Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]



 
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Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]

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Gellert Grindelwald
Gellert Grindelwald
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Âge : 59 ans
Sang : Sang-Mêlé
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Épouvantard : Albus Dumbledore / Le cadavre d'Ariana Dumbledore / Lui-même vieux et affaibli
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MessageSujet: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeJeu 8 Avr - 12:53



Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr

« UND WENN IHR SPIEL BEGANN, HIELT ICH DEN ATEM AN »


Novembre 1942.

Il y avait des soirées plus supportables que d’autres. Des nuits où les murs ne lui donnaient pas l’impression de se refermer sur lui-même, que l’air ne devenait pas vicié, suffocant et que son cœur ne se mettait à rompre à lui briser le sternum. Fort heureusement, ces nuits-là étaient majoritaires. Où l’angoisse des réminiscences de son incarcération inhumaine restait tue. Où il pouvait apprécier alors les bribes d’un sommeil, certes fragile et souvent bref, assis dans un confortable fauteuil à regarder les flammes danser dans l’âtre. Le calme et la paresse étaient alors agréables, reposantes et reconstructrices. Mais l’inactivité nocturne avait du bon, rythmé languissamment par quelques lectures ou une somnolence de quelques demi-heures jusqu’à l’aube. Mais cette nuit-là ne faisait malheureusement pas partie de celles-ci. Les flammes de la cheminée étaient froides et sombres, l’air semblait s’être rarifié et la pièce était plus exiguë que d’ordinaire. Le sommeil avait fui et les cauchemars avaient tapissé le plafond de leurs guenilles noires et trouées. D’en haut, des mains putréfiées, accompagnées d’un râle sépulcral, étaient tendues vers lui. Il ne voulait pourtant pas s’en saisir. Il refusait de les voir. Son corps brûlait et sa peau était glacée. Non, le feu de la cheminée, malgré ses hautes et fières flammes, ne prodiguait aucun réconfort.

Lorsqu’il se releva d’un bond de son fauteuil, il eut l’impression qu’un de ses spectres (pourtant immatériel) se trouvait derrière lui, sa cagoule sombre recouvrant les chairs de son crâne putréfié et sans visage, prêt à l’emmener avec lui. Tout cela n’était pourtant que dans sa tête, il le savait. Mais rester plus longtemps dans cette pièce, il en était incapable. Il sortit alors, épongeant rapidement de sa manche la sueur qui perlait sur son front et s’efforça de garder contenance devant ses geôliers. Un sourire poli et nonchalant, rien de plus. Les Aurors en avaient l’habitude. Le plus jeune d’entre eux échangea pourtant un regard avec son aîné, espérant que le criminel ne leur fasse pas faux bond comme il avait la désagréable habitude de le faire de temps en temps. Mais il n’avait aucune envie de se soustraire à leur surveillance cette fois-ci. Aucun désir de jouer les insolents intenables, même si ces écarts de conduite se trouvaient être rarissimes. Se contentant la plus grande partie du temps d’aller regarder l’horizon, appuyé sur un des balcons au sommet de la Tour d’Astronomie, profitant de l’air frais nocturne, une cigarette coincée entre deux doigts, il prit, cette nuit-là, une autre direction.

Quelques semaines auparavant, il s’était décidé d’aller dans la salle servant aux activités culturelles extrascolaires et, notamment, la musique. Un magnifique piano trônait fièrement au milieu de la salle et il en avait profité pour retrouver certaines sensations du passé. Cette nuit-là, les deux Aurors derrière lui, son cœur l’avait porté à l’instrument de bois verni et d’ivoire. Il savait que l’aube n’était pas si loin mais deux petites heures à faire courir ses doigts pâles sur les touches blanches et noires suffiraient à recentrer son esprit tourmenté. Ses gardiens ne trouvèrent rien à redire. Ce n’était pas en jouant une quelconque sonate que le mage noir allait reconquérir le monde. Quelques partitions traînaient çà et là, rangées avec une assiduité aléatoire, sûrement en fonction des élèves qui les avaient tenues entre leurs mains pour la dernière fois. Son regard s’arrêta sur une en particulier. Gymnopédie n°1, d’Erik Satie. Tempo lent et doux, c’était parfait. Il s’assit alors, s’installa et commença à jouer. Les premiers essais furent hésitants et imparfaits. Parfois, un doigt ripait, achevait sa course sur une mauvaise note. Une moue se dessinait alors sur son visage, tentait d’échanger un regard complice avec son maigre public qui restait silencieux. Le plus jeune d’entre eux, pourtant, répondait à ce sourire désolé d’avoir heurté leurs oreilles par une mélodie faussée.

Rapidement, le soleil matinal vint réchauffer la salle de ses rayons dorés. Les pas épars des élèves les plus matinaux se faisaient entendre, descendant sûrement les escaliers pour rejoindre la Grande Salle. Quel jour étaient-ils déjà ? Ah oui, samedi. Il était normal que le brouhaha ordinaire ne fût finalement que quelques gouttes ponctuelles et solitaires. Mais lui n’avait pas faim. Pas tout de suite. Il voulait au moins réussir la composition d’une traite, sans fausse note. Sur ce point, il n’avait pas changé : têtu, obstiné, il voulait achever ce qu’il venait d’entreprendre. Oublier les échecs passés et se reconcentrer sur des choses bien plus éphémères mais par autant inutiles. Tandis que l’air de la mélodie était de plus en plus respecté, que ses doigts se montraient de moins en moins maladroits, de plus en plus précis, il ne pouvait avoir trouvé meilleur morceau pour tenter de recouvrer cet instant de calme paresseux qui lui avait manqué durant la nuit. Presque lascivement, il avait l’impression que faire courir ses doigts sur l’ivoire chassait la nuit et ses ténèbres et appelait quelque chose de bien plus solaire et chaleureux. Et, comme pour donner raison à cette pensée fugace, la silhouette d’Albus Dumbledore rentra dans la pièce. Les Aurors le saluèrent poliment et respectueusement, mais Grindelwald gardait le nez baissé sur le clavier d’ivoire du piano, concentré et n’ayant pas fait attention à cette personne de marque qui venait croître son auditoire.
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Albus Dumbledore
Albus Dumbledore
Âge : 61 ans.
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Épouvantard : Le cadavre de sa sœur et, depuis peu, la silhouette de Gellert Grindelwald qui s'éloigne de lui inexorablement, et ce malgré sa main tendue vers lui.
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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeJeu 15 Juil - 10:40



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« Salle d'Arts et de Musique »

Novembre 1942

Il ne s’agissait pas vraiment d’une insomnie. Pas quand les timides rayons de l’aube s’immisçaient déjà à travers les petits vitraux du bureau. Leurs rais pâles s’entrechoquaient à la splendeur de feu du plumage de Fumseck. Paisible, l’animal dormait sur son perchoir, indifférent à la pauvre lueur de l’aurore qui paraissait bien terne, à se heurter ainsi à l’habit somptueux de l’animal qui étincelait de plumes semblables aux flammes d’un brasier chaleureux. Une plume d’aigle entre ses doigts, Albus Dumbledore massait ses tempes d’un air las. Croire naïvement en la capacité des traités à ratifier du Magenmagot à le distraire de ses pensées obsessionnelles n’était pas digne d’un homme si vieux et si sage. Les soporifiques articles relatifs aux conditions des Etres de l’Eau et au commerce des ingrédients magiques pour Potions n’y changeaient rien ; les bras de Gellert, toujours, glissaient autour de sa taille. Et leur odeur se mêlaient au cœur de leur étreinte, et ses cheveux devenus trop blancs avaient la douceur de la soie sous ses doigts tièdes. La paume de sa main froide s’était réchauffée au creux de la sienne, et il l’avait gardé le plus longtemps possible, tendresse farouche prolongée par ce formidable sortilège de Désillusion qui avait contribué à forger la légende selon laquelle il savait se rendre invisible sans cape.

Il n’y avait rien eu de plus ce soir-là. Parce que c’était déjà tant pour tous les deux, tant après quarante années de solitude et de regrets, qu’après cette étreinte leurs mains s’étaient déliées, et que leurs regards ne s’étaient même plus croisés au cœur du bureau du Professeur de Métamorphoses. Tendresse farouche ou lâcheté pudibonde ? Peut-être un peu des deux ; et si leurs doigts s’étaient effleurés lorsqu’Albus lui avait glissé sa tasse de chocolat fumant au creux de sa main trop blanche, ils n’en avaient rien dit, et avaient feint d’être tout à fait à leur aise, fierté de sorciers immenses, augustes, respectés de tous, dont l’invincibilité d’apparât s’érodait à se heurter l’un à l’autre.

Ils avaient bu en silence, et Gellert n’avait rien mangé. Albus n’avait pas insisté, acceptant d’un hochement de tête la déclination polie du bassin empli de caramels qu’il avait tendu vers lui, son regard un instant assombri par les réminiscences de leur étreinte au creux de laquelle il avait pu sentir les côtes de son ancien amant s’enfoncer au creux de ses hanches. La maigreur de Gellert, c’était la vérité qu’Albus n’avait pas voulu voir durant tant d’années. C’était la réalité, dans toute sa laideur, dans toute l’horreur cruelle d’une aube qui se lève sur un champ de bataille. C’était les stigmates d’une souffrance qu’il n’en pouvait plus d’imaginer, et qui lui avait sauté au visage ce jour-là. Cette visite protocolaire à Azkaban avait sonné le glas fatidique de l’aveuglement honteux de Dumbledore. Alors il avait sauvé Grindelwald, envers et contre tous, contre vents et marées, contre chaque baguette qui aurait eu l’impudence de se dresser contre lui. D’une main implacable et d’une voix ferme, le fantasque et malicieux Albus Dumbledore l’avait arraché aux mains et aux crocs de ces créatures exécrables, avides de désespoir et d’horreur, d’un sort qu’il avait mérité plus que n’importe qui et dont pourtant il le sauvait avec une volonté farouche, injustice insufflée par cet amour, tenace, qui l’avait suivi jusqu’au creux des alcôves de Poudlard.

Albus ne regrettait rien. Pas même quand Minerva lui rebattait les oreilles sur l’impardonnable risque couru par les élèves, pas même quand le Ministère y allait de leurs menaces coutumières, pas même lorsqu’on lui abattait la terrible promesse de la déchéance et la ruine du monde sorcier, érigée sur la simple base du caprice d’un sorcier fou. Pas même quand la loutre argentée vint immiscer sa silhouette brumeuse au cœur de son bureau pour l’informer de la présence de son auguste prisonnier au salon de musique. Même, un léger sourire, sur lequel se dessinait l’ombre d’une lassitude d’homme vieillissant, s’esquissa sur ses lèvres, tandis qu’il se levait de son siège. A quoi bon lutter ? Gellert triomphait déjà, obnubilant son immense et insondable esprit par les simples réminiscences de son étreinte. La porte du bureau claqua, faisant écho aux talons des souliers d’Albus, qui s’affairaient à gravir les quatre étages le séparant de l’homme de sa vie.

Une mélodie lente, langoureuse, s’échappait de la pièce par les interstices de la porte, se mêlant aux premiers rayons de l’aube qui s’engouffraient au cœur du sombre couloir. La tendresse de la mélopée avait la douce tristesse de larmes silencieuses que l’on arrache à des yeux d’amant désabusé, l’insondable chagrin de sentir au creux de sa poitrine son cœur devenir d’une lourdeur de pierre ; ne rien pouvoir y faire, savoir son sort inéluctable, se sentir impuissant dans sa douleur, grand sorcier aux pouvoirs inutiles à la guérison de ces maux-là. Albus poussa un soupir à fendre l’âme, passant la main dans ses cheveux avant de pousser doucement la porte du plat de la paume.


Il était là. Les timides rayons de l’aurore s’infiltraient à travers les vitraux pour jouer dans la blondeur polaire de ses cheveux. Ils semblaient y scintiller, pluie de poussière d’étoile qui luit au creux de la neige. Indifférence superbe à la nature qui s’éveille, fébrile, il était là, roidi dans sa hauteur immobile, et ses doigts glissaient sur les touches d’ivoire, et la mélodie semblait susurrer, douceâtre, tous ce que ces deux fiers amants n’avaient jamais osé se dire. Un sourire, un regard entendu, et les deux Aurors s’éclipsèrent sans mot dire, laissant au grand Albus Dumbledore la surveillance de son prisonnier dont les doigts trop blancs couraient encore, inlassables, indifférents à la présence de son geôlier qui n’avait pas encore pris la peine de se faire remarquer, tout à la contemplation de l’amant offert aux premières lueurs du jour. Comme il avait changé ! Quarante années de crimes et de magie noire avaient laissé sa peau d’une blancheur immaculée, telle qu’elle aurait pu rivaliser avec l’albâtre ou la neige de ces cimes alpines desquelles il était issu. Sa chevelure avait perdu sa blondeur dorée, et ne tombait plus en ondulations souples autour de son visage. Sa grande veste noire s’étalait sur le petit banc de bois, et ses longues jambes fines s’étendaient nonchalamment sous le piano à queue qui vibrait sous ses doigts. Oui, il avait changé, mais Albus se surprenait à le trouver si beau ainsi, sa blancheur immobile offerte à la lueur du jour, qu’il en resta foudroyé un instant, s’offrant quelques secondes de plus à contempler l’homme de sa vie sauvé par la seule force de sa volonté avant de briser enfin cette mélodie langoureuse qui enveloppait leur silence ;

- Est-ce là ton nouveau plan Gellert ? Vaincre tes geôliers en les privant de sommeil ? T’arrive-t-il de les laisser dormir plus tard que l’aube ?

Derrière les lunettes en demi-lune, l’azur du regard d’Albus brillait de cette malice que tous lui connaissaient. Et sous la barbe aux reflets de cuivre, un sourire taquin, presque amusé, éclairait le visage fantasque. La main sur sa baguette, le sous-directeur esquissa un petit geste souple et grâcieux, qui vit apparaître un large fauteuil de cuir au creux duquel il déposa son séant avec, sur le visage, un air de confort ravi ;

- M’autorises-tu à t’écouter ? Je n’ai rien entendu de tel depuis bien longtemps. J’ignore où tu as appris à jouer ainsi, mais je suis impressionné.

Question rhétorique. Albus était déjà installé, et avait tous les droits sur le château et sur Gellert. Et pourtant ! Un mot, un refus, un geste de la main, et Albus partirait, cédant sa place aux Aurors, étrangement docile aux désirs de l’ancien amant dont il se découvrait toujours, après quarante années et une indéniable suprématie dans le monde sorcier, une faiblesse inexplicable, cette volonté qui faiblissait sous ce regard hétérochrome et ce sourire insolent qui paraissait pouvoir croquer le monde. Il y’avait de ces choses qui ne changeraient jamais. Et le pouvoir de Gellert Grindelwald sur le grand Albus Dumbledore était peut-être la plus immuable, la plus inéluctable, la puissante d’entre toutes.

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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeJeu 15 Juil - 16:42



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Novembre 1942.

Concentré sur son piano, Gellert ne faisait pas attention à ce qu’il se passait autour de lui. Comme envouté par la musique que produisaient ses propres doigts, son environnement semblait s’être envolé, disparu, distordu. Le temps n’existait plus. Il n’avait guère relevé le fait que les rayons matinaux de l’aube lui caressaient sa nuque pâle depuis plusieurs minutes. Il n’avait pas non plus fait attention que l’effectif de son public avait été divisé par deux pour accueillir un invité de marque. Alors il n’avait cessé de jouer, continuant son morceau avec de plus en plus de précision, les notes fausses devenant rares, voire quasiment inexistantes. Ses doigts recouvraient leur dextérité, leur habileté. Ce n’était pas quelque chose qui s’oubliait ou qui se perdait. S’il n’avait certainement pas son niveau d’antan, les automatismes revenaient tout de même rapidement. Le nez sur le clavier cependant, il ne vit pas la silhouette familière qui l’épiait discrètement. Pourtant, il y avait pensé durant ces heures à faire sonner l’ivoire sous ses doigts. La chaleur dans son cou lui rappelait discrètement cette main glissée sur sa nuque. Le moment avait d’ailleurs paru si réaliste qu’il se demandait encore si cela n’avait pas été un de ces doux rêves qui ne seraient rien de plus que chimériques, intouchables des affres de la réalité.

Mais la voix de celui auquel son esprit s’abandonner lentement l’interrompit, le surprit même, faisant déraper son doigt d’une touche qui vint mourir dans une note disgracieuse. Gellert releva alors ses yeux asymétriques et se posèrent sur ceux de cet azur pur d’Albus. Un léger sourire espiègle naquit sur son visage blanc, retirant ses mains du piano quelques instants. C’était peut-être la première pause qu’il prenait en plusieurs heures. Instinctivement, il regarda l’aube se montrer à travers les carreaux de la salle de musique. Il n’avait pas remarqué qu’il était si tard déjà. Une nouvelle plaisanterie s’échappa des lèvres malicieuses d’Albus au sujet des individus qui étaient chargés de le surveiller. Gellert baissa alors les yeux et eut léger soupir, souriant toujours légèrement. Il était vrai qu’il ne laissait guère de répit aux Aurors, véritable noctambule quand le sommeil se soustrayait à lui, comme cette nuit-ci. Parfois, le souvenir d’Albus était ce qui l’empêchait de fermer l’œil, son esprit divaguant, s’égarant sur les moments complices passés avec lui, sur leurs mains qui s’entrelaçaient, sur leur corps l’un contre l’autre. Parfois aussi, le parfum boisé et masculin d’Albus enivrait sa pensée, le laissant rêvasser des heures sans pour autant trouver le calme, la culpabilité revenant toujours plus férocement dans son cœur, ne pouvant constater les ruines de ce qui aurait pu être une histoire grandiose et auréolé de gloire et d’amour. Mais il n’en était rien. Il reprit alors lentement son air de piano.

— Je n’avais pas vu qu’il était si tard… Mais sache que je les retiens ici depuis le milieu de la nuit.

Avec un sourire espiègle aux lèvres, il refit courir ses doigts sur les touches du piano, essayant de masquer une certaine mélancolie. Albus si prévenant et compréhensif envers lui à l’instant présent que Gellert s’en voulut presque que la raison de son insomnie vu Azkaban plutôt que lui. Il était en effet plus romantique, plus doux que la simple pensée de l’être aimé vous octroie votre sommeil mais c’était bien les Détraqueurs dont il avait senti les mains sur sa nuque et non celle chaude et réconfortante d’Albus. N’osant le regarder plus, il continua à jouer sa partition tandis qu’il entendit à nouveau cette voix qu’il appréciait tant prendre ses aises et en profiter pour le flatter un peu. Gellert eut un léger rire amusé qui laissa un grand sourire de même nature. Il ignorait s’il était réellement modeste ou s’il s’agissait simplement de tournures pour mieux se faire paraître sympathique auprès de son auditoire, mais il avait de sérieux doutes sur la véracité des paroles d’Albus. Peut-être ne voulait-il tout simplement pas le vexer ?

— Oh tu sais, je m’y remets juste. Tu aurais écouté quand j’ai commencé tout à l’heure, tu n’aurais pas dit la même chose.

Tandis qu’il continuait à jouer, il lui lança un bref regard mais le simple fait d’apercevoir l’éclair d’azur de ses iris suffit à lui faire rater sa note. Il pesta discrètement, se sentant comme subitement stupide. Il reprit alors là où il en était, espérant qu’Albus ne l’eut pas entendu, même s’il ne se faisait pas d’illusion. Et pourtant, malgré cet élément perturbateur dans sa concentration de fer jusque-là, il ne pouvait s’empêcher de le vouloir près de lui. Seulement quelques mètres le séparaient de ce qu’il désirait apparemment le plus au monde et pourtant, il n’osait se rapprocher. Non, il était bien à son piano, baigné dans la lumière de l’aube, loin du brouhaha de la Grande Salle sûrement bondée d’élèves. Encore une fois, avec Albus à côté ou dans ses pensées, il avait l’impression d’être soustrait aux règles les plus fondamentales du temps. Finalement, avec un nouveau soubresaut d’audace dont il n’aurait jamais cru être capable, comme détacher de son corps et de sa volonté, il s’entendit dire :

— Tu peux venir plus prêt si tu veux.

Et comme se pliant à cette décision qu’il peinait à croire sienne, il se décala légèrement sur la gauche du fauteuil, laissant une place si Albus souhaitait s’y asseoir. Ce n’était pas sa grosse cinquantaine de kilos qui encombrait la chaise. Continuant de jouer, essayant d’oublier sa nervosité à l’idée que Dumbledore accepte sa proposition, évitant de le regarder, de ne pas penser au fait que son agréable parfum boisé vienne lui narguer les sens, il reprit :

— On m’a appris à jouer du piano chez m… à Nurmengard. Il y a de cela longtemps. Cela faisait des années que je n’avais pas joué, mais je n’ai, de toute façon, jamais eu un talent inné pour la musique.

Il avait buté sur sa première phrase. En effet, il était difficile de se dire qu’après quinze ans, il puisse encore considérer Nurmengard comme un foyer. Cela avait, par ailleurs, été une sorte de quartier générale pour ses arcanes machinations, perdant ici la fonction première de la bâtisse. Maintenant, il n’osait imaginer dans quel état se trouvait le château, à l’abandon total depuis que le propriétaire avait abandonné les lieux par la force des choses. Son sourire ayant disparu, il se reconcentra sur sa musique mais la morosité qui le collait depuis qu’il avait quitté ses quartiers quelques heures auparavant ne disparaissait définitivement pas, elle qui ne se laissait pas de lui planter ses griffes de culpabilité dans l’échine, l’empêchant de profiter pleinement des rayons dorés sur les magnifiques reflets cuivrés d’Albus.
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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeVen 16 Juil - 10:30



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« Salle d'Arts et de Musique »

Novembre 1942

Gellert jouait-il si bien que cela ? Si Albus ne mentait pas en prétendant n’avoir rien entendu de tel depuis longtemps, il y’avait, certes, virtuose plus aguerri. Mais, pour des doigts endoloris par les quinze années passées à agripper les barreaux glacés de désespoir d’Azkaban, l’exploit était à souligner. La vélocité des mains trop blanches, comme faussement lavées du sang de ses nombreux crimes, s’agitait sur les touches d’ivoire, les contraignaient à susurrer la douce mélodie qui se heurtaient aux vitraux baignés de soleil, et aux oreilles tendres du mage le plus respecté du monde sorcier. Peut-être était-ce parce que c’était Gellert, tout simplement. L’amour, encore, réponse immense de pureté dans sa simplicité mésestimée de trop. La mélopée lui étourdissait l’âme, plus que n’importe quelle symphonie de maître, parce que c’étaient les doigts de son ancien amant et unique amour de sa vie qui s’évertuaient à les arracher de l’instrument.

Audacieux, insolent toujours. Et Albus, toujours pris entre deux feux, ne sachant pas vraiment s’il devait en tenir rigueur, s’en offusquer ou bien s’en amuser, conscient que chaque incartade de son prisonnier arraché de force aux griffes avides et aux mains voraces du Ministère, si inoffensive et légère soit-elle, faisait l’objet de nombreuses et longues remontrances auxquelles il devait feindre de s’intéresser. Mais ce sourire ; cette manie qu’avait Grindelwald de faire tourner le monde en bourrique, et de toiser sa débâcle orchestrée avec cet air narquois de celui qui feint l’indifférence goguenarde d’un spectateur innocent. Aussi, c’est le sourire de Dumbledore qui finit par éclairer son visage, s’étirant sur sa barbe aux reflets de cuivre ;

- Quelle cruauté…Si ma mémoire est toujours ce qu’elle était, c’est-à-dire exceptionnelle, le pauvre Cooper peinait déjà à arriver à l’heure aux premiers cours de la journée. Il était échevelé et la mise débraillée de son uniforme lui faisait perdre des points à sa maison.

Le sourire d’Albus persista, indéniablement amusé. Le malheureux Cooper avait dû copieusement et ouvertement Grindelwald, plus secrètement peut-être lui-même, geôlier fantasque dont les plus brillants Aurors subissaient les effets de son caprice jusque dans la qualité de leur sommeil. Albus ferma un instant les yeux, s’alanguissant au creux de son fauteuil à mesure que les notes défilaient, leur clarté résonnant au creux de l’alcôve de la salle de musique. Et lorsque la voix de Gellert s’éleva de nouveau, ce fut pour tinter de cette qualité qui avait tant fait défaut ces quarante dernières années au grand Albus Dumbledore, et qui allait encore en s’amenuisant avec l’âge et le prestige ; la modestie. L’azur malicieux de son regard se teinta d’une tendresse mélancolique, tandis que Gellert ratait sa note à la lueur de leurs prunelles qui s’étaient entrechoquées une seconde.

- Je trouve que tu t’en sors très bien pour une reprise.

Emu plus que de raison, Albus s’osa à un regard pudibond derrière l’éclat de ses lunettes en demi-lune. Gellert paraissait mécontent d’avoir ainsi trahi son trouble, si trouble il y’avait. Après tout, la présence d’Albus l’avait peut-être tout simplement déconcentré. Pourtant, le plus grand trouble ne vint pas de lui. Car à l’invitation de se rapprocher, les yeux d’Albus, à demi-refermé sur le délice de la symphonie tranquille qui l’alanguissait s’ouvrirent trop vite, et ses joues rosirent légèrement sous sa barbe, contemplant la silhouette du grand Gellert Grindelwald glisser sur le petit banc afin de lui laisser de l’espace. Comme pour masquer son embarras, le sous-directeur de Poudlard, Président du Magenmagot et éminent membre de la société magique se racla la gorge, fit disparaître d’un mouvement souple le lourd fauteuil de cuir et s’exécuta sans mot dire.

Lorsque le grand Albus Dumbledore glissa son séant tout près de celui du criminel le plus terrible que le monde sorcier ait porté depuis longtemps, il tenta de feindre l’indifférence ; d’oublier les effluves de cèdre qui lui enivraient les sens, de ne pas sentir à quel point la hanche était maigre contre lui, à quel point il le trouvait beau encore, même de si près, même alors que l’unique amant de toute sa longue portait les stigmates indélébiles de ses exactions qui avaient fait trembler l’Europe. Il l’écouta plutôt parler de Nurmengard l’air de rien, et cette phrase interrompue qui n’avait pas échappé à Albus. Visiblement, Gellert pouvait comprendre mieux que personne ce sentiment qu’il avait exprimé devant le miroir. Le grand Gellert Grindelwald connaissait lui aussi le confort de se sentir chez soi. Mais, quand Poudlard n’inspirait que bienveillance et accueil, la simple évocation de Nurmengard, même après quinze ans, continuait de faire trembler les foules. Avec un sourire timide, se targuant de ce ton Professoral dont usait auprès de ses élèves, comme pour dissiper sa pudeur, Albus fit glisser ses doigts sur les touches opposées aux mains de Gellert ;

- J’ai de multiples talents, mais je ne suis guère un virtuose non plus, je l’admets…Mais, si je peux me permettre, peut-être es-tu un peu brusque. Vois, la mélodie est lente, aussi, nous pouvons manier les touches avec délicatesse, les effleurer presque…

Les doigts de la main droite d’Albus coururent sur les touches, les caressant plus que les maniant véritablement, jusqu’à frôler les doigts blancs qui se rencontrèrent à mi-chemin du clavier. Sans le regarder, mû par l’audace de leur proximité, par la légèreté de la musique, par ces effluves de cèdre qui l’étourdissaient, les doigts tièdes se serrèrent un instant sur ceux qui virevoltaient, trop blancs et trop froids, au-dessus des touches. Le regard d’azur lâchement baissé, Albus s’éperdait dans la contemplation de la main qu’il avait emprisonnée au creux de ses doigts. Fine, d’une élégance presque féminine. Les doigts étaient longs et la peau si blanche qu’elle paraissait irréelle, à peine humaine. Roide et fraîche dans sa délicatesse, la peau avait pourtant la douceur de la soie, et l’azur des yeux d’Albus Dumbledore avait beau s’y perdre, il n’y voyait pas une seule goutte de sang. Il y’en avait eu tant, pourtant. Le sous-directeur eut un soupir, et ses doigts relâchèrent doucement leur étreinte au creux de laquelle il avait emprisonné ceux du criminel qu’il n’avait jamais pu s’empêcher de continuer à aimer, malgré tout, envers et contre les plus affreux méfaits qu’il ait pu commettre ;

- Mais je dois admettre que ta vélocité surpasse largement la mienne…

Un petit sourire triste vint éclairer de nouveau son visage malicieux. Parfois, même le grand Albus Dumbledore doutait. Et le terrible et repenti Gellert Grindelwald était le seul mage capable de faire vaciller à ce point toutes ces certitudes sur lesquelles s’appuyait sa supériorité, sa pédanterie et sa fantaisie. Et sa voix, tout à l’heure enjouée, devenait soudain presque grave, quand il s’osa enfin à lever yeux vers le seul amant qu’il ne se soit jamais permis ;

- Gellert, te plais-tu à Poudlard ? Si quelque chose venait à te manquer, m’en ferais-tu part ?

Gellert Grindelwald n’avait pas à formuler de désirs relatifs à sa captivité, miraculeusement améliorée au-delà de ses espérances et du raisonnable. Et pourtant. Albus ne l’avait pas fait libérer pour le contrarier ou l’humilier inutilement. Il ne pouvait guère lui proposer ce qui relevait de la folie, comme lui fournir une baguette ou l’autoriser à voyager. Mais le douillet sous-directeur qu’il était devenu ne savait que trop comme quelques petits riens pouvaient éclairer une journée. Quelques sachets de thé, des confiseries, des sels pour le bain. Personne, pas même le Ministère, pas même Minerva, n’oserait lui clamer qu’il fallait refuser cela au grand Gellert Grindelwald. Et cela avait beau être peu, Albus le ferait malgré tout, de bon cœur, pour celui qu’il aurait voulu commencer à choyer il y’avait de cela quatre décennies, déjà.


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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeVen 16 Juil - 14:57



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Novembre 1942.

Albus ne put s’empêcher de parler cet Auror qui fut jadis son élève. Gellert connaissait la stratégie : bavasser sur ce travail dans lequel il se noyait corps et âme permettait à l’illustre professeur de se cacher pudiquement derrière son professionnalisme. Grindelwald n’était plus dupe. Souvent, à l’époque, Dumbledore ne pouvait s’empêcher de parler de Poudlard quand il mentionnait certaines choses personnelles et intimes. Mais Gellert ne lui adressa pas un regard, comme si les notes provenant des cordes frappées du piano lui permettaient de se cacher, lui aussi, de ses remords honteux. Des Aurors, il en avait tué beaucoup, aussi bien en Europe qu’en Amérique. Parmi eux, quelques élèves d’Albus. Gellert craignait véritablement que ce dernier ne finisse par s’en rendre compte, de réaliser qu’il avait accueilli dans son foyer de toujours le plus grand criminel du siècle, le pire meurtrier que les sorciers aient connu depuis bien longtemps. Aussi ne répondit-il rien. Il ne voulait pas prendre le risque que le regard d’Albus change quand il se posait sur lui. Même s’il n’y avait rien d’officiel, bien évidemment, il ne pouvait s’empêcher de croire que quelque chose avait changé devant ce miroir même si leurs deux fiertés les empêchaient tous deux de se rapprocher comme ils auraient dû. La raison aussi.

Continuant de faire courir ses doigts blancs sur l’ivoire immaculé des touches, il entendit Albus le flatter à nouveau. Attendri, le mage noir qui avait fait trembler l’Europe par sa simple menace, le despote aux grands projets, finit par sourire timidement mais d’une franchise lisible et nullement dissimulée. Il se replaça sur sa chaise, comme pour cacher son visage tandis qu’il entendit Albus se lever, ayant accepter son invitation de venir près de lui. Une étrange sensation naquit alors au fond des viscères du mage noir. Une impression similaire à celle qui l’avait poussé à fuir ses appartements mais en plus chaleureux, bien plus agréables également. Gellert était nerveux de sentir Dumbledore s’installer confortablement à côté de lui. Pendant un instant, le rythme de ses mains ralentit, son esprit enivré par le parfum viril d’Albus. Ses paupières faiblirent l’espace d’un instant, sa tête fatiguée de cette nouvelle nuit blanche, irrépressiblement attirée par l’épaule de l’être aimé à ses côtés. Lutter fut difficile mais se retenir était une nécessité. Il ne pouvait se permettre une telle familiarité alors qu’ils n’étaient encore que deux étrangers avec un sombre passé en commun. Et pourtant, c’était lui qui avait invité Albus à s’asseoir auprès de lui.

Gellert interrompit son morceau un instant tandis qu’il regarda les mains gracieuses et fines de Dumbledore se poser à l’opposé des siennes sur le clavier. Avec un sourire, il reprit alors sa musique, curieux de voir si les doigts d’Albus allaient suivre les siens au fil des notes. La réponse fut oui. En partie. S’étant replongé dans sa concentration, Gellert n’avait pas fait attention que discrètement, la main gauche d’Albus se rapprochait de la sienne envers d’emprisonner ses doigts dans sa paume. La chaleur qui enveloppa sa main décrocha un sourire franc au repenti qui poursuivit la partition de sa main libre. Cependant, le rythme s’effondrait, ralentissait, tandis que les doigts qui étaient en contact de la peau d’Albus entamaient une étreinte aussi douce qu’honnête. Ses yeux se posèrent sur leurs mains liées et les dernières notes du morceau restèrent suspendues dans le vide du silence, autant que le souffle retenu de Gellert. Il avait arrêté de respirer tandis qu’il sentit la chaleur d’Albus se propager le long de son bras. Finalement, il sentit cette étreinte lui échapper et, contre toute attente, contre sa propre volonté même, pourtant désespérément avide de ce genre de contact doux avec l’homme de sa vie, il ne fit rien pour empêcher cette main glisser sur sa peau blafarde et la fuir.

Il resta un instant là, paume ouverte, attendant d’être à nouveau saisi mais rien ne vit. Les poumons du mage noir se délièrent également, reprenant un souffle incroyablement calme malgré son cœur qui s’affolait dans sa poitrine à lui en faire mal. De même, sans rien laisser paraître sur son visage à part son éternel sourire satisfait, Gellert se remit à laisser courir ses doigts délaissés sur l’ivoire du piano. L’esprit embrumé, il n’avait connu plus grande tentation que celle-ci. Il ne parvenait à déchiffrer ce geste d’Albus. S’il s’agissait d’une invitation ou d’un simple laissé-allé à une pulsion trop profonde pour être contenue. Les deux hommes avaient beau s’être avoués qu’ils étaient chacun le plus grand désir de l’autre. Alors pourquoi continuer à agir comme deux étrangers. Les crimes de Grindelwald étaient-ils trop lourds à supporter pour Dumbledore qui ne parvenait à se résigner à fermer les yeux dessus ? Comment le mage noir pourrait-il lui en vouloir après tout… Il ne voulait pas le forcer à céder à la propre pression que devait exercer son cœur. Il ne voulait pas non plus qu’il s’imagine que le germanique voulût le séduire à nouveau pour mieux préparer sa chute. Il aurait voulu lui montrer toute son honnêteté, lui crier à quel point il était désolé mais il craignait que ces notes-là ne sonnassent fausses. Il avait après tout tellement menti tout au long de sa vie.

— J’ai toujours été plus véloce que toi, Albus.

La taquinerie vint affubler le sourire pâles du mage noir, réponse espiègle au commentaire pourtant pour une fois humble de Dumbledore. Mais c’était plus fort que lui, il ne pouvait s’empêcher de venir froisser gentiment l’ego de cet homme si brillant qu’il pouvait se vanter de bien des choses. Notamment d’avoir conquis, et ce depuis des années, le cœur sombre du mage noir dans lequel il était le seul à l’emplir de lumière. Il sentit alors le regard d’Albus se poser solennellement sur lui. Par respect, intrigué également, il interrompit sa mélodie et plongea ses yeux dans l’azur de ceux de son amant. Aucune malice ne semblait plus s’y trouver. La question qu’il posa, malgré la convenance professionnelle, semblait bien plus personnelle. La voix soudainement grave d’Albus le trahissait. Mais Gellert resta silencieux quelques instants, réfléchissant avec sérieux aux quelques mots qu’il prononcerait à son ancien amant. Poudlard était un lieu magnifique mais avec le passé qu’il avait vécu, il ne pouvait s’empêcher d’être dissimuler sous un drap de mélancolie et de culpabilité. Il brisa leur contact visuel par un soupir profond, reportant ses yeux assortis aux touches du clavier sur ce dernier. D’un geste pensif, il caressera d’un doigt blanc l’extrémité de l’ivoire du piano.

— Il serait mentir de dire que Poudlard n’est pas plaisant. Je n’ai que rarement vu un cadre aussi magnifique. Il est idéal, inspirant, chargé de magie et de bienveillance. Mais…

Il marqua une pause, son regard fuyant lâchement à l’opposé d’Albus.

— Je dois t’avouer qu’à certains moments, c’est… presque pire qu’Azkaban.

Un nouveau silence. Gellert savait qu’il lui faudrait vite le combler, sachant à quel point Dumbledore était attaché à cette école qui lui appartenait officieusement. Cependant, il avait besoin d’un certain temps afin de trouver des mots à mettre sur ce sentiment qu’il avait.

— Il n’y a guère horreur ici, bien évidemment. Bien au contraire, devrais-je même dire. Mais justement. Je fais tache, ici. Je suis un criminel au milieu de la jeunesse immaculée britannique. Je suis toujours un prisonnier et un meurtrier et baigner dans le Soleil d’Écosse me montre ce qui aurait pu être, ce que j’aurais pu faire si… si un simple détail dans ma vie s’était passé autrement. Un décès survenu trop tôt, une différence trop marquée, un amour trop intense… À chaque fois, j’ai pris la mauvaise décision, ce qui m’a réservé une place méritée à Azkaban. Ici, j’ai quitté l’Enfer mais j’ai atterri dans un Purgatoire.

Il finit par regarder la main d’Albus qu’il aurait bien aimé serrer dans la sienne à nouveau. Cependant, ses doigts restèrent sagement sur ses cuisses.

— Là-bas, je parvenais à me déconnecter, à ne plus trop subir les Détraqueurs ou juste à m’y habituer. Mais à Poudlard, ils sont toujours là. Je ne sais pas si j’ai laissé quelque chose à Azkaban ou si Azkaban m’a suivi, mais cela me rappelle sans cesse, me martèle inlassablement le crâne le monstre que j’ai pu être et que je serai à jamais. Ces mains, Albus, n’ont rien d’humaines et je ne comprends toujours pas vraiment pourquoi tu as décidé de laisser une telle ignominie pérégriner dans les couloirs de ce lieu si beau, si pur et qui t’es si cher.

Il eut un léger sourire.

— Ne te méprends pas, je ne regrette pas d’être ici, loin de là. Oui je m’y plais beaucoup même si je ne mérite pas cela. Je ne mérite pas de t’avoir à mes côtés non plus, ni cette confiance que tu sembles me porter. Je sais que mon châtiment est juste et que je ne suis pas ici pour être heureux. Bien au contraire, il y a certains moments, certains instants qui ne cessent de me rappeler à quel point j’aurai pu l’être. Et à quel point j’aurai pu en rendre certaines personnes.

Pensivement, machinalement, sa main gauche se reposa avec légèreté sur les touches graves et improvisa une légère mélodie mélancolique. Après quelques secondes, la voix serrée et masquée par la musique, il dit à voix presque basse :

— Je te serai, cependant, éternellement reconnaissant.

Ses doigts ne s’interrompirent pas, ses yeux les regardant danser sur l’ivoire. Peut-être en avait-il trop dit. Peut-être que cette plaidoirie n’émouvrait nullement Albus. Peut-être même qu’il venait de lui crever le cœur une fois de plus malgré que son intention eût été tellement opposée. Il préféra cependant ne pas y penser.
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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeVen 16 Juil - 17:33



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Novembre 1942

Albus aurait juré le sentir trembler, ce formidable Occlumens, lorsque son séant vint se glisser près du sien. Il aurait juré ne pas les avoir rêvées, ces mains trop blanches de crimes inavouables, perdre de leur vélocité sous la proximité du tendre geôlier qui avait accepté sans mot dire l’invitation à se rapprocher de lui. Il aurait juré que le même tourbillon de réminiscences les enivrait tous deux, les assourdissaient des mêmes affres de ce qui aurait pu être, les assommaient de tout ce qui aurait pu être, de tout ce qui s’était offerts sous leurs jeunes pas qui avaient tout piétiné, irrémédiablement. Leur douleur commune s’étiolait à la chaleur de l’un, à la fraîcheur de l’autre, complémentaires encore, jusque dans la tiédeur qu’ils s’insufflaient l’un à l’autre. Albus devina plus qu’il ne le vit le sourire se dessiner sur le visage de Gellert, crayeux de ses crimes et du despotisme qui avait fait trembler l’Europe. Et, une fois encore, leurs mains n’eurent besoin d’aucun signal pour survoler l’ivoire à l’unisson, et la mélopée à quatre mains s’éleva, dans une clameur de ce que leurs cœurs avaient hurlé et pleuré en silence, assourdis par leur solitude acharnée et leur orgueil d’immenses sorciers.

Jamais le prude et sage Albus Dumbledore n’aurait fait montre d’une telle audace, si les doigts blancs n’avaient pas virevolté si près des siens ; si les embruns de cèdre et de cimes alpines ne lui fouettaient pas le visage comme l’écume immaculée lèche le sable d’une plage pendant une tempête ; s’il n’y avait pas tant de pouvoir dans ce sourire prétendument tranquille qui avait toujours paru le narguer. Mais l’étreinte avait été osé dans un sursaut, presque, balbutiée, pudibonde. Et la malice avait fui, ne lui était plus d’aucun secours désormais, alors les prunelles de ciel d’été ne se levèrent pas sur ce qu’il imaginait le sempiternel sourire d’adolescent du seul qu’il ait jamais aimé. Tout à ces doigts qu’il avait emprisonnés sans rien dire au creux des siens, tout à la timide étreinte dont il se repassait avec une contemplation émerveillée, tout à cet homme dont la proximité s’était bornée aux premières pages des journaux qu’il avait souillé de ses exactions et des horreurs commises pour le plus grand bien.


Albus abandonna la paume ouverte, sans retrouver le souffle de courage qui l’avait animé à la saisir, la laissant là, seule, offerte à un nouvel élan de hardiesse qui, cette fois-ci, ne viendrait pas. Après plusieurs secondes interminables, la paume ouverte, enfin, se résigna, quand le désir d’Albus de se sentir crouler sous une nouvelle étreinte lui crevait la poitrine, mais que le fier lion des Gryffondor ne parvenait pas à trouver au fond de son cœur le courage nécessaire. La symphonie sembla laisser couler leurs larmes et leurs cris de nouveau, complainte arrachée des tréfonds de leurs âmes en léthargie depuis trop longtemps. Et leur fierté stupide, leur pudeur exacerbée à tous deux, avaient trouvé chacune leur terre fertile, Albus dans la fantaisie taquine, Gellert dans l’audace d’une insolence éhontée. Cette fois-ci, le Directeur Adjoint se fendit même d’un léger rire, qui trahissait une certaine perplexité amusée ;

- Le crois-tu vraiment ?

Ils n’avaient pas été rares, les triomphes du jeune et prometteur Albus, lorsque les duels avaient fleuri entre eux deux. Pouvaient-ils vraiment se combattre, voire même se comparer ? Albus avait peut-être cette très légère supériorité magique qui aurait pu faire la différence, si Gellert ne la compensait pas par cette force de caractère, cette supériorité naturelle qui avait eu tôt fait d’écraser la tendresse sage de son amant et unique adversaire de taille, le moment venu.

Depuis combien de temps la mélopée plaintive avait-elle cessé ? Le silence sourd, pesant, enveloppait leurs deux regards soudain devenus graves qui s’entrechoquaient. Et quand enfin la réponse vint, suivie d’un soupir à fendre l’âme, Albus comprit que les louanges dont il berçait Poudlard n’étaient que le préambule destiné à ménager le Directeur Adjoint de la litanie qui allait suivre. Et lorsque le couperet tomba, le silence se fit sur l’horreur de la déclaration. Et le bienheureux, le naïf Albus Dumbledore, qui avait cru arracher aux crocs béants de l’Enfer son unique amour, découvrait qu’il n’en était rien. Un instant, il baissa les yeux sur ses mains qu’il avait sagement croisé sur ses genoux. Pire qu’Azkaban, Poudlard ? Poudlard la douce, la merveilleuse, la mère de tous les sorciers britanniques qu’elle accueillait en son sein, sans distinction de classe sociale, de sang ou de mérite ? Le silence parut durer une éternité, avant que Gellert ne cherche à s’expliquer. Dans l’innocence de sa question, Albus avait cru à d’éventuelles requêtes relatives à la qualité des repas, au confort de ses appartements, à cette surveillance qui devait l’agacer.

Bien sûr qu’il n’y avait pas d’horreur à Poudlard. Bien sûr que Gellert avait mérité plus que quiconque sa place à Azkaban. Bien sûr que c’était dans la peau d’un criminel qu’il foulait la pierre millénaire de la formidable école. Bien sûr la mort d’Ariana, l’intensité de leur passion, avaient contribué à consumer trop vite ce qui s’était soldé par le drame de tant de vies. Une tristesse indicible vint alourdir le cœur d’Albus. Comment avait-il pu être si naïf ? Même adolescents, c’était toujours lui qui s’émerveillait de tout, toujours lui qui voyait la beauté fleurir là où il n’y avait que plaine désolée. Gellert Grindelwald pourrait-il jamais retrouver la paix quelque part ? Y’avait-il un seul lieu sûr cette terre dans lequel les âmes arrachées ne crieraient plus à l’assassin, ne lui martèleraient plus cette conscience recouvrée qui serait son pire bourreau ?

Et Albus avait tout essuyé sans rien dire. Les cris et les menaces, les promesses d’une déchéance du monde sorcier par son simple caprice, les desseins funestes d’un nouvel avènement de Grindelwald et de sa mort certaine. Il avait même écouté  avec un air d’intérêt poli la sorcière qui exhortait à trouver une place en psychiatrie à Sainte Mangouste à ce « vieux sorcier fou et délirant. » Mais entendre de la bouche de Gellert que l’avoir sauvé était bel et bien une folie était soudain plus qu’il ne pouvait en supporter. Albus baissa les yeux, écoutant poliment avec quel calvaire le grand Gellert Grindelwald empruntait le début du long et tortueux chemin de sa rédemption au sein de la plus prestigieuse école de sorcellerie du monde.

Et pourtant, soudain, les lèvres de Gellert s’étirèrent en un sourire, quand celles d’Albus n’en avait plus la force. Il clamait sa gratitude, et son ancien amant là savait sincère. Et en réalité il ne pouvait guère en vouloir à Gellert. L’honnêteté, si cruelle et rude fut-elle à accepter, était bien le plus beau cadeau qu’il pouvait lui faire. La main de Gellert s’agitait, virevoltait sur les touches d’ivoire dans une mélodie distraite, langoureuse et d’une mélancolie à arracher des larmes aux statues de pierre qui gardaient l’entrée du château. Ce poignard au cœur était l’élan qu’il lui avait fallu pour pallier au courage qui lui avait manqué tout à l’heure. Lorsqu’Albus se saisit à nouveau de sa main, ce fut pour lui faire cesser cette complainte qui lui crevait le cœur, pour le forcer a le regarder aussi. Cette fois ses doigts tièdes s’entrelacèrent à la blancheur de ceux du criminels qui se découvrait le calvaire de la rédemption. Et sa paume se colla à la sienne, comme pour le prévenir que, cette fois-ci, il ne la lâcherait pas ;

- Gellert..., À ton tour de ne pas te méprendre. Ce que tu me dis me fait de la peine, je te ne ferai pas l’offense de le nier. Mais ton honnêteté vaut tant, tellement plus qu’un doux mensonge. Alors merci, et promets moi de ne pas cesser. Ensuite, je ne crois pas que Poudlard soit la coupable de ton ressenti. Si ta rédemption est sincère, ton Purgatoire sera partout, et je n’y pourrais rien. Je peux t’offrir beaucoup de choses, mais pas la paix intérieure, bien que cela me rende malheureux. Tu devras la trouver toi même, et puiser la force de t’accorder ton pardon. Quant à moi, je t’ai déjà pardonné depuis longtemps, et je ne suis plus en colère. Albus marqua une pause, s’éperdant un instant dans la vision de leurs doigts enfin entrelacés, chimère devenue réalité par la seule force de sa volonté. Gellert, je ne t’ai pas fait venir ici pour te torturer. Ces détails dont tu parles, ces mauvaises décisions, elles m’ont aussi affectées, plus que tu ne le crois, peut-être plus que tu ne le sauras jamais. Et c’est Poudlard qui m’a sauvé, m’a accordé cette accalmie que je n’aurais trouvé nul part ailleurs. Ne crois pas que j’ai complètement baissé la garde. J’ignore si tu je parviendrais un jour à t’offrir de nouveau mon entière confiance, mais lorsque je t’ai vu ce jour là, à Azkaban, j’ai su que tu laisser mourrir serait au dessus de mes forces. Cela se passe de raison et de sagesse. Et je recommencerai. Même toi n’aurait pu m’empêcher de te sauver. Tu as ta place ici parce que moi, Albus Dumbledore, l’ait décidé. Essaies de ne pas l’oublier et de croire en moi.

La pression des doigts s’intensifia, et son regard d’azur ne se déroba pas cette fois-ci. Albus ne regrettait rien. Sa décision ne changerait pas sur un coup de tête. A présent que Gellert était près de lui, il défendrait sa position bec et ongles, envers et contre tous. C’est d’une voix distraite, comme pour changer de sujet, qu’il évoqua un autre foyer, à peine conscient de s’y être risqué, comme d’un état second ;

- Sais-tu que Nurmengard n’est pas perdu ? Après ta...Enfin, le Ministère ignorait qu’en faire, aussi j’ai demandé à en récupérer la garde. Je...J’ai pensé que tu n’aurais pas aimé qu’elle reste à l’abandon...

Le lien qui unissait leur regard ne s’était toujours pas brisé. Inconscient, comme flottant au creux d’un doux rêve, Albus caressait du pouce le dos de la main blanche, sans même se rendre compte de son audace, sans même s’interroger sur la réaction de Gellert. Il y avait des choses qui se passaient de mots et de réflexions.

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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeVen 16 Juil - 19:51



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Novembre 1942.

La main jouait avec les touches du piano de manière lente, lasse, créant une mélodie grave, sépulcrale et mélancolique. Il n’osait s’aventurer à imaginer son futur, à planifier le lendemain comme il l’avait toujours fait. Il n’avait plus ce coup d’avance sur tout le monde du temps où il était figure d’effroi. Maintenant, il se laissait aller, affronter la houle de sa repentance, la difficulté de se regarder dans un miroir sans détourner ses yeux dichotomiques. Certains professeurs ne se dérangeaient pas pour lui rappeler cette réputation qu’il s’était forgé dans le sang et les larmes de ses ennemis. D’autres, comme Belladone, avaient choisi l’étrange voie d’y croire. Il existait encore certaines personnes qui avaient foi en ce qu’il pouvait être, autre chose qu’un monstre, et Albus en était sûrement le plus pieux. Il savait que le futur directeur de Poudlard avait pris des risques incommensurables pour le sortir d’Azkaban. Il savait la tempête médiatique que cela avait dû être pour lui également. Cette situation devait être difficile à supporter également. Voir ceux qui vous faisaient confiance se sentir trahi par cette décision certainement prise avec le cœur, voir la déception dans ceux qui se disaient vos amis. Tout cela pour arracher un homme d’une mort mille fois méritée.

Sans le regarder pourtant, Gellert savait qu’il avait blessé Albus. Il avait osé dire qu’il ne sentait pas parfaitement bien dans ce havre de paix, ce lieu de retraite où le professeur avait trouvé la paix et l’équilibre. Le rédimé n’était pas sot pour autant. Il savait que Rome ne s’était pas faite en un jour et qu’il lui faudrait ainsi du temps avant de trouver sa place au milieu des murs de Poudlard. Mais il était vrai que l’adaptation était longue, que les jours, les semaines s’écoulaient sans qu’il ne sente une véritable amélioration, cette stabilité qui se dérobait à lui. Inconsciemment, cette rencontre fortuite devant le Miroir avait peut-être été un coup mortel dans le moral bancal et friable du mage noir. Voir ainsi ce qu’ils auraient pu être devant ses yeux, avoir même un aperçu de cette chaleur qui lui avait tant manqué, qui n’était rien d’autre qu’une partie de lui, cet homme avec qui il avait mêlé son sang à jamais, à qui il avait lié sa vie et dont il avait privé depuis si longtemps. Dont il les avait privés tous les deux. Car Albus n’était nullement fautif dans la décadence de leur idylle et pourtant, c’était lui qui tendait cette main à son bourreau.

Il sentit alors à nouveau la main d’Albus sur la sienne et il se mordit intérieurement la lèvre, afin d’éviter de… ressentir. Sûrement. Pourtant, il se laissa docilement faire, laissant les doigts de cette douceur chaleureuse s’immiscer entre les siens, blancs comme de la craie. Il ferma les yeux cette fois-ci, et rendit cette étreinte légère à Albus. Il aurait été mentir qu’il n’avait pas l’impression de revivre cet instant spécial aux dix-huit ans de l’homme qu’il aimait. Violente réminiscence, le souvenir de leurs paumes ouvertes, la douleur vive et pourtant presque lascive de leur plaie l’une contre l’autre, celle-ci qui scellerait à jamais leurs destins, l’enveloppa entièrement. Même si leurs deux mains étaient vierges de toute cicatrice, contrairement à leur jumelle respective, la sensation était tout aussi puissante et indescriptible. Finalement, il osa ouvrir à nouveau ses yeux qu’il plongea dans ceux d’Albus. Il savait que son regard était dur, qu’il essayait vainement de garder bonne figure face à la poigne ferme de son ancien amant qu’il ne semblait vouloir le lâcher. Et il partit ensuite dans un long monologue, confirmant avoir été peiné par les mots de Grindelwald mais le remerciant pour son honnêteté. Les mots continuèrent alors.

Une sagesse infinie en ressortait. La taquinerie et le manque d’humilité n’étaient plus de la partie. Regardant toujours Albus dans les yeux avec dureté, le souffle court et son cœur martelant ses côtes, il l’écouta religieusement avoir raison. En sortant d’Azkaban, n’importe quel lieu aurait été son purgatoire. Gellert n’avait jamais voulu accuser Poudlard pour cela. Cependant, quelques simples mots provoquèrent en lui une secousse puissante à tel point qu’il dût en fermer sa mâchoire. Comment Albus pouvait-il lui avoir pardonné ce qu’il lui avait fait ? Grindelwald avait agi comme le pire des lâches, avait détruit sa famille avant de de s’évanouir dans la nature sans lui donner la moindre nouvelle malgré cette lettre déchirante que le jeune Dumbledore lui avait envoyé en désespoir de cause. L’émotion venait chatouiller le nez du mage noir et serrer sa gorge mais il n’avait pas l’intention d’y céder. Il se savait déjà affaibli, aussi physiquement que mentalement, il ne voulait pas paraître encore plus misérable aux yeux de son ancien amant. Ce dernier mentionna d’une visite à Azkaban mais Grindelwald devait avouer que sa mémoire lui faisait défaut. À vrai dire, il ne se souvenait plus vraiment d’être sorti. Juste de s’être réveillé à Sainte Mangouste.

Mais Albus lui avoua ne pas avoir une totale confiance en lui ce que Gellert accepta volontiers et était même rassuré. Il aurait vraiment craint pour la santé mentale de Dumbledore si ce dernier venait à avoir une confiance aveugle en Grindelwald. Et encore, il le trouvait déjà très souple avec lui. Par exemple, à lui maintenir fermement et tendrement la main, tout en essayant de lui remonter le moral. Peu aurait daigné le faire. Et pour cela aussi, Gellert lui en serait à jamais reconnaissant. Par ses mots, Albus lui prouvait qu’il y avait encore de la lumière dans son avenir, une chance de se racheter et de faire oublier ses péchés. S’absoudre de ses crimes et faire le bien par le bien et non par la force. Il s’en remettait à lui. Il lui avait sauvé sa vie sacrifiée et le rédimé la lui dévouerait à jamais, comme il aurait toujours dû le faire. Bien évidemment qu’il croyait en Albus. Dans sa haine d’antan avait toujours résidé cette étrange et indicible loyauté envers sa toute puissance et sa sagesse sans fin. Jamais il n’aurait pu l’affronter. Cette fois encore, c’était son regard qui s’était baissé, qui avait plié devant l’azur pur des iris du grand mage. Lui qui fuyait pendant qu’on lui criait de rester.

Mais les quelques mots que prononça Albus avec une certaine retenue finirent par pourfendre le cœur de Gellert qui eut du mal à garder ses yeux secs. Nurmengard, lieu qui lui était cher auquel il n’avait jamais osé songer en quinze ans, était sauf et sûrement entretenu par la simple volonté d’un Dumbledore bien trop bon pour lui. Il ne put trouver les mots pour le remercier. L’accumulation de la privation de sommeil, de la décennie et demie passée à Azkaban et de l’insertion compliquée à Poudlard vint s’abattre avec force sur ses épaules devenues trop frêles. Doucement sa main s’abaissa, entrainant dans sa chute celle d’Albus qu’il regardait dans les yeux, sans trop savoir quoi lui dire ni quoi faire pour le remercier. Il resta là, pantois, immobile, ne sachant comment exprimer sa gratitude par les mots. Sa grandiose éloquence avait fui, ne laissant place qu’à un émoi muet, un regard perdu, certainement légèrement humide. Jamais il n’aurait pensé qu’Albus ait pu en faire autant pour lui, après tout ce que Grindelwald avait accompli dans le but de le détruire. La bonté de Dumbledore, sa magnanimité hors-du-commun, probablement soutenu par un amour indéfectible, venait de lui toucher en plein cœur. C’était peut-être pour cela qu’il s’était toujours senti inférieur face à lui. Albus Dumbledore n’avait pas d’égal dans le monde.

Si l’envie de l’embrasser lui traversa l’esprit, quelque chose l’en empêcha. La raison peut-être ou alors la honte. Pourtant, il détacha sa main de celle d’Albus pour venir l’enlacer, encore et coller leurs corps déjà proches l’un contre l’autre. Gellert plaça le bas de son visage dans son épaule, comme pour l’empêcher de dire quoique ce soit qui pourrait lui porter préjudice. Son regard fixa le pied du piano tout en se contentant de serrer, de s’imprégner de cette chaleur, de ce parfum dont il recommençait à ne plus pouvoir s’en passer. Finalement, il se laissa aller, fermant les yeux, profitant des cheveux d’Albus qui venaient lui chatouiller la peau au rythme de son souffle. Encore une fois, le temps se suspendit, les rayons avaient cessé leur ascension dans le ciel et la mélodie du piano semblait jouer toute seule malgré le silence de la pièce. Ses deux bras autour du torse d’Albus, Gellert s’y accrocha à nouveau, peinant à réorganiser son esprit encore brumeux. C’était contre lui qu’il se sentait en paix. Une paix qu’il ne méritait pas, certes mais dont il ne se priverait pour rien au monde. Caprice égoïste, immoralité individualiste, il s’en moquait. Si Albus lui accordait à nouveau cette place contre lui, jamais Gellert n’oserait la refuser à nouveau.

— Je te dois la vie, Albus, bien évidemment que je crois en toi. Ce serait plutôt à moi de te remercier de croire en moi…

Il marqua une pause, posant finalement sa joue sur l’épaule de l’homme qui le rendait si faible et si vulnérable.

— Excuse-moi d’avoir comparé Azkaban à Poudlard, ce n’était pas mon intention. Je sais à quel point cette école t’est chère et, vraiment, je la trouve magnifique. Je suis vraiment heureux que tu m’en laisses fouler les pierres et j’espère ne jamais trahir cette confiance – bien que mesurée, je me doute bien.

Il avait fini par un sourire mais il n’avait osé promettre. Car lui-même ne pouvait douter son impulsivité. Pour le moment, il tenait toujours Albus contre lui. Cette accolade n’avait pourtant rien d’amical. Elle était bien plus que cela. D’ailleurs, cela ne pouvait être qualifié de vulgaire accolade. Non, Gellert enlaçait l’homme qui l’avait rendu fou avec la force tendre dont il était capable. Finalement, il se mit à caresser d’une main le dos de son ancien amant, comme si parcourir l’étoffe de son vêtement, sentir sa chaleur universelle, lui permettait de s’en imprégner et de raviver cette bonté dans son cœur. Cette bonté qu’Albus semblait être le seul à percevoir dans les yeux dichotomiques du mage noir.

— Merci.
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Albus Dumbledore
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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeSam 17 Juil - 20:40



Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr

« Salle d'Arts et de Musique »

Novembre 1942

Où le mystérieux et fantasque Albus Dumbledore avait-il trouvé la force d'arracher des tréfonds d'un coeur verrouillé depuis si longtemps une telle vérité ? Où sa pudeur avait-elle trouvé la force d'affronter la dureté du regard de son ancien et unique amant, sans qu'une seconde, sans qu'un instant tout au long de sa litanie, le lien ne se brise ni ne faillisse ? La réponse semblait évidente ; dans l'étreinte. C'était au creux de cette paume trop blanche qu'il puisait la force de le regarder ainsi. Source intarissable de courage et d'élan à un coeur trop las, en léthargie depuis quarante ans déjà, le flot irradiait jusque dans la finesse des doigts qu'il agrippait avec la fougue de celui qui se découvre en vie finalement, pas mort tout à fait, en sommeil seulement, l'âme engourdie dans l'attente du retour de la raison d'être sans laquelle il ne faisait qu'attendre.

Aujourd'hui ce coeur trop meurtri et trop inusité se dépouillait enfin de cet écrin farouche, fait de malice et de fantaisie, de cet artificile de génie qui éludait toutes les questions relatives à un passé trop tragique et à ses sentiments véritables. Aucune armure ne semblait devoir tenir debout face à Gellert, et les belles murailles de l'âme du grand Albus Dumbledore, forgées par quarante années de solitude affective forcenée et de spectaculaire magie, s'effondraient à la neige de la peau du terrible Gellert Grindelwald, du seul qui put ainsi le faire s'épancher en une honneteté larmoyante, poignante, de celles qu'aucun autre n'entendrait jamais de sa bouche.

Tout était vrai. La souffrance, le ressenti de Grindelwald, était preuve de sa sincérité dans le chemin de la rédemption. Le Purgatoire le suivrait à chacun de ses pas, se jetant sous ses pieds comme des ornières, jusqu'à ce que les blessures cessent, enfin, et que le criminel apaisé se pardonne les exactions pour lesquelles une société toute entière le fustigeait. Tout était vrai, quand Albus Dumbledore avouait, solennel, qu'il lui avait pardonné. C'était encore une force bien trop mésestimée, et bien trop rare, et s'il fallait n'en retenir qu'une de l'immense sorcier, ce serait celle-ci ; cette hardiesse incroyable du coeur d'avoir pardonné à celui qui avait piétiné son coeur, dévasté sa famille et abandonné à ce qui lui restait de relation fraternelle avec un Abelforth qui lui avait retiré son affection de jeune frère pour une haine bien méritée.

Albus avait pardonné de tout son coeur, avec une humilité qui ne lui ressemblait pas, et la colère s'était consumée aussi vite que la brieveté de cette passion destructrice qui avait immolé tant d'espoirs, de rêves et de vies. Il avait pardonné parce qu'il n'avait pas vraiment d'autre choix, vaincu par le souvenir de l'homme qu'il aimait trop, le seul qui eut jamais pu l'égaler, le seul qui pouvait avoir raison de cette légendaire sagesse pour lequel on le louait. Albus, jamais, n'avait eu honte d'aimer. Même avec cette certitude qui l'avait animé durant tant d'années, à se persuader que l'angélique adolescent aux boucles blondes s'était joué de lui, avait usé de ses regards et de ses sourires pour lui arracher ce Pacte de Sang qui empêchait le seul sorcier qui eut pu se mesurer à lui de l'arrêter.

Nurmengard. La forteresse honnie, dont le nom faisait encore trembler les mages d'Europe, semblait avoir le pouvoir de faire vaciller le plus grand Occlumens de son époque. Albus sentit la force qu'il avait toujours admiré chez le seul et unique amour de sa vie abandonner ses doigts, qui glissèrent dans la paume d'Albus qui, lui, ne desserra pas son étreinte. Soudain, le poids des ans parut s'abattre sur les épaules de celui qui paraissait avoir toujours la fougue de ses seize ans. Sans le vouloir, Albus paraissait avoir achevé son prisonnier déjà trop affaibli par les privations et les traumatismes auxquels il tentait de pallier, de son mieux. Un instant, il s'en voulut. Quelqu'un de plus aguerri à l'affection, quelqu'un qui aurait su aimer avec autre chose qu'une affligeante maladresse, n'aurait pas évoqué Nurmengard à un survivant d'Azkaban en plein rétablissement. Et si nul doute que n'importe qui d'autre que Gellert se serait effondré, lui tenait debout, certes, mais soudain semblait s'être terni l'éclat de cette fougue qui animait les foules et allait jusqu'au prodige de complexer le grand Albus Dumbledore qui, lui, avait commencé à vieillir depuis bien trop longtemps.

Aussi, lorsque les doigts se délacèrent, Albus laissa faire, baissant soudain un regard vaincu, convaincu cette fois-ci d'avoir blessé Gellert au point qu'il se refusait à la tendre étreinte qu'il avait eu l'audace d'amorcer. Et pourtant ! Cette fois-ci le Directeur Adjoint ne fut pas projeté par surprise contre l'homme de sa vie. Non, il avait vu la main désormais libre glisser, avait frissoné lorsque le bras blanc avait enlacé doucement sa taille. Et quand le visage du mage qui avait terrorisé l'Europe vint se nicher contre son épaule, ce fut au tour d'Albus de glisser une main autour de la taille trop fine encore, pour ramener les hanches maigres à lui, quand la seconde tendre, vint glisser au creux de sa nuque, et s'oser à ce dont elle n'avait pas eu l'audace la dernière fois. Les doigts n'avaient fait que se poser sur la chevelure, avec un ardent désir de s'y entremêler qu'Albus avait réprimé. Pas cette fois-ci ; ils glissèrent au creux de la soie polaire, trop blanches, jouant distraitement avec les mèches d'une blondeur de lune qui lui retombaient dans la nuque, tandis que, de toute la largeur de son autre paume, il ramenait son ancien amant un peu plus contre lui.

La maigreur de son ancien ne lui brisa pas le coeur comme la première fois. Parce que Gellert avait raison ; Albus l'avait arraché à la mort. Survivant d'outre-tombe, prisonnier extirpé du sépulcre, le pire était derrière lui. Les quelques kilos qui lui manquaient n'avaient rien d'une fatalité. Gellert Grindelwald avait prouvé plus d'une fois qu'il était une force de la nature. La bonne chère de Poudlard remédierait vite à cette minceur et à ses côtes qui saillaient sous ses doigts. Plus compliqués seraient ses insomnies, ses cauchemars, les traumatismes d'Azkaban et la rédemption des plaies immenses qu'il avait infligées au monde sorcier. Le travail serait long et douloureux, mais Albus l'en croyait sincèrement capable. Alors il ne répondit rien, se contentant lui aussi de fermer les yeux en le serrant un peu plus contre lui, le visage contre l'épaule de son ancien amant, offert aux rayons du soleil matinal qui persistaient à les épier à travers les vitraux.

Lorsque le visage de Gellert se détourna, et que sa joue vint à glisser sur son épaule, Albus rosit légèrement, aperçevant ces traits qu'il avait aimé avec tant de désespoir si près de lui, et luttant contre de sourdes et irrépressibles envies qui lui fouettaient soudain l'âme. Poser un baiser sur le front trop blanc, presque exempt de rides, glisser une main sur sa joue froide, embrasser tendrement les lèvres pâles qui ne souriaient plus. Et, une fois de plus, le courage abandonna l'étrangement pudique Albus Dumbledore. Simplement, ses doigts poursuivirent leur ascension dans la soie des cheveux trop blancs, et la paume sur sa hanche continuait sa pression légère, tandis qu'il s'enivrait de l'odeur de l'amant dont il n'avait pu sentir les effluves que dans ses rêves durant quarante années.

Finalement, la joue d'Albus se posa également contre le crâne de Gellert, et ses yeux se fermèrent encore, tout au délice de se sentir vivant enfin, après tant d'années d'apathie et de mélancolie solitaire, inutile, pour se découvrir entier au creux des bras du seul homme de sa vie, qui commençait là le long et douloureux chemin destiné à laver ses tendres mains souillées du sang de tant d'autres. Elles étaient si douces, pourtant, au creux du dos d'Albus, et la plénitude était telle que plus rien n'avait d'importance, soudain, et qu'il se sentait capable de tout, tant que ces bras ne le lâcheraient pas ;

- Ce n'est rien, Gellert. J'imagine à quel point tout cela doit être douloureux pour toi...Quant à trahir ma confiance, il n'y a qu'une seule façon de le faire, que tu imagines, et je crois que si telle était ton intention, Poudlard ne te ferais pas souffrir autant.

C'était vrai. Cette douleur n'était-elle pas le plus sincère aveu de sa repentance, de sa culpabilité face au mal qu'il avait fait à des gens qui avaient sillonné la magie de ce lieu ? Merci. Le mot tinta, résonna au creux de l'âme d'Albus, comme un ricochet au fond d'un puits laissé à l'abandon trop longtemps. Albus n'aurait su dire pourquoi, mais, à cette seconde, il était persuadé de la sincérité de sa gratitude, plus que n'importe quoi d'autre au monde. Plus que la terre était ronde, plus que toutes les fondations qui avaient érigé sa conscience et sa sagesse. Albus ouvrit les yeux sur le visage qui s'offrait à lui. Il semblait sommeiller, réclamer ce dont il brûlait lui aussi, avec ces paupières closes et ses lèvres pâles, dociles et humbles pour une fois, qui s'étaient refermées en une ligne docile, presque apaisée.

C'est presque inconsciemment que la main qui jouait dans ses cheveux s'était rapprochée de la joue trop blanche ; c'est presque insonsciemment que les doigts glissèrent sur la peau froide ; c'est presque insconciemment que son propre visage se baissa, et que ses lèvres se posèrent sur celles qui s'offraient à lui. La caresse avait été aussi légère qu'une brise d'été ; il avait effleuré des siennes les lèvres fines qui avaient la fraîcheur de la neige et la douceur de la soie. Il s'y était perdu quelques secondes, égarement dans les tréfonds duquel il s'était étourdi, goûtant à ce dont il n'avait plus osé espérer depuis tant d'années. Quelques secondes d'éternité, à trouver le paradis sur ces lèvres assassines dont la fraîcheur et la tendresse l'auraient rendu véritablement fou.

Et puis, un sursaut. La douche glacée. Le timide, le solitaire, le sage élève abandonné par le garçon rebelle, l'électron libre sans attache, ressurgit sans prévenir. Albus se roidit, le regard soudain rivé au sol. Même, son étreinte se desserra, comme prêt à s'enfuir, honteux et vaincu par la tempête déferlante d'émotions dont l'écume lui avait sauté au visage et aux sens, comme pour le rendre fou ;

- Pardonne-moi, je ne voulais pas...

L'étreinte se desserra, et Albus chercha à se retourner. Il fallait partir. Tout plutôt que de croiser le regard goguenard de cleui qui pourrait l'abandonner encore. Tout plutôt que de vivre un rejet de plus, un rejet de trop qui l'achèverait. Tout plutôt que de subir la honte de se voir dédaigné, encore. Tout plutôt que d'avoir trop mal, une fois encore, une fois de trop.

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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeDim 18 Juil - 14:50



Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr

« UND WENN IHR SPIEL BEGANN, HIELT ICH DEN ATEM AN »


Novembre 1942.

Gellert n’avait su ce qu’il avait poussé à se blottir ainsi contre Albus mais la chaleur de son corps contre le sien décharné semblait le soulager de tous ces maux. Il ne sentait plus les séquelles de l’inconfort constant, de l’humidité permanente d’Azkaban. La rouille de ses membres ne le faisait plus souffrir, la douleur endormie contre le torse du seul homme, de la seule personne qu’il n’avait jamais aimée. Pourtant les remords étaient toujours aussi forts, tordant ses entrailles de culpabilité, conscient de ne mériter ni cette place qu’Albus lui offrait gracieusement, ni cette indulgence. Comment, après toutes ces années passées à détruire l’Europe et le monde, après avoir saccagé des vies, des familles, prendre un soin particulier à graver son nom dans les mémoires de manière si funeste, l’homme que tous considéraient comme un mage providentiel, le protecteur, certes extravagant parfois, mais brillant, de l’Angleterre de la communauté magique, cet homme qui avait déjà un statut de légende, pouvait lui pardonner. Lui qui avait été sa première victime. Lui qui connaissait mieux que quiconque sa nature profondément viciée. Comment aurait-il pu voir en Grindelwald quelque chose que ce dernier n’avait pas même conscience sur lui-même ? Un léger soupir triste lui échappa.

Malgré les secondes qui semblaient s’être suspendues dans le vide, Albus ne le repoussa, pas tout de suite. Au contraire même, il répondit à cette étreinte spontanée et honnête, l’attirant un peu plus contre lui. Les nuits blanches à répétition n’étaient plus qu’un lointain souvenir. Il pouvait s’endormir ici, ainsi, contre lui, sans rien ajouter de plus. Oublier le temps qui s’égrenait, celui qui était définitivement perdu également. Oublier que leurs deux réputations étaient opposées, qu’ils devaient être des ennemis jurés, l’un déifié, l’autre diabolisé. L’esprit de Gellert était pour la première fois depuis bien longtemps vidé de toutes contrariétés, de tout doute, de toute colère tandis qu’il sentit la main d’Albus revenir sur sa nuque avant de remonter lentement le long de ses cheveux pour venir les caresser avec douceur. Chaque contact d’Albus sur son corps lui donnait l’impression d’être incroyablement faible et fragile. Et ces doigts qui commençaient à caresser délicatement ses cheveux presque blancs lui donnaient l’impression de fondre. Le mage noir n’existait plus. Le despote avait disparu. Le spectaculaire duel entre les deux plus puissants sorciers n’aurait jamais lieu, Grindelwald étant simplement vaincu par la tendresse simple et honnête de Dumbledore. Le monde pouvait brûler, il ne bougerait plus le moindre muscle pour lui.

Il sentit alors la joue d’Albus se poser doucement sur sa tête et Gellert ne put s’empêcher d’avoir un léger sourire, appréciant le contact entre ses cheveux fins et la barbe du professeur. Jamais il ne se serait imaginé pouvoir retourner contre son ancien amant ainsi. Il aurait imaginé sa haine être rédhibitoire et sa violence impardonnable. Il aurait imaginé Albus lui en vouloir à jamais, ce qui aurait été parfaitement légitime, mais non, voilà qu’il lui caressait tendrement les cheveux, comme si Gellert avait été celui qui avait souffert injustement, comme s’il avait été la victime d’une cruauté sans précédent. Sa gorge se noua avec plus de force et les picotements dans son nez et ses yeux furent plus intenses. L’émotion le gagnait plus que sa fierté ne voulait l’accepter. Mais cette dernière faiblissait, seconde après seconde, minute après minute, mot après mot d’Albus. Ce dernier le rassurait encore, essayant de partager sa douleur à s’intégrer dans ce lieu si particulier. Encore une fois cependant, Dumbledore avait vu juste : si Grindelwald avait eu la moindre mauvaise intention à l’égard de Poudlard, jamais il n’aurait eu cette impression d’y être puni. L’école n’aurait pas été un purgatoire mais l’opportunité de fuir et de reprendre sa révolution. Mais il n’en était rien, car c’était bien pour cet homme qu’il avait tout arrêté.

Mais Albus bougea légèrement, ce que Gellert refusa intérieurement et pourtant il se laissa faire. Il sentit la chaleur de sa paume courir lentement vers sa joue. Le mage noir sentit son cœur martelait jusqu’à ses oreilles comme jamais auparavant. Ou alors, pas depuis plus de quatre décennies. Impatient, nerveux, son esprit fut alors submergé par une foule de pensées plus floues les unes que les autres. Non, il avait perdu cette sensation de plénitude qu’il avait eu contre Albus. Cette fois-ci, il était animé d’une étrange nervosité, une nervosité douloureusement agréable. Mais il n’osait bouger. Il n’osait prendre le risque de perdre ce contact si improbable avec l’homme qui l’avait rendu fou malgré lui. Cet homme à qui il avait consacré sa vie au point de vouloir les détruire tous les deux. Mais cette main sur sa joue semblait confirmer qu’Albus lui avait bel et bien pardonné pour une raison qui lui échappait encore. Il n’y avait aucune raison à un tel pardon. Gellert ne l’avait pas mérité. Et personne n’oserait la folie de le contredire, pas même Dumbledore qui continuait pourtant te le tenir précieusement contre lui. Il ne voulait pas que cet instant s’arrête, là, se laissant à moitié choir dans les bras de l’homme qu’il aimait, s’enivrant de son parfum, de sa chaleur.

Puis vint ce contact, impensable, inimaginable. Cette caresse douce de ses lèvres contre les siennes. Ce baiser volé que Gellert n’aurait jamais songé même dans ses rêves les irréalisables. Malgré ses paupières plissées par cette sensation si forte qu’elle devenait presque douloureuse, il sentit ses cils blancs s’humidifier. Il aurait voulu répondre à ce baiser, avoir cette audace caractéristique d’aller chercher plus loin mais il était en réalité pétrifié. Pétrifié par cette douceur, cet amour indéfectible, qui ne s’était nullement érodé avec le temps. Par ce baiser, et par le miroir, Albus lui avouait l’immortalité de son amour. En apnée, Gellert aurait voulu y répondre avec ce même désir qui lui brûlait le cœur, poser cette main sur cette barbe cuivrée qui lui chatouillait le menton. Il aurait voulu lui montrer à quel point il se sentait à nouveau vivant, animé par une émotion endormie depuis trop longtemps, qui se réveillait enfin martelant, enthousiaste, son cœur qui n’avait pas dû subir un tel rythme frénétique depuis des années. Incapable, impuissant, Gellert ne put que se résigner à sentir une goutte rouler lentement sur sa joue, submergé par ce sentiment indicible et incontrôlable qui lui brûlait le corps de la plus agréable des manières.

Mais Albus brisa ce contact avant que l’esprit du rédimé n’ait pu recouvrer un semblant de lucidité. La main se retira, la chaleur s’envola et des excuses furent prononcées. Le retour à la réalité fut brusque et Gellert resta là, pantois quelques secondes avant de s’essuyer en catastrophe du revers de la main sa joue. Il regarda, interdit, dans l’incompréhension la plus totale, cette décision d’Albus. Finalement ce sentiment de bonheur naïf disparut aussi rapidement qu’il était apparu, laissant place à une vague de crainte, à une angoisse incommensurable qui continua de lui étreindre la gorge. Dumbledore venait sûrement de réaliser la folie que cela représentait d’aimer un homme tel que Grindelwald. Oui, tout ceci était bien trop irraisonnable et dangereux. Vaincu d’y avoir cru, les yeux plus humides que jamais, Gellert baissa les yeux à son tour. Un amour comme le leur, même s’il semblait renaître de ses cendres encore et éternellement chaudes tel un phénix, devait demeurer interdit. Et Grindelwald avait suffisamment transgresser toutes les règles possibles et inimaginables dans sa vie pour se risquer à violer celle-ci. Albus en dépendait encore plus désormais, maintenant qu’il l’avait accueilli dans son royaume. Et pourtant, dans un sursaut de culot, une ferveur à ne jamais dire son dernier mot, il prit le poignet d’Albus dans ses doigts pâles, suffisamment fermement pour l’empêcher de se dérober à lui.

— Tu n’as pas t’excuser. Et ne mens pas : tu le voulais.

Gellert, malgré sûrement ses yeux légèrement rougis par le sel de son émotion brute, osa le regarder dans les yeux. Il ne voulait pas l’accabler. Il ne voulait pas le forcer non plus. Alors, doucement, il relâcha sa main, libéra son poignet. Mais une partie de lui, le mutin, le rebelle, refusait cette affliction défaitiste à laquelle Albus semblait s’abandonner. Non, il refusait que leur toute puissance commune se fasse abattre par des pressions dont tous deux pouvaient se libérer d’un revers de mains. Gellert n’avait jamais suivi ni les ordres, ni la raison. Seule la force de sa volonté le maintenait à flots depuis le début. Il ne s’était jamais laissé abattre, il ne s’était jamais soumis sauf s’il l’avait décidé. Au diable la raison. Au diable la prudence. Et au diable les conséquences. Grindelwald avait beau avoir emprunté le chemin d’une rédemption sincère, il y avait cependant certaines choses qui ne changeaient jamais. Son audace effrontée était intacte, son insolence provocatrice avait été épargnée par la culpabilité et les Détraqueurs n’avaient nullement refroidi ce braiser passionné qui animait chacun de ces gestes impulsifs et spontanés. Alors ce fut à son tour de prendre la joue d’Albus, sa paume venant caresser cette barbe qu’il s’était surpris à apprécier tant.

Puis, comme si cela ne lui suffisait pas, sa deuxième main se posa à l’opposé de la première et après un instant qui ne dura que le temps d’un souffle, Gellert porta à son tour ses lèvres sur celle d’Albus. Vivifié par ce précédent contact, avide de lui après s’en être privé si longtemps par orgueil, Grindelwald ne laissait aucun doute possible sur la franchise de son baiser. Puis, de concert, ses mains s’avancèrent doucement vers l’arrière des joues d’Albus, ses doigts se mêlant à sa chevelure cuivrée, ses pouces et ses paumes restant cependant sur cette douce barbe qui le rendait aussi fou que l’azur de ses yeux. Cette sensation qui lui brûlait chaque vaisseau sanguin, chaque nerf, d’une douceur indicible aurait pu lui faire perdre raison. Pourtant, ce baiser, malgré la flamme qui le consumait de l’intérieur, cette passion grandissante qui dévorait chaque rayon de lucidité dans son esprit, demeurait réservé. Ce n’était pas un échange fougueux comme cela avait pu l’être autrefois. Non, il demeurait toujours cette retenue pudique et timide, Gellert réapprenant de façon plus timorée que prévue à apprécier dévoiler ses sentiments, presque craintif qu’Albus ne cesse à nouveau leur étreinte comme quelques secondes auparavant.

Sans qu’il n’ait la moindre idée du temps qu’il avait passé à caresser ses lèvres des siennes, il prit la décision de mettre fin à ce baiser. Mais il n’eut aucun sursaut de terreur, aucun frisson de regret. Ses mains restèrent toujours à leur place, ses pouces effleurant sa barbe avec douceur. Il ne le laisserait pas partir. Pas tout de suite, car le moment où Albus se déroberait à son regard serait inéluctable. Alors il colla son front d’un blanc immaculé à celui de l’homme qui avait régi indirectement sa vie et ne bougea pas, laissant sa douce odeur boisée finir de mâter son esprit déjà à sa volonté, malgré ses sursauts d’audace qui se manifestaient encore. Son sourire espiègle refit alors à nouveau surface, immuable, éternel sur ses lèvres encore désireuses de celles de son ancien amant. Insolent, il marmonna :

— Pardonne-moi, je le voulais…

Finalement, il eut un léger soupir bienheureux, sentant la chaleur du Soleil caresser ses doigts à travers la chevelure d’Albus. D’un ton plus sérieux, il ajouta :

— Je ne veux pas que le jour nous sépare.

Car leur idylle – certainement éphémère – allait être effectivement interrompue par le rythme partagé de leurs responsabilités communes de professeurs. L’emploi du temps, naturellement plus chargé d’Albus, allait certainement les séparer quand l’impitoyable et inévitable sonnerie annoncerait le début du premier cours. Cet échange resterait alors prisonnier de cette salle, gardant en son sein leurs confessions, leurs baisers volés. Leur amour resterait prisonnier de ces quelques notes que Gellert avait pu jouer, souvenir fugace mais puissant tandis que tous deux repartiraient tels des étrangers à leurs obligations respectives, leur désir partagé retournant pudiquement au fond de leurs cœurs, leur fougue naïve se dérobant à nouveau farouchement et timidement à leurs regards complices. Mais Gellert ne voulait songer à ce moment inéluctable, conservant toujours le visage d’Albus près du sien, comme paralysé par cette euphorie puérile d’être parvenu à avoir pour lui seul l’homme qu’il aimait.
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Albus Dumbledore
Albus Dumbledore
Âge : 61 ans.
Sang : Sang-Mêlé.
Nationalité : Anglaise.
Patronus : Un Phénix.
Épouvantard : Le cadavre de sa sœur et, depuis peu, la silhouette de Gellert Grindelwald qui s'éloigne de lui inexorablement, et ce malgré sa main tendue vers lui.
Reflet du Riséd : Gellert Grindelwald à ses côtés.
Avatar : Jude Law.
Messages : 215
Double-Compte : Belladone le Fragile, Desiderata la Peste, Aurora la Simplette, Minerva la Sévère, Solveig la Dure à Cuire.
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MessageSujet: Re: Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore]  Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr [PV. Albus Dumbledore] Icon_minitimeLun 19 Juil - 14:01



Dort am Klavier, Lauschte Ich Ihr

« Salle d'Arts et de Musique »

Novembre 1942

Et soudain, plus rien n’avait de sens. Ni les crimes, ni le sang, ni la douleur et les larmes. Le corps frêle au creux de ses bras comme pièce manquante du puzzle incomplet qui avait fait de son existence cette solitude d’ermite formidable promis à de hautes sphères dont il s’était privé tout seul. L’âme sœur pour combler enfin le vide abyssal de cette vie de gâchis et d’espoirs brisés sur l’autel de la gloire assassine du repenti qu’il tenait comme une relique fragile, sacrée, au creux de ses bras tendres. Le jour semblait s’être levé après une nuit trop longue. Il n’y avait plus de mage noir, il n’y avait plus de criminel, plus de haine ni de rancœur. Simplement le seul homme qui ait jamais compté dans toute son existence qui s’éperdait tout contre lui, et le grand et farouche Albus Dumbledore qui se saoulait de la fraîcheur de neige de sa peau et s’étourdissait dans les méandres d’une odeur qu’il n’était jamais parvenu à oublier tout à fait. A se surprendre à le trouver si frêle et désarmé contre lui, celui dont le nom avait suffi à terroriser l’Europe sorcière, autrefois. Passé révolu à l’ombre de quinze années d’une geôle si terrible que sa survie avait semblé un miracle. Pour la première fois depuis de très longues années, Albus Dumbledore eut une pensée, fugace, pour son père. Personne n’avait su les informer avec exactitude de la date de sa mort. Combien de temps avait-il survécu à la folie et au désespoir ? Six mois ? Un an ? Deux, peut-être trois ? C’était là la moyenne de survie au creux de cette abominable prison, assassine plutôt que punitive. Mais n’était pas Gellert Grindelwald qui voulait. Pas même le père du grand Albus Dumbledore.

Albus en avait sauvé un. Le seul, l’unique, arraché aux crocs béants et voraces de désespoir de ces créatures qu’il exécrait tant, et qui lui avaient fait tant de mal. Celui dont la lueur du soleil se mêlait à la blancheur de ses cils, et qui semblait sommeiller contre l’épaule de son sauveur et geôlier, comme apaisé, enfin, sa fougue de gloire assassine consumée pour que ne subsiste plus que le désir de paix au creux des bras qui ne lui avaient pas suffi, à l’aube de sa vie. Etait-ce cette lueur du pâle soleil de l’aurore qui baignait sa beauté trop blanche ? Etait-ce cet air de plénitude tranquille qu’il ne lui avait jamais vu auparavant, lui le sorcier fougueux, toujours animé par la flamme de la justice, de la colère ou de la vengeance ? Etait-ce simplement de sentir le plus terrifiant mage noir de son ère si fragile tout contre lui ? Le désir, irrépressible, incontrôlable, anéantit toutes ces épaisses barrières de pudeur, de fierté et de malice érigées sur les larmes de son cœur brisé et sur le cadavre de sa pauvre sœur. Rien n’aurait pu l’empêcher de poser doucement ses lèvres tièdes sur la fraîcheur blanche de l’amant qu’il voulait croire en paix, enfin, contre lui.

Il les avait à peine survolées, ces lèvres. Juste de quoi sentir, une seconde, la soie froide sous sa barbe de cuivre, juste de quoi se souvenir de ce goût de paradis que son bourreau lui avait arraché, il y’avait de cela si longtemps. Elles avaient toujours ce même parfum de liberté et d’insolence, et le grand Albus Dumbledore se sentait redevenir l’adolescent époustouflé par la beauté et l’arrogance princière du garçon des Alpes aux boucles blondes et aux yeux incroyables. Le garçon de campagne émerveillé par l’audace conquérante de l’élève rebelle venu de contrées lointaines et glaciales qu’il n’avait pu qu’imaginer. Et déjà l’envie de fuir lui sautait à la gorge, lui, le plus fier, le plus glorieux représentant de la Maison des Lions. D’abord Préfet, maintenant Directeur de la Maison des Valeureux, l’effroi du rejet le saisissait soudain à la gorge, conscient d’avoir la force de tant de choses, mais pas de supporter le sourire goguenard de celui qui pourrait l’abandonner, encore.

L’avait-il rêvé, l’éclat de cette larme qui avait brillé dans les tréfonds de l’œil d’encre de son unique amour ? Albus n’osait pas y croire, à cette démonstration d’émotion que personne n’avait sans doute jamais vu chez le grand Occlumens, pas même lui, jusqu’à ce jour. Avait-il envie d’y croire, d’y espérer, ou pire, de s’en enorgueillir ? Il n’avait pas envie de le savoir. Pas pour le moment, peut-être jamais. Il n’en avait plus que pour sa fuite désespérée, lâcheté trop peu coutumière qui le prenait aux tripes, abandon auquel seul le sourire de Grindelwald pouvait soumettre le grand Albus Dumbledore qui redevenait le jeune garçon de campagne de dix-sept ans dont le regard hétérochrome parvenait irrémédiablement à faire baisser l’azur des siens.

Etait-ce la main du corps si frêle qu’il avait tenu au creux de ses bras qui le retenait avec une telle poigne ? La fermeté dans la prise le fit presque sursauter tandis que le mage noir l’empêchait de fuir, l’obligeant à se retourner à se confronter à ce regard qui lui ferait irrémédiablement courber l’échine, et auquel il ne pouvait plus se dérober. Il ne pouvait plus en ignorer la rougeur, il ne pouvait plus éluder l’insolence du seul homme qui s’y osait encore avec un tel aplomb. Depuis combien de décennies n’avait-on pas parlé ainsi à Dumbledore ? Jamais, personne, même au Ministère, ne serait permis un affront aussi direct au Directeur Adjoint de Poudlard, controversé mais respecté malgré tout, peut-être plus que le Ministre lui-même, secret de polichinelle pour celui qui voulait se croire le plus grand sorcier de Grande-Bretagne, mais qui étouffait sous la vérité officieuse qu’il ne s’avouerait jamais. Albus Dumbledore était le plus grand sorcier de son temps, et seule l’unique personne qui aurait pu rivaliser avec lui, s’il n’avait emprunté le chemin trompeur pavé d’or et de sang d’une gloire funeste, avait seule le pouvoir de le soumettre au joug de son arrogance à laquelle il se pliait sans mot dire.

Albus ne pouvait pas fuir. Aussi ses joues rosirent sous l’audace, et sous l’implacable réalité. Bien sûr qu’il l’avait voulu. Le désir avait manqué de lui crever la poitrine, le souffle lui avait manqué, ses veines en avaient brûlé d’envie. L’élan n’avait été insufflé que par la violence de bourrasque des effluves du parfum de Gellert, de sa beauté, de ses lèvres qui semblaient s’offrir à lui, de la minceur trop fragile de son corps lové contre le sien. Le taquin, l’orateur éloquent qu’était Dumbledore ne trouva rien à dire. Et même, lorsque les doigts se délièrent, libérant son poignet de leur emprise, il ne bougea pas, comme roidi par cette inéluctable réalité qui l’empêchait de partir. Parce que dans le regard de Gellert, cette indéfinissable flamme s’était rallumée. Vivace, promesse de desseins fougueux, son éclat figeait le grand Albus Dumbledore, qui ne bougea pas d’un cil et rosit encore, lorsqu’une des mains trop blanches vint faire glisser la soie fraîche de sa peau sur sa barbe cuivrée. La deuxième vint effleurer l’autre joue, et Albus ferma les yeux sous la caresse des doigts qui glissaient sur sa barbe, s’offrant à la contemplation de Gellert, comme il l’avait fait pour lui.

Le contact des lèvres fraîches lui fit rouvrir une seconde les yeux, dans un sursaut de fougue émerveillée, avant que les paupières ne se referment, vaincues par l’époustouflante force du baiser qui aurait pu le mettre à genoux. Ses deux paumes avaient de nouveau glissé sur la taille trop fine, l’avait ramenée contre lui, la blottissait dans ses bras qui auraient pu le soulever, tant Azkaban l’avait aminci. Ses mains ne lâchaient pas leur prise tandis qu’il lui rendait son baiser sans mot dire, y insufflant toutes ces années d’amour gaspillé, toute cette tendresse inusitée, ce puits sans fond de soif de lui qui l’avait emmuré vivant. Le baiser n’avait rien de fougueux. Il avait la douceur tâtonnante de deux hommes qui se redécouvrent après une longue et terrible nuit, la tendresse pudibonde de de deux êtres trop fiers pour se n’être jamais avoués l’évidence de leur amour l’un pour l’autre.

Et le baiser se brisa. Et le jour apparut de nouveau à travers les vitraux qu’il ne voyait plus. Et les murmures du château qui s’éveillent se firent entendre aux oreilles d’Albus. Et le monde tournait de nouveau, tandis que Gellert avait repris ce sempiternel sourire d’insolence grâce auquel le grand Albus Dumbledore était tombé à ses pieds. L’audace fit rougir Albus un peu plus, mais un léger rire s’égrena, vacillant d’une pudeur farouche encore, bringuebalé entre le désir de s’offusquer ou de s’amuser franchement de cette impudence dont il était tombé fou amoureux ; finalement, sa voix était presque un murmure lorsqu’il lui souffla, front contre front ;

- Ah Gellert…Même la rédemption et la prison n’auront pas eu raison de ton impudence à mon égard…

Albus souriait, de concert avec celui qui illuminait le visage trop pâle de Grindelwald. Il semblait qu’un des rayons du soleil matinal, un peu plus vif, un peu plus hardi à chaque seconde, avait pris place sur les lèvres de lune pour offrir à son amant cette lumière qu’il avait insufflé à leur baiser. Le solaire Albus, pourtant, tenait une fière rancune à ce glorieux lever du soleil, voleur, qui à mesure de son ascension, finirait par leur voler cette si brève éclaircie, éclair de paradis dont les délices ne leur seraient plus accordés avant si longtemps. Gellert, pourtant, ne se moquait plus. Une vague tristesse mélancolique semblait avoir ombragé ce visage de craie, et, alors qu’il avouait humblement n’avoir pas envie que leurs obligations journalières les séparent, ce fut au tour de la malice d’Albus de s’insuffler au creux de la conversation ;

- Serais-tu en train d’essayer de convaincre ton supérieur de t’accorder une journée de repos ? La perspective est plus que tentante, malheureusement on m’attend au petit déjeuner…Veux-tu m’y accompagner ? J’ai très envie d’un bol de porridge et d’un thé bien chaud…

La sempiternelle lueur de malice brillait toujours dans les yeux d’Albus. Pourtant, c’est un petit sourire triste qui assombrissait plus qu’il n’éclairait son visage taquin. Bien sûr que non, lui non plus ne voulait pas s’arracher aux bras de Gellert, à ce minuscule bout d’Eden qu’ils avaient volé au monde et à la nuit, et que la pudibonderie d’Albus n’assumait déjà plus, au point de se réengager au creux de futilités sans intérêt qui avaient le don de le faire passer pour fou, lancés dans des sujets trop sérieux ;

- Ou peut-être un scone…Les as-tu déjà goûtés ? Avec la confiture de framboises, c’est absolument divin…Te rappelles-tu que c’est ma préférée ? Les Elfes en font une extraordinaire…

L’azur de ses yeux baissés, la main d’Albus s’était saisi de nouveau des doigts de Gellert, en contradiction totale avec ses affirmations. Oui, il fallait partir. Non, il n’en avait pas la moindre envie. Les bras de Gellert l’appelaient encore, toujours, et il voulait s’y fondre, y oublier les tourments qu’il lui avait lui-même causés, et toutes ces larmes, et tout ce sang, et cet incommensurable gâchis. Panser ses plaies contre les lèvres du bourreau qui se repentait, et fusionner enfin, âmes gémellaires arrachées l’une à l’autre et que rien ne semblait plus devoir séparer désormais.


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