toujours rien, le dos enfoncé dans son fauteuil, l’air hagard, l’esprit trop embrumé pour se risquer à quelque parole de réconfort qui puisse résonner comme le glas d’une injure, ou au creux desquelles tinteraient la profondeur de sa maladresse et de son ignorance qu’il n’avait déjà que trop étalé. Avait-il rêvé les doigts blancs redevenus tendres et fragiles, effleurant sa main dans un geste presque inconscient ? La réflexion le fit rosir de nouveau, se tapissant un peu plus au fond de son siège. Quel idiot. C’était lui l’adulte ; lui le professeur, lui pédagogue aguerri qui devait savoir quoi dire. Lavande s’était délivrée de sa colère et de ses émotions dans sa forme la plus primaire, la plus brute, dévastant toute cette belle contenance et cette résignation de façade façonnées par tant d’années de lutte, de sang et de larmes. A la manière d’un Obscurus de de mots, de vérité et d’injures, elle lui avait livré sans fards et sans mensonges la plus sombre et la plus sacrée de toutes les offrandes ; son âme mise à nu, jamais dévoilée à personne, mais offert à lui, l’idiot aux yeux tendres qui, s’il elle avait été n’importe quelle autre femme, se serait contentée de la prendre en silence au creux de ses bras.

Et il était là, impuissant, à ne savoir que dire ni que faire, quand l’élève délestée de son fardeau implorait son secours du regard. Un mot, un geste, n’importe quoi qui lui prouve que cette confiance ineffable ait été méritée. Toujours rien. Lavande ramassait son sac. Elle se levait. Et soudain l’encre des yeux de Belladone se retrouva privé de la lueur vengeresse qui avait fulminé au cœur de l’émeraude des siens. Plantés sur son dos, ils la regardaient s’apprêter à partir. Et Belladone voulait l’en empêcher, mais ne bougeait toujours pas. Elle ne voulait pas partir. A son sac qui pendait au sol, à sa petite silhouette comme réduite à l’immobilité. A ses lèvres qui s’entrouvraient encore, pour mettre en lumière à quel point les notes de Belladone relatives aux Obscurus se révélaient indignes de son travail. Belladone qui ne voulait pas la voir partir. Pas comme ça, pas maintenant. Belladone qui se révélait être son Professeur, son aîné, et sans doute le plus proche de ses confidents, désormais. N’était-il pas temps de se comporter comme tel ? Une décharge électrique sembla le décoller de son fauteuil, et une main se tendit vers elle, en une seconde de conscience rétablie, responsabilité d’adulte qu’il n’avait que trop cherché à dissimulé à la blondeur de la Lune. C’en était assez ;

- Mademoi…Lavande ! Ne partez pas. S’il vous plaît. Restez encore, juste un instant. D’un geste, il désigna le siège qu’elle venait de quitter, s’osant à l’audace de planter de nouveau ses yeux dans les siens, renouant là cet indéfectible lien qui les avait réunis sous la colère de la jeune fille. Je vous demande pardon. Asseyez-vous, je ne peux pas vous laisser repartir ainsi. Quant à cela…Ses yeux s’arrachèrent à la contemplation de l’émeraude érodée par l’outrage, se rivèrent une seconde sur la feuille de parchemin noircie par l’élégance presque féminine de sa calligraphie. Ses doigts s’en emparèrent, et la feuille se froissa sous leur pression, tandis qu’un léger et étrange sourire flottait sur ses lèvres tandis qu’il jetait ses notes à l’âtre vorace de la cheminée, avant de revenir à Lavande…Vous voudrez bien m’expliquer ? Une autre fois, quand vous voudrez…Si vous le voulez…

Nouveau sourire à la pudibonderie attendrie, presque amusée, tandis que l’idée qui venait de lui traverser l’esprit fut concrétisée par un mouvement de baguette, et qu’une bouteille et deux petits verres en cristal sur un plateau d’argent vinrent léviter jusqu’à eux. Oui, c’était inconvenant, et pour une fois, Belladone s’en moquait. Ce qu’ils venaient de partager avait été bien trop intense, intime et personnel pour se préoccuper d’une telle broutille. Sa main tremblait un peu, pourtant, lorsqu’il s’occupa lui-même de remplir les deux verres d’un nectar carmin qui brillait en s’entrechoquant au cristal. Tendant une des petites coupes à Lavande, il se saisit de la sienne, tâchant de ne pas se déparer de ce sourire tendre mais voilé par l’ombre de leur trop triste conversation ;

- Vous devriez goûter cela. Il s’agit d’un vin cuit originaire des Charentes, une région française où vivent mes grands-parents. Il peut faire office de Philtre Calmant, et il a bien meilleur goût que celui que l’on trouve à l’Infirmerie, si vous voulez mon avis. Je crois savoir que vous êtes majeure, aussi n’ai-je pas trop mauvaise conscience à vous en offrir un verre, cela contribuera à vous remettre de vos émotions.

Et des siennes. Lorsque Belladone plongea les lèvres dans le breuvage sucré, sa mélancolie et sa lassitude semblaient déjà s’évaporer. Sa langue paraissait se délier aussi, et l’idiot qu’il avait été tout à l’heure semblait lui aussi se fondre aux vapeurs d’alcool qui le libéraient de toutes ces convenances qui lui scellait les lèvres d’ordinaire. Même, il la regardait, son verre à la main, et peut-être avec une autre femme se serait-il enhardi à se saisir des doigts blancs qui s’étaient agrippés comme des serres à ses poignets, tout à l’heure ;

- Je suis là, oui, parce que trop peu l'ont été pour vous. Et parce que vous le méritez. Vous avez eu de mauvaises pensées, des envies de les concrétiser aussi. Elles sont la faute de ceux qui les ont fait naître en vous. Je suis là parce que je sais que malgré ces sombres désirs, vous ne le ferez pas. Je le sais parce que j’ai confiance en vous. Je veux que vous sachiez qu’ici, à Poudlard, quelqu’un à confiance en ce que vous êtes.

Sous la sincérité troublante de l’aveu, Belladone avait rougi de nouveau. Le nez dans les tréfonds de son verre, il se hâta d’en avaler une autre gorgée. Avec une autre femme, sans nul doute sa timidité l’aurait contraint à plus de réserve. Avec Lavande, il n’avait guère le temps de jouer les prudes. C’était ici et maintenant qu’elle avait besoin de lui, de sa protection, de son affection et de sa tendresse. Et Belladone était plus que disposé à les lui prodiguer.

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Lavande Huntergrunt
Lavande Huntergrunt
Âge : 17 ans.
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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeDim 13 Juin - 22:21



Le goût de la pluie dans le thé.

« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »

Elle l'avait dit. Ces mots qui attendaient depuis tant d'années – et encore ce n'était que le quart de tout ce qui traînait dans son esprit – s'étaient enfin extirpés du bout de ses lèvres sèches. Ce n'était finalement pas très difficile, semblable à un saut en parachute dans l'inconnu le plus total. Elle s'était aventurée dans le noir avec les deux mains devant ses yeux, ses pieds manquant de s'effondrer dans le vide à tout instant... et quand elle crut être sur le point de sombrer, il avait été présent, avec ses grands yeux larmoyants d'une indicible douceur. La jeune fille qui, depuis trop longtemps maintenant, s'était avancée pied nu dans un vaste monde dont la vacuité n'avait égale que sa cruauté, dans un espace où il n'y avait ni ciel ni terre, que des murs, dans la noirceur de ses iris, oui, elle avançait ; et contrairement à tout ce qui avait été dit dans le monde, ces ténèbres n'étaient pas glacées – bien au contraire –, elles étaient chaudes et réconfortantes. Un lieu où la lumière ne pouvait plus la blesser en révélant ses plaies purulentes, un endroit sacrée où l'innocence régnait encore en maître et où il lui semblait pouvoir s'oublier un peu. Un regard pourtant si noir qu'elle pouvait encore y déceler un soupçon de son reflet.

Mais c'était un miroir qui la sublimait, elle s'y trouvait belle, elle le miracle qui foulait le sol alors que personne n'aurait parié un dîme sur sa carcasse délabrée. Là-bas, elle était capable de fixer le fond de son propre iris verdâtre, flasque et insipide, sa peau blanche irradiait d'une lueur spectrale que les flammes ne parvenaient guère à rosir, et ses cheveux qu'elle avait soigneusement peignés étaient la seule chose qui pouvait un tant soit peu caché sa misérable condition humaine. En face d'elle, c'était un tout autre être : ses yeux noirs la couvaient avec tendresse, et sa peau que les flammes adoraient résonnait d'une douceur hâlée derrière son élégante barbe, à tel point qu'elle mourrait d'y glisser une innocente main, emplie de curiosité, le coin d'un ongle sur le bord de cette peau parfaite, comme l'on gratte la surface d'une statue ou le vernis d'une peinture, pour voir la réalité derrière l'art. Esthétiquement parlant, ils étaient aussi différents que complémentaires, la fière lune s'éprenant d'un timide soleil. Il portait les couleurs d'une maison consacrée à l'intelligence et à la curiosité, d'un bleu plus intense que la nuit, du bleu de l'océan, le ciel où les oiseaux s'envolent encore si bien. Elle portait, quant à elle, les teintes de l'herbe verte dont se nourrissent les bêtes, dans l'alcôve d'une maison qui convoitait et choyait la puissance et le pouvoir, mais dont la naïveté manichéenne transformait la pureté du gris argent en un âcre mélange débordant des marécages où elle trouvait refuge par chez elle. Tous les opposaient perpétuellement, car si la théorie était également un de ses points forts (bien obligée lorsque la magie se refusait à nous), elle n'égalait pas les capacités de déductions et de mémoires que consignait l'esprit de Belladone Raven. A l'inverse, sa magie à elle pouvait détruire des mondes (quand elle parvenait à la maîtriser), alors qu'en la portant contre elle, au jour de leur première rencontre, elle l'avait vu peiné à faire le sort le plus simple. Non, rien ne devait pouvoir les rapprocher. L'âge était une barrière supplémentaire, mais peut-être la moins infranchissable de toutes aux yeux de Lavande : son esprit avait prématurément vieilli, quand celui du professeur semblait toujours jouer de l'enthousiasme d'un enfant qui collectionne les cartes et aime les bonbons. Elle était foncièrement incapable de le voir comme tous les autres professeurs de cet établissement, c'était au-dessus de ses forces. Il y avait une irrémédiable soif, un relent viscérale, qui l'attirait à lui, qui l'empêchait de tenir sa place, et la forçait, continuellement, à aller vers lui, à parler avec lui, à lui offrir des gâteaux, à s'intéresser à ce qu'il faisait, à veiller à ce qu'il aille bien, que les élèves ne disent pas de vilaines choses dans son dos, puis en le retrouvant, à le taquiner, à jouer sur cet ambiguïté qui les liait et les séparait, à enflammer ses passions et enfin, à se confier à lui. Au départ, ce n'était que pour sa beauté, oui. Elle le trouvait d'une beauté joyeuse, où la bonté se lisait à même ses yeux quand il souriait : c'était une évidence. Avait-elle été à deux doigts de lâcher prise quand, dans ce couloir sombre, il n'avait pas puni les élèves comme il se devait ? Oui. Mais elle se rendit vite à l'évidence : c'était pour ça que ses yeux souriaient comme ça. Il ne pouvait en être autrement.

Cette même innocente, elle la lui reprochait à l'instant. Agrippant ses poignets et frappant cette feuille contre son torse, se rapprochant beaucoup trop près pour une relation élève-professeur. Mais étaient-ils capables de tenir une relation semblable ? Pour la défense contre les forces du mal, il n'avait guère de choses à lui apprendre qu'elle ne pouvait trouver dans les livres, mais en ce qui concernait les liens du cœur, et l'immensité de l'humanité, ou simplement cette minuscule étincelle de bienveillance... il était le meilleur sur cette planète. Planète dont elle ignorait les bordures, dont elle n'avait vu les images que dans les livres, qui était pour elle aussi abstraite qu'un rêve, à peine si elle en acceptait l'existence, tant sa vie n'avait été sans cesse barricadée à de petits espaces dont elle ne pouvait s'échapper, de son village jusqu'à Poudlard... rien d'autre n'existait. Pourtant, au fond d'un bureau d'une tour de ce même château qui s'apprêtait à être son tombeau, Lavande Huntergrunt avait découvert un ange, un ange gardien envoyé de ce même monde au-delà des murs de sa cage. Elle lui avait ouvert toutes les portes de son cœur, de sa nature profonde, insinuant par la même occasion toutes les horreurs de sa vie, dévoilant ses sombres envies les plus inavouables, se révélant être la créature la plus dangereuse qui errait dans les couloirs du petit château adoré de son enfance... et il était là. L'appelait par son prénom.

S'il l'avait enlacé à l'instant, Lavande se serait abandonnée entre ses bras, et avec toute la colère qui restait encore dans ses veines, l'aurait coincé contre cette porte qu'elle ne parvenait à ouvrir – l'empêchant définitivement de l'être – et l'aurait embrassé comme un animal. Ses membres tremblaient encore des révélations qu'elle venait de cracher et il n'en aurait pas fallu de beaucoup plus pour que ses instincts ne reprennent le dessus, confinant la jeune fille dans ses déboires d'adolescentes.

Mais il ne la toucha pas. Au contraire, le professeur lui montra le siège en lui demandant de revenir s'asseoir. Elle ne pouvait pas partir comme ça, et il avait raison. Mais pouvait-elle rester maintenant qu'elle venait d'avouer sa principale faiblesse... ses principales faiblesses ? Elle avait besoin de lui, et il le savait désormais. Cette information barbouillait quelque chose dans son estomac, de bizarre et d'inquiétant, mais également d'excitant. D'autant plus qu'il était celui qui exigeait qu'elle reste encore un peu. Alors la jeune fille se retourna lentement et n'osant trop croiser le regard du professeur, reposa son sac là où il se trouvait et s'assit dans le fauteuil. Ses gestes étaient patients, presque engourdis par tant d'efforts émotionnels soudain. Mais elle était très fatiguée par tout ce qui venait de se passer et tout ce qu'elle désirait désormais, ç'aurait été de s'endormir sur ce fauteuil, en sa compagnie. Quand il montra le parchemin qu'elle venait de froisser d'un rien devant lui, s'en moquant ouvertement, Lavande redressa la tête. Quelle ne fut pas sa surprise en le voyant terminer son œuvre, et précipiter la boule de papier dans les flammes. Elle s'apprêtait à hoqueter qu'il n'aurait pas du faire cela, qu'elle avait été impudente de s'être ainsi moquer de son travail, qu'elle ne méritait pas d'ainsi défaire un travail certain, même si cela avait été à partir d'autrui – car il était plus facile de s'en plaindre quand on était une des rares survivantes de cette choses, introuvables de par l'immensité du monde – mais il ne lui en laissa pas le temps. Il lui souriait encore, signant le retour des étincelles et des papillons dans le ventre de Lavande, et lui demanda humblement de lui raconter, un autre jour. Les larmes aux yeux, invisibles perles illuminant son visage, la jeune fille hocha la tête, plusieurs fois d'affilés pour être sûre qu'il l'eut bien vu.

Belladone fit un court mouvement de baguette et une bouteille nacrée d'ambre ainsi que deux verres vinrent se poser près d'eux. Il s'agissait d'un vin que l'on trouvait dans la région de ses grands-parents, en « Charentes », et une fois de plus, Lavande resta muette d'admiration. Ses grands-parents français, ou demi-français, elle avait oublié... mais le mot « français » était déjà assez vaste. Il lui précisa que cela pouvait faire office de Philtre Calmant mais en ayant un meilleur goût. Lavande se saisit du verre et observa la liqueur dont l'odeur piquait déjà ses narines. Elle y trempa le bout de sa langue et sourit avant d'en prendre une petite gorgée : c'était encore meilleure qu'espérée.

Elle prit une gorgée plus prononcée et se repositionna contre le fauteuil, sentant à son tour toutes ses inquiétudes et ses angoisses disparaître à l'horizon. L'espace d'une seconde, elle craignit que ce breuvage ne finisse d'achever ses inhibitions, la rendant plus perméable encore à la confidence. Que pouvait-elle dire dans un état second où elle ne contrôlait plus aucun de ses murs ? Mais elle n'en était pas encore là. Ressentant déjà un léger vertige, elle posa le verre sur la table basse et s'humecta les lèvres.

C'est très bon, merci... murmura-t-elle en souriant, les yeux baissés.

Lavande n'en pouvait plus de remercier son bienfaiteur qu'avec des mots, se sentant soudainement bien inutile, sachant qu'elle était un peu trop fatiguée pour revenir sur ses révélations. Il revint sur la raison pour laquelle il était là, car personne d'autre ne l'était et parce qu'elle le méritait. Que ses sombres pensées n'étaient la faute que de ses tortionnaires et que lui savait qu'au fond d'elle, très au fond d'elle, que jamais elle n'irait jusqu'au bout de ses pensées morbides. Comment pouvait-il en être aussi sûr ? Que lisait-il dans ses yeux comme elle lisait dans les siens ? Est-ce que quelqu'un pouvait sincèrement voir au-delà de sa façade froide et grise, de ses yeux vides et tristes ? Elle prit son verre et s'autorisa une nouvelle gorgée pour hydrater sa bouche sèche :

Mais... pourquoi vous en êtes si sûr... ? Qu'est-ce... qu'est-ce que vous voyez en moi ? Qu'est-ce-que j'ai fait pour vous persuader... ? (Elle garda le verre dans la main, le malaxant entre ses deux paumes pour surmonter l'angoisse qui revenait malgré l'alcool:) Je veux dire... vous m'avez vu à la merci de ces imbéciles, et je vous ai critiqué pour ne pas avoir été assez sévère avec eux, je me suis certes excusée mais peu de temps après, vous m'avez vu détruire un couloir... enfin, pas vu mais voilà... et je vous ai promené jusqu'à la Forêt Interdite, alors que vous me l'interdisiez... je n'arrête pas de passer outre votre autorité et à chaque fois, vous l'acceptez, vous me protégez... oh mon dieu... (Elle termina le verre:) J'ai tellement pris l'habitude qu'on m'ignore, qu'on me repousse... Je suis désolée, je ne sais pas pourquoi je dis tout ça, je crois que je suis vraiment trop fatiguée.

Elle eut un petit rire, et passa une main sur ses yeux qu'elle y laissa pour cacher ses larmes. Son dernier monologue plein de colère l'avait achevé sur une note qu'elle n'avait jamais frôlé. Elle n'était pas sur le point de relâcher le monstre en elle ; elle arrivait à étreindre une certaine paix avec lui. L'idée que Belladone Raven ne la protège que d'un aspect purement pédagogique lui traversa l'esprit, bien sûr, mais elle se refusait à y croire pour ne pas heurter davantage ses plaies difficiles. Elle essuya rapidement son visage, laissant des marques de larmes luisant au feu de cheminé sur ses avant-bras, et posa sa tête contre le dossier, fixant le plafond.

Si ça peut vous rendre ne serait-ce que le quart de ce que vous avez fait pour moi, je vous raconterai tout ce que je sais à propos de cette... chose. Mais ce ne sera qu'un témoignage tronqué, étant donné que je ne me suis jamais... transformée.

La jeune fille changeait de sujet, sentant qu'elle n'était pas capable de rester sur le précédent qui la faisait fondre en larmes de joie. Car durant toute cette conversation, un sourire tremblait sur son visage. Un sourire blessé car inusité, abîmant les muscles de sa mâchoire. Un sourire qui dévoilait ses dents, mais elle s'en moquait désormais. Ses yeux se plissèrent dans l'obscurité, parce qu'elle se sentait si bien. Dans un état de semi-conscience, elle baissa la tête vers le feu et murmura :

Avant mes cinq ans, je faisais pousser des fleurs dans le jardin. J'étais persuadée que la magie n'était faite que pour faire de belles choses. J'ai voulu faire magicienne, puis plus rien. Quand je suis entrée à Poudlard, je voulais devenir générale de guerre, et puis... plus rien.

Elle laissa s'échapper un rire, aussi doux qu'un fil d'araignée, entre ses lèvres. Ses yeux luisaient, ses joues sèches, devant le feu de cheminée.
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Belladone Raven
Belladone Raven
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MessageSujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven  Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven - Page 2 Icon_minitimeMar 29 Juin - 12:26



Le goût de la pluie dans le thé

Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal

Automne 1942

Ne partez pas. Supplication éructée dans un souffle éperdu, désespéré presque. Elan pathétique d’un cœur trop tendre qui s’étouffait sous la cendre des rêves de son élève ; se noyait à l’intarissable source de larmes qu’elle dissimulait à ses yeux d’encre. Et dans ce marmonnement implorant, frémissant d’entre ses lèvres qui tremblaient sous sa barbe, beaucoup seraient tentés de voir une lâcheté de plus de cette âme lunaire, comme un refus éhonté, encore, de s’arrimer à cette terre ferme qui ne semblait pas vouloir de lui. Et pourtant ! Jamais Belladone n’avait eu l’impression d’autant se comporter en homme qu’en cet instant où il se refusait à abandonner la malheureuse jeune fille aux yeux ternes aux méandres grisâtres de son cachot. Et s’il n’avait fallu que se conduire en homme, peut-être aurait-ce été chose plus aisée. Car c’est en Professeur, surtout, que Belladone se devait d’être à la hauteur dans ce cas précis. Quand l’étreinte aurait pu se substituer à la maladresse de ses mots, quand la force merveilleuse de prendre quelqu’un au creux de ses bras lui était interdite, quand lui offrir pour la nuit la tiédeur de sa chambre et se terrer au creux d’un fauteuil de son bureau aurait frisé l’indécence.

Aussi lui fallait-il user du merveilleux et formidable pouvoir des mots, lui, l’orateur placide et inlassable que le déferlement d’émotions rendait muet. Alors oui, implorer Lavande de rester, c’était là se comporter en adulte enfin, se poser en homme qui se refuse à laisser une étudiante à la nuit noire de son cachot, après avoir rouvert les plaies sanguinolentes de ses traumatismes enfouis si loin que personne, jamais, n’avait vu cette triste âme à nu comme Belladone la voyait aujourd’hui, dans toute la laideur de l’opprobre qui lui avait été faite. Le garçon lunaire pouvait se bercer de toutes les douces illusions qu’il voulait ; ici à Poudlard, Lavande n’était pas son égale. Et son autorité, si faible, si douce et si bienveillante soit-elle, était réelle, fondée et légitimée par son poste, et, surtout, lui imposait des devoirs envers celle qui, comme les autres élèves, se trouvait, entre autres, sous sa protection.

Alors, pantin désarticulé et roidi de souffrance et de colère, l’élève aux yeux tristes et à la silhouette lasse obéit sans mot dire. Le maigre sac tombé à ses pieds à l’instant ou son séant trouvait le fauteuil désigné par l’index professoral, le visage de craie redressé dans un sursaut quand le geste impossible d’un Professeur qui sacrifie son travail au caprice d’une élève est esquissé à la lueur des flammes et du sourire tendre de Belladone. Et le plus tendre, le plus fragile et le plus mélancolique de la fratrie Raven fut homme encore un instant ; l’abîme insondable de ses yeux d’encre s’entrechoquèrent au miroir de larmes qui brillaient dans ceux de Lavande ; et les prunelles tendres soutinrent le reflet de la douleur indicible qui luisait au creux de l’émeraude ternie dont tous les mécréants ne verront jamais l’écho du chagrin qu’elle offrait là comme une relique sacrée au plus idiot et au plus prévenant de tous ses Professeurs.

Et Belladone accueillait l’offrande avec toute la gratitude et la prudence possibles, se sachant bienheureux et ne sous-estimant pas le privilège éhonté de détenir au creux de ses mains tremblantes la confiance de la farouche jeune fille qui, jamais, ne semblait l’avoir accordé à quiconque. Le nectar français n’était qu’un maigre remerciement, qu’une humble marque de reconnaissance à l’honneur qu’elle lui accordait ; tout comme cette tasse de thé aux embruns de violette, tout comme ce frugal dîner confectionné par ses doigts d’enfant de bourgeois, tout comme ces heures de prétendue retenue qu’il lui offrait en gage de paix et d’accalmie, comme une éclaircie au cœur de la terrible bourrasque qu’avait toujours été son quotidien.

Elle trempa les lèvres dans le breuvage, et Belladone sourit. Le jeune Professeur se surprenait aux délices de faire découvrir les petites joies simples à cette âme déjà trop usée par la vie. Le sourire éclairait son visage assombri d’une nuit trop longue d’un jour nouveau, rayon de Lune qui perce les cieux d’encre pour vaincre les ténèbres et leur trop long triomphe, qui a vu s’étioler la jeunesse de l’étudiante dont le regard brillait encore des quelques larmes qui s’étaient refusées à quitter ses yeux. Et le cœur de Belladone se gonflait d’une implacable fierté de s’en savoir à l’origine, et de voir s’étaler sur cette mine de craie l’irréfutable preuve de ce qu’il avait toujours su. Le pouvoir de la bonté et de l’amour largement sous-estimés par les imbéciles et les méchants, bourreaux de la triste et merveilleuse Lavande pour laquelle, chaque seconde, Belladone se prenait un peu plus d’affection. L’alcool la réconfortait, et Belladone, les yeux dans le vague, se surprenait dans sa lassitude à s’imaginer le sucre ourler les lèvres sèches qui s’humectaient à la liqueur charentaise. Divagations dont il fut arraché par ces mêmes lèvres qui s’ouvraient pour s’estomaquer de la confiance que son Professeur lui accordait, et qu’elle ne croyait pas mériter.

Rompu par la fatigue émotionnelle d’une soirée qui avait vu s’amonceler un déferlement de sentiments brutaux et contraires, Belladone écoutait le cœur las et plein d’un chagrin sourd cette pauvre jeune fille lui expliquer à quel point il avait tort de croire en elle. Le jeune homme but une longue gorgée du doux breuvage qui lui piqua délicieusement la langue. L’entendre évoquer le défi qu’elle opposait à sa faible autorité le fit étrangement sourire. Ainsi, elle était bel et bien consciente de cette insubordination à son égard ? Belladone reposa son verre, presque amusé à présent que l’alcool déliait les langues et allégeait l’atmosphère ;

- Je ne saurais pas vraiment vous l’expliquer…C’est…Instinctif. Je sais que vous êtes quelqu’un de bien, à qui il est arrivé de mauvaises choses. Quand à votre…Mépris de mon autorité…Je mentirais si je vous disais que cela ne m’a pas parfois un peu…exaspéré…Mais, comme vous le dites si bien, nous avons été si peu à la hauteur à votre sujet que je ne peux m’empêcher de vous octroyer certaines…libertés.

C’était tout à fait vrai. Dans ce laxisme éhonté offert à la douce et triste élève, Belladone lui offrait là le rachat de l’ignorance et du mépris de ses collègues, qui avaient laissé sans mot dire s’installer la maltraitance et le rejet, perpétré par toutes les promotions et toutes les maisons confondues d’élèves d’une école qui s’était révélée une véritable maison pour lui. C’était un peu son insubordination à lui, que de l’autoriser à mépriser un règlement qui n’avait jamais su la protéger, n’en avait jamais pris la peine sans doute. Alors que Lavande aille donc panser ses plaies à la lueur de la Lune, au cœur de la Forêt Interdite ; que sa colère exulte à la face trop tendre du plus idiot de ses Professeurs ; qu’elle voue donc aux gémonies son labeur acharné, et il l’offrira à la voracité des flammes et de sa vindicte à elle, offrande faite à la tristesse de ces yeux trop dédaignés par ce monde qu’ils détestaient tous les deux. Un rire plein d’une lassitude brisée acheva les paroles de Lavande. Elle était fatiguée. Bien sûr qu’elle l’était. Fatiguée du monde, des gens et des échardes qu’on s’acharnait à lui jeter sous les pas.

Et Belladone la retenait, idiot encore, alors qu’elle avait besoin de sommeil, alors qu’il avait fait naître ces larmes dans ses yeux d’ordinaire trop secs, alors qu’il n’aurait pas dû avoir l’impudence de réclamer un peu plus la présence de son élève à ses côtés. Et les sillons creusés par les larmes, à même la craie de ses joues trop blanches, furent essuyées d’un geste pudique, leurs stigmates scintillant à la lueur des flammes roussâtres qui dansaient, lascives, indifférentes à leur conversation éreintée. Lavande s’avachissait un peu plus à la tiédeur du fauteuil, et Belladone n’avait pas conscience de son regard qui s’attendrissait face à cette silhouette toujours à l’affut et qui, enfin, confiante, détendait et dépliait ses membres, pour se lover au creux du moelleux de son siège.

Nouvel aveu. Si intime, si secret et si pénible qu’elle ne lui confessa pas dans les yeux, l’émeraude de ses prunelles fixée au plafond, triste pudibonderie de la confession de ses malheurs qu’elle n’avait encore jamais offert à personne. Belladone darda l’encre de ses yeux, ému et bouleversé, sur le visage qui se refusait à le regarder. Acheva son verre d’une dernière gorgée, et le reposa dans un fracas léger, lorsqu’il tinta contre le plateau d’argent. Réprima un léger soupir brisé, avant de tenter de trouver les bons mots ;

]- Toute information que vous voudrez bien me donner sera un inestimable trésor…Mais certainement pas ce soir…Ne croyez pas que je vous chasse, mais vous me semblez littéralement épuisée.

S’il était indéniable que Belladone mourrait d’envie d’en savoir plus, ne pas bousculer sa nouvelle protégée était devenu, -plus que la recherche d’informations, plus que la résolution de mystères-, son principal leitmotiv. Protéger la douce et triste élève de son quotidien misérable, et s’échiner à y apporter quelques rayons de soleil, si furtifs et pâles soient-ils, pour que, de temps à autres et grâce à lui, la grisaille de son quotidien se perce de brèves éclaircies. Lavande lui offrit un sourire. Et, en réalité, ne valait-il pas tous ses maigres efforts ? Trophée magistral conquis de haute lutte, il éclairait la face crayeuse, la rendait belle et vivante, découvrant sous la cendre et la poussière une jeune femme prête à mordre la vie à pleine dents, pourvu qu’on lui laisse l’occasion de vivre, de goûter, rire, aimer, et ne pas la contraindre à se fondre dans la pierre et à s’étioler sous la haine des uns et l’indifférence des autres. Et il l’aurait presque crue endormie, tant son sourire semblait bienheureux à flotter ainsi sur son visage, tant ses paupières semblaient s’être alourdies sur ses prunelles d’émeraude, tant ses membres semblaient s’être délassés aux bras du fauteuil, quand il entendit sa voix qui s’extirpa de ses lèvres sèches, presque un murmure.

Pour sûr, Lavande était une formidable sorcière. Faire pousser des fleurs à un âge si juvénile relevait bel et bien d’une incroyable démonstration de magie. Belladone réprima un rire doux-amer en songeant à lui-même, benjamin d’une des plus anciennes familles au Sang-Pur, qui avait si tardivement et si pathétiquement dévoilé la faiblesse de ses pouvoirs. Et la jeune fille semblait prendre plaisir à se confier. Sous ses abords farouches, mutiques, qui semblaient confiner à la sauvagerie, Belladone découvrait, à force de bienveillance, l’étudiante qui avait besoin de vider son sac, se défaire de ces années de rancœur solitaire et de confidences inavouées à l’oreille d’un interlocuteur compatissant et tendre, qui écoutait sans mot dire le récit glaçant d’une vie qui aurait pu être jolie, sans la méchanceté des autres.

Belladone avait une idée. Son esprit alerte semblait fourmiller à plus vive allure encore lorsqu’il s’agissait de rendre Lavande moins malheureuse. Un sourire tendre s’esquissa sous sa barbe, mais ses yeux étaient redevenus sérieux, presque graves, lorsqu’il les planta sur le visage éreinté ;

- Vous aurez de nouveau des rêves et des espoirs. Je vous y aiderai. Pour ce faire, je viens d’avoir une idée. Ainsi, en remerciement pour la confiance que vous m’avez octroyée, je vous offre la mienne. Ses doigts se saisirent de sa baguette qu’il pointa sur le tiroir d’un petit secrétaire en merisier, ses lèvres murmurant un « Alohomora », sa faiblesse magique ne l’ayant jamais vraiment familiarisé avec la complexité des sortilèges informulés, malgré ses efforts. Du fatras du tiroir ouvert lévita jusqu’à eux une petite clé en argent qu’il tendit à son élève ; Voici le double de la clé de mon bureau. Vous pourrez venir y travailler, y lire ou vous y reposer même quand je n’y suis pas. Mais je vous demande de n’en parler à personne. Ce genre de traitement de faveur ne serait pas apprécié. Oh et…Un petit mouvement de baguette de plus, et un petit objet coloré lévita jusqu’à la paume ouverte de Belladone. Il s’agissait d’un tout petit objet en forme de bourse, incrusté de coquillage rosés et orangâtres. Une petit cordon de nacre y était relié, ce dont Belladone se servit pour l’accrocher à la clé qu’il fit glisser vers Lavande ; Ainsi vous ne la perdrez pas. Il s’agit d’un objet magique que confectionnent les êtres de l’eau. Une sirène me l’a donné lorsque je voyageais au large des îles crétoises. Il est sensé repousser les maléfices, mais je crois qu’elle s’est jouée de moi.

Un léger rire, franchement amusé cette fois-ci, et un sourire timide en direction de sa protégée. L’invitation était faite, désormais. Il ne tenait plus qu’à elle de l’honorer, ou non.


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