Octobre 1942

En effet, la jeune Serpentard n’était pas peu fière de ses exploits magiques. Après tout, ils étaient le fruit d’un long travail en parallèle de l’école. Mais ça en valait la peine, car elle était bonne à cela, sans parler qu’il s’agissait pour elle d’un loisir, autant que l’était son jeu de guitare ou ses parties de Quiddich. C’est en conjuguant ses talents magiques et en défendant les opprimés au sein de sa propre maison qu’elle avait comprit qu’elle voulait en faire son métier, ce qui n’avait fait que faire redoubler sa motivation. Néanmoins, elle ne voulait pas non plus qu’Aurora s’en sente abaissée pour autant. Après tout, la petite blonde avait aussi du talent, même si ce n’était pas dans le même domaine. La Poufsouffle avait un esprit créatif basé sur la mode et l’entretien de soi, chose qui était totalement étrangère à la brunette. Seule, elle se savait incapable de bien s’habiller, de bien se tenir et, encore moins, d’entretenir cette chevelure hirsute. Kana avait besoin d’Aurora, et Aurora avait besoin de Kana. Toutes deux se tenaient sur un pied d’égalité.

Réagissant à son compliment, Kana sentit son sourire s’élargir. Une bonne prof, elle ?… Cela la surprenait quelque peu qu’on lui donne ce genre de compliment. En vérité, elle ne pensait pas que cette simple proposition motiverai autant la belle jeune femme. Ce n’était là qu’un coup de chance. Néanmoins, cela lui permettait de savoir comment elle fonctionnait : Pour la motiver, rien de mieux qu’une récompense pour un travail accompli. C’est noté. En tout cas, la Salle sur Demande attisait sa curiosité et, encore une fois, Kana fut surprise par la confiance qu’elle lui offrait… Aurora ne pouvait s’en rendre compte, mais cela la touchait au plus profond du cœur. Elle leva doucement une main et lui sourit :

« Ne t’excuses pas… Très sincèrement, tu as raison d’avoir des doutes quand je vois certains de mes camarades. Si il y a bien une maison dont il faut se méfier, c’est bien Serpentard. »

Elle avait dit cela avec un calme mesuré, mais aussi une certaine tristesse… Après tout, elle portait fièrement l’emblème de sa maison sur sa veste, mais elle ne pouvait renier que beaucoup des personnes dont elle partageaient la salle commune étaient des mages noirs en devenir… Néanmoins, Aurora ne perdait rien de son enthousiasme et, ce magnifique sourire sur ce beau visage faisait craquer la jeune femme à l’écharpe verte et argent qui se surprenait à se rendre compte que, comme la plupart des garçons, elle était séduite par ce charme naturel que dégageait la jeune Poufsouffle… Son regards descendit un instant sur ses lèvres pulpeuses, se demandant si elles étaient aussi douce qu’elles en avaient l’air… quel goût elles avaient… Mais rapidement, elle se reprit en main et s’empressa de répondre à ses question en jouant avec un brin d’herbe, espérant que ses joues roses n’étaient pas trop voyantes.

« Je sais qu’un professeur est au courant… Mais à part lui, je ne pense pas que quelqu’un d’autre ait déjà découvert cette salle… sans pour autant en être certaine ! »

Après tout, elle n’y est pas présente tout le temps. Elle se garda bien de préciser que le professeur en question était Grindelwald. Après tout, il aurait sûrement voulu que cela reste secret pour des raisons évidente. Dans cette salle, il pouvait échapper aux Aurors et, si cela devait remonter à des oreilles plus haut placées, il pourrait bien avoir de gros problèmes…

La jeune Poufsouffle restait joyeuse et semblait sincèrement lui faire confiance. Kana lui rendit son sourire un peu intimidé toujours par ce charme… Malgré elle, elle avait toujours une réserve concernant la confiance qu’elle louait à Aurora. Mais c’était un instinct qu’elle avait développé depuis le jour où sa mère l’avait surprise avec une fille et qui n’avait cessé de grandir depuis que le Choixpeau avait annoncer après une longue hésitation « SERPENTARD », maison dans laquelle elle ne serait jamais accepté telle qu’elle est : sang-mêlée, métisse, homosexuelle… Cette carapace lui avait empêché bien des amitiés, mais au moins, jusqu’ici, cela l’avait protégée. Néanmoins, face à tant de bonne humeur et d’innocence, elle s’en voulait presque de ne pas partager cette confiance que semblait lui louer la fille au sourire angélique.

Aux paroles qui suivirent, Kana lui offrit un large sourire en retour… Alors elle aussi était un peu rebelle sur les bords ? Ce n’était pas une chose dont elle avait entendu parlé et ce fut une excellente surprise pour la jeune Serpentard.

« Tiens donc ! Je ne savais pas que tu avais un petit coté rebelle ! Étonnant qu’on ne se soit jamais croisées ! J’adore le château la nuit... »

Elles allaient de surprises en surprises et, plus le temps passait, plus cette fille lui plaisait… dans tous les sens du terme. Elle ne se disait pas courageuse, mais il fallait l’oser, sortir la nuit dehors. Finalement Kana lui tendit une main histoire de sceller leur pacte.

« Du coup, c’est entendu ?… Je te file des aides pour les cours de pratique et toi, tu me donnes un look de princesse pour Noël ? »

Octobre 1942

Le sourire fend dans toute sa largeur le visage triomphal et ravi de son aînée. C’est qu’Aurora n’est pas avare de louanges, et que si sa fraîche candeur a de quoi déconcerter, parfois, on ne peut guère douter de son honnêteté sous-jacente. Et en réalité il aurait été idiot de garder son admiration pour elle. Kanaeko ne semblait pas peu fière, elle avait raison et elle méritait qu’on le lui dise. Bienveillante, intrépide et compréhensive, la Poufsouffle avait beau se targuer d’une ouverture d’esprit dont elle se faisait un adage, force lui était d’admettre que là n’étaient pas d’ordinaires les principales qualités grâce auxquelles brillaient les comparses de la maison de la batteuse.

Et cela semblait si vrai que même elle semblait l’admettre, n’en tenait pas rigueur à l’adolescente, étudiante de la propre maison des Verts et Argents trop accoutumée à la fosse aux serpents pour en nier les vicissitudes et le comportement général qui y pullulait. Aurora lui rend un sourire soulagé de ne pas l’avoir blessée, et de sentir ainsi son avis partagé. Après tout, si même Kanaeko avouait l’indéniable, c’est le cœur plus léger que la Poufsouffle s’osa à se confesser ;

- Malheureusement oui, même si je sais que c’est idiot, j’ai tendance à me méfier naturellement maintenant.

La mine légèrement assombrie de Kanaeko fit écho à la sienne, et leurs sourires ternis par un brin de mélancolie s’entrechoquèrent à la triste réalité, que même la bienveillance solaire d’Aurora ne parvenait pas à réfuter. Mais l’éclat de cette joie naturelle qui ne la quittait jamais bien longtemps revint bien vite sur son visage, sur lequel elle sent quelques secondes le regard de son aînée s’attarder. Ne s’y attarde pas, et la jeune fille a déjà relevé ses yeux d’ambre étincelant d’une curiosité non feinte, lorsque sa nouvelle amie lui explique qu’à sa connaissance, seul un Professeur qu’elle n’identifiait pas avait accès à la Salle sur Demande. Toujours protégées des oreilles indiscrètes par le sortilège inventé par l’ingénieuse Kana, seule l’impensable trahison d’Aurora aurait pu briser la bulle que protégeait comme un écrin l’incroyable révélation de son aînée. En réalité c’était une amitié bien incongrue qui démarrait là sous les meilleurs auspices. Qui aurait-cru en un si bon début d’affection entre ces deux paradoxes de filles ? Cela, en revanche, Aurora s’en moquait comme d’une guigne, heureuse de s’être dégotée une nouvelle amie, et d’avoir, qui plus est, eu l’occasion de revoir occasion relative à la gent féminine de la fosse aux serpents.

Elle est si bienveillante qu’Aurora s’étonne de ne voir qu’un large sourire exempt de toute trace de raillerie. Elle ne se moque pas de ses petites bravades qui, sans nul doute, ressemblaient au quotidien et aux balades de santé pour la majorité des Serpentard. Même elle semble ravie de s’être dénichée une amie pour qui la rigueur du règlement ne semble pas être le premier de ses adages. Cela semblait même un de leurs rares points communs.

- En effet, c’est drôle ! Mais je me fais discrète aussi ! Puis je traîne pas trop dans les couloirs, c’est le meilleur moyen de se faire pincer ! Moi c’est le Parc ou les Cuisines, c’est pratique, nos salles communes sont juste à côté, et j’ai toujours faim !

Kanaeko lui jette une œillade amusée et ravie, scelle leur accord en le résumant d’une manière qui convient parfaitement bien à Aurora. Acquiesce d’un hochement de tête et d’un sourire qui fend en deux son visage éclatant à l’espoir de s’améliorer en pratique magique et à l’enthousiasme de découvrir la formidable salle dont elle lui avait parlé. Serre la main qu’elle lui tend avec un léger rire, aussi excitée qu’amusée par l’idée ;

- Deal ! Même si je te répète qu’à mon avis tu sais pas à quoi tu t’engages ! Je t’en voudrais pas si tu abandonnais en cours de route, puis ça m’empêchera pas de te faire un look génial ! J’ai déjà plein d’idées !

Des idées, le cerveau léger d’Aurora en fourmillait, surexcitée à l’idée d’avoir à disposition la merveilleuse salle qui, elle n’en doutait pas, aux descriptions de Kanaeko, devrait regorger de pléthore de maquillage, d’accessoires de coiffures et d’accessoires en tous genres. Curiosité à son maximum, la jeune fille en sautillerait presque d’excitation, la main ôtée de celle de sa comparse, pacte désormais scellé ;

- Du coup on dit quelle heure ce soir ? Je te retrouve devant ta salle commune ? Ou tu préfères la mienne ?

C’est qu’elle ne comptait pas laisser filer une occasion pareille. Aurora était certaine de ne pas pouvoir dormir de la nuit, si Kanaeko ne lui montrait pas la salle dès ce soir, comme promis par elle-même.

Octobre 1942

D’ailleurs, quelques regards curieux se tournaient, de-ci de-là, vers les deux jeunes femmes. Beaucoup se demandaient ce que cette fille bizarre de Serpentard faisait avec la jolie jeune femme de Poufsouffle et, surtout, qu’est ce qui semblait les avoir rapprochées ? Après tout, elles semblaient bien souriantes, toutes les deux, emprisonnées dans leur bulle qui empêchait quiconque de les épier. En tout cas, il s’agissait là bien de la naissance d’une amitié et, probablement, d’une future complicité plutôt inattendue entre ces deux femmes aux tempéraments, pourtant, opposés. Kana rit une fois de plus à sa réponse.

« Ah ça oui, je le confirme, les couloirs c’est dangereux… N’empêche, vous en avez de la chance d’être à côté des cuisines ! Après on s’étonne que les Poufsouffle aient la réputation d’être de grands gourmands ! »

Malgré elle, Kana ne put s’empêcher de regarder discrètement le corps d’Aurora, replaçant une mèche rebelle derrière son oreille, geste répété des fois et des fois, histoire qu’elle puisse profiter de tout ce que ses yeux pouvaient lui offrir lorsqu’elle se promenait dans les couloirs et qu’elle croisait une charmante jeune femme. Jusque-là, elle fut charmée plus par le visage, le regard, et le tempérament joyeux de sa nouvelle amie mais elle n’avait pas remarqué à quel point elle était belle dans son ensemble et, ce, malgré cet aveu de gourmandise qu’elle venait d’apporter. Elle ne la relooka pas plus d’une ou deux secondes, s’en voulant déjà pas mal de se permettre un geste aussi déplacé et pervers. Bien que les chances qu’Aurora le remarque soient très faibles, ce n’était pas un comportement à avoir avec qui que ce soit. De plus, à quoi bon se faire du mal ? La jeune femme en face d’elle avait bien prouvé qu’elle ne mangeait pas du même pain que la Serpentard. Néanmoins, cette dernière avait hâte de la connaitre un peu mieux.

C’est sans aucune hésitation qu’Aurora a serré la main de Kana qui ne put s’empêcher de répondre à son sourire. Cela lui faisait plaisir de la voir aussi intéressée, aussi enthousiaste à l’idée de s’occuper d’elle et que, en retour, Kana lui fasse cours. Mais ses paroles étaient attendrissantes aux yeux de la Serpentard qui ne put réprimer un doux sourire

« Crois-moi, on y arrivera. Après tout, tu auras aussi énormément de travail à faire sur moi… et pas seulement sur les habits je le crains… »

Après tout, elle n’avait de féminin que ce que la nature avait fait d’elle. S’habillant comme un garçon, se comportant comme un garçon, marchant comme un garçon… Kana ne connaissait rien de la grâce et de la douceur féminine apparente. Tout cela, Aurora devra aussi le lui apprendre. Après tout, de quoi la jeune Serpentard aurait l’air au bal si elle ne savait même pas marcher en talon haut et adopter une démarche souple et légère ?

« … Néanmoins, j’ai aussi plein d’idées en ce qui te concerne. Ne t’en fait pas pour cela. A la fin de l’année, tu auras rattrapé ton retard… Et puis, si tu progresses vites, peut-être même que l’on pourra prendre de l’avance.»

Après tout, son enseignement viendrait juste compléter celui des professeurs, lui donner une autre perspective : Celui d’une élève et, déjà, dans la tête de Kanaeko, fleurissait une idée de programme de cours… Elle ne s’en était pas rendu compte, mais elle n’avait pas lâché la main d’Aurora. Et se rendit compte de la douceur et la chaleur de sa peau qu’une seconde avant que leurs mains ne se séparent. A nouveau, la jeune femme se mit à rougir légèrement, espérant que sa nouvelle amie n’avait pas souligné ce geste un peu trop prolongé… Apparemment non, car Aurora lui demanda avec enthousiasme comment elles allaient se retrouver. Le plan était tout indiqué dans la tête de Kana qui leva un indexe au ciel.

« Je te rejoindrai à ta salle commune. C’est sur ma route. A 22h, précisément, je t’attendrai à côté des tonneaux. Oui je sais où se trouve l’entrée de votre salle commune, mais je n’y suis jamais allée, rassures toi ! »

Elle rit légèrement. Après tout, franchir la porte d’une autre salle commune, c’était comme rentrer par effraction dans une autre maison… de plus, ce genre d’effraction était bien trop lourdement puni pour que même Kanaeko n’ose braver cet interdit. Un jour peut-être…

« Du coup, je te dis à ce soir devant ta salle commune ?... »

Elle sortit à nouveau sa baguette. Bien que plus calme en apparence, les yeux vairons de Kanaeko brillaient d’une lueur nouvelle… Sans savoir pourquoi, elle avait hâte de faire découvrir cette salle à Aurora et se sentait toute excité à l’idée de lui faire cours presque plus que de recevoir ses soins. En plus… elles seraient parfaitement seules et elles pourront faire connaissance comme il se doit, sans avoir peur des regards et des oreilles indiscrètes.

Octobre 1942

- Je suis sûre que c’est pas un hasard ! Helga Poufsouffle elle-même a dû demander que notre dortoir soit près des cuisines !

Grand éclat de rire qui résonne, et qu’Aurora offre à gorge déployée autant à Kanaeko qu’aux badauds qui ne prennent même plus la peine de dissimuler leur curiosité face à leur duo improbable. Pour peu elle saluerait leur absence manifeste de discrétion d’un signe joyeux de la main. Et, si l’audace ne manquait pas, c’est plutôt l’envie de faire bonne figure envers sa nouvelle amie qui retint la légèreté insolente du geste. Un regard qu’elle sent vaguement se balader une seconde, deux sourires ravis qui s’entrechoquent, et l’accord est scellé dans une poignée de main qui semblait l’origine d’un début ardent d’une longue affection.

Regard amusé qui s’attarde et dévisage sans honte la jeune fille qui met du cœur à se dévaloriser. Aurora ne mentirait pas au point de la qualifier de coquette, ou même de féminine. Mais le potentiel était bel et bien là, couvait sous le smoking de jazzman Moldu, sous la tignasse qui n’avait pas affronté les dents acérées d’un peigne depuis de longues semaines. Nouveau sourire qui éclaira un instant le visage de l’adolescente. Hormis Darragh, ils n’avaient pas été nombreux à croire avec tant de ferveur à sa réussite scolaire. Le sourire s’étire, tandis qu’elle lève une coupe invisible vers Kanaeko ;

- Alors croyons en nous ! Il faudra t’armer de patience pour tes cheveux, mais je suis sûre d’en venir à bout ! Pour le reste ce sera du gâteau, c’est que tu es très jolie, même en costume de Moldu !

Nouvel éclat de rire. C’était drôle, de voir une élève de Poudlard porter exactement les mêmes habits que Papa. Et si, même travestie et dépeignée elle parvenait à être jolie, alors Aurora ne réussirait pas là grand exploit à l’embellir plus encore. L’adolescente aux yeux d’ambre ne saura jamais quand leurs mains se sont lâchées, mais en prit conscience lorsque l’index de la batteuse se leva vers les cieux d’azur matinaux. Et le regard d’ambre dut trahir une irrépressible surprise lorsque Kanaeko lui donna rendez-vous devant les tonneaux qui marquaient le seuil de la Salle Commune des Poufsouffle, qu’eux seuls étaient censés connaître ; car elle réfuta tout de suite toute intrusion au sein de l’antre des blaireaux dont elle connaissait l’entrée. Aurora se releva d’un bond gracieux, le séant propre grâce à l’élégance qu’avait eu Kanaeko d’étaler sur l’herbe sa veste :

- Euh…Oui, oui, c’est parfait ! Je te dis à ce soir alors ! Je passerai aux Cuisines d’abord, les Elfes me connaissent maintenant !

Plus tard dans la soirée

Aurora adorait les Elfes. Et eux semblaient sous le charme du sourire ravi et de l’exquise gourmandise de l’adolescente, multipliant les courbettes et les révérences face à la sincérité des compliments de celle qui se délectait un peu trop de la bonne chère de Poudlard. De fait, c’est avec au bras un panier qui contenait des victuailles pour une semaine qu’elle attendait Kanaeko avec cinq minutes d’avance. Uniforme troqué contre une robe de Moldue qui retombait en plis de coton châtaigne sur ses genoux, songeant vaguement qu’elle aurait pu ajouter un châle de laine sur ses épaules. La pierre froide et humide des cachots gelait les os, une fois la nuit tombée. La pensée de la merveilleuse salle que la Serpentard n’allait pas tarder à lui faire découvrir lui réchauffa un peu le cœur. Elle s’imaginait qu’il devait y faire bon, et qu’un agréable feu de cheminée devait y ronronner, pourvu qu’on en formula le désir.

Une ombre légère, pourtant, lui assombrissait encore le cœur. Comme si elle ne pouvait vraiment croire à l’existence d’une telle merveille avant de l’avoir vu de ses yeux. Comme si une part d’elle-même, bien qu’elle n’y crut pas vraiment, s’attendait à voir Kanaeko se rire soudain des yeux d’ambre qui fixent un mur nu, espérant y déceler une salle qui n’existait pas, et voir la Serpentard se délecter de la vaste farce qu’elle ne manquerait pas de répéter à grands cris à tous ses comparses de maison. Pourtant le premier plan de la mission nocturne se déroula sans accroc. L’ombre de la batteuse arriva à pas feutrés, la lueur de sa baguette éclaira le visage d’Aurora qui était restée dans la pénombre. Un geste de Kanaeko l’enjoignit à ne pas trahir leur présence par des bavardages inutiles et Aurora se contenta de plonger la main dans la poche de sa robe, d’en extirper sa baguette et de marmonner un « Lumos » tout bas. Deux faisceaux de lueur magique ne seraient pas de trop pour percer les ténèbres sépulcrales qu’étaient les couloirs de Poudlard en pleine nuit. Le grand escalier s’imposait à leurs pieds. L’ascension s’annonçait ardue jusqu’au septième étage en pleine nuit.

Octobre 1942

Kana répondit de bon cœur à cet éclat de rire. C’était bon de voir un peu d’auto dérision du coté des Poufsouffle car, dans un sens, Aurora aurait pu mal prendre sa remarque. Mais il est vrai que la plupart des élèves de la maison au blaireau sont de grands gourmands. Après tout, la Serpentard elle-même ne peut pas trop leur faire la morale de ce côté-là, étant elle-même une grande adepte de la boustifaille… Néanmoins, sa croissance fulgurante et le sport qu’elle pratiquait de façon intensive (sans parler du coté très nerveux de la demoiselle) faisait souvent oublier ce petit défaut qui ne se voyait, du coup, pas sur son corps.

La poignée de main effectuée, Kanaeko hocha la tête. Le sort en était jeté et elle sentait qu’une relation exceptionnelle allait naitre de cette seule action. Sa nouvelle amie la rassurait concernant son apparence… La brunette en redevint rouge lorsqu’elle souligna le fait qu’elle la trouvait jolie, même ainsi travestie. Décidément, elle n’arrivait pas à s’y faire. D’ailleurs, elle était heureuse de voir que Aurora ne se moquait pas d’elle. En effet, elle riait, mais c’était de bon cœur, pour une bonne raison.

Elle laissa Aurora se relever, la contemplant comme un oiseau gracieux prenant son envol. Tout chez la jeune Poufsouffle était mesuré, séduisant. Elle se demandait même comment une femme aussi élégante pouvait la trouver belle, elle qui est aussi délicate en apparence qu’un bucheron. Kana se releva justement en se tenant le bas du dos, ayant toujours mal partout, et remit sa veste sur ses épaules, regardant la belle s’éloigner après la promesse de la retrouver le soir venu…



La jeune Serpentard avait attendu calmement, travaillant d’arrache-pied pour se mettre à jour dans ses devoirs en attendant la nuit, une pomme presque entièrement mangée à la main. Lavande était allée se coucher depuis un moment quant elle décida que l’heure était venue. Encore une fois, elle surprit la nouvelle peste de l’année, assoupie sur un des sombres canapés de la salle commune. La grande brune soupira, trouvant la tête blonde bien trop adorable une fois endormie, une bouille d’ange sur un démon en devenir. Pourtant, bien que cette fille avait tout pour devenir une futur ennemie, elle tira un plaid dont elle recouvrit l’enfant avec douceur pour ne pas la réveiller.

« Ne tue pas trop de Nés-Moldus dans tes rêves, toi… »

Elle déposa un baiser sur son front et se leva, jetant son trognon à la poubelle au passage et glissant un carnet dans la poche intérieur de sa veste. Pour cette nuit, Kana était totalement vêtue de noir. Toujours comme un garçon, elle portait le pantalon ample de ses entrainements, une chemise noir surmonté d’une veste en cuir, noire elle aussi. Connaissant le passage par cœur, elle n’alluma sa baguette qu’une fois en haut des cachots, non loin de la salle commune des Poufsouffle. Elle y retrouva son amie qui l’attendait. Ne souhaitant pas s’attarder, elle l’enjoignit de la suivre sans attendre. Arrivées en haut des escaliers du hall, Kana stoppa leur avancée. Au troisième étage, une lueur bougeait… Sans doute un professeur ou le concierge. Dans le doute, la jeune Serpentard préféra prendre toutes les précautions, ne souhaitant pas qu’Aurora se fasse pincer par sa faute.

« Ne bouge pas… »

Lui murmura-t-elle avant d’éteindre sa baguette et de la poser sur la tête de la jeune Poufsouffle. Aussitôt, cette dernière pu ressentir comme une eau glacée qui lui coulait sur le corps alors que celui-ci devenait petit à petit transparent… La Serpentard répéta le sortilège pour elle-même alors qu’elle prit, de sa main libre, celle de son amie, histoire de ne pas la perdre. Cela lui faisait bizarre de tenir la main d’une jeune femme, mais elles n’avaient pas le choix. Ainsi, elles progressèrent sagement et sans bruit jusqu’au septième étage, face à la tapisserie où Barnabas le Follet essayait d’apprendre la danse classique à des trolls. Finalement, la porte s’ouvrit devant elles, sans même qu’elles n’aient besoin d’en parler… Une fois en sécurité et la porte fermée, Kana lâcha enfin la main d’Aurora et leva le sortilège.

« Bonsoir à toi, Aurora… Pardon si je t’ai bousculée un peu, mais je ne voulais pas prendre le moindre risque pour cette fois. »

Elle resta un moment à la contempler. La jeune Poufsouffle était habillée simplement, mais elle semblait toujours aussi belle et distinguée. Encore une fois, la Serpentard se sentait comme sous le charme d’une Vélane… Mais Kana se reprit bien rapidement et leva le sort pour elle-même alors qu’elle commençait à marcher dans la salle. Celle-ci semblait divisée en deux parties. L’une d’elle était devenu un véritable salon de styling. Des vêtements, un grand miroir, un siège de coiffeurs et tout un assortiment d’accessoires étaient à disposition des filles. L’autre moitié était constituée d’un mannequin d’entrainement, d’un miroir et d’une douche toute équipée.

« En tout cas, nous y voilà… tu en penses quoi ? »

Demanda timidement Kana, retirant sa veste qu’elle accrocha à un porte manteau qui venait d’apparaitre à un pilier…

Octobre 1942

Aurora suivait, docile, l’ombre qui glissait à pas de loups dans les sombres dédales des cachots. Les souliers parcouraient, précautionneux, les dalles de pierre froide baignées du faisceau que réunissaient les faibles lueurs de leurs deux baguettes. Kanaeko semblait avancer à l’aveugle, d’un pas de conquérante qui forçait le respect, quand enfin se dessina à leurs yeux le sombre horizon du grand escalier qui surplombait le hall. Aurora sentit sa comparse tressaillir plus qu’elle ne l’entendit, et se figea sans mot dire sous la directive assénée dans l’urgence. La jeune fille eut même la présence d’esprit de marmonner un « Nox » tout bas, imitant sa bien plus réactive camarade, quand, au cœur de l’obscurité, elle sentit le bout de la baguette de Kanaeko lui tapoter le sommet du crâne.

L’adolescente réprima à grand peine une exclamation de désagréable surprise. Il lui semblait qu’un mammifère gigantesque avait cassé sur sa tête un de ses œufs, déversant son contenu glacial sur l’intégralité de sa silhouette, de la racine dorée de ses cheveux à la pointe de ses orteils. Un long frisson lui parcourut l’échine et les os, vaguement inquiète à présent que la pénombre semblait vouloir les engloutir, et que visiblement elle avait été la cible d’un sortilège qu’elle ne reconnaissait pas. Aussi, lorsque les doigts de la batteuse s’aventurèrent jusqu’aux siens, Aurora s’y accrocha comme à une bouée, s’en remettant au sens de l’orientation et à la gestion de l’urgence de Kanaeko qui continuait de progresser à tâtons et sans bruit.

Et la jeune fille s’essoufflait et avait perdu le compte des innombrables marches escaladées en silence, lorsqu’enfin elles atteignirent la très laide tapisserie, et qu’une porte s’y dévoila à la grande stupeur d’Aurora, qui fut, cette fois-ci, bien obligée d’admettre que, toute Serpentard qu’elle était, Kanaeko ne lui avait pas menti. Lorsque la porte se fut refermée sur les deux ombres, les doigts lâchèrent les siens, qui s’étaient crispés sur la main de la meneuse, et, l’espace d’une seconde, quand ils se décrochèrent, elle put les voir se fondre avec la pierre du mur derrière elle, et ses lèvres s’entrouvrirent dans une stupeur ahurie qui devait lui donner une mine tout à fait stupide ;

- Oh…Mais…Qu’est-ce que tu m’as fait ?

Mais il n’y avait pas qu’elle qui avait subi la très étrange métamorphose dont le sortilège de l’œuf cassé l’avait imprégnée. A la seconde ou Aurora avait ouvert la bouche, le sortilège avait été levé, mais elle le voyait agir sur la silhouette de Kanaeko qui se fondait entre la pierre et le meuble derrière elle. Il n’y avait eu nulle trace d’inquiétude ou de colère dans sa voix. Simplement une surprise hébétée, trahie là par ses grands yeux d’ambres qui s’écarquillait comme deux billes de Bavboules. Et il fallut que Kanaeko amorce quelques enjambées, lève le sortilège pour elle-même, pour qu’enfin Aurora prenne conscience qu’elle avait enfin mis le pied au cœur de la plus formidable des salles de l’école de magie la plus prestigieuse du monde.

Sa mine ne perdit pas en stupidité en découvrant les merveilles de la Salle sur Demande. Les deux jeunes filles avaient eu besoin d’un endroit ou se préparer pour le Bal ; et elles avaient sous les yeux à la fois l’institut de beauté, le salon de coiffure et la penderie les plus luxueux que les yeux émerveillés d’Aurora aient jamais eu l’occasion de contempler.

- C’est…

Il fallait beaucoup de choses pour parvenir à couper dans son élan la volubile Aurora. Mais l’apparition du porte-manteau à l’instant même ou Kanaeko se déparait de sa veste était le coup de grâce à cette stupeur énamourée devant le miraculeux trésor que représentait la découverte de cette salle. Et une profonde reconnaissance mêlée à une fascination stupéfaite lui firent enfin décocher un sourire immense, qui fendit littéralement son visage en deux, lac de joie émerveillée à la surface duquel étincelaient les étoiles qui brillaient dans ses yeux d’ambre. Enfin le pantin désarticulé s’anima, et l’adolescente pleine de vie qu’était Aurora refit soudainement surface, en enjambées surexcitées qui semblaient vouloir tout parcourir en une seule seconde. Ses doigts caressaient l’innombrable variété de brosses et de peignes, ses yeux s’extasiaient de l’incroyable palette de couleurs de fards et de rouges à lèvres, de la qualité des soies et des satins des robes, de l’exquise grâcilité des escarpins qui complétaient les tenues, jusqu’aux sacs à mains qui trônaient sur une étagère de chêne, jusqu’à la somptueuse boîte à bijoux qui projetait les lueurs de ses pierres aux quatre coins de la pièce et de ses yeux éblouis.

Ce n’était pas une blague. Kanaeko venait réellement de partager une si formidable trouvaille avec elle. Aurora la dévisagea un instant, noyée par la gratitude extasiée qui avait accompli le miracle de lui couper la parole, libérée en flot impétueux, comme si les digues, enfin, venaient de céder sous la surprise béate qui éclatait enfin ;

- Mais c’est GENIAL ! Tu te rends compte que je me prépare dans le dortoir, avec les autres filles qui râlent parce que je m’étale trop ! Cette pièce est merveilleuse ! Je peux venir quand je veux alors ? T’es sûre ? Oh, merci Kanaeko, merci, tu peux me demander ce que tu veux !

L’élan spontané, insufflé par l’enthousiasme, qui l’avait engagé dans une étreinte reconnaissante fut stoppée par le panier qu’elle avait toujours au bras et qui séparait les deux silhouettes, et qu’Aurora avait complètement oublié, tout à l’extase de la merveilleuse découverte. Un ange passa, mais l’élan était brisé. Le sourire et l’enthousiasme persistèrent pourtant, et, à la seconde où elle songea que le panier l’embarrassait et que la gourmandise commençait à faire gronder son estomac, une table basse et des fauteuils apparurent devant ses yeux toujours aussi émerveillés. L’adolescente se déleste de son fardeau, s’affale littéralement dans un fauteuil avant d’offrir l’immensité de son sourire à son aînée ;

- Tu as faim ?

La carafe de jus de citrouille tinta sur la table, tandis qu’elle sortait du panier une pile de sandwichs emballés dans plusieurs serviettes, quelques muffins aux myrtilles, un morceau de fromage, un quignon de pain, des scones et un pot de confiture. Elles avaient tout leur temps, après tout. Et Aurora ne se serait guère fait prier pour passer le restant de ses jours ici.

Octobre 1942

La jeune Serpentard sursauta à la réaction de sa nouvelle amie. En vérité, elle ne s’attendait pas à cela et elle aurait dû. Subir un sortilège de Désilusion la première fois est toujours une expérience peu agréable. Cette sensation d’eau froide, puis cette perte d’équilibre résultant de la disparition visuel de son propre corps et des repaires qui allaient avec, il y avait de quoi être perdu. Alors qu’elle supprimait d’elle-même le sortilège, Kana entreprit de s’expliquer.

« Pardon, je n’ai pas eu le temps de te prévenir de ce que j’allais faire… Je t’ai soumise à un sortilège de Désilusion. Bon, il n’est pas tout à fait maitrisé, je te l’accorde, mais c’est suffisant pour passer inaperçu dans les couloirs en pleine nuit… »

Voyant le visage de son amie, elle ne put s’empêcher de rire à cette mine hébétée.

« Tu verrais ta tête… »

En elle profita pour la regarder d’un peu plus prêt… Cette jolie robe légère couleur marron se mariait à la perfection avec ses cheveux blonds et ce panier lui donnait les airs de petite bergère comme on en voyait sur les tableaux dans les musées. Même ainsi simplement vêtue, Aurora demeurait très belle et très attirante avec un assortiment de couleur proche de la perfection.

Kana la laissa un instant prendre conscience de là où elle était et le potentiel qu’offrait cette salle. D’ailleurs, les nouveaux atours de la pièce Va-et-Vient amusaient la Serpentard. Les deux moitiés semblaient, elles-mêmes, représenter la personnalité de chacune des deux jeunes femmes : La brute guerrière et la reine du stylisme. Encore une fois, cela surpris la futur Auror de voir qu’elle s’entendait aussi bien avec une fille aussi différente, voir même à l’opposé de sa propre personnalité. Pourtant, cette salle mettait bien en évidence que, bien que différentes, leurs caractères respectifs pouvaient coopérer dans le même espace.

La jeune vert-argent se délecta du spectacle que lui offrait le visage ébahit de sa comparse de Poufsouffle. Elle passa de l’étonnement, aux yeux étincelant puis à l’euphorie totale, sautillant d’un bout à l’autre de la pièce, inspectant chaque coins et recoins. Visiblement, elle n’en croyait pas ses yeux. A nouveau, Kana en eut un léger rire. Elle la suivit posément, les mains dans les poches. Bien entendu, ce qui attira le regard d’Aurora en premier fut le coin coiffure et maquillage qu’elle regardait et contemplait avec les yeux et les mains, telle une enfant lâchée dans un magasin de jouets. En même temps, comment en être autrement dans une pièce aussi merveilleuse ? C’est alors qu’Aurora se tourna vers elle… Pendant un instant, les mots semblaient superflus. Le regard de la jeune blonde était rempli de joie, mais surtout d’une profonde gratitude. Ce regard valait mieux que tous les remerciements. C’était quelque chose qui venait du fond du cœur… Finalement, elle réussit à exprimer son enthousiasme par des mots ce qui étira un long sourire à la jeune Serpentard.

« Oui tu peux venir quand tu veux, bien entendu. Mais fais juste attention à ne pas être vue. J’aimerais que cet endroit reste secret. Le mieux est de venir la nuit ou à l’heure des repas, lorsqu’il n’y a personne ou presque dans les couloirs. »

Kanaeko se passa la main dans sa chevelure hirsute, l’air gênée avant de répondre à sa proposition :

« Je ne te demande que cela : Cet endroit doit rester secret. Oh et tu dois me rendre présentable pour le bal, bien entendu. »

L’année suivante, la jeune Serpentard ne sera plus à l’école et Aurora aura cette salle pour elle toute seule… Excepté, peut-être, Darragh qui sera aussi dans le secret. Mais le jeune homme y sera surement moins présent que la belle de Poufsouffle. Elle fut alors surprise de voir Aurora s’apprêter à l’étreindre… tentative vaine à cause du petit panier qu’elle tenait. Cela n’empêcha pas les joues de Kana de s’empourprer. Temporairement, elle maudit la présence de ce panier tant elle aurait aimé étreindre la belle jeune femme… Sentir la caresse de ses cheveux sur son visage et son doux parfum floral de plus prêt. Mais le gargouillis du ventre d’Aurora lui redonna le sourire et elle s’écarta d’un pas, les joues encore un peu roses.

« Oh euh… oui. »

En vérité, elle n’avait pas si faim que cela, ayant bien mangé le soir au banquet. Mais à la vue des mets qu’Aurora avait ramené, son appétit se réveilla et elle écarquilla deux grands yeux ronds.

« Waow… Tu as dévalisé les cuisines avant de venir ? »

Dit-elle avec un large sourire amusé. Il y avait là largement de quoi faire un grand casse-croute…

« Je t’avouerai que je n’ai pas été aussi sage que toi… »

Elle plongea une main dans la poche de sa veste… puis son avant-bras… puis son bras jusqu’à l’épaule. La Serpentard tira légèrement la langue, comme si elle cherchait à attraper quelque chose au fond d’un sac particulièrement profond. Or, là, il ne s’agissait que d’une poche de veste. Finalement, elle tira une bouteille de Whisky pur feu et une grosse bourse en cuir.

« Je me suis dit qu’il fallait fêter cela dignement… Si tu n’aimes pas le Whisky Pur Feu, je pense avoir quelques bouteilles de Bièraubeurre dans l’autre poche. »

Elle posa la bouteille et la bourse sur la table avant d’ouvrir cette dernière. Elle contenait une multitude de friandises sucrées : des chocogrenouilles, deux sachets de mouches en caramel et des fondants du chaudrons. La jeune femme finit par se laisser tomber dans un fauteuil, un œil sur la table. Il y avait là de quoi manger et boire pour dix, ce qui l’amusait grandement. Néanmoins, elle non plus n’avait pas prévu de partir de suite, quitte à passer la nuit ici sans même dormir. Après tout, elle n’avait rien de prévu pour ce soir et la compagnie d’Aurora lui était fort agréable. Cela leur permettrait de faire un peu plus ample connaissance.

« Merci en tout cas d’avoir eu confiance en moi… Je me répète, mais c’est une chose à laquelle je ne suis pas encore tout à fait habitué et, vraiment, ça me touche. »

Elle lui lança un regard plein de gratitude avant de s’accroupir, pieds sur l’assise du fauteuil, se penchant sur la table.

« Je te sers un verre ? J’ai déjà une idée de programme pour toi si ça te dit ! J’ai eu le temps d’y penser toute la journée ! »

Kanaeko arrivait à peine à cacher son impatience sur le sujet. Transmettre son savoir était une chose qu’elle voulait faire depuis un moment. Après tout, elle avait essayé avec Lavande, mais cela ne s’était jamais bien passé car elle ne pouvait comprendre les sauts d’humeur de son amie ainsi que ses difficultés à lancer des sorts sans que ceux-ci de lui explosent à la figure. Là, elle avait devant elle une femme motivée et volontaire avec un caractère plus doux et plus stable. De plus, cet aspect donnant-donnant motivait tout autant la vert-argent à organiser ces petits cours de façon optimale. Elle ne doutait pas sur les capacités d’Aurora à la rendre jolie, alors c’était à elle de la rendre incollable en Sortilèges.

Octobre 1942

Quelques secondes. Le temps d’assimiler la découverte de ce sortilège inconnu, et d’apprécier, surtout, l’incroyable réactivité et les connaissances magiques de son aînée. Pour sûr, la Verte et Argent ferait une formidable Auror. Encore quelques secondes indécises, la mine sans doute parfaitement stupide, la Poufsouffle fixa ses pieds, ses mains et ses bras, comme s’attendant de nouveau à disparaître sous le jet d’eau glacé que Kanaeko paraissait lui avoir jeté sur le sommet du crâne. Et l’humeur joviale, toujours, finit par reprendre le dessus sur l’adolescente, dont l’hilarité se mêla à celle de la batteuse qui ne put réprimer son éclat de rire devant le visage hébété de la jeune fille ;

- Je ne connaissais même pas ce sortilège ! T’es vraiment douée !

Et Aurora ne se souciait pas vraiment d’être dévisagée, trop occupée elle aussi à écarquiller la voracité extasiée de ses yeux d’ambre sur chaque parcelle, chaque détail, chaque brosse à cheveux et chaque paire d’escarpins qui ornaient chaque coin de la merveilleuse salle. Contemplation énamourée dont la jeune fille fut arrachée par l’insistance bien compréhensible de Kanaeko qui mettait un point d’honneur sur la discrétion en cas de visite de la Salle sur Demande. Aurora hocha la tête d’un air grave, que peu devait avoir vu sur son visage au cours de sa jeune vie. L’importance de tenir une telle merveille secrète était totalement comprise et partagée, mêlée à la profonde reconnaissance pour la confiance de la Serpentard qu’à la vérité elle ne connaissait qu’à peine.

La condition énoncée ne tarde pas à faire luire de nouveau l’éclat d’un sourire sur le visage de la solaire Aurora. Cette mine sombre ne lui seyait définitivement pas ;

- Tu ne me demandes pas beaucoup pour un tel secret. Ce ne sera pas difficile de te rendre bien plus que présentable.

Et ce fut à son tour de dévisager son aînée sans honte, s’imaginant déjà au long et fastidieux démêlage que promettait la chevelure en broussaille, au soulignement des yeux vairons, à la silhouette sportive sublimée par quelque robe fourreau qu’elle voyait déjà d’une éclatante couleur. Et cette fois-ci c’est elle qui mit un terme à cette méditation esthétique en voulant remercier Kanaeko, et lui exprimer sa gratitude véritable de la manière la plus spontanée dont elle pouvait faire preuve. Mais la présence incongrue du panier avait brisé la magie de l’élan, et finalement Aurora se recula, ne laissant derrière elle que les effluves sucrés de son parfum et les joues rosies de son aînée.

Et à l’exclamation de la Verte et Argent, Aurora ne put que lui offrir un large sourire et un regard étincelant, déjà occupée à tartiner de confiture un des nombreux scones étalés sur la table. A grande découverte, grandes victuailles. La jeune fille n’avait pas voulu faire les choses à moitié. De plus, elle avait faim, s’étant contentée d’une collation en guise de dîner, pour mieux savourer le festin anticipé, en tête au sein de la plus merveilleuse des pièces du château.

Alors, certes, Aurora n’était pas fille à se laisser décevoir, et même était plutôt du genre à s’émerveiller d’un rien. Mais cette salle ! L’adolescente aurait parié la recette du Nutri’Vit que même Solveig, la plus aigrie de toutes les élèves de sa promotion, aurait été au moins estomaquée par la découverte. Au moins les paroles énigmatiques eurent-elles pour effet d’extirper Aurora du tartinage appliqué de son scone, et c’est avec au fond de l’œil une lueur de surprise impatiente qu’elle vit Kanaeko fourrer son bras entier dans sa poche qui avait, sans nul doute possible, subi un sortilège d’Extension. Et finalement la soirée n’en avait pas fini de l’époustoufler. Une bouteille de Whisky Pur-Feu finit par jaillir de la poche, le goulot serré entre les mains de la Verte et Argent, qui avait décidément plus d’un tour dans son sac, tandis qu’elle expliquait d’un air tranquille que si une liqueur aussi forte ne convenait pas à la jeune fille, quelques bouteilles de Bièraubeurre attendaient sagement au fond de son autre poche. Un rire radieux illumina la face ravie de la jeune fille, qui ne doutait pas une seule seconde de passer une excellente soirée ;

- J’aimerais bien avoir tes combines, surtout ! C’est pourtant pas faute d’avoir essayé ! Et t’inquiètes le Whisky c’est bien. Il y’a un alcool Moldu que j’aime encore plus, c’est le rhum, je sais pas si tu connais. Ils sont forts les Moldus en alcool.

Les yeux d’Aurora, déjà rendus brillants par l’alcool, étincelèrent un peu plus devant les friandises étalées sur la table. Sans plus de cérémonie, sa main s’empara d’un Chocogrenouille, oubliant pour une minute son scone pour la douceur chocolatée de sa confiserie sorcière favorite ;

- Encore Dumbledore ! Ok il est super beau mais ils devraient un peu plus varier les cartes, j’en ai au moins quatre de lui. Tu la veux ?

Carte entre les doigts et sourire aux lèvres, Aurora écouta Kanaeko la remercier pour sa confiance, et ouvrit de grands yeux ronds. La jeune fille prit un instant pour avaler la tête de la grenouille en chocolat dans laquelle elle avait mordu avant de mettre les choses au point ;

- Confiance ? Mais c’est toi qui a eu confiance en moi. Tu m’as révélé un secret qui est peut-être un des mieux gardés de Poudlard, et c’est à moi de te dire merci, vraiment. Je sais que tout le monde croit que je suis une pie qui raconte tout, alors je suis contente qu’on me laisse l’occasion de prouver le contraire.

Aurora hocha la tête avec vigueur lorsqu’elle se proposa de leur servir un verre, mâchonnant une cuisse de grenouille en chocolat, son scone à demi-tartiné délaissé au profit de la confiserie. Et Kanaeko semblait si positive, si enthousiaste à l’idée de lui inculquer les bases de défense en matière de sorcellerie que même la jeune fille se prenait à y croire. Ils n’avaient été que deux, elle et Darragh, à voir en elle autre chose qu’une jolie écervelée. Et cela était beaucoup trop rare et beaucoup trop gentil pour ne pas être apprécié à sa juste valeur par la jeune Poufsouffle ;

- Bien sûr que ça me dit ! Mais t’es sûre que je serais au niveau ? Entre ton sortilège de l’œuf cassé sur ma tête que je ne connaissais même pas et le sortilège d’Extension que tu as fait à ta poche, je suis très, très loin de ce niveau tu sais ! Par contre je ne sais pas si je t’ai demandé, mais tu aimes le rouge ! Je n’arrive pas à voir autre chose tant je suis sûre que ça t’irait bien ! Tiens, celle-là là-bas, elle serait par-faite !

Car Aurora aurait juré que la sublime robe fourreau écarlate qui trônait sur un cintre était apparue à la seconde ou elle avait imaginé Kanaeko avec, comme extirpé des méandres de ses pensées. Le doigt pointé, elle la montrait à son aînée, jaugeant sa réaction tout en plongeant les lèvres au creux du liquide dont l’âpreté lui brûla la gorge, mais lui réchauffa en une seconde le cœur et les veines. Décidément, cette soirée, voire cette nuit, s’annonçait sous les meilleurs auspices.

Octobre 1942

Kanaeko ne put s'empêcher de sourire fièrement (et, il faut le dire, un peu bêtement) à la réaction d’Aurora lorsque celle-ci flatta quelque peu l’égo de la jeune sorcière de Serpentard. Mais, ce que la Poufsouffle ne savait pas encore, c'était que le sortilège de Désilusion avait été inclus dans le programme prévu par Kana dans la catégorie des sorts « bonus ». C'est-à-dire, les sort qu’elle prévoyait de lui apprendre les cours avançaient plus vite que prévu. Bien entendu, il était déjà planifié de lui enseigner l’Assurdiato, car tel était leur deal. Mais elle avait agrandi cette liste durant la journée. On y trouvait, en plus, le Patronus et le sortilège de Désilusion. Bien qu’on les apprenne en dernière année, ils risquaient d’intéresser particulièrement Aurora (le Patronus parce qu’il s’agit d’un des plus beaux sortilèges au monde et la Désilusion parce qu’il serait bien utile à la Poufsouffle qui aime tant se promener dans le parc en pleine nuit) sans parler que cela lui permettrait de prendre un peu d’avance sur l’année suivante.

Le soleil rayonnant qu'était redevenu Aurora radiait jusqu’à rendre Kana toute aussi chaleureuse. Que pouvait-elle lui demander de plus que de garder le secret et de ramener chaque jour sa bonne humeur avec elle ? Beaucoup sont agacé par le sourire omniprésent de la jeune femme, mais ce n’était absolument pas le cas de la jeune Serpentard. Au contraire, cette positivité lui donnait envie de croquer la vie à pleine dents, de sourire, rire et s’amuser ! De plus, Kanaeko avait l’intime conviction qu’Aurora et elle allaient se rapprocher et que leur relation était destinée à évoluer.

En tout cas, la soirée s’annonçait excellente. Aurora avait largement ramené ce qu’il fallait pour leur petit pique-nique... mise à part, peut-être, un peu d'alcool et de sucreries, ce à quoi Kana avait remédier à la grande joie de la jolie Poufsouffle. Contre toute attente, il semblait exister une forme de complicité instinctive entre les deux jeunes femmes. Elles se comprenaient tout en se compensant dans une forme d'équilibre qui, encore une fois, n’annonçait que du bon entre elles. D'ailleurs, en voyant la réaction d’Aurora face à ses poches sans font, elle rit légèrement et, dans sa tête, elle rajoute le sortilège d’Extension à la liste des sortilèges « bonus »... Cette liste commence à être sacrément longue !

« Ne t'en fait pas pour mes combines. Si nous travaillons vite et bien, je te les enseignerai toutes. »

Bon, les chances pour qu’elle arrive à lui apprendre tout ce qu’elle avait en tête avant la fin de l’année étaient vraiment très minces, pour ne pas dire inexistantes... Mais, à la vue de cette relation prometteuse, Kana se demandait si elles ne pourraient pas se revoir en dehors de l’école, même après la fin de leurs études, pourquoi pas ? Mais elles ne se connaissaient, encore, qu’à peine. Il lui fallait être sûr de ne pas se faire de faux espoirs avant de proposer quoi que ce soit. En tout cas, malgré tous ses efforts, la Serpentard ne pouvait s'empêcher de trouver Aurora attirante. Son sourire, sa bonne humeur, sa bonté et, bien entendu, sa beauté, ne la laissait pas indifférente. Son regard se perdait, de temps en temps, dans les yeux d’ambre ou même sur le corps généreux de jolie blonde. Tout en sachant que ce n’était pas raisonnable, elle rêvait de glisser ses doigts dans ses cheveux dorés, de savourer la caresse de sa peau lisse qui semblait d’une si grande douceur ou même, avoir le plaisir déposer ses lèvres sur les siennes... Mais elle se ressaisit alors et lui offre son sourire en retour.

« Ah oui ? Je n'ai jamais gouté au Whisky moldu. Ma mère est plus typée Bourbon du Dragon et mon père apprécie surtout le Sake à l'apéritif. »

Kanaeko la vit se jeter sur les chocogrenouilles, ce qui la fit sourire que d'avantage, au point de dévoiler ses dents blanches, alors qu’elle se laissait glisser contre le dossier de la chaise, un paquet de mouches en caramel à la main, jusqu’à ce qu’elle lui propose la carte de Dumbledore. La Serpentard se redressa alors.

« Oh je la veux bien ! Je n’en ai pas encore de lui. Mais, dis donc Aurora, aurais-tu un faible pour notre cher professeur de métamorphose ? »

Elle rit doucement, taquine, une lueur de malice dans le regard, tout en servant de jolies doses de Whisky Pur Feu, digne des cowboys, dans les deux verres qui étaient apparu comme par enchantement sur la table de pierre. Kanaeko devait bien reconnaitre qu’Albus Dumbledore était particulièrement charismatique et séduisant malgré son âge qui commençait à être assez avancé. Cependant, si elle devait choisir un professeur masculin tout à fait séduisant, elle préférait, et de loin, Gellert Grindelwald. Ses tenues de cuir noir et ses airs de méchant garçon lui donnaient presque des frissons...

A la remarque d’Aurora concernant cette réputation qu’elle avait de pie bavarde incapable de garder secret quoi que ce soir, Kana ne put s'empêcher de sourire un peu tristement. Il fallait dire que, avant ce jour, elle-même croyait en tous les clichés qui entouraient la belle Poufsouffle et la jeune femme s’en voulait un peu à présent. Maintenant qu’elle l’avait en face d’elle, la Serpentard croyait en sa bonne foi. La jaune et noir se révélait, d'heure en heure, pleine de surprises.

Elle allait la rassurer concernant son niveau lorsqu'une robe rouge sembla lui taper dans l'œil. Kana tourna alors le regard vers la zone indiquée et leva un sourcil. La jeune Serpentard se leva alors et s’approcha de la robe en question. Maintenant qu’elle la voyait, elle se demandait si elle avait toujours envie de venir en robe au bal. Mais elle garda ses doutes pour elle-même et tata le tissu comme s’il s’agissait d’un animal dangereux prêt à mordre.

« Euuuuuuuh... Tu es sûr ?.. Je veux dire, ça n’a pas l’air vraiment ma taille et puis… ce n’est pas un peu court ? »

Pourtant, si cette tenue était apparue, c'était parce qu’elle était à sa taille. Dans cette robe, elle aurait les jambes et les bras nus. Les bras ça ne la dérangeait pas mais Kana avait un certain complexe avec ses jambes qu’elle ne trouvait pas jolies, sans vraiment pouvoir expliquer pourquoi. Et puis, cela va sans dire, cette robe était très proche du corps. Du coup, on verra sans souci ses formes à travers. Néanmoins, cela semblait avoir taper dans l'œil d’Aurora et la brunette n'avait pas envie de faire s’effacer ce sourire de son visage.

« Bon, écoutes, je vais l'essayer et tu me diras ! »

Elle prit quand même une bonne lampée d'alcool avant de se rendre derrière un paravent qui était apparu au moment où Kana avait pris la décision d'essayer la robe. Oui, elle avait beau paraitre forte et rebelle, la Serpentard était, malgré tout, assez pudique (ce qui peut expliquer sa réputation de crasseuse durant ses troisièmes et quatrièmes années, car la douche en communauté n’a jamais fait le plaisir de la jeune femme qui, maintenant, se lave tard le soir, quand il n’y a personne). Son corps était couvert d’hématomes, certains plus gros que d’autres mais, le plus impressionnant, se trouvait sur sa hanche. Le bleu en question avait pris une couleur mauve-violacée, pas très rassurante, mais Kanaeko n'y prêtait guère attention. Une fois en sous-vêtements, elle essaya d’enfiler la robe... Mais, comment cela pouvait-il s'enfiler ?.. Elle essaya d’une manière mais n’y arriva pas... Elle força un peu mais, en entendant les coutures commencer à craquer, elle se ravisa et passa la tête d’un côté du paravent.

« Euuuuh... Aurora ?.. Comment on enfile ce... truc ? »

Octobre 1942

Kanaeko eut un fier sourire, visiblement flattée par la sincérité du compliment d’Aurora dont la médiocrité en matières de Sortilèges se muait en admiration devant des sorcières aussi douées que la Verte et Argent. Surtout que Kana ne ressemblait pas à ces têtes d’ampoules trop sages et pédantes, qui méprisaient Aurora. Non, la batteuse était douée en magie, sans faire partie des bons élèves pourtant, de cette élite studieuse dont les notes faisaient gonfler l’égo. Seul, Darragh échappait à ce jugement de valeur et avait conservé cette humilité qui lui valait l’affection de la Poufsouffle. Et, tout en croquant dans son chocogrenouille et en s’affalant sur une banquette, Aurora songeait qu’elle ne verrait plus jamais les Serpentard de la même manière, depuis qu’elle s’était faite une amie d’une de leurs élèves. Et quelle amie ! La complicité semblait naturelle entre ces deux filles pourtant aux antipodes, mais étrangement complémentaires. Aussi le sourire ne la quittait pas tandis qu’elle avalait sa dernière cuisse en chocolat, se retenant d’ouvrir d’elle-même la bouteille qu’elle n’était pas parvenue à ramener, en laissant l’honneur à la rusée Verte et Argent ;

- Oui, c’est un alcool des îles américaines. Ça a un goût de vanille et de caramel, c’est délicieux. Ils en servaient beaucoup dans le pub ou Papa jouait quand j’étais petite. Des fois quand on ne me regardait pas, en fin de service, je buvais le fond des verres que les gens laissaient. Mais je ne connais pas le Sake. C’est asiatique non ?

Aurora eut un léger rire à ce souvenir, pas même attristée par l’absence de son père qu’elle ne voyait guère plus, simplement amusée à l’idée de ne s’être jamais fait pincer. Et son rire s’égrena à nouveau au creux de l’alcôve de la merveilleuse salle, tandis que Kanaeko soulignait son intérêt pour le Professeur Dumbledore. Pas gênée le moins du monde, la jeune fille se redressa pour lui tendre la carte, en profitant pour plonger la main dans le sachet de mouches en caramel, en mâchonnant une tout en répondant gaiement ;

- Bien sûr ! Déjà, il est amusant, c’est un des seuls profs avec qui je n’ai pas envie de dormir. Et puis surtout qu’est-ce qu’il est beau ! J’adore ses costumes, son sourire et ses lunettes en demi-lune. Tout le monde n’en a plus que pour Raven depuis la rentrée, mais moi je reste fidèle à Dumbledore. Il est bien plus viril et élégant.

Aurora ne s’imaginait pas une seconde que l’on puisse admettre le contraire. Cet homme avait une allure folle. Elle se souvenait du sourire amusé avec lequel il avait reçu sa lettre de Saint Valentin. Elle l’avait reconnu à son écriture ronde sur l’enveloppe lorsqu’il s’en était saisie. Et, sans même en avoir la preuve, l’adolescente était certaine qu’il l’avait lue à la tranquillité de son bureau, elle et la petite dizaine d’autres qu’il avait reçues. Dumbledore était ce genre d’hommes. Mais quelque chose lui disait que, ce 14 février, Raven allait le supplanter. Les filles ne parlaient plus que de ses grands yeux noirs et de son air tendre. Et puis, il était bien plus jeune, mais Dumbledore avait ce charme fou que l’âge aiguisait encore.

Aurora avait confiance en son bon goût, et estimait qu’avec un peu de soin, la déjà jolie mais quelque peu débraillée Kanaeko pourrait véritablement faire tourner les têtes au Bal. La jeune fille ferait en sorte qu’on ne voit qu’elle, et en réalité, ce ne serait pas très compliqué. Elle avait l’embarras du choix. Aussi rit-elle de nouveau lorsque le sourcil perplexe de la Verte et Argent se leva, presque désapprobateur. Il est vrai qu’avec cette somptueuse robe fourreau écarlate, elle allait un peu vite en besogne. Et pourtant, Aurora était persuadée qu’elle y serait sublime ! Mais le secret de la mode n’était-il pas de se sentir bien dans sa tenue ? Aussi la jeune fille ne forcerait en rien la décision de Kanaeko. Mieux valait une robe plus simple qu’une tenue éblouissante dans laquelle elle serait mal à l’aise, aussi, d’un large sourire, elle la rassura ;

- A vue d’œil c’est ta taille, c’est juste que ça se porte comme ça…Mais si tu le sens pas, on va te trouver quelque chose de moins ajusté et de plus long…Mais je suis sûre que tu serais magnifique avec cette robe.

Mais la batteuse n’était pas le genre de fille à manquer de courage et cela, d’instinct, Aurora paraissait l’avoir toujours su. Kana se leva d’un bond après une rasade de whisky, et la jeune fille se saisit de la bouteille pour en avaler une gorgée elle aussi, avant de claquer la langue d’un air satisfait. L’alcool lui brûla délicieusement le palais et la gorge avant de réchauffer ses veines et ses os glacés par l’humidité de la pierre du château. Oh comme elle avait hâte de connaître les combines de sa comparse qui lui permettait de subtiliser autre chose que du jus de citrouille aux Cuisines ! Aurora avait beau être dégourdie, elle manquait trop de certaines qualités magiques et humaines comme cette maitrise des sortilèges et cette hardiesse qui caractérisaient Kanaeko pour rivaliser avec elle.

Et pourtant, il y’avait des domaines dans lesquels Aurora la surpassait encore, et la mode en faisait indéniablement partie. Car la jeune fille s’était avachie de nouveau, un muffin à la main, attendant un résultat qu’elle savait spectaculaire, quand elle entendit son aînée se débattre avec la robe fourreau qu’elle paraissait s’évertuer à enfiler coûte que coûte. Et lorsqu’enfin elle rendit les armes, Aurora se leva d’un bond, un rire gai résonnant au rythme de ses pas tandis qu’elle volait à la rescousse de sa nouvelle amie. Derrière le paravent, la jeune Poufsouffle découvrit le spectacle d’une Kanaeko les hanches coincées dans la robe écarlate, couvrant ses jambes jusqu’au-dessus des genoux, mais ne parvenant visiblement pas à remonter le tissu plus haut que son nombril. La situation, vue de dos, n’était pas difficile à comprendre ; la Serpentard n’avait pas vu la mince fermeture éclair qui se fondait dans le dos du tissu. Tenter de l’enfiler ainsi était impossible, c’est pourquoi elle se retrouvait emprisonnée à la taille, le buste à l’air et dans une position inconfortable. La main d’Aurora s’approcha très doucement vers le bas du dos de sa comparse, comme pour demander l’autorisation, ou lui laisser le temps de la repousser si elle le voulait ;

- C’est parce qu’il faut la dégrafer. Laisse-moi faire…Ses doigts tâtonnèrent à la recherche de la discrète fermeture et, quand ils l’eurent trouvé, ils s’évertuèrent à la faire doucement glisser jusqu’aux aisselles de la jeune fille, les yeux figés sur le dos mince sculpté par la pratique intensive de Quidditch et de duel.Passe tes bras dans les manches s’il te plaît…Et, une fois qu’elle se fût exécutée, Aurora acheva de glisser la fermeture, sa main libre écartant doucement les cheveux fous et épars qui retombaient au creux de sa nuque. Ils dégageaient une étrange odeur, agréable, un peu suave, et, une seconde, Aurora fut comme enivrée, et du secouer la tête pour reprendre ses esprits. Tu peux te retourner.

Et wahou. Aurora était si près d’elle qu’elle sentait toujours l’odeur de ses cheveux, et qu’elle pouvait nettement distinguer les subtilités de teintes entre ses yeux vairons. Mais la robe. Le corps long et sculpté de Kanaeko paraissait avoir trouvé un écrin fait pour lui. Et la jeune Poufsouffle ne s’était pas trompé non plus avec le rouge. Il soulignait le teint légèrement hâlé et les cheveux d’encre de son aînée. Sans talons, pas même maquillée ni coiffée encore, Kana lui coupait déjà le souffle. Aurora dut rester un instant l’air stupide, la bouche ouverte, tout près du visage de la batteuse plus grande qu’elle, avant de reprendre suffisamment ses esprits pour commenter d’un ton très sérieux ;

- Je retire ce que j’ai dit tout à l’heure. Tu es obligée de porter cette robe pour le Bal. Viens.

Sa main agrippa la sienne en une demi-seconde, la tirant légèrement pour la faire sortir de derrière le paravent et la planter d’un air triomphal devant le grand miroir qui se trouvait à côté de la banquette. Aurora élargit son sourire, lui laissant la surprise de se découvrir aussi splendide, sa main saisissant au vol la bouteille restée sur la table, en avalant une gorgée avant de la tendre à Kanaeko ;

- Alors ? Tu es d’accord avec moi non ?