Âge : 17 ans. Sang : Née-Moldue. Nationalité : Anglaise. Patronus : Une hyène. Épouvantard : Un Obscurus. Reflet du Riséd : Elle n'y voit rien, pas même son propre reflet. Baguette : Branche de hêtre entrelacé, sauvage et inflexible, 24 cm, ventricule de coeur de dragon. Avatar : Felicity JonesMessages : 291 Double-Compte : Anthelme de Musset Date d'inscription : 22/07/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Dim 15 Aoû - 23:14
Le goût de la pluie dans le thé.
« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »
Le goût du feu sur les bras nus, une sensation de réconfort sans passé ni futur. Une seule et unique couverture, à l'image du voile de chaleur qui recouvre un corps offert au soleil brûlant de l'été. Cette sensation d'un astre, d'une chose, d'un état indéfinissable, déteignant sur la peau. On la sent, on en prend conscience – lentement – et on l'étudie. Elle commence par le sommet de notre tête, descend jusqu'à notre joue, brûle l'arrête du nez, glisse sur la mâchoire et disparaît vers le coude, puis se réfléchit sur la forme effacée de la cuisse, échauffe le maigre tissu, étourdit le mollet et endort le pied. Lavande, pour défaire son anxiété et ses inestimables espoirs, se concentrait sur ces sensations et sur la chaleur que procurait le thé entre ses mains. Parce que le feu de la cheminée avait beau être fort, et la vapeur sortant de la tasse s'enfuyait à grandes volutes devant ses yeux... mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir des frissons.
Son cœur battait fort ; et tandis que son esprit paniquait d'incompréhension, il luttait contre le sommeil. Parce qu'il aurait été plus simple de s'endormir maintenant, ici, à l'abri, et ne plus penser à rien d'autre qu'au confort de ce fauteuil – car plus les minutes s'écoulaient entre eux, et plus la jeune fille regrettait chacune de ses paroles, chacun de ses gestes, jusqu'au plus infime de ces souffles. Elle regrettait de s'être ainsi confiée, d'avoir dévoué ses ombres à l'homme qu'elle admirait le plus. Il se battait en son sein des êtres contradictoires, qui ne lui laissaient pas une seule seconde de paix : « Tu as bien fait, il va admirer ta noirceur, tu le sais, il possède en lui ce grain pour les ténèbres, tu l'as lu, il te regarde dans les yeux en t'appelant un miracle. » et quelques secondes plus tard : « Comment un sourire aussi innocent, un être aussi pur, peut te contempler avec ne serait-ce qu'une seule lumière dans son regard après t'avoir entendu cracher ta rancœur et ta haine. Ne te méprends pas : n'avait-il pas appelé les Obscurus des Parasites ? N'a-t-il pas jugé qu'avec mépris ton hypothèse qui était pourtant basé sur une véritable expérience, loin des spéculations d'idiots qui n'arrivaient qu'après le drame. Il le dit lui-même, ils ne savent strictement rien. Mais sa peur panique et coupable le force à se convaincre du contraire. Tu lui confies ta vie, mais il ne te la rendra jamais à sa juste valeur. Si ça se trouve, tu es juste devenue un objet d'expérimentation et d'étude... est-ce que tu viens de vendre ton dernier secret, l'une de tes dernières dignités, pour un baiser qui n'arrivera peut-être jamais ? Un si grand pari, alors que tu es habitée un parasite. Personne ne voudrait prendre dans ses bras un parasite. Personne ne voudrait toucher un parasite. Et tu le sais, qu'il ne t'a jamais frôlé une seule seconde, qu'il évite ton contact comme la peste et se retrouve pétrifié quand tu fais le premier pas. Tu le sens sous ta peau, il se glace. Un parasite. Un parasite. Un parasite. »
Ainsi, la part sombre de son esprit luttait toujours avec des armes beaucoup plus fortes, à la lame beaucoup plus affûtées. Il s'asseyait à côté d'elle, lui offrait un peu d'alcool pour surmonter ses émotions, se tenait toujours à son écoute. Elle n'avait pas l'habitude. C'était différent. Différent de quand elle parvenait de temps en temps à placer une phrase dans une conversation entre amis. Quand au milieu des autres, elle se sentait soudainement à la place d'une figurante, d'une poupée que l'on transporte, que l'on promène, mais qui pourrait tout aussi bien disparaître en fumée. Mais la portée de sa sombre aura était si immense, possédant de si hautes ailes noires... que chacun soulignait son départ en silence, échangeant un regard et finalement, hochant des épaules. La sensation de glisser le long d'un radeau sur la mer devenant subitement calme, mais jamais aucune terre en vue. Il n'y a que de l'eau salé à boire, le fruit de ses larmes intérieures.
Mais assise dans le bureau de Belladone Raven, elle ne savait plus quoi penser, ni ce qu'elle devait ressentir. Il se passait tant de choses au fond de son cœur qu'elle ne parvenait pas à comprendre... ou plutôt, dont elle n'avait jamais appris le vocabulaire correspondant.
C'est tout un art, de ressentir des émotions.
Lavande se croyait fait de la plus solide des armures, de l'acier le plus battu, de la météorite la plus lointaine, de la roche la plus sèche du canyon le plus profond. Mais le sang peut rouiller la lame de l'épée, c'est l'air de notre atmosphère qui crée les étoiles filantes, et l'eau peut éroder une statue de pierre millénaire en quelques décennies. Elle en était à un stade où elle ne parvenait plus à remettre en perspective toutes les épreuves qu'elle avait traversé dans le passé, mais où elle se tenait devant ce feu de cheminée, fixant la surface ondulatoire du thé, et se demandait où était passée sa légendaire force, où était cachée son armure. Avait-elle été toujours aussi faible ? Elle n'en pouvait plus de se frotter les yeux et d'essayer de se réveiller, de réveiller ses barrières. De réveiller son ancienne version d'elle-même qui n'avait besoin de personne, qui gardait tout ce qui la tourmentait dans un coffre à double tour de son âme, qui ne fixait jamais l'avenir, comme s'il était destiné à ne jamais exister. Personne ne pouvait la sauver, elle était damnée. On avait fini d'ancrer ce misérable constat dans son identité, quand le prêtre de la paroisse villageoise, plus haute autorité et vénérable maître de région, déclarait l'exorcisme caduc et n'ayant qu'enfermé la menace pour un autre jour. D'après ce qu'ils venaient d'enfin comprendre ce soir, à l'horizon de l'hiver, ce n'était finalement pas un mensonge, ni une superstition de comptoir.
Mais il était là – lui. Belladone Raven posa son verre sur la table basse et entreprit de répondre à ses premières bêtises. Que le lien qui s'était construit entre eux était instinctif. Il est vrai qu'il s'agissait là même d'un accident, pour être parfaitement honnête. Il répéta qu'il croyait profondément à son innocence et à la belle nature de son être, mais avoua que sa tendance à lui tenir tête l'avait exaspéré (et à l'entendre, c'était peut-être même à euphémisme). Lavande ne put s'empêcher de cacher un petit sourire du revers de la main, amusée à son tour. Mais sa dernière phrase, appuyant le fait qu'il sentait que c'était de son devoir de lui offrir le cadre et les attentions que ses collègues n'avaient su lui instruire... la jeune fille ne savait pas qu'en penser. Avait-il fait tout ça pour elle par simple pitié professorale ? Elle déglutit douloureusement. C'était un fait. Il était avant tout son professeur de défense contre les forces du mal, et il s'agissait sa première année en la matière : il se devait de faire ses preuves, et par chance, s'y montrait particulièrement doué. Elle hocha timidement la tête, remuant ses cheveux raides qui encadraient sagement les contours de son visage penché sur le thé. Elle n'osait plus croiser son regard et obtempérait pour la première fois au calme et au respect silencieux qu'obligeaient leurs rangs respectifs. Ô que la petite pouilleuse pouvait l'aimer, cet homme. Ce bout d'être humain d'une tendresse inégalée, à la limite de l'indigence, mais dont elle s'abreuvait jusqu'à la noyade. Il l'assura qu'elle ne subirait pas d'interrogatoire ce soir-là, car elle lui paraissait épuisée. C'était l'assurance d'un prochain rendez-vous, aussi Lavande lui offrit un sourire de gratitude. Elle ramena sa tête contre le dossier du fauteuil et glissa son regard vers lui, dessinant les traits de son nez, de ses yeux pochés et de sa mâchoire. Ce qu'elle ne pouvait toucher du doigt, elle le dévorait des yeux. Que son image s'imprègne en elle, à chaque seconde de sa vie. Pour qu'enfin, lors de ses absences, elle puisse continuer de passer en mémoire les étincelles de ses sourires, le revoir l'observer du fond de ses yeux noirs, et s'imaginer un peu lui prendre la main, apprécier la douce peau de ses paumes, embrasser ses phalanges, et enfouir ses cheveux sous ses ongles. Elle pouvait alors s'endormir en paix, avec l'étrange assurance qu'un jour, ce serait chose vraie. Au petit matin, deux perles de larmes au coin de ses yeux s'étaient transformés en sable.
Et elle était sur le point de s'endormir, enfoncée dans la chaleur moelleuse de ce fauteuil, se berçant à la vue du professeur fixant les flammes. « Je vous aime », aurait-elle voulu murmurer au fond de ses rêves, le fixant avec l'air assommé et rêveur des tendres amoureux.
Mais son image se mouva à l'instant, l'éveillant du doux marasme dans lequel la jeune fille s'endormait avec plaisir. Belladone lui assura qu'elle aurait à nouveau des rêves et des espoirs, ce à quoi Lavande répondit à nouveau d'un sourire silencieux, ces sourires malicieux qui ne veulent pas blesser la personne en face, n'osant les contredire mais appréciant plus que tout leur optimisme et leurs efforts. Elle ne pouvait dire que ses seuls espoirs et ses uniques rêves, c'était lui qui les personnifiaient. Mais qu'est-ce qu'elle le pensait fort, alors elle remerciait quiconque dans le ciel que Belladone ne soit pas un Legilimens. « Je vous y aiderai, » poursuivit-il, et cette phrase acheva de la réveiller. Elle se redressa sur son fauteuil et posa la tasse de thé à côté du verre d'alcool qu'elle avait achevé plus tôt. Ce fut avec beaucoup de curiosité qu'elle l'observa tenter de murmurer un sort en le lui cachant (quiconque l'aurait observé avec un peu moins d'obsession serait passé à côté de ce détail, et le secret du professeur serait resté inaperçu).
Elle se serait attendue à tout, à un livre, à une breloque de ses voyages, à un quelconque souvenir de son enfance... mais pas à ce qui voleta, léger comme une plume, jusqu'à la paume de ses mains ouvertes. Une clé dont l'argent brillait autant que la lune, léchée par les flammes qui la rendaient presque dorée. Un double de la clé de son bureau. De l'endroit sacré où ils se trouvaient à l'instant, où ils avaient passé bien plus de temps qu'ils n'avaient prévu, dépassé par leurs conversations et par ce lien de confiance qui se renforçait, petit à petit, dans l'ardeur et l'intimité d'une confession brutale, dévoré par les ténèbres de la nuit et de la fatigue. Imperceptiblement, le bout de ses doigts se mirent à trembler. Elle tenait entre ses mains la clé de sa maison, de son lieu de savoir et de détente, qu'il lui offrait pour en profiter elle-même, libre de ses horaires et de ses envies. La clé de son intimité, dans cet autel où était entreposé ses thés, ses liqueurs, ses douceurs, et sur les meubles, les fauteuils, les livres, son odeur. Elle se voyait déjà tourner la clé dans la serrure, entendre le cliquetis distinctif et passer le pas de la porte... accueillie et voulue, comme dans un foyer. Il serait là, et lui sourirait, n'aurait même pas besoin de s'occuper d'elle car ils auraient tout leur temps pour parler sans avoir besoin du prétexte d'un retenu ou d'un quelconque travail. Il travaillerait sur ses copies, et elle pourrait s'asseoir sur le fauteuil, câliner Merlin. Ils n'auraient pas besoin de parler, ils cohabiteraient, dans le silence de ceux qui apprécient la présence de l'un et de l'autre sans avoir besoin de nul artifice. Est-ce que c'était déjà la forme d'une confession ? Son cœur battait à en mourir, si fort qu'elle n'en devinait plus le rythme. Le tremblement de ses doigts se prolongeait le long de ses phalanges quand Belladone fit venir une autre surprise du bout de sa baguette. Une cordelette d'un blanc si pur, retenant une petite poche incrustée, qui servit à conserver la clé à l'abri. C'était le cadeau d'une sirène des îles crétoises, disait-il. Elle ne savait foutrement rien de ce à quoi pouvait ressembler une île crétoise, ni où c'était ni quelle était la couleur du ciel là-bas. Elle avait vu à quoi ressembler une sirène dans les illustrations de ses livres de cours et se rappela qu'il s'agissait de sublimes créatures, à la beauté légendaire. Lavande ne ressemblait en rien à une sirène, ou alors fallait-il créer une nouvelle dénomination d'être de l'eau, habitant dans les recoins des marécages et se plaisant dans la vase. Elle eut un court rire, fixant les beaux coquillages et écoutant Belladone dire que ce bijou était censé repoussé les maléfices. Ses yeux se remplirent d'un voile humide, brouillant l'image de ce qui se trouvait entre ses mains. Sa gorge se serra, et ses coudes se mirent tant à trembler qu'elle les ramena à sa taille, se recroquevillant contre la clé.
— Vous savez parler leur langage... ? Elle devait vous... tenir en très haute estime pour... vous offrir quelque chose... vous ne devriez pas dire ça des créatures magiques... elles ne... connaissent pas... la moquerie ni... ils sont... enfin... peut-être que je ne devrais pas... imaginer que toutes les créatures magiques ont la bonté... des centaures... les sirènes... séduisent les voyageurs pour les noyer et... les manger non... ? Ou c'est peut-être un mythe... je ne sais pas... c'est amusant...
Pourquoi ne pouvait-elle pas se jeter dans ses bras et l'enlacer de toutes ses forces, lui faire comprendre la force de sa gratitude, comme au jour où Grindelwald lui avait offert cette branche de belladone, et où elle avait pour la première fois perdue sa froideur naturelle ? Il lui semblait qu'à l'instant où elle aurait encerclé son corps de ses bras, ses mains se serraient faite tendre, et par la pression de sa poitrine contre son torse, aux battements de son cœur frappant contre lui, il aurait tout deviné. La force de son inclination, la chaude sauvagerie de son désir et ses obsessions, son amour désespéré et la brume effacée de son regard ne désirant qu'embrasser ses lèvres. Qu'à cette seconde où elle l'enlacerait, tout ceci se dévoilerait, transparent, évident, comme si son corps tout entier ne se transformerait qu'en vitrine offerte. Elle en avait peur. Mais au fur et à mesure que sa voix débitait des stupidités pour changer de sujet et tenter d'effacer la boule qui forçait sa respiration, cette même voix se transformait, et prenait des intonations de sanglots. Quand Lavande sentit qu'elle n'était plus capable de la contrôler, elle se tut, se resserra un peu plus sur la clé et laissa couler des larmes silencieuses qui tombèrent sur elle. Les pleurs de Lavande étaient tout un art : pas un bruit ne dégorgeait de sa bouche, ni même de son nez. L'eau coulait, son corps tremblotait. Pour lutter contre ces tressaillements, elle tenta de serrer très fort la clé et son pochon entre ses doigts, jusqu'à ce que la jointure de ceux-ci devint blanche. Voilà qu'elle pleurait devant Belladone.
Ses larmes continuèrent de tomber, gouttes à gouttes, sur ses doigts... jusqu'à ce que l'éclatement d'une sur ses phalanges ne se terminent en scintillement. Une goutte tomba sur sa jupe, et entre les mailles de celle-ci s'écarta une tige qui s'épanouit en une violette. Lavande n'y fit pas attention, emportée qu'elle était par la vague de cette émotion qui la submergeait. La violette dévoila ses pétales, bientôt suivie d'une autre congénère non loin. Dans ses doigts se mirent à éclater des petites camomilles prenant leurs racines sous les fibres de sa peau, entre ses phalanges, accompagnées de coquelicots sauvages, tandis que des filaments d'ipomée s'échappaient pour couler sur sa jupe, s'agrippant au canapé et s'accrochant au dossier pour faire luire des fleurs d'un bleu du ciel. Ses larmes se propagèrent comme une nuée de poussière d'or, et à ses pieds se mirent à pousser des pâquerettes et de sublimes centaurées de toutes les nuances de mauves et de blancs, perlant jusqu'à des teintes de bleu nuit, tandis qu'en sous-bois avaient éclos un tapis de capucine. Ici et là, quelques bleuets, ainsi que de la bourrache officinale, complétaient le tableau, jusqu'à ce que le fauteuil de Lavande ne se transforme en trône végétal brillant. Tout ne c'était déroulé qu'en quelques secondes, le temps pour ses larmes de s'effondrer, et pour son sanglot de se libérer, l'espace d'une respiration où elle laissa s'échapper un court gémissement presque inaudible.
plumyts 2016
Belladone Raven
Âge : 28 ans Sang : Sang-Pur Nationalité : Anglaise Patronus : Un corbeau Épouvantard : Lavande recroquevillée au sol, le visage baigné de larmes, qui implore son aide, personnification de son impuissance à combattre les Forces du Mal Reflet du Riséd : Lui même sauvant Lavande à son bras, des étincelles flamboyantes jaillissant encore de sa baguette, provenant de la bataille qu'il vient de gagner Baguette : 25 centimètres, bois de sorbier et crin de licorne Avatar : Diego LunaMessages : 365 Double-Compte : Desiderata / Aurora / Minerva / Solveig / Albus Date d'inscription : 27/08/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Ven 10 Sep - 12:00
Le goût de la pluie dans le thé
Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal
Automne 1942
Demain, sans doute, Belladone se dira qu’il a eu tort. Les paupières se lèveront sur la laide crudité de l’aube ; et, dans la minceur du voile arraché à ses yeux tendres, le pudibond Professeur ne verrait plus qu’indécence, quand il s’était crû sauveur, dans les affres exquises de la veille. Héros pathétique de roman pour jeunes filles, chevalier à col blanc et aux longs cils, sourire énamouré pour épée et force de ses bras tendres qu’il n’en pouvait plus de devoir refuser à la douce élève. La pureté d’une âme faite et modelée pour le bien qui s’imposerait la culpabilité d’avoir cru mal faire. Le tourment lui dévorera les tripes, et, dans un abîme insondable de flagellation, l’innocent croira s’infliger le châtiment qu’il mérite. Ses yeux se riveront sur l’asphalte foulée de ses souliers vernis, lorsque passera la petite ombre triste, soumission au joug de la douleur indicible qu’il avait pêché au fond de ses yeux qui ne s’entrechoqueront plus aux siens. La marée d’encre effondrera sa lâcheté aux pieds de la triste élève, et l’écume blanchâtre, amère, remous d’une âme coupable d’offense, s’épandra sous ses pas en une corolle d’humilité et de pardon, avec pour la jeune fille le choix de la fouler aux pieds, ou d’excuser l’injure de la promiscuité permise par la magie de leur soirée. Parce que tout frôlait l’inconvenance, ce soir. Du déferlement de la colère de Lavande, de l’asservissement de son Professeur à cette juste et sainte rage de martyre ; de cet irrépressible désir de la protéger envers et contre tout, contre vents et marées, contre les méchants et la force implacable du destin, contre chaque épine, contre chaque ornière qui lui fera l’affront de se risquer à blesser le moindre de ses pas.
Les ailes du piteux héros se déployaient dans un élan de hardiesse farouche. Timide, la volonté qui poignait son cœur tendre semblait la naissance d’une rose qui perce doucement la terre gelée par les frimas d’un hiver trop long. Frêle, pudibonde, la plaine désolée se rira d’abord de ses pathétiques efforts et de sa lutte déjà vaine. Et pourtant, à force de tendresse acharnée, le bouton craquèlera la terre glacée ; et là, dans ces pétales pastels qui se déploieront, la laide et morne plaine s’inclinera devant l’avènement de la beauté et du jour qui reviennent. Et Lavande vivrait enfin ; non comme le petit fantôme grisâtre qui s’excuse de vivre, en se fondant à la froideur des murs ; mais comme elle le mérite, dans toute la splendeur de sa beauté et de sa puissance qu’il semblait seul à voir. Bienheureux de l’évidence qui ne s’offrait qu’à lui, la confiance, la conviction de Belladone se ragaillardissaient. Que les autres raillent donc tout leur soûl la prétendue naïveté du trop fragile Professeur ! Que tous jettent à la face de la pauvresse esseulée l’immondice de leurs crachats ! Chaque injure, chaque plaie seraient rendues coup sur coup par la formidable mage qu’elle deviendrait. Belladone n’avait nul besoin d’abreuver de vaines promesses la formidable rose en devenir. Son avènement était inéluctable.
Et ce soir, il ne rougissait plus de la trouver si belle. La lueur de la flamme faisait reluire sa terne et pâle beauté, l’âtre flamboyant complice de la conviction merveilleuse de Belladone, lui offrant ce reflet resplendissant de l’auréole de lumière chaude au creux de laquelle la soudain bienheureuse Lavande semblait baigner. Dans la cascade de cheveux d’encre qui retombait sagement sur ses épaules rondes, une myriade de petits astres étincelait, comme si la triste Lavande s’était plongée dans les étoiles. Dans le tréfonds de ses prunelles, la lueur d’existence s’avivait, vacillante encore, mais debout, dans la promesse farouche, terrible, qu’aidée du plus stupide et du plus tendre de ses Professeurs, elle viendrait à bout du monde entier, réclamerait-il sa déchéance à corps et à cri. Sur ses joues trop blanches d’une vie qui disparaissait à chaque avanie, la flamme et la promiscuité avaient insufflé une teinte vermeille, ravissante, audacieuse presque. Enfin, dans ce sourire frémissant, ce sourire balbutiant d’avoir été trop inusité, elle parachevait là le portrait idyllique et merveilleux de la jeune fille qu’elle aurait toujours dû être.
Belladone lui rendit son sourire sans l’ombre d’une lutte, tout à cette joie exaltée dont il puisait le reflet sur les lèvres rebondies et roses de vie, soudain, de celle qui avait été l’instant d’avant la plus triste et la plus résignée de ses élèves. Parce qu’il ne pouvait rien faire d’autre, parce qu’il s’apercevait soudain qu’il n’attendait que cela, parce que toute la vacuité de son existence choyée et sans un remous trouvait tout son sens, enfin, dans ce sourire qui s’esquissait sur le visage transfiguré par cette joie tremblotante qui s’essaye à subsister. Belladone serait resté là à la contempler, à oublier l’outrage du temps qui passe, à oublier sa position qui la lui interdisait, à oublier la nuit qui égrène son chapelet intimiste pour se mourir aux lueurs de l’aube et de la raison recouvrée.
Mais Lavande s’endormait. Un élan de tendresse creva le cœur de Belladone, devant cette petite ombre si forte et résignée, qui baissait les armes avec une telle confiance face à ses yeux d’encre et sa fragile autorité de tout jeune Professeur. Un léger sourire, plein d’une reconnaissance non feinte, vint étirer les lèvres pâles de sommeil de la jeune fille. Et, au creux de ses prunelles d’émeraude, la lueur de vie insufflée par la danse lascive des flammes qui crépitaient entre eux deux sembla vaciller, prête à succomber à ces paupières trop lourdes qui menaçaient de s’affaisser d’une seconde à l’autre. A l’envie dévorante qui le consumait de la laisser, pour la toute première fois de son existence, jouir de l’accalmie d’une nuit en paix, se disputait l’inconvenance insensée d’une telle situation. Car oui, Belladone était inoffensif. Mais ce monde était bien trop semé de vilénies et d’aigreur pour le savoir.
Alors il renverrait Lavande à l’horreur glacée de son cachot vide d’affection et de cette sécurité qu’elle semblait avoir trouvé là. Il l’accompagnerait jusqu’aux entrailles du château, pour la remettre de ses propres mains à l’ennemi, quand il ne demandait qu’à la faire profiter de draps blancs et du bon feu qui crépitait dans sa chambre, tandis qu’il se serait tapi sur le fauteuil de son bureau, enroulé dans son plaid aux motifs écossais. Pour la première fois de sa vie peut-être, Belladone trouva la bienséance stupide. Pire, une abomination. Comment et pourquoi, au nom de règles de bienveillance surannées, renvoyait-on une martyre dans les tréfonds de son calvaire, lui refusant la paix, pour une nuit, une seule, de l’écrin aux allures de boudoir que son Professeur s’était mis en peine de lui offrir de toute l’humilité de son cœur tendre. Belladone était incapable de faire du mal. De cela, tout le monde était d’accord. Et, de concert, la marée grouillante se gaussait de lui sans honte, le pointait du doigt en souriant du mépris que sa prétendue faiblesse leur inspirait. Et pourtant, cette même plèbe de cœur impies qui ne comprenaient rien serait les premiers à s’insurger de ce qu’une jeune fille ait trouvé refuge au creux des draps de celui dont ils avaient clamé l’innocence avec force railleries.
Alors, contraint et forcé, il lui refuserait son lit. Peut-être les foules avaient-elles raison. Peut-être Belladone était-il trop pur pour ce monde, pour saisir l’indécence que cette situation revêtait aux yeux de tous. Alors, une fois de plus, il courbait l’échine, se pliait à la loi du plus stupide et du plus fort, abandonnait Lavande à son triste sort, bafouant déjà la promesse dont il s’était fait l’adage de son existence. Vivre pour protéger Lavande de ce monde qui leur voulait du mal, et auquel ils étaient résolus à ne plus se soumettre. Maxime glorieuse, qu’il lui faudrait honorer, debout et fort désormais que quelqu’un se référait à lui. Alors cette clé, c’était tout et si peu. C’était la promesse, sinon de jours nouveaux, de quelques éclaircies dans le brouillard, c’était l’humble offrande de celui qui se découvrait protecteur d’une lueur d’accalmie au creux des enfers, de l’avant-goût de paradis de la vie, nouvelle, qui s’offrait enfin à celle à qui on avait arraché tout espoir.
Lavande se réveillait sous la force du murmure de Belladone. Ses yeux, ébahis, écarquillaient leur teinte pâle d’émeraude humide sur la petite clé d’argent et la bourse de nacre, semblaient vouloir s’arrimer à la petite paume blanche qui les détenaient sans vouloir y croire, ses doigts ne s’osant pas encore à s’y agripper. Une fois de plus, le cœur de Belladone manqua de crever au fond de sa poitrine ; avait-on déjà ne serait-ce qu’aimé cette jeune fille ? Avait-on seulement choyé une seconde, offert un instant d’affection à cette enfant qu’elle n’avait pas eu le temps d’être ? Sous le monceau de ronces, sous l’opprobre des épines semées à même la racine, la rose avait cru s’être fanée. Et pourtant ! Si seulement Lavande pouvait se voir à travers ses yeux, à lui ! Reflet magnifié par l’évidence du tendre clairvoyant, de celui auquel la fragilité d’âme extatique conférait le pouvoir d’essuyer la boue et la cendre dont les blasphémateurs avaient maculé sa gloire en devenir.
Le diamant brut se débarrasserait de ses oripeaux infâmes, dont tous l’avaient forcé à se vêtir. Et là, Belladone offrirait aux méchants et aux jaloux le sourire sardonique et triomphal de celui qui avait eu raison, envers et contre tous. L’innocence des larmes de martyr pour rachat de l’opprobre, pour que l’émeraude ternie s’y noie et s’en repaisse, recouvre cette pureté d’antan arrachée de force par les méfaits des autres. Et il se découvrait une telle candeur, derrière cette petite armure d’acier et de sang, que Belladone eut un sourire brisé, l’écoutant arguer la pureté des créatures magiques, laissant tinter à ses oreilles avides d’un orgueil qu’il ne se connaissait pas l’émerveillement de l’avoir vu nouer de tels liens avec des Êtres qui semblaient la fasciner étrangement. C’est lorsque Belladone posa sa tasse sur la table qu’il s’aperçut que ses doigts tremblaient légèrement ;
- Le Professeur Dumbledore me l’a inculqué…Avec forces difficultés, je ne vous le cacherai pas. Et je suis loin d’être parvenu à son niveau. Vous devriez l’écouter parler leur langage ! Je crois qu’il est l’un des seuls à le parler parfaitement. Et…Oh…Vous savez, vous avez raison de croire en une certaine pureté relative aux créatures magiques…S’ils n’auront pas la malice et la cruauté gratuite des hommes, je vous déconseille vivement d’agir contre leurs intérêts. C’est le Professeur Dumbledore qu’elles tiennent en haute estime, car il est un ardent défenseur des Êtres de l’eau et cela, depuis bien des années. Aussi, venant de sa part, et n’ayant aucune intention belliqueuse, j’ai été bien accueilli. J’ai entendu parler de ces légendes Moldues, c’est fascinant. J’ignore les origines de tels…
Le volubile Professeur, tout à l’enthousiasme de cette pédagogie tendre qu’il insufflait à sa voix éreintée d’émotion, s’acheva dans un souffle brisé. Lavande pleurait. Il n’avait déjà que trop vu l’infâmie des larmes noyer la tristesse de ses yeux ternis par cette existence à demi-vécue. Là, le flot de larmes salvateurs dévalait ses joues cireuses, retombaient sur les pans de sa jupe de coton, inondaient son petit poing fermé sur le cadeau de Belladone, détenu comme la relique sacrée qu’un dévot voue à un saint ou à une divinité lointaine. Ses yeux plongèrent toute l’intensité de leur tendresse au creux de l’indicible douleur qui noyait les siens. L’heure n’était plus à la pudeur. Et l’élan réprimé depuis des semaines par les convenances, le sens du devoir et de la réserve vint à l’éclosion formidable de la violette qui s’étala au creux de sa jupe. Corolle de douleur sublime, aveu de la sorcière formidable en devenir que l’on avait contraint à vivre recluse et en silence.
Belladone tendit la main, honorant là la première rébellion véritable de toute son existence contre un système duquel les rouages avaient protégé sa petite destinée de benjamin choyé, broyant dans l’indifférence générale les os d’innombrables Lavande dont le sang et la cendre n’étaient jamais parvenus jusqu’à ses souliers vernis. Au diable la bienséance, au diable l’autorité, au diable ces adages de convenances surannées qui interdisaient la tendresse et l’affection entre deux âmes dont l’une confessait la douleur indicible qui la retenait à la vie comme au pilori. Belladone s’était rapproché, le séant au bord du siège, quand sa paume tendre vint recouvrir le petit poing serré sur la clé qu’il lui avait offert. Son autre main, sans calcul aucun, dicté seulement par l’urgence de la douleur de son élève, par l’insoutenable tendresse qui lui ôtait parfois jusqu’à la force de vivre, s’était posée sur l’épaule ronde, que recouvrait le coton blanc du petit chemisier qui dévoilait ses bras. Et le monde se fondait à l’émeraude noyée de larmes du regard de Lavande, et Belladone s’y étiolait et s’y consumait ; et les contours du bureau apparaissaient incertains, et l’âtre semblait devenu froid et vide, et, de la naissance des fleurs sauvages écloses à la douleur innommable de sa douce élève, il semblait ne rien voir, tout entier au partage de la souffrance qu’elle abattait là, enfin, après tant d’années à forger l’armure qui lui avait servi de bouclier face à l’infâmie des autres.
- Je vous en prie, ne pleurez pas.
Des marguerites aux pétales immaculées, des violettes, des fleurs sauvages inconnues du petit citadin qu’avait été Belladone maculaient désormais la jupe de Lavande et le tapis de laine sombre étendu sous ses pieds. Le jeune Professeur sembla s’en apercevoir à cet instant, et l’image de ce tableau champêtre, farouche, apparu à la seule force d’une douleur ravalée avec tant d’aigreur et de peine, paracheva ce courage qui lui avait tant manqué. Au diable le Professeur. Belladone, enfin, se décidait à agir en homme. L’étreinte fut amorcée avec toute la délicatesse qui le caractérisait ; la main qui s’était posée sur l’épaule ronde se contenta d’une pression légère pour amener à lui la petite silhouette tremblotante. Et si son autre main quitta les doigts blancs, ce ne fut que pour mieux étreindre la jeune fille qu’il pressa doucement contre lui, tout entier à cet élan d’affection mutique qu’il n’en pouvait plus de devoir lui refuser. Belladone se refusait à se laisser aller à la tiédeur de la silhouette tremblante qu’il détenait comme un fragile trésor au creux de ses bras. C’était lui qui offrait la tendresse de ses bras, non pour se repaître de l’étreinte, mais pour donner à Lavande tant et si peu, un entr’aperçu de ce que à quoi tout le monde avait eu droit, sauf elle, au cours de sa vie. De l’affection. Et au diable, une fois de plus, les conséquences d’une telle inconvenance. Belladone s’en faisait le serment. Pour Lavande, il s’enorgueillirait d’affronter les foudres de ceux qui oseraient lui reprocher d’avoir voulu lui accorder autre chose que mépris et indifférence. Pour Lavande, il se conduirait en homme, enfin. Etoufferait ses pleurs contre son épaule, recueillerait son corps agité de sanglots au creux de ses bras, étiolerait la douleur de ne pas avoir été aimée dans l’étreinte doucereuse de laquelle il l’enveloppait comme d’un écrin. Indifférent au temps qui s’égrenait, indifférent au feu qui s’ébattait derrière leurs silhouettes enlacées, le monde de Belladone ne gravitait plus qu’aux soubresauts qui agitaient sa douce élève, qu’à ses larmes qu’il n’en pouvait plus de voir couler, qu’à cette douleur à laquelle il voulait porter secours, chevalier pitoyable mais dont la tendresse inégalée, dont tant se gaussaient, sauraient, peut-être plus que n’importe quelle arme, apaiser les indicibles tourments qui avaient dévoré l’âme de la si jeune fille, presque déjà consumée d’une souffrance sous le joug de laquelle tant seraient tombés, déjà.
plumyts 2016
Lavande Huntergrunt
Âge : 17 ans. Sang : Née-Moldue. Nationalité : Anglaise. Patronus : Une hyène. Épouvantard : Un Obscurus. Reflet du Riséd : Elle n'y voit rien, pas même son propre reflet. Baguette : Branche de hêtre entrelacé, sauvage et inflexible, 24 cm, ventricule de coeur de dragon. Avatar : Felicity JonesMessages : 291 Double-Compte : Anthelme de Musset Date d'inscription : 22/07/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Ven 1 Oct - 22:21
Le goût de la pluie dans le thé.
« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »
Ce n'était pas la première fois que l'on faisait de gentilles choses pour Lavande. N'en déplaise à sa profonde noire et sa mélancolique tristesse d'un temps bien lointain, la jeune fille avait des amis. On lui avait déjà offert des sucreries, on lui avait déjà laissé un vieux vêtement qu'on ne portait plus, afin qu'elle puisse refaire sa garde robe. Des inconnus l'avaient déjà aidé à récupérer ses livres tombés par terre après que des petits malins aient songé amusant de lui faire un croche-patte. On l'avait déjà laissé prendre son petit déjeuner auprès de son amie Jasper, qui était la plus proche de ce qu'elle pouvait appeler une "meilleure amie". C'était même elle qui l'avait coiffé et aidé à se faire la plus belle possible pour cette soirée hors du commun, pour les beaux yeux de son professeur. Tout comme Kana l'avait épaulé quand il s'agissait de lui trouver un cadeau de remerciement pour son sauvetage éclair, aux lueurs de la lune. Oui, on lui avait déjà fait plaisir, et même si elle était parfois trop gênée pour accepter et qu'elle n'aimait pas donner l'impression de se suffire de pitié, Lavande avait connu un semblant de bonté. Elle aurait été ingrate si elle l'avait réfuté. Mais il y avait quelque chose de différent dans la bienveillance de Belladone, quelque chose qui la pénétrait et la bouleversait derrière ses murs et miroirs. Elle voulait être aidé par lui, elle désirait plus que tout son attention, et tant pis si ce n'était que parce qu'il avait pitié de cette pauvre fille aux embruns de marécage, aux grands yeux tristes et à cette colonne vertébrale penchée, tant habituée qu'elle avait été à raser les murs pour ne pas se faire voir. Il lui donnait envie de se faire voir, de se montrer, de reprendre les rênes et de lui offrir le meilleur de ce qu'elle pouvait avoir en elle. Son plus beau visage, ses plus beaux vêtements, son meilleur gâteau, ses remarques les plus intelligentes, ses réflexions les plus drôles, ses mots les plus doux. Elle se découvrait de la sorte, se rendant petit à petit compte de tout ce qu'elle était capable de faire, à travers tous les efforts qu'elle faisait pour lui.
Mais elle voyait, en parallèle de ces efforts, tout ce qu'elle n'était pas. Qu'elle n'était pas quelqu'un de très belle, ni de bien habillée, ni très intelligente, ni même drôle, et encore moins douce. Et dans cet art magique qu'était la sociabilisation, pire encore ce qui lui manquait était la communion. L'amitié était quelque chose de magnifique, mais avez-vous eu déjà cette déchirante sensation d'être seule au monde loin du pays qui vous a vu naître et qu'un jour, un être entre tous les autres s'est approché de vous et qu'enfin vous entendiez parler votre langue ? Lavande, quand elle regardait Belladone, n'y voyait pas là un sorcier ni même un professeur, ni même un homme et peut être encore moins un être humain... Mais quelque chose de plus profond, qui naissait d'elle-même et allait jusqu'à lui, littéralement une âme sœur qui répondait à ses angoisses avec les bons mots, les bonnes notes. Voyait-il la même chose en elle ? Cette évidence qui leur permettait de se comprendre sans se parler, du fond de leurs regards ? Elle ne pouvait croire que cette tempête qu'elle ressentait à son égard, ces forces conjointes d'amour et de colère, de rancœur éteinte en puissant raz de marée, ce besoin de l'étreindre, cette envie de se fondre en lui tout comme de le fondre en elle, ne pouvait être qu'une fantaisie de son imagination. C'était si facile. Jamais elle ne s'était ouverte si aisément à quelqu'un, jamais elle n'avait confié toutes ces choses, pas même à son propre cœur. Elle pouvait lui parler de tout et de rien sans peur, lui cracher les pires noirceurs de son âme et avoir tout de même droit à ses sourires et à ses yeux doux. Par-dessus tout, il l'écoutait. Ce n'était pas de l'amitié qu'elle ressentait envers lui, mais un amour comme jamais elle n'en avait ressenti. Plus que de l'admiration, plus que de la compassion : elle était capable de lui tenir tête comme elle n'avait jamais été capable devant quiconque. La petite Lavande qui tremblait devant les garçons qu'elle trouvait beau ne tremblait pas devant le professeur Raven ; elle se redressait, affrontait ses yeux noirs et parfois seulement, quand l'émotion devenait trop forte, baissait-elle la tête en rougissant. Elle avait la sensation d'être enfin là, sur la terre des hommes, et d'avoir trouver sa place pour fouler son sol.
Cette place avait désormais une clé. Elle luisait entre ses mains tremblantes alors qu'elle tentait de réprimer ses larmes de toutes ses forces. C'était sa serrure dont il lui donnait l'emplacement, mais pas tant dans son cœur à lui... c'était l'âme de Lavande qu'il se permettait de fouiller à travers l'usage de cette clé. Et elle la tenait si fermement, imprimant la forme de son ferrage dans ses paumes. Ses lèvres tentaient vainement d'éloigner l'émotion, pour parler des créatures magiques ; elle avait également reçu de la bonté de la part des centaures. Belladone lui répondait, avec cette enthousiasme permanent, et cette idolâtrie devant le professeur Dumbledore qui lui avait enseigné ce langage, lui qui l'avait appris avec mainte difficulté, mais Dumbledore qui savait le parler mieux comme quiconque, le professeur ayant un grand respect pour eux, et étant considéré comme un membre d'honneur de la plupart de leurs tribus. Lavande n'écoutait pas. Elle entendait tout de même sa voix, et la douceur de son timbre, et elle restait heureuse. Mais elle ne voulait rien écouter sur ô combien Dumbledore était parfait. Il était venu la chercher dans sa fosse, avait prodiguer les soins de premier secours sur cette pouilleuse à la dérive, mais c'était tout ce qu'il avait été capable de faire. Albus Dumbledore avait toujours refusé (ou avait toujours été incapable ?) d'assumer le rôle de père que Lavande lui avait implicitement supplier d'exaucer. Elle ne lui en tenait pas rigueur, mais une certaine rancœur s'était amenuisée en son sein, et il s'agissait certainement là du seul sujet sur lequel leurs violons parfaits ne s'accorderaient pas. Cela dit, il était vrai que les créatures magiques ne possédaient pas en leur sein la cruauté simpliste des hommes, mais dieu que leur vengeance était terrible. Lavande s'identifiait à cette force sauvage et pure, peut-être parce que malgré tout, c'était avant tout dans la nature oubliée des hommes qu'elle avait pu trouver du repos, la mélodie d'une paix dans une définition toute étrangère de la société.
Mais en cet instant, elle se moquait de cette divergence, et même des créatures magiques. Ses yeux perlaient des larmes infinis, qui s’écoulèrent sur le sol pour devenir des jardins de fleurs, dévoilant tous les souvenirs botaniques de ce petit bouton verdâtre. Elle lui offrait sa plus belle magie et cela, elle la tenait pour véritable. Toutes les pétales de son petit monde s'ouvraient et grandissaient autour d'elle, dans une symphonie unique et délicate. Lavande n'en voyait plus autour d'elle, son regard était brouillé par les larmes et les fleurs. Cette flore magique s'étalait autour de ses pieds, baignant le sol dans une herbe bleutée, remontant le fauteuil pour venir couronner ses hanches, ses épaules et sa tête. Tout autant de splendeurs dont un autre aurait pris peur. Devant ce pouvoir incontrôlable, n'importe qui aurait levé la baguette magique et d'un souffle aurait fait disparaître tout ce non-sens. Elle n'avait prononcé aucun sort, n'avait murmuré aucun mot, seules ces larmes avaient eu l'étincelle pour faire naître la vie. Quant à la voix de Belladone, elle s'était tue. Lavande n'avait pas le courage de lever la tête vers lui pour devenir les traits de son visage. Était-il dégoûté ? Choqué ? Outré ? Était-il heureux ? Fasciné ? Amoureux ? Même si elle avait voulu, elle n'aurait su en décoder les signes. De plus, elle se refusait à montrer au professeur un visage dégoulinant de morve et de larmes brûlantes, aux yeux et à la peau rouge et abîmée. Mais contre toute attente, la jeune fille sentit une main recouvrir les siennes. Là où naissaient de très courtes pâquerettes de rocailles, entre les joints blancs de ses doigts où l'eau salé tombait à goutte, c'était la paume de Belladone qui s'y posait, avec une délicatesse désarmante, plus légère que les ailes d'un papillon. Puis, son autre main sur son épaule. Toutes les pensées de Lavande se bousculèrent dans sa tête. Enfin, sa voix revint jusqu'à ses oreilles pour lui demander de ne plus pleurer. Non, plus fort que cela, il la priait. Le visage de Lavande, au milieu de ses pleurs, se fendit d'un sourire. Ô s'il savait. Que toutes ses larmes n'étaient que pour lui, et qu'elle les dévoilait en une ultime confession, qu'elle s'offrait à lui de la plus intime des façons, car ses larmes valaient tous les mystères que jamais l'homme ne soupçonne. Jamais elle n'avait montrer ces larmes-là à quelqu'un. Ce n'était pas comme lorsque ses yeux étaient devenus humides à la suite de son agression, où la douleur avait forcé son chemin jusqu'à ses yeux. Ici, c'était un sanglot libérateur. Si elle doutait encore de la véracité de ses propres sentiments, alors il n'y avait plus aucun doute : elle était désespéramment amoureuse de Belladone Raven. Une partie d'elle en était heureuse, et une autre, plus raisonnée, ne cessait de crier que cela l'emmènerait à sa perte plus sûrement que tous les anciens misérables choix de sa vie.
Cette nuit, ces deux parties pleuraient à l'unisson. Lavande voulut enfin lui répondre, quand une pression l'amena en avant, stoppant pour une seconde ses larmes sous l'effet de surprise. Il la prenait dans ses bras. Son corps tremblotant était arrachée au jardin silencieux dont elle s'était affligée les entraves, et était à présent dorloté contre cet autre corps, qui la tenait tout contre lui avec une force mesurée, comme s'il craignait de la briser. N'y croyant pas, la jeune fille resta une fraction de seconde immobile, puis leva un poignet craintif pour essuyer son visage. Non, c'était bien son odeur qui resplendissait : son parfum fruité et sucré qui débordait de mille saveurs appétissantes, que Lavande avait appris à reconnaître au grès de ses passages dans les couloirs, dès qu'ils se croisaient par mégarde. Elle gardait cette senteur dans ses plus précieux souvenirs, tout comme le jour où elle avait trébuché sur sa chemise, la nuit de son agression... et comme à ce moment-là, sa poitrine pressée contre son torse battait une indécente charade. Qu'il battait, son cœur. Pour deux, même, à tel point que ses échos s'entendaient jusque dans ses oreilles, à travers le sang pompant son chemin, brûlant tout son être. Ce n'était pas le battement de quelqu'un qui avait peur, ou qui était malade. C'était le battement de quelqu'un pour qui le contact humain n'était qu'une chimère, et qui paniquait à l'idée de frôler une main, une seule peau, même volontaire, même amicale. Le battement d'une âme pour qui la promiscuité physique n'était qu'un rêve à la frontière du coma éthylique. Oui, elle inspirait le corps de Belladone comme une drogue dont elle s'enivrait à outrance, luttant pour que ses jambes ne la lâchent point, que la fièvre ne monte jusqu'à son cou, que sa respiration ne devienne exagérément lourde à tout son contact. Les larmes lui vinrent encore aux yeux, tant c'était inespéré et inouïe. Il la serrait contre elle, et alors Lavande osa lever les bras pour l'enlacer à son tour ; dans son esprit, c'était une déclaration. Elle posa les mains sur son dos, une à une, déliant délicatement ses doigts sur la surface de son vêtement. Lentement, elle serra le tissu et l'amena un peu plus vers elle à son tour. La jeune fille ignorait si ce qu'elle faisait aller dévoiler au grand jour ses sentiments. Oser répondre à cet emprise avec plus d'ardeur encore ? Et pourtant, ce fut là sa réponse. Elle le serra dans ses bras, avec cette hargne qui la caractérisait tant. Elle l'attrapait et le dévorait aussi platoniquement qu'elle en était capable, rattrapant entre ses mains tout ce qu'il acceptait de lui offrir. Il était là, elle se servirait. Elle le serrait si fort qu'elle sentait son cœur être sur le point d'exploser, tandis que de ses lèvres murmurèrent quelques mots par-dessus son épaule :
— Comprenez-moi...ce sont des larmes de joies.
Elle désirait tant encore. Sa faim était insatiable, à l'image du monstre noir qui ne cessait de grandir en elle. Ses mains voulaient courir le long de sa peau, jusqu'à jouer dans ses cheveux. Mais elle tenait ses bras fermes et fixes, pour qu'enfin ses mains ne dévoilent pas le secret qu'elle s'évertuait à conserver clôt entre ses lèvres. Elle faisait de son mieux pour ne pas écouter les étincelles de son corps qui s'éveillait à la sensualité de ce contact pourtant si simple et aimable. Malgré elle, le feu de la cheminée s'éteignit, ne les laissant plus qu'avec la lueur de la lune aux travers des vitraux.
Toutes les pétales de fleurs qui les entouraient se mirent à faner, et de leurs morts s'échappèrent de petites étoiles étincelantes, de minuscules boules de lumière blanche. Ces soleils éclairèrent le bureau par milliers, se détachant dans les airs et se figeant au plafond pour enfin s'éteindre dans un soupir. Un à un, cet océan de bleuté brillant s'évanouit, ne laissant plus une seule végétation au sol. A mesure que les larmes de Lavande se calmaient et qu'il ne restait plus en son cœur qu'un large bonheur dont elle embrassait toutes les couleurs, la magie s'estompa. Elle ne voulait pas que s'arrête ici ce moment qu'ils avaient arraché à toutes les forces de la nature. Mais l'obscurité régnait à présent en maître dans ce sublime bureau. Il lui faudrait reculer et s'excuser, mais elle ne voulait pas être la première à se dégager de cette étreinte. Partir, c'était sous-entendre que ç'en était assez. Le calme était revenu en la demeure, plus sourde et plus hantée que jamais : plus de crépitement dans l'âtre, et Merlin semblait avoir pris peur de la magie sauvage. Il n'y avait ni pluie, ni vent violent au dehors, et Lavande sursauta même quand une chouette poussa un cri strident dans la nuit noire, non loin de la tour. Elle ne délivra pas le professeur Raven pour autant, et murmura tout de même :
— Je... je suis désolée... d'avoir éteint le feu. Je... je pense que je peux le rallumer, j'ai appris... je peux le faire.
Même s'il ne pouvait le voir, dans sa voix papillonnait un sourire.
plumyts 2016
Belladone Raven
Âge : 28 ans Sang : Sang-Pur Nationalité : Anglaise Patronus : Un corbeau Épouvantard : Lavande recroquevillée au sol, le visage baigné de larmes, qui implore son aide, personnification de son impuissance à combattre les Forces du Mal Reflet du Riséd : Lui même sauvant Lavande à son bras, des étincelles flamboyantes jaillissant encore de sa baguette, provenant de la bataille qu'il vient de gagner Baguette : 25 centimètres, bois de sorbier et crin de licorne Avatar : Diego LunaMessages : 365 Double-Compte : Desiderata / Aurora / Minerva / Solveig / Albus Date d'inscription : 27/08/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Lun 15 Nov - 15:49
Le goût de la pluie dans le thé
Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal
Automne 1942
Il est de ces martyrs que les maux ne peuvent plus atteindre. Il est de ces créatures trop souillées par le vice des autres, pour que l’infâmie ne parvienne à les toucher encore. Paradoxe de survie merveilleuse, de ces êtres dont on a espéré la perte avec tant de hargne, la bassesse et la fange d’un monde qui ne voulait pas d’eux et dont l’horreur se retournait contre l’adversaire. Et l’armure grisâtre étincelait à la peau trop vite fanée pour les souillures infligées en vain. Et des cendres des rêves étouffés s’élevait l’indifférence de ceux que le rejet des autres n’avaient pas brisé tout à fait. Lavande se serait relevée du mal qu’un Belladone malintentionné lui aurait infligé. Elle aurait ouvert de grands yeux d’émeraude pâlie par l’injure, aurait dressé la dignité blafarde de sa petite silhouette trop vite épuisée ; Ses pas auraient claqué avec la sourde et lente indifférence de celle qui fuit une énième humiliation avec un calme olympien. Non. Si Belladone avait voulu faire du mal, sans doute ne serait-il pas parvenu à faire plier ainsi le fier roseau dont la tige se fêlait sous ses grands yeux d’encre lourds de sommeil et de larmes qui gonflaient un cœur trop gros.
C’est bel et bien la bonté de Belladone qui a finalement eu raison de la douleur tranquille de Lavande. De l’océan aigre et sans remous qui baignait sa vie de haine, de mépris et d’indifférence, l’écume de la tendresse du tout jeune Professeur semblait avoir brisé la solide nef bâtie sur tant de sang, de larmes et d’espoirs avortés. Et devant cette figure de martyre qui s’effondrait, la belle contenance du pudibond fils de bourgeois s’étiolait, s’effritait au désir sourd d’accueillir l’indicible douleur qui s’épanche enfin au creux de ses bras tendres. Et l’enfant trop choyé, ignorant tout du moindre grain de sable coincé dans les mauvais souliers d’une Lavande qui avait traversé des forêts d’épines, découvrait que les grands principes ne valaient rien. Rien face à une réalité qu’il expérimentait enfin, lui, le simulacre d’adulte accompli qui ne connaissait rien aux vilénies du monde. Et ce soir, la laideur crue de ces douleurs qu’il avait toujours contemplé d’un œil compatissant mais lointain, se heurtait aux limites de préceptes qui ne s’adaptaient qu’à sa vision théorique de malheurs qu’il n’avait pas connus.
Aussi rien, ce soir, n’aurait pu l’empêcher de prendre son élève dans ses bras. Pas même la bienséance qui avait sillonné sa jeunesse dorée ; pas même la pudibonderie excessive du sempiternel timide aux joues roses que Belladone avait toujours été ; pas même la culpabilité dévorante de s’imaginer abuser de la fragilité d’une élève relevant de son autorité. Parce qu’il ne prenait rien dans cette étreinte. Le tendre Professeur au cœur généreux se contentait de donner, purement et simplement, dans l’altruisme de cette âme trop bonne, ce que la pauvre jeune fille avait depuis longtemps cessé de réclamer à corps et à cris.
Là, la jeune fille au creux de ses bras, Belladone, dans toute l’hypocrisie du bienfaiteur qui s’aveugle, faisait la sourde oreille à la houle d’émotions brutes qui déferlait au creux de son âme trop accoutumée à la douce paix de son bureau et à cette solitude à laquelle il s’arrimait. Là, à chaque seconde qui s’égrenait, les bras autour de la frêle silhouette, le jeune homme se persuadait de l’altruisme désintéressé de son geste ; du désir innocent d’insuffler à l’élève mal-aimée un peu de ce qu’elle n’avait jamais eu. Prétendait ne pas entendre résonner contre la soie de sa chemise le petit cœur vacillant, pas mort tout à fait, se réveiller soudain de sa léthargie pour battre la chamade contre sa propre poitrine. Se targuait ne pas entendre le sien assourdir ses tympans de son propre écho, battre à l’unisson de celui de son élève, dans une étourdissante mélodie qu’il ne voulait pas entendre encore. Se souler des effluves qui se mêlaient à la rose de son parfum, vouloir s’y noyer et s’en étourdir, jusqu’à oublier le temps, l’espace, et ce monde qui ne convenait à aucun d’eux.
Il lui semblait qu’il était là, son monde. Son centre de gravité soudain entre ses bras tendres, sa seule préoccupation dans cette silhouette sanglotante qui tremblait tout contre lui. Et le sentiment d’une puissance incertaine qui se déployait au creux de sa poitrine de garçon timide. Cette sensation d’avoir charge d’âme, cette responsabilité qui insufflait courage et orgueil à ce cœur trop inusité et accoutumé à la mélancolie pour ce genre de passion. Comme l’impression que la Lune ne guiderait plus ses pas, désormais que la chétive lueur qui vacillait au creux de l’âme fanée de Lavande s’abreuvait de sa tendresse à lui. Comme le sentiment qu’un monde qu’il n’avait jamais compris tournait enfin rond, désormais que sa présence semblait avoir trouvé une utilité et un destin. S’ériger en sauveur de celle dont il devinait sans pouvoir l’expliquer les desseins de grandeur et de puissance redoutable en léthargie. Sentir son cœur s’enorgueillir du besoin mutique mais indicible qu’elle semblait avoir de lui. Y puiser une fierté vaguement honteuse, se repaître des frémissements de la silhouette en quête de la chaleur insufflée par l’étreinte.
Croire sentir exploser son cœur au fond de sa poitrine, lorsque les bras blancs se referment sur lui. Acceptent l’étreinte sans mot dire, tandis que Belladone pourrait presque sentir les larmes transpercer la soie de sa chemise, quand le visage triste vint s’enfouir contre son épaule. Et ce fut à son tour de se laisser faire, poupée de chiffon offerte à ce qui, peut-être, était la première étreinte à laquelle la pauvre Lavande ait eu droit durant sa triste vie. Docile, le jeune Professeur laisse la force des petits bras blancs l’amener tout contre elle, laisse les doigts s’agripper à son dos, laisse sa poigne s’évertuer à le serrer le plus fort possible, comme de peur qu’il lui échappe. Lui se laisse emporter à la rage d’étreinte de l’élève délaissée, réconfort mutique, comme une promesse qu’il ne s’enfuira pas. La laissant prendre ce que tous s’étaient évertués à lui refuser, depuis l’aube de sa trop triste vie. La laissait se gorger tout son saoul de cet excès de tendresse que l’on avait tant raillé.
Tous ces rires et ces crachats vains, à présent qu’il découvrait le destin de cette douceur d’âme qui lui avait valu force railleries. Comme si cette âme trop tendre n’avait été qu’un fardeau en sommeil, inutile et pathétique, dont il se délestait aujourd’hui pour en inonder le cœur fané de la sombre Lavande, en abreuver cette terre aride et assoiffée par des années d’une sécheresse cruelle et forcenée. Et il la laissait s’en repaître, n’osant pas lui arracher l’offrande encore, figé dans les bras blancs qui l’agrippaient avec toute la force de son désespoir. Une seconde, un murmure chevrotant l’extirpa de la rafale bienheureuse dans laquelle il ne voulait pas admettre baigner. Et il sentit son cœur se fendre, face au timide aveu de la pauvre élève. D’avoir insufflé tant de joie pour si peu qu’une étreinte, pour ce que personne, jamais, ne s’était donné la peine de lui insuffler, acheva de pourfendre l’âme trop tendre de Belladone, qui ne répondit rien, la laissant s’imprégner de ce qu’il lui offrait de tout son cœur de garçon trop généreux pour ce bas-monde.
La nuit se mêla au regard d’encre de Belladone qui avait perdu toute notion de temps et d’espace. Depuis combien de temps le tiède bureau aux allures de boudoir avait-il pris des allures de sépulcre ? Le jeune Professeur revint à la réalité avec cette obscurité qui s’était imprégnée au creux de leur étreinte. Une seconde, il crut que seule la lueur blonde de la Lune en croissant éclairait les contours de la petite silhouette de Lavande nichée au creux de ses bras. Une seconde de plus, et Belladone s’aperçut que ce n’était pas tout à fait vrai. Le regard de jais se riva vers le tapis de laine pourpre. Et là, l’étendue encore de l’incroyable magie de la triste élève, dont il ne cessait de s’émerveiller. Les innombrables fleurs extirpées de sa joie trop intense, inespérées, mortes désormais à leurs pieds.
Un instant de plus, et les yeux de Belladone s’écarquillent sur la flétrissure des pétales déchues, offertes en sacrifice à une lumière qui s’était éteinte, comme pour conserver dans un secret d’alcôve la relique sacrée de leur étreinte. De minuscules globes luminescents avaient remplacé la fraîcheur du tapis de fleurs fraîches, illuminant le bureau froid à la façon d’un ciel nocturne tapissé d’une kyrielle d’étoiles. Et s’il était admis que Belladone n’était qu’un piètre sorcier, l’érudit Professeur pouvait se vanter d’avoir étudié et vu de ses yeux de puissants mages à l’œuvre, peut-être des plus redoutables qui foulaient encore cette terre. Mais jamais il n’en avait vu de si jolie. Manquait-il d’objectivité lorsqu’il songeait que même la magie du grand Albus Dumbledore était moins belle ? C’est comme si lui manquait cette grâce, toute féminine, cette expansion dans le tourment, cette poésie dans la douleur qui insufflait à la magie spontanée de la jeune fille une beauté poignante qui le touchait en plein cœur. Dehors, même les éléments primitifs d’une nature en colère semblaient s’être mis en léthargie. La Nature au repos semblait veiller leur étreinte à la manière d’une bonne fée, agenouillée et mutique face au déferlement de la merveilleuse magie de la malheureuse élève qui restait blottie contre lui, frémissant un instant lorsqu’une chouette vint briser le silence sacré de l’union de leurs bras, par l’hérésie de son hululement strident. Elle ne semblait pas vouloir bouger, pourtant. Et même lorsqu’elle s’excusait d’avoir éteint le feu et se proposait de le rallumer, elle ne bougea pas un cil, et pas muscle ne sembla entreprendre la moindre amorce pour s’esquiver des bras tendres du jeune Professeur au parfum de rose.
Pourtant, Belladone avait recouvré, avec la vue et la raison, la conscience du monde qui les entourait. Au-dessus de l’âtre vide et froid, le tic-tac de l’horloge s’égrenait avec la gravité d’un glas. Couperet de bourreau, il rappelait au jeune Professeur à quel point il était tard, à quel point la situation était inconvenante, à quel point il s’en repaissait pourtant, à quel point il devrait avoir honte en somme. Aussi, c’est avec une lenteur extrême, avec une prudence exagérée qu’il extirpa doucement Lavande de ses bras, plantant l’infinie douceur de ses yeux d’encre au creux de l’émeraude larmoyante des siens ;
- Ne vous excusez pas…Votre magie est bien plus belle que mon feu. Mais cette fois-ci je me vois contraint de vous raccompagner. Il est beaucoup trop tard, et je n’aurais jamais dû vous laisser veiller aussi longtemps.
Comme pour confirmer ses dires, et approuver sa raison recouvrée, l’horloge tinta de son clairon léger, assénant les douze coups de minuit. Belladone sursauta, comme pris sur le fait de cette faute dont il exagérait la gravité, sa culpabilité s’exacerbant sous sa propre flagellation. Comme pour s’insuffler la volonté et le courage nécessaires pour renvoyer la malheureuse élève dans les tréfonds sordides de son cachot, Belladone se leva doucement. Il ne songeait pas à rallumer le feu. Au-dessus de sa tête, la formidable magie de Lavande auréolait sa chevelure d’encre des mille feux dont elle parait le bureau. L’ambiance étrange, douceâtre, sibylline presque. S’en arracher semblait se réveiller d’une douce torpeur, s’arracher à un rêve de nuages et de chimères qu’ils auraient voulu ne jamais quitter. Il le fallait pourtant, et c’est là que réapparaissait la prétendue autorité du Professeur trop tendre. Comme pour amorcer le départ, Belladone se saisit de la lanière élimée du sac sans âge de la jeune fille, lui lançant un sourire encourageant, quand lui-même trouvait à peine la force de s’arracher au sanctuaire sacré qui avait abrité leur triste étreinte.
plumyts 2016
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven
Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven