Un regard dans la glace, qu’elle gardait de coté dans sa valise, et elle observa son visage, sa coiffure et sa tenue, à la grande surprise de ses camarades de chambres qui ne manquèrent pas de lui en faire la remarque sur le ton de la moquerie, chose qu’elle ignora tout simplement. En effet, il est extrêmement rare de voir Kanaeko faire attention à son apparence. La plupart du temps, elle s’habille rapidement, ne prends même pas le temps de nouer sa cravate ou de faire attention à sa chemise qui dépasse et je ne parle pas de ses cheveux qui sont, la plupart du temps, un vrai sac de nœud ! Quoi que, il lui arrive de se coiffer… pour en faire une longue tresse histoire de ne pas être gênée pour ses entraînements ou durant un match de Quiddich. Mais là, s’était différent. La nuit porte conseil dit-on. Un bal allait arriver et Kana, fidèle à elle même, avait, dans un premier temps, prévu de se « travestir » comme disent certains et de s’habiller avec une tenue de soirée qui était plus un costume trois pièces qu’une robe… Mais, finalement, elle s’était souvenu cette nuit là que s’était sa dernière année à Poudlard et ce sera sa dernière chance de surprendre, de se montrer femme, ce qu’elle était vraiment au fond d’elle. Pas la Sorcière couverte de bleus aux tenues masculines qu’elle montrait habituellement. Juste… une femme, belle, et bien dans sa peau.

Elle remonta les escaliers qui donnaient sur la salle commune avant de sortir pour aller prendre son petit déjeuner. Pourquoi s’est elle mise, alors, du jour au lendemain à essayer de faire attention à sa tenu et à coiffer ses longs cheveux, me demanderez-vous ? En quelques mots, elle avait décidée de sortir le grand jeu pour le bal. Je vous explique… Kana n’y connaît rien en vêtements pour femme, en maquillage et autres cosmétiques. Du coup, il lui fallait une experte en féminité. Une femme qui sait s’habiller et se pomponner et, justement, il y avait une fille comme cela dans la maison au Blaireau. Elle n’était pas tellement le genre de personne que fréquente la jeune Serpentard. Cette fille avait la réputation d’être assez superficielle, mettant plus soin dans son apparence que dans ses devoirs… Mais bon, cela valait le coup de lui demander conseil et, qui sait, peut-être démolir cette mauvaise image qu’elle avait d’elle ? Après tout, la petite Aurora (tel est son prénom), était également réputée très gentille et, il fallait le reconnaître, elle est aussi très jolie.

En entrant dans la Grande Salle, elle se rendit compte que la jeune femme en question était déjà là… Elle bavardait avec ses camarades, souriante de façon innocente à un garçon qui semblait la draguer. S’était presque quotidien avec cette fille et, dans un sens, Kana était bien contente d’en être épargnée. La pauvre… être constamment ennuyer de la sorte par tout les garçons de l’école. Arborer le Serpent Vert et Argent sur la poitrine, ne pas prendre soin de soit et avoir mauvaise réputation peu se révéler parfois bien utile. Chose que je n’ai pas précisé mais, même ci elle avait prit un peu plus de soin dans son apparence, Kanaeko était toujours vêtu, ce jour là, de sa tenu du dimanche, à savoir une chemise blanche, une veste noir et un pantalon assorti… Bref, toujours habillée comme un jazzman moldu. Si elle avait prit soin d’elle, s’était d’abords et avant tout pour ne pas paraître insultante envers Aurora… En vérité, elle avait peur qu’elle refuse de l’aider à se préparer pour le bal. Après tout, le chantier était important pour la jeune dernière année. Pour elle, s’habiller en robe revenait presque à se travestir tant elle s’est habituée à ses pantalons, bien plus pratique au quotidien.

Kana grignotait une tartine de beurre et de miel quand Aurora se leva finalement. La jeune Serpentard termina rapidement son jus de citrouille et se leva, remettant sa veste sur ses épaules, sa tartine entre les dents. Elle rejoignit finalement la jeune Poufsouffle dans la hall où il n’y avait qu’assez peu de monde en ce dimanche matin…

« Aurora ! Attends ! »

Elle tenait toujours sa demi tartine à la main et se sentit ridicule un instant. Elle avait les joues rouges de gênes, comme toujours quand elle adressait la parole à une personne qu’elle ne connaissait pas ou à peine. Néanmoins, la jeune Serpentard fit de son mieux pour lui sourire, ne souhaitant pas lui faire peur.

« Je suis Kanaeko Hantsuki, je suis en septième année… euh… Voilà… euh… je voulais savoir si… non… j’aurais un service à te demander… Si tu es d’accord... Est-ce que je peux te parler en privé ? »

Elle fit une grimace en fin de phrase. Elle avait parlé à la fois vite et avec des temps de pauses longs. Autant il est facile de se faire respecter fasse aux raclures de Serpentard, autant se faire respecter par des gens respectables de base lui semblait être un véritable défi ! Elle s’attendait, du coup, à voir Aurora éclater de rire et se moquer d’elle devant toute l’assemblée ici présente… Elle avait oublié pourquoi elle avait choisit de demander à elle plutôt qu’à une autre : c’était parce que cette fille était beaucoup de chose, mais elle n’était pas moqueuse ou cruelle (du moins, elle l’espérait vraiment).

Octobre 1942

‎Le soleil d’automne brillait à travers les vitraux de la Grande Salle, dans un poudroiement d’or et de miel qui s’entrelaçait dans la chevelure d’Aurora à chaque hochement de sa tête distraite.‎‎ ‎‎L’adolescente usait de ce langage primaire pour ainsi acquiescer au bavardage du jeune Poufsouffle aux boucles blondes qui l’invectivait les yeux pleins d’étoiles, tantôt d'un haussement d'épaules négligent, tantôt d'un large sourire, tantôt d'une réponse vague et inarticulée, trop occupée à mâchonner avec application son deuxième toast recouvert d’une épaisse couche de marmelade d’orange.‎‎ ‎‎Loin d’être offensé par la distraction évaporée de la jeune fille, comme revigoré, presque, par les sourires éblouissants et les hochements vigoureux de la tête qu’elle ‎‎assénait avec ‎‎enthousiasme à une litanie qu’elle n’écoutait que d'une oreille, le cinquième année ne semblait jamais devoir cesser ses bavardages surexcités déversés dans le creux de l’oreille d’Aurora qui, son toast fini, grignotait du bout des dents une tranche de bacon grillé.‎‎ ‎‎La jeune fille leva un instant le regard, l’ambre de ses pupilles s'entrechoquant aux rayons dorés qui baignaient la grande salle d’une douce lueur, présage de la magnifique journée d'automne qui se profilait au dehors.

‎L’odeur de cannelle de la troisième tasse de thé d’Aurora vint affleurer à ses lèvres lorsqu'elle l’en approcha, vidant la moitié du contenant d'une longue lampée, assoiffée par le sucre et le sel avalés avec cette gourmandise qu’elle s'était toujours connu.‎‎ ‎‎Son rire résonna un instant dans un bref éclat, devant la plaisanterie du jeune garçon qui avait rougi de plaisir, rire qui claironna un instant au beau milieu de la table des jaunes et noirs, avant de s'achever dans les tréfonds du gobelet rempli de jus de citrouille, qu'Aurora vida d'un trait.

- Nous devrions profiter de cette matinée pour s'entraîner aux sorts informulés... Vargas a dit qu’il fallait beaucoup pratiquer pour obtenir des résultats !‎

‎Aurora poussa un long soupir, rivant un regard déçu et une moue boudeuse à‎‎ son amie de maison et de promotion pour qui, cependant, elle avait une affection profonde. ‎‎Poufsouffle jusqu'au au bout de ses ongles, il y avait une des qualités spécifiques à la maison de Helga, cependant, une seule dont l’adolescente était complètement dépouillée, au point, parfois, de se sentir seule au cœur de sa propre maison ;‎‎ ‎‎le goût du travail. ‎‎Et si Aurora restait plus loyale et plus honnête que beaucoup de ses comparses, tous, sans exception, mettaient dans leur scolarité bien plus de cœur à l’ouvrage qu’elle n’en aurait jamais.

Résignée pourtant à rejoindre les Cachots et leur salle commune respective, malgré la merveilleuse journée qui se profilait, Aurora étira ses jambes et se leva avec une souplesse alanguie de chat paresseux, qui fit virevolter les pans de sa jupe châtaigne qui s’évasait à la taille pour retomber sur ses genoux. Une seconde plus tard, après avoir saisi au vol un muffin aux myrtilles et la lanière de son sac qui gisait sur le banc, les petits talons d’Aurora martelaient l’asphalte scintillante de la Grande Salle, dans le sillage de ses camarades un peu trop appliqués à son goût. L’adolescente lunaire, évaporée, pivota brusquement dans le hall, lorsque son prénom y résonna contre les murs de pierre, pour faire face à Kanaeko qui arborait une mine empressée, presque inquiète, échevelée et les joues roses. Un instant décontenancée devant l’irruption de son aînée de la maison du Serpent, Aurora la dévisagea un instant, yeux écarquillés par la stupéfaction de se voir invectiver de la sorte, avant de retrouver la bienveillance naturelle de son sourire qui s’élargit devant la Serpentard aux longs cheveux emmêlés et à la tenue masculine de Moldue, -qui ressemblait à s’y méprendre à la mise de Papa lorsqu’il jouait avec son groupe-, une tartine à demi mangée pendant encore dans sa main.

Si Aurora ne se déparait pas de son sourire, c’est non sans une appréhension quelque peu coupable qu’elle écoutait les présentations entrecoupées d’hésitations de la jeune fille visiblement mal à l’aise, qui sollicitait une conversation en privé. L’adolescente assumait mal la méfiance inconsciente née, attisée et entretenue tout au long de ses six années à Poudlard. Aurora détestait les clichés, l’intolérance et les à priori, et si lui lui chagrinait de devoir lutter contre sa propre méfiance forgée à leur rencontre, il fallait admettre que la très grande majorité de railleries et petites mesquineries en tout genre qu’elle avait eu à essuyer ici étaient du fait de la maison Vert et Argent. Aucune rancune particulière donc, mais une appréhension idiote, dont Kanaeko n’avait pas à subir la bêtise, elle qui se montrait si gentille et embarrassée. De plus, son arrivée précipitée la sauvait pour un instant de cet entraînement aux sortilèges informulés, qui lui avaient semblé d’une atroce difficulté, bien que les démonstrations de Vargas lui aient semblé aussi naturel que de respirer. Le sourire d’Aurora s’élargit un peu plus ;

- Oui je te connais, tu joues au Quidditch non ? Oui, bien sûr, si je peux t’aider...tu veux qu’on aille parler dehors ? La jeune fille quitta un instant Kanaeko du regard, son regard d’encre parcourant ses trois comparses de maison qui semblaient intrigués par ce qu’une Serpentard de septième année pouvait bien avoir à demander à Aurora. Je vous retrouve tout à l’heure à la Salle Commune !

Aurora regarda une seconde ses camarades s’éloigner en direction des cachots, avant de se retourner et offrir un bref éclat de rire reconnaissant à l’étudiante verte et argent ;

- Tu sais de quoi tu viens me sauver, là ? D’un entraînement aux sortilèges informulés ! Des sortilèges informulés, moi ? Si seulement je savais stupéfixer correctement !

Cette fois ci elle éclata plus franchement de rire, avant de lancer un regard d’envie vers la douce lueur matinale qui s’engouffrait dans le hall avant de le river, interrogateur, vers le visage de la jeune fille aux longs cheveux qui, à voir les mèches touffues et emmêlées qui lui retombait au creux du dos, paraissaient n’avoir pas été confrontés à une brosse depuis fort longtemps ;

- On y va ? Tu pourras finir ta tartine et moi manger ce muffin qui me faisait très envie, sans que l’on nous reproche de laisser tomber des miettes partout...Et puis la journée est si belle...Alors, tu voulais me parler de quoi ?

Octobre 1942

Son stresse fut quelque peu canalisé quand Aurora lui répondit avec un sourire flamboyant. Il n’était pas difficile de comprendre pourquoi tant de garçons lui tournait autour. Il y avait quelque chose dans son sourire et dans son regard d’attendrissant, rien à voir avec les grognasses de chez Serpentard. Non, elle, elle avait sur son visage quelque chose qui avait le pouvoir d’assouplir tout les cœurs, même les plus durs. Elle donnait envie de sourire avec elle, de profiter de la vie. Comme la plupart des garçons, Kana sentit le rouge lui monter un peu plus aux joues à ce sourire. Elle ne pensait pas qu’elle serait aussi sensible au charme naturel que dégageait la jeune Poufsouffle. Elle se ressaisit et lui réponds après s’être légèrement secouée la tête :

« O… Oui, je suis batteur… Oh et oui, bien sûr ! Ce sera parfait ! »

Alors qu’Aurora disait à ses amies de l’attendre dans la salle commune, Kana se tourna de son coté vers la porte de dehors. Il semblait faire beau malgré l’hiver qui commençait à arriver à grand pas. Elle se tourna à nouveau vers la jeune femme qui riait aux éclats devant elle. La jeune Serpentard leva un sourcil en la regardant. La bonne humeur d’Aurora était définitivement contagieuse car même Kana commençait à étirer un large sourire face à cette joie de vivre qu’exprimait sa camarade. Cette dernière lui expliqua, alors, qu’elle venait de la sauver de ses révisions concernant les sortilèges informulés. Elle lui avoua également qu’elle ne savait pas encore utiliser le sortilège de Stupéfixion convenablement, ce qui fit sourire d’autant plus la jeune vert et argent… Ce n’était, pourtant, pas un sortilège compliqué à lancer à ses yeux, mais elle n’était pas objective. Après tout, Kanaeko avait eut trois Optimals dans les trois matières de pratique magique (Sortilèges, Métamorphose et Défense Contre les Forces du Mal). Cela lui donna alors une idée… qu’elle exprimera plus tard.

La jeune Serpentard s’était bien détendu et passa sa main libre dans ses cheveux qu’elle essaya de tirer en arrière malgré les nombreux nœuds auquel se heurtaient ses doigts… Elle ne savait pas pourquoi mais Aurora dégageait un formidable pouvoir d’attraction et Kanaeko avait presque envie de lui plaire... Toujours rouge, cette fois ci de honte, elle se rendit compte qu’elle n’arrivait pas à la cheville d’Aurora question charme… Cette dernière se tenait droite, charismatique et propre sur elle. Kana était plutôt courbée et négligée… Et je ne parle pas des différences au niveau du caractère. Mais, quand même, la vert et argent sentait qu’elle allait apprécier sa présence. Elle regarde le muffin en souriant et hoche la tête avant de commencer à marcher vers la porte, ajustant son écharpe vert et argent, usée après sept ans de bons et loyaux services.

« Ouais, allons y avant que le concierge ne nous tombe dessus… »

Elles sortirent alors, Kana riant avec légèreté… ça fait du bien d’être en présence d’une personne qui insuffle autant de bonne humeur. Une fois sûr que personne ne pouvait les entendre, elle lui dit alors après avoir avalé une bouchée de sa tartine :

« Eh bien, en vérité… C’est à propos du bal de Noël. Cela fait un moment que j’y pense et… Voilà, c’est ma dernière année et j’aimerai marquer le coup. Tout le monde me voit ou en robe de sorcière, ou… comme ça. Hors, pour une fois j’aimerai… j’aimerai me pointer en robe au bal. Mais pas seulement, j’aimerais être belle. Bien coiffée, bien habillée. Le seul souci... »

Elle se gratte la tête en faisant la grimace.

« … c’est que je n’y connais absolument rien en robe, maquillage et autres potions pour les cheveux… Je n’ai jamais prit soin de moi et je pense que ça se voit un peu… C’est pourquoi je voulais te demander si tu accepterais de m’aider... »

Kana s’était arrêtée de marcher et la regardait avec une légère appréhension. Après tout, elle n’est pas très douée en matière de sociabilité et a toujours peur de dire quelque chose de blessant. Elle ajouta rapidement :

« Bien sûr, je te paierai ! Et de la manière que tu veux ! Tu m’as dit que tu as quelques problèmes pour Stupéfixer… Si tu veux, je pourrai t’aider à t’améliorer. Bien sûr, c’est comme tu le veux… Je peux aussi te payer en galions si tu préfères. »

Mais bon, dans tout les cas, elle comptait bien montrer à Aurora qu’il était hors de question d’abuser de sa gentillesse.

Octobre 1942

De l’expérience scolaire d’Aurora, il était rare de voir l’embarras revêtu de l’uniforme Vert et Argent. L’aplomb, la suffisance, l’orgueil parfois semblaient plutôt leur credo, surtout en présence des membres de la maison du blaireau qu’ils avaient une fâcheuse tendance à railler. La jeune écervelée avait même tendance à penser que la légendaire concurrence qui animait avec fureur les Gryffondor et les Serpenard n’égalait pas le dédain farouche que ces derniers vouaient à la maison Jaune et Noir. Kanaeko n’était ni la moins impressionnante, ni la moins populaire de sa promotion, et pourtant il y’avait une déconcertante humilité dans ce préambule mal assuré, presque timide, ainsi que cet acquiescement enthousiaste à la légèreté d’Aurora.

- Ah…Batteur…J’y connais pas grand-chose, mais c’est rare que ce soit une fille, non ?

L’adolescente fronça les sourcils un instant, tâchant de réfléchir aux coutumes d’un sport qu’elle ne connaissait pas. Son unique participation au Quidditch se résumait à parader dans les tribunes avec le plus d’attributs à l’effigie du blaireau, et de supporter son équipe les jours de matchs. Et si Kanaeko parut un instant interloquée devant l’agitation braillarde de l’énergumène dont elle avait sollicité l’aide, elle n’en paraissait toutefois pas vraiment insensible, parce que son sourire s’étira largement, faisant écho au rire cristallin d’Aurora qui tintait contre la pierre grise et froide. Communicative ou répulsive, la joie de vivre de l’adolescente agissait sur les autres avec un paradoxe sans demi-mesure. Et si elle avait la vague conscience d’en ennuyer certains, d’en exaspérer beaucoup, le verdict était accueilli d’un vague haussement d’épaules et d’un sourire plus large, ne se déparant jamais de cette légèreté pleine de fraîcheur dont elle faisait profiter ceux qui y adhéraient.

Et l’adolescente à la peau caramel semblait de ceux sur qui cet enthousiasme fonctionnait ; car son malaise s’était dissipé, étiolé dans ce sourire esquissé, dont la lueur effaçait toute trace d’embarras qui aurait pu subsister sur le visage désormais confiant. Désormais à son aise, ses doigts passèrent dans un geste inconscient, presque négligé, dans sa longue chevelure brouillonne, et Aurora grimaça lorsqu’elle vit les doigts se heurter aux nœuds douloureux qui devaient, innombrables, enchevêtrer la tignasse emmêlée. Kanaeko laissa retomber sa main le long de son corps, serrant un peu plus le nœud de son écharpe verte et argent avant de s’engager vers la fraîche mais somptueuse matinée d’automne qui s’annonçait au dehors.

Aurora approuva d’un vigoureux signe de tête, très loin d’elle le désir de gaspiller son temps libre en retenue à dépoussiérer les trophées sans magie ou à récurer les chaudrons chez Slughorn. L’air frais leur fouetta doucement les joues qui rosirent, tandis que, l’espace de quelques secondes, la lumière du soleil éblouit de plein fouet le regard d’encre d’Aurora, qui battit des cils un instant avant d’imiter sa comparse et de mordre dans son muffin qu’elle mâchonna d’un air distrait, écoutant la demande de la batteuse de septième année.

Aurora ouvrit des yeux ronds, tandis qu’un sourire flatté s’esquissa sur son visage mutin. Il aurait été mentir que de dissimuler sa surprise. Kanaeko n’avait pas l’apparence de celles qui lui achetaient ses produits, ou qui se souciaient simplement de leur mise vestimentaire ou capillaire. Avec sa tenue de musicien moldu et sa longue chevelure emmêlée, le terme de garçon manqué semblait avoir été inventé pour celle qui semblait prioriser le confort à la coquetterie. Souriant néanmoins devant la mine déconfite, désespérée presque de la jeune fille qui avouait son ignorance envers la moindre des choses relatives à l’apprêt, Aurora s’apprêta à la rassurer. Il n’y avait rien, dans la négligence de l’apparence de Kanaeko, qui lui paraissait insurmontable, bien qu’il faudrait s’armer de patience pour le chantier titanesque que s’annonçait le démêlage de la chevelure brouillonne ;

- Belle tu l’es déjà, donc ce ne sera pas un problème ! En tout cas, tu as frappé à la bonne porte ! Je ne te cache pas qu’il nous faudra du temps et de l’huile de coude pour s’occuper de tes cheveux…Ils sont très jolis, hein, ce n’est pas la question ! Seulement, est-ce que tu les démêles tous les jours ? Tu les hydrate ? Je me souviens que la chanteuse du groupe de jazz de papa, qui était afro-américaine, disait que les cheveux crépus avaient tendance à devenir très secs…Bon les tiens le sont moins, mais tout de même…

La marche avait cessé, et les deux adolescentes se faisaient maintenant face. Aurora profita de cette proximité pour se saisir un bref instant et du bout des doigts de la pointe de l’épaisse et longue et tresse qui retombait sur l’épaule de la jeune batteuse. La chevelure lui parût un peu rêche sous les doigts, prouvant la théorie d’Aurora. Avec un entretien minimum, la chevelure de la jeune Serpentard promettait d’être sublime. Sous les nœuds s’imprimaient des vagues qui pourraient retomber en boucles harmonieuse autour de son visage qu’elle avait joli et, démêlée, sa chevelure lui tomberait presque au creux de la taille. Quant à la tenue, son corps sculpté par le sport et sa peau caramel pouvaient lui permettre nombre de fantaisies, quand l’apparence d’Aurora affichait déjà la volupté paresseuse qui s’exacerberait tout au long de sa vie. L’adolescente laissa doucement retomber la lourde tresse sur l’écharpe de la batteuse en haussant les épaules ;

- Tu me paieras le Nutri’Vit si tu décides d’en réutiliser après notre petite séance ! Ceci dit, je ne dis pas non à quelques cours de Stupéfixion, ça me serait plus utile que des gallions ! Mais je crois que tu ne sais pas vraiment dans quoi tu viens de te fourrer ! Aurora eut de nouveau un bref éclat de rire, avant de continuer ; Si tu me laisses carte blanche, et si tu n’es pas timide, on pourrait te trouver une tenue géniale…Il y’a tant de couleurs qui t’iraient…Du rouge vif, si tu l’oses, ce serait sublime ! Ou alors du blanc, sur ta peau ce serait si joli, ou même du rose pâle…Avec des hauts talons, pour souligner tes longues jambes ! Tu sais marcher en talons ?

Aurora cessa un instant, ne voulant pas effrayer la pauvre jeune fille qui risquait de regretter d’avoir solliciter. Passer d’un costume trois pièces de jazzman moldu à une robe écarlate et des talons aiguilles avait de quoi effaroucher, et la Poufsouffle n’avait pas coutume de faire dans la demi-mesure. Une autre question, pourtant, primordiale, la taraudait ;

- En revanche, il y’a un souci de « logistique ». Nous ne sommes pas dans la même maison, aussi nous ne pouvons pas nous retrouver dans une de nos salles communes, et dehors, ce sera impensable à cette époque de l’année. Tu as une idée ?

Aurora esquissa un nouveau sourire en plantant un regard dans le sien, mordant de nouveau dans son muffin en attendant sa réponse.

Octobre 1942

En totale objectivité, Kana ne se savait pas « populaire ». Elle savait qu'elle avait acquis une certaine renommée en défendant les plus faibles de sa maison, mais pas au point qu'on la connaisse au-delà des cachots de Serpentard. Après tout, même en tant que joueuse, elle n'occupait pas un poste très suivi. Les héros des matchs sont toujours les attrapeurs. Mais, ça lui allait bien de ne pas être tout le temps suivie par un petit fan club... Elle aimait bien sa solitude, son calme et ses amis. La Serpentard savait qu'elle ne pourrait jamais vivre comme vivait Aurora : Tout le temps suivi des yeux par tous les garçons de sa promotion sans parler des choses (parfois très crues) chuchoté dans son dos... Les belles femmes sont souvent traitées comme des morceaux de viandes par les garçons. Parfois, Kanaeko remerciait le ciel de ne pas être intéressée par le sexe opposée, juste pour cela !

« Non en effet... Je suis la seule fille dans mon équipe à vrai dire... C'est notre ancien Capitaine qui m'a fait rentrer contre toute attente... »

La vert et argent ne s'attendait pas à ce qu'Aurora paresse aussi intéressée. Comme dit précédemment, elle avait entendu dire que c'était une fille charmante et d'une grande gentillesse et, à ce qu'elle pouvait remarquer au premier abords, c'est que ce n'était absolument pas exagéré ! Ne s'intéressant pas au Quiddich, elle se montre, tout de même, curieuse par rapport à Kanaeko. En tout cas, la belle avait réussi à mettre à l'aise la jeune Serpentard qui marchait à ses côtés et qui venait de terminer (enfin) sa tartine beurrée.

Aurora semblait flattée par cette proposition... Cela se voyait sur son visage. Sa réputation la précédait et elle ne semblait pas se rendre compte à quel point ! Qui plus est, pour qu'elle soit jalousée par les commères de Serpentard, c'était parce qu'il y avait une bonne raison ! En tout cas, elle allait avoir du travail, mais la jaune et noire ne semblait pas du tout effrayée par l'ampleur du chantier... Bien au contraire même ! Elle semblait presque inspirée. Lorsque Aurora révéla trouver Kana « belle », celle-ci se sentit rougir... Ce n'était pas un adjectif utilisé très souvent pour l'attribuer et, l'entendre de la bouche d'elle fille comme Aurora, ce mot avait un sens bien plus fort... Cette jeune femme lui fit part du travail que cela allait représenter et pas seulement pour elle ! Kana allait devoir changer ses habitudes et devra commencer à prendre soin d'elle bien avant le bal pour que cela fonctionne, aussi, lorsqu'elle commença à lui poser des questions sur l'entretien de ses cheveux, elle détourna le regard en les touchants... Oh ils étaient solides ses cheveux, mais dans un triste état de sécheresse.

« Euuuuh... Pour être honnête je les démêle environ... Une fois tous les deux mois ?... Lorsque ça ne ressemble plus à grand-chose ou que ça me gêne. Je n'utilise du produit que dans ses moments là... »

Elle rit bêtement en la regardant. Kanaeko ne savait pas que son père faisait parti d'un groupe de jazz ! Ce n'était pas son style de musique préféré mais elle aimait en écouter de temps à autres et leur style vestimentaire restait son préféré (ce qui se voit tout de suite d'ailleurs). Elle voulu lui en parler, mais Aurora était bien plus proche qu'elle ne le croyait et, du bout des doigts, la jeune Poufsouffle caressa une mèche de cheveux de Kana qui se sentit raidir et rougir d'autant plus. Les doigts de la jeune femme avaient quelque chose de délicat... Elle semblait analyser ses cheveux. La Serpentard, elle, avait tout le loisir d'observer le visage de celle qui allait la relooker... Aurora avait des traits parfaits que même les rayons du soleil levant mettaient en valeur. Sa peau semblait sans défaut. Ses cheveux brillaient intensément à cette lumière jaune-orange, y laissant des reflets roux, blonds et brins... Ses yeux clairs, brillant de vie et de douceur, continuaient de l'analysrt... Kana eut le désir fou de vouloir passer une main dans ses cheveux elle aussi... Ils semblaient si doux. D'ailleurs, le léger vent du matin semblait apporter vers elle une douce odeur de fleur et de miel provenant de la chevelure de la belle... Son coeur vacilla un instant.

Il lui fallu que la jeune Poufsouffle reprenne la parole pour qu'elle sorte de sa rêverie, les joues toujours aussi rouges... Heureusement, le froid du matin pouvait être une bonne excuse face à une telle réaction cutanée. Elle hocha vigoureusement la tête aux paroles de la jeune femme en face d'elle. Bien entendu, elle allait payer les produits, cela allait sans dire ! Tout comme les robes et les chaussures. Un sourire s'étira sur son visage, heureuse qu'on lui permette de jouer les professeurs. En plus, ça l'aidera elle-même à réviser pour ses ASPICs. A ses paroles, elle ne put s'empêcher de rire légèrement elle aussi...

« C'est toi qui ne sait pas dans quoi tu t'embarques... »

Qui allait avoir le plus de travail ? Kana qui offre des cours de soutien à Aurora, ou cette dernière qui va lui apprendre à s'habiller, se coiffer et se maquiller, chose que la Serpentard n'a jamais fait de sa vie ! D'ailleurs, elle fit une grimace quand on lui parla de talon.

« J'adore le rouge !... Ou le violet... Évitons juste le rose. » Elle sourit bêtement et, avec ses doigts séparé d'un écart de quelques centimètres à peine, lui montre la taille du plus grand talon qu'elle ait porté. « Le plus haut talon que j'ai porté faisait ça à peu près... Il s'agissait plus de bottes qu'autre chose, après... Je n'ai jamais essayé de hauts talons... Mais ne t'en fais pas ! Ça ne me fait pas peur d'essayer ! »

Mais Aurora enchaînait les compliments à Kana ce qui n'aidait pas à faire retomber le rouge de ses joues. Bien que sa peau sombre aidait à rendre cela plus discret, elle savait que cela allait finir par se remarquer... En tout cas, l'idée de la transformation ne lui faisait pas peur... pour l'instant. La Serpentard avait une idée en tête et ne comptait pas la lâcher. Après tout, cela reviendrait, en plus à avoir dérangée Aurora pour rien et ça, il n'en était pas question. Elle leva les yeux au ciel et fit une grimace... Sentant le regard de la jeune Poufsouffle sur elle, repensant à tous les compliments qu'elle venait de lui offrir : elle n'arrivait pas à perdre les rougeurs de son visage et à se concentrer ! Une idée lui vint tout de même en tête... Mais cela ne lui plaisait que moyennement. Elle ne connaissait Aurora que depuis quelques minutes et son idée revenait à lui révéler un secret que même Darragh et Lavande ignorent.

« Hum... J'ai peut-être un endroit... Mais, il devra rester secret quoi qu'il arrive !... C'est un endroit qui serait parfait pour tout, du relooking aux entraînements. Mais... Vraiment, ça devra rester entre nous. Tu penses pouvoir garder ce secret ? »

Elle aurait voulu se montrer froide et autoritaire... Montrer qu'elle prenait ce secret au sérieux, mais elle n'y arrivait pas. Aurora était un tel symbole de positive attitude qu'elle ne voulait même pas prendre le risque de la froisser. Du coup, elle avait parlé simplement tout bas avec un air presque supplient qui ne lui ressemblait pas... La dernière fois qu'elle avait parlé ainsi, c'était pour empêcher Lavande de déprimer à Pré-Au-Lard... En parlant de cela, Kana ne s'en était pas rendu compte, mais elle avait attrapé doucement les mains de la jaune et noire en fin de phrase... Lorsqu'elle s'en rendit compte, cette fois-ci, elle avait les joues si rouge qu'elle en avait chaud malgré l'air frais et piquant du matin et elle ne savait pas si elle devait la lâcher ou pas...

Octobre 1942

Aurora hocha la tête avec enthousiasme, ne se déparant pas de son rire. S’il était indéniable que le Quidditch ne l’intéressait guère, l’idée que la seule fille de l’équipe de Serpentard occupe un poste de coutume réservé aux gros bras patibulaires lui plaisait. Son sourire s’élargissait encore lorsqu’elle rétorqua à la jeune batteuse, que sa sélection semblait avoir étonné :

- Ou alors c’est que tu es très douée, puisqu’il t’a préférée à n’importe quel gros bras…

Etrangement, c’est la batteuse, l’aînée, la Serpentard qui sembla se recroqueviller sur elle-même lorsqu’Aurora l’inonda littéralement de questions relatives à sa routine capillaire qui, à vue d’œil, paraissait somme toute très limitée. D’où l’importance des louanges de la jeune fille relative à la crinière désordonnée, compliments honnêtes malgré son état d’indéniable abandon à elle-même. Les cheveux avaient une longueur sublime et lui tombaient au creux de la taille, et, derrière la sécheresse et les innombrables nœuds, on percevait les ondulations brouillonnes qui promettaient de merveilleuses boucles une fois disciplinées. Kanaeko eut un rire embarrassé en avouant à la poupée coquette qui lui faisait face que ses cheveux ne voyaient le peigne qu’à raison d’une ou deux fois par mois. Aurora ne put réprimer une grimace crispée, se demandant vaguement comment la jeune fille pouvait s’endormir les cheveux emmêlés.

Il était vrai toutefois qu’en matière de coquetterie, les étudiantes étaient comme le jour et la nuit. Et Aurora admettait sans peine qu’il y’ait un juste milieu entre le démêlage mensuel capillaire et frôler la crise de panique lorsqu’elle s’apercevait avoir oublié sa petite brosse sur la table de chevet de son dortoir. De fait, la Poufsouffle reprit bien vite contenance, joignit son rire à celui de la batteuse, tâchant de mêler à son enthousiasme un peu trop naturelle une délicatesse dont il était parfois exempt ;

- Mais tu dois y passer des heures ! Tu devrais plutôt passer cinq minutes chaque soir à les brosser, tu vas te faire très mal si tu t’y prends tous les deux mois…En plus ils sont très longs…

Le manque d’un tact certain se révéla dans cette proximité soudaine, non consentie, lorsqu’Aurora s’approcha pour se saisir de la tresse de l’intéressée qui n’avait rien demandé et qui parut embarrassée, un instant, les joues rosies par une pudeur inexistante chez sa comparse. Le trouble de la Serpentard était toujours manifeste lorsqu’Aurora laissa doucement retomber la lourde tresse sur la poitrine de la jeune fille, et lorsqu’elle évoqua en riant le chantier titanesque au cœur duquel la pauvre batteuse s’engouffrait, en proposant à l’écervelée d’apprendre à stupéfixer. Son rire se joignit au sien et elle semblait avoir retrouvé son aise, lorsqu’elle répliqua à la coquette que sans doute, c’était elle qui ignorait dans quoi elle s’embarquait, en acceptant la tâche de rendre féminine la batteuse aux allures de garçon manqué.

- Ça ne me fait pas peur !

Un rire joyeux éclata encore, surexcitée à l’idée de la transformation qu’elle pouvait accomplir chez Kanaeko. Son visage s’illumina un peu plus, et ce malgré la grimace de la batteuse, lorsqu’elle évoqua le rouge. Aurora avait jeté l’idée sans y croire, comme un pavé que l’on aurait lancé dans une mare, s’attendant à un refus catégorique de la part de celle dont la mise semblait vouloir éviter les regards. Il apparaissait que la jeune fille semblait plus négligée que réellement timide, et son exclamation suffisait à l’esprit volage d’Aurora pour se l’imaginer rayonnante, sa longue silhouette élancée glissée dans une robe fourreau cramoisie. Elle regarda l’écart entre les deux doigts de la Serpentard, qui mimait la hauteur de talons à laquelle elle s’était déjà aguerrie. Aurora sourit. C’était tout à fait honorable. Après tout, elles n’étaient encore que des adolescentes, des jeunes adultes peut-être, et l’art rigoureux de la marche en talons aiguilles restait perfectibles pour elles. De plus, la jeune fille semblait courageuse et déterminée, aussi la coquette n’eut aucun mal à se l’imaginer affublée d’escarpins de hauteur convenable, allongeant là sa silhouette déjà élancée et sportive. Ah, en réalité, c’était d’un excellent défi qu’il s’agissait là ! Seulement voilà. L’exaltation retomba un instant, et le sourire d’Aurora s’affaissa en une moue presque comique, devant le souci d’organisation qui menaçait de réduire à néant leur petit projet. Car avec toute la meilleure volonté du monde, il paraissait impensable de se livrer à des essayages et à de longs préparatifs capillaires dans le Parc gelé en plein hiver. Les salles communes restaient exclusivement réservées aux élèves de chaque maison, et l’idée de se retrouver au cœur de celle des Serpentard, même accompagnée par Kanaeko, lui procura un imperceptible. Trouver une classe vide s’avèrerait peu pratique, et auquel cas, il y’aurait fort à parier que la punition serait rude, si un Professeur venait à les découvrir en pleine séance de maquillage.

Kanaeko semblait avoir une solution. Une solution secrète, qu’elle semblait presque avouer à contrecœur, et qui fit lever le regard d’ambre d’Aurora, étincelant d’une curiosité ravie. Le ton de la jeune fille s’était affermi, comme pour signifier à l’adolescente qu’elle tenait vraiment à ce que cette information reste entre elle. Ce faisant, presque inconsciemment, elle s’était approchée et s’était emparée des mains de la jeune Poufsouffle. Aurora fronça les sourcils un instant. Elle aurait bien aimé lui dire qu’elle n’avait aucun intérêt à trahir ce secret qui les arrangeait toutes les deux. Elle aurait bien aimé lui dire que la loyauté des Poufsouffle, trop souvent oubliée des Serpentard, restait un de leurs traits prédominants de caractère et qu’un vague instinct de survie semblait la prévenir de ne pas chercher trop de noises à la batteuse des Serpentard qui lui faisait face. Aussi la hardiesse dont elle ne se déparait jamais reprit ses droits, et ses yeux d’ambre se plantèrent dans le regard noisette fort d’une détermination qui semblait une seconde nature. Comme pour la rassurer, elle exerça une légère pression sur les mains qui s’étaient emparées des siennes ;

- Bien sûr…Tu sais bien que nous les Poufsouffle sommes réputés pour notre loyauté…Je ne dirais rien, et en plus, je n’ai pas envie de me mettre à dos une batteuse ET une sorcière aussi douée en Sortilèges ! Et, très honnêtement, tu m’as rendue très curieuse, je ne vois vraiment pas ou Poudlard pourrait cacher un tel trésor !

Aurora eut un sourire rassurant, le regard brillant d’excitation. Poudlard, décidément, regorgeait de merveilles dissimulées et plus formidables les unes que les autres, pour peu que l’on soit un tant soit peu curieux. En réalité, une vie en ces murs ne suffirait sans doute pas à apprivoiser chaque recoin de pierre, chaque angle de mur, qui avait vu là les expérimentations et les sortilèges de centaines de générations de sorciers et ce, depuis plus de mille ans.

Octobre 1942

Aurora ne cessait de l'étonner de par sa gentillesse et sa douceur. Jamais encore elle n'avait rencontré pareille personne... Enfin, si, il y avait bien une seule personne qui s'était toujours comporté ainsi avec Kana : son propre père. Toujours le sourire avec elle et le mot qu'il fallait pour remonter le moral, tout cela en gardant une bonne dose d'honnêteté et de franc parlé. La belle Poufsouffle arrivait sans mal à trouver les mots justes et la Serpentard sentait son cœur s'alléger petit à petit. La jolie blonde l'encourageait, lui rappelant qu'elle avait été choisie pour une bonne raison dans son équipe à la base... Parfois, cela peut faire bizarre de se sentir autant supporter lorsque l'on n'y est plus vraiment habituée.

Comme il fallait s'y attendre, Aurora grimaça lorsque Kana lui avoua n'entretenir ses cheveux que lorsqu'elle en avait le courage... A savoir trop peu souvent. Il fallait s'y attendre. Les cheveux de la jeune femme à l'uniforme jaune et noir étaient toujours impeccables de propreté et de coiffure. A côté de la bien séance de la Poufsouffle, la vert et argent donnait l'impression d'une Amazone dans une tenue de garçon. Kanaeko ne put qu'approuver dans un triste signe de tête... En effet, ses cheveux étaient très longs... L'époque à laquelle ses cheveux ne touchaient qu'à peine ses épaules étaient déjà bien loin derrière elle. Mais elle prit la remarque du bon côté, car c'était la vérité. S'occuper de ses cheveux était une vraie souffrance, mais il le fallait bien et puis... il faut le dire, ses entraînements du samedi soir sont souvent bien plus douloureux.

Le rire d'Aurora, son regard pétillant et sa réponse à ce défi mutuel ne fit que plus briller le regard vairon de la Serpentard qui s'était plongé dans celui de la Poufsouffle. Elle se demandait si Aurora l'imaginait déjà en beauté, bien coiffée, dans une belle robe... Savait-elle vraiment dans quoi elle s'embarquait en sachant que Kanaeko ne savait même pas se tenir comme une demoiselle ? Le défi le plus important était sans conteste le sien. La miss en tenu de jazzman comptait bien lui rendre la pareille de la plus efficaces des façons, se disant qu'elle devrait lui offrir des cours particuliers digne d'Aurora et adaptés à ses besoins... Tout allait vite dans sa tête et, déjà, elle savait ce qu'elles allaient faire durant cette première séance. Les deux jeunes femmes semblaient aussi excités l'une et l'autre par ce défi commun. Bien qu'elle savait qu'Aurora allait être d'une grande sympathie, elle ne s'attendait pas à l'apprécier et, encore moins, aussi rapidement. Leurs univers et leurs préoccupations sont opposées. D'ici quelques années, Kana chassera des mages noirs et aura une vie ponctuée de morts et de sang... alors que l'actuelle Poufsouffle sera sûrement en train, qui sait, d'inventer une nouvelle potion pour les cheveux, le nez dans la citronnelle et les doigts dans sa douce crinière dorée. Vu sous cet angle, il semblait impossible pour ces deux femmes de deux univers opposés de s'entendre de la sorte et, pourtant c'était le cas...

Mais il fallait trouver un lieu... Kanaeko avait eu une idée, mais cela ne lui plaisait guère de révéler aussi tôt un tel secret à une personne qu'elle ne connaissait qu'à peine... Mais Aurora avait ce genre de visage, tellement joyeux habituellement que, dès qu'elle vit son sourire s'affaisser, elle serait prête à se plier à tous ses caprice... juste histoire de revoir ce beau sourire revenir sur ce doux visage. Elle s'était emparée des mains de la jeune poupée presque inconsciemment et attendait sa réponse... Elle eut un peu peur en voyant ses sourcils se froncer, mais, au final, ce qui avait semblé le plus l'offenser, s'était d'avoir mis en doute sa parole de Poufsouffle. Kana sourit doucement à sa réponse... C'était ce qu'elle voulait entendre même-ci elle ne voulait pas lui faire peur... Malgré elle-même, son sourire se fit mi-amusé, mi-mesquin. L'excitation d'Aurora était fortement perceptible. Visiblement, elles partageaient bien plus de choses en commun que ni Kana, ni personne sans doute dans tout Poudlard n'aurait jamais deviné : Cet attrait pour l'inconnu, l'aventure. Doucement alors, ne voulant pas rendre cela gênant, la Serpentard hocha la tête et retira doucement ses mains, profitant discrètement de la douceur de celles d'Aurora sur les siennes.

« Exactement ce que je voulais entendre... Tu sais, je suis chez Serpentard je te rappelle. Ce n'est pas la maison dans laquelle on apprend beaucoup à faire confiance aux gens, mais je ne t'apprends rien. »

Elle ne voulait pas discréditer non plus sa maison qu'elle considère, malgré tout, comme la plus noble des quatre. Mais la gangrène des sangs purs était lourdement implantée sur le serpent d'argent et, malgré tous les efforts de Kana et des nombreux autres « gentils » Serpentard, ce sont toujours les sangs purs comme Desiderata Rosier qui se font le plus remarqué dans leurs actes, donnant à la maison vert et argent une réputation toxique et exécrable. Elle sourit à nouveau. Dans un sens, Kanaeko aurait bien voulu lui dire qu'elle ne risquait rien d'elle... mais elle préférait ne rien promettre. Après tout, elle ne connaissait Aurora que depuis trop peu de temps même-ci tout son être voulait avoir confiance en elle.

« Asseyons nous, veux-tu ? »

Elle retira sa veste et la posa au sol, derrière Aurora avec une certaine galanterie masculine. La veste ouverte était assez large pour que les deux jeunes femmes puissent s'asseoir dessus confortablement. Les avant-bras de Kana exposés, on pouvait facilement y voir quelques bleus de tailles variés, plus ou moins récent. Malgré la faible température de cette matiné d'Automne, elle ne semblait absolument pas avoir froid. La Serpentard en sortit sa baguette et décrivit un arc de cercle au-dessus de leur tête.

« Assurdiato. »

Un bruit sourd se fit entendre, mais rien de plus ne semblait s'être produit... Ce sortilège étant de l'invention de la jeune vert et argent (du moins, le pensait-elle), cette dernière s'expliqua :

« Ce sortilège empêche toute oreille indiscrète de nous entendre. Je ne veux pas que n'importe qui surprenne ce que je vais te dire. »

Son regard se perdit sur la baguette en bois d'acacia qu'elle faisait tourner dans ses mains, la garde en acier tapant à chaque tour la cuisse de la jeune femme assise en tailleur.

« La salle dont je te parle s'appelle la Salle sur Demande. J'en avais entendu parlé vite fait, quand j'étais en première année, par des élèves de ma maison et je m'en suis souvenue parce que cette légende m'avait marqué. C'est une pièce qui apparaît à quiconque est à la recherche d'un lieu pour une raison ou une autre. Il se trouve que... je l'ai trouvé. »

Elle sourit et regarde Aurora.

« Mise à part les produits comme la nourriture ou les ingrédients de potions, cette pièce nous offre toujours tout ce don on a besoin. Mannequins, plumes, lits, chaises, outils... Tout ce que l'on veut. C'est le lieu idéal pour nous ! »

Octobre 1942

Même Aurora avait de quoi être décontenancée par la mine contrite de la jeune fille qui semblait se fondre sous le reproche doucereux de la Poufsouffle. C’est qu’il n’était pas dans l’ordre naturel des choses de voir une élève de Serpentard, douée en duels et en Magie, batteuse de surcroît, accepter sans rien dire le conseil de l’écervelée de la Maison du blaireau, que les Vert et Argent avaient une fâcheuse tendance à dénigrer. Il y’avait chez cette adolescente une humilité qu’on ne trouvait que rarement au sein de sa Maison. Et en réalité cette sagesse contribuait à lui donner une bonne leçon, elle qui se targuait d’avoir l’esprit trop libre et trop bienveillant pour les préjugés. Les clichés, de toute évidence, étaient tenaces, et les tenir à distance semblait un combat de longue haleine et de chaque instant. Aurora tâcherait de s’y employer.

Après tout Kanaeko n’avait-elle pas bravé l’océan qui séparait leurs deux personnalités aux antipodes l’une de l’autre ? Chacune sur une rive opposée, c’est elle qui avait franchi le fossé qui les séparait. Maison, loisirs, caractère, amis…L’étudiante avait outrepassé toutes les barrières avec courage, et ses efforts en étaient récompensés, puisqu’Aurora, non seulement acceptait de l’aider, mais se trouvait de surcroît ravie et flattée que sa réputation atteigne jusqu’aux confins de la Salle Commune des Serpentard. Sa curiosité piquée au vif, elle s’empressa de rassurer l’adolescente, lui avouant sans ambages qu’elle n’avait de toute façon ni le courage ni l’envergure pour trahir quelqu’un de sa trempe, si tant est que cette idée puisse lui traverser l’esprit.

Et la jeune fille semblait avoir convaincu la Vert et Argent, car la méfiance semblait se briser comme une digue lorsque les traits roidis de son visage se détendent et qu’elle confirme elle-même ce cliché qui a la vie dure au fond de l’esprit d’Aurora. Les Serpentard ne font confiance à personne, sans doute parce que beaucoup en sont peu dignes. Et si la bonne jeune fille se faisait violence pour ne pas penser ainsi, Kanaeko elle-même venait de lui confirmer à demi-mot. Ses mains glissèrent des siennes dans un geste lent, presque doucereux, tandis qu’elle l’invite à s’asseoir, comme pour mieux exposer cette découverte précieuse qu’elle lui fait l’honneur de lui révéler.

Aurora hoche la tête et la remercie, vaguement surprise de cette sollicitude presque masculine qui lui fait ôter sa veste pour qu’elle puisse préserver son séant et sa robe châtaigne de la rosée qui perlait encore sur l’herbe grasse. Réflexion idiote mais insufflée par la culture du siècle, au sein duquel quelques codes chevaleresques perduraient mais où la sororité avait si peu sa place que l’adolescente écarquilla un instant les yeux avant de prendre place et la remercier d’un large sourire. Kanako s’installa sur l’autre moitié de veste que la Poufsouffle avait laissé libre à son intention, la regarda brandir sa baguette et fronça les sourcils un moment devant ses avant-bras couverts de bleus. Il était rare que la jeune fille n’ose pas proférer quelque chose qui lui brûle la langue. Mais le sujet était délicat et l’adolescente trop peu intime avec elle pour risquer de se la mettre à dos ainsi. De plus, elle ne semblait pas fille à se laisser intimider. Sans doute était-elle celle qui cherchait la bagarre, ou n’étaient-ce là que les stigmates de son entraînement de Quidditch. Où peut-être un peu des deux.

Son esprit léger fut détourné de sa réflexion par une formule qu’elle n’avait jamais entendue auparavant, suivie d’un bruit sourd qui fut la seule manifestation d’une quelconque magie. « Qu’est-ce que… » Et Aurora n’eut guère le temps de poursuivre son questionnement, son regard d’ambre planté dans les yeux sombres de la Serpentard, car elle avait amorcé sa surprise en lui expliquant qu’il s’agissait là d’un sortilège rendant leur conversation secrète au monde extérieur. « Wahou ! » S’exclama la Poufsouffle émerveillée ; « Tu es vraiment super douée en Sortilèges ! Mais on a pas appris cette formule en cours, si ? Je sais que je suis pas très attentive mais je pense que je m’en serais souvenue, quand même ».

Aurora avait froncé les sourcils, paraissant creuser dans les tréfonds de sa mémoire volatile afin de souvenir de quelque chose qui ne lui revenait pas. Mais il y’avait là bien plus croustillant, et en réalité l’adolescente n’avait pas songé à une découverte aussi merveilleuse que celle qui se déployait à ses yeux d’ambre, s’exhalant des lèvres de la Serpentard qui lui faisait là un incroyable honneur. Sa bouche s’écarquilla et un instant sa mine s’affaissa. Elle se moquait d’elle, non ? Etait-ce une nouvelle cruauté raffinée de ces filles de Serpentard qui se jouaient de sa crédulité ? Aurora leva un instant les yeux vers le sourire de Kanaeko. Elle ne croyait pas à sa malice. Eut honte même de l’avoir imaginée un instant. Mais cette maison lui en avait fait, des méchancetés, et cette salle semblait si incroyable qu’il était légitime d’avoir peine à le croire. L’enthousiasme qui faisait sa nature profonde la reprit aussi vite, comme un soleil tenace qui balaye un nuage inopportun ;

- Mais…C’est merveilleux ! Comment as-tu fait pour la trouver ? Elle offre TOUT ce dont on a besoin ? Mais c’est génial !!! Tu te rends compte ? Si on veut trouver une chambre pour dormir tranquille, on peut ? Si on veut se réfugier dans un endroit romantique avec un garçon ? Si on veut faire des Potions, des essayages ? Et tu croyais que j’allais répéter ça à quelqu’un ? Tu rigoles, je garde un trésor pareil pour moi ! Merci de m’avoir révélé son existence ! Je te fournis en Nutri’Vit et je te coiffe pour tes soirées jusqu’à la fin de tes jours, si tu veux !

Aurora éclata d’un rire surexcité. Après six années d’études, Poudlard regorgeait encore de merveilleux secrets. Sans doute une vie entière passée en ces murs ne suffirait pas à déceler les trésors enfouis là par mille ans de magie et par des centaines de générations de sorciers au sein desquels quelques génies ont dû laisser leur empreinte, de quelque manière que ce soit.

Octobre 1942

Kana continuait de trouver cette petite Poufsouffle intéressante et, même, il faut le dire, adorable. On aurait dit qu’elle conservait une innocence farouche, lui procurant un émerveillement pour ces choses qui, aux yeux de la Serpentard, semblaient bien banales. Cela pouvait ne pas sembler très flatteur à l’égard d’Aurora, exprimé ainsi. Pourtant, dans un sens, Kanaeko l’enviait. Trop en avoir vu, trop avoir souffert pour des choses qui auraient dû la rendre heureuse, l’avaient rendue plus fermée, plus exigeante et plus envieuse, débouchant sur les valeurs des Serpentard comme l’ambition et la ruse. Aurora était ce que, Kana appelait, une femme enfant, curieuse et, malgré ses lacunes, avide d’apprendre. Sa légèreté naturelle et son sourire jouait comme un pensement sur la douleur résiduelle des épreuves passées.

Ainsi, lorsqu’elle lui posa la question concernant le sortilège, Kana fini par lui répondre :

« Alors, non… Et tu ne le trouveras dans aucun livre. C’est un sortilège que j’ai inventé afin de me cacher des oreilles trop curieuses… »

Sur cette phrase, elle se tapote l’oreille du bout de sa baguette en lui faisant un clin d’œil. Oh oui, la dur à cuir avait une certaine fierté par rapport à ses capacités magiques et à son instinct. D’ailleurs, elle n’avait pas souvent l’occasion de crâner, d’où son air quelque peu fier en lui expliquant que le sort venait de sa tête. Mais bon, elle ne voulait pas non plus se montrer trop lourde… Du coup, elle proposa à Aurora :

« Si tu le souhaites, je te l’apprendrais. Mais pas avant que tu ais maitrisé le Sortilège de Stupéfixion. »

Ce sera un genre de deal passé entre les deux jeunes femmes et une motivation de plus pour Aurora. Kana se faisait peut-être des idées clichées, mais une fille comme elle pourrait avoir de nombreuses raisons d’utiliser un tel sort… Etrange de proposer ce genre de marché à une fille qu’elle connaissait à peine mais, encore un fois, c’était l’instinct de la Serpentard qui parlait. Il faut dire que les raisons de se méfier de la jeune Poufsouffle étaient minces… Ce qui ne semblait, cependant, pas le cas d’Aurora envers Kana. En effet, la batteuse nota la réaction septique de son interlocutrice lorsqu’elle lui parla de la salle sur demande. En vérité, comment lui en vouloir ? Elle ne la connaissait pas et la réputation de rebelle de Kanaeko n’était plus à refaire, sans parler de la simple couleur de son écharpe, lui rappelant que sa maison représentait la fourberie. Mais, finalement, elle sembla changer d’avis intérieurement et se retrouva à nouveau enthousiaste. Kana fini par rire avec elle à sa réponse. Sa réaction finale l’amusait et, dans un sens, elle comprenait cette excitation. Une salle aussi extraordinaire, un secret du château qu’elle était sur le point de découvrir…

« Ahah, non ne t’en fait pas, j’achèterai le Nutri’Vit… Pour répondre à ta question, j’ai découvert cette salle simplement par le hasard… J’étais… en détresse disons. J’avais besoin d’un endroit calme et discret et, en passant devant, une porte est apparue et j’y ai trouvé une chambre douillette et chaleureuse… Le lendemain j’y suis retourné, et cette même salle était dix fois plus grande et abritait tout le nécessaire pour s’entrainer aux sortilèges ! »

Kana soupira, se rendant compte que, même dans le monde des sorciers, une telle pièce semblait tout droit sortie d’un Conte de Beedle le Barde.

« Ecoutes, je sais que ça parait trop beau et… j’ai bien vu que tu avais des doutes, mais… je t’assure que je ne te mens pas… Oui je suis une fille à problème, oui je suis une Serpentard… Mais je ne suis pas mauvaise. Enfin… je ne pense pas… »

Sur cette fin de phrase, comme quand elle est gênée, elle se tapote les indexes l’un contre l’autre.

« Si tu veux, je t’y emmène dès ce soir. Si tu es d’accord, je viendrai te chercher à ta salle commune à la tombée de la nuit… Bon, inutile de te dire que nous risquons des retenues et des points en moins MAIS… j’ai ma botte secrète pour passer inaperçu si… tu me fais confiance. »

En vérité, si Aurora refusait, elle ne pourrait lui en vouloir, mais elle serait déçue… Elle sentait qu’elle était sur le point de se faire une amie et… peut-être même plus ? Car, bien qu’elle eût décidé de fermer son cœur définitivement à l’amour, la joie de vivre et la beauté naturelle de la Poufsouffle éraflait petit à petit cette carapace, déjà bien fragilisée par la conversation qu’elle avait eu avec Gellert Grindelwald la veille.

Octobre 1942

- T’as inventé un sortilège ?! Wahou la classe !

Aurora ouvre une bouche en cœur, stupéfaite des ressources de talents et de magie dissimulés sous l’humble sourire de la Verte et Argent. C’était bien joli d’inventer des potions capillaires, mais l’exploit sorcier restait bien moindre. Certains Moldus se révélaient aussi doués dans la fabrication de crème et des d’onguents. Mais être à la base de la création d’un sortilège, fut-il simple, relevait presque de l’exploit pour une élève, même en dernière année. Le clin d’œil asséné prouvait qu’elle n’était pas peu fière de sa prouesse, et en réalité il se serait agi d’humilité mal placée. Elle avait vraiment de quoi s’enorgueillir, surtout quand son bon esprit de camaraderie poussait la bienveillance jusqu’à proposer de lui en livrer les secrets :

- On peut dire que tu sais motiver les troupes toi. Tu ferais une bonne prof.

Elle lui sourit. L’autoritarisme et la loi du bâton ne fonctionnait pas vraiment avec l’écervelée et trop légère jeune fille. La carotte était un outil bien plus approprié à son esprit volatile, et le désir d’apprendre un sortilège qui lui permettrait de cancaner tous les potins à l’abri des oreilles indiscrètes lui insufflait bien plus de motivations à s’entraîner à la Stupéfixion que n’importe quel sermon moralisateur ou punition rébarbative.

Et jamais un Professeur en six années n’avait tant réussi à capter qu’à cet instant précis, ou elle lui contait la formidable épopée de la découverte de la miraculeuse Salle sur Demande. Mieux que ces légendes arthuriennes, de quête du Graal et de chevaliers servants, la conquête de la salle à tout faire lui faisait écarquiller ses yeux d’ambre sur le visage ami de la Serpentard qui dévoilait à Aurora l’un des secrets les mieux gardés de Poudlard avec une confiance qui la touchait plus que de raison. Les Poufsouffle n’oubliaient jamais la loyauté et la gratitude envers son prochain, surtout quand celle-ci refusait son offre dont beaucoup auraient profité. Et Aurora entrouvre encore les lèvres dans un « oh » émerveillé, presque comique, au récit de la chambre douillette dont elle ne s’imagine que trop bien la lueur crépitante du bon feu ronronnant dans l’âtre et le lit en matelas de plumes. Et la largeur militaire d’une salle d’entraînement, les mannequins aux roides poses de combat, les manuels de défense meublant les étagères, l’asphalte garnie de coussins destinés à amortir les chutes. Et ses yeux brillent toujours, ne s’inquiétant pas de dévisager la pauvre Kanaeko qui, tout comme le commun des mortels sans doute, n’avait pas la même conception de l’audace que la jeune fille ;

- C’te chance ! Mais c’est génial ! C’est peut-être le truc le plus merveilleux de Poudlard ! Tu sais s’il y’a d’autres personnes au courant ? Enfin je veux dire, des gens qui l’ont vraiment trouvée ?

Et il semblerait qu’en plus de l’humilité et de la bienveillance, la batteuse se révèle beaucoup trop perspicace. Car la perplexité infondée et un peu injuste semblait s’être lue, et l’intéressée fut peinée d’avoir été si facilement percée à jour ;

- Pardon, c’est pas contre toi tu sais, et c’est nul les à priori, c’est juste que…Bah, les filles de Serpentard…Enfin, les Serpentard et les Poufsouffle c’est déjà pas le grand amour, mais bon, souvent elles se moquent de moi, alors naturellement, je me suis méfiée, une seconde. Excuse-moi mais ça paraît tellement merveilleux…Puis que tu sois soi-disant une fille à problèmes, j’en ai rien à faire moi, je suis pas l’élève de l’année non plus…

Aurora lui adresse un immense sourire qui se veut plein d’une affection et d’une chaleur qui, en plus de leur sincérité, était vouée à se faire pardonner ce petit élan d’injustice qui lui avait fait froncer les sourcils devant l’inestimable secret que son aînée lui offrait là. Sourire qui s’élargit, surexcitée à l’idée de découvrir cette merveille dès ce soir. Manque presque de battre des mains comme une fillette. Quant à la menace des retenues et des points en moins, elle lui fit hausser les épaules, et s’égrener un rire d’entre ses lèvres roses ;

- Comment refuser une offre pareille ? Carrément que j’viens…Puis tu sais, j’suis p’tête pas la plus courageuse, mais ça va les retenues et les points en moins je gère…J’adore le Parc la nuit, et il m’est déjà arrivé de me faire pincer.

Large sourire. Si la Poufsouffle n’était pas des plus valeureuses, loin s’en faut, le respect du règlement restait très aléatoire à son esprit léger, se fiant plus à la bienveillance qui l’animait qu’aux lois édictées pour contrôler ses agissements. Le loch d’Ecosse dans l’écrin duquel se découpait était bien trop merveilleux pour que la légère et trop joyeuse jeune fille ne se prive de ce doucereux plaisir qui ne faisait de mal à personne.