Automne 1942.

Escorté de deux Aurors, Gellert Grindelwald se rendait jusqu’à la salle d’études où se déroulaient la plupart des retenues. Ces derniers jours, les professeurs, qui en majorité l’éviter comme la peste, lui avaient trouvé un autre rôle que de combler un poste vacant au sein de l’école en le faisant surveiller les retenues des élèves récalcitrants. C’était un travail peu reluisant, très pénible et ennuyeux, surtout quand l’élève n’avait pas de travaux d’intérêt général à effectuer pour le bien de l’école. Il allait donc passer une heure si ce n’est plus, les pieds sur la table, à simplement attendre. Fort heureusement, il avait eu l’autorisation de prendre un livre avec lui et une pomme, ce qui était déjà mieux que rien. L’élève punie du soir avait été surprise en train de sortir de la Forêt Interdite. Grindelwald devait avouer ne pas avoir compris en quoi enfermer une adolescente qui semblait avoir besoin de grand air allait lui faire comprendre la leçon. Pour lui, combattre le mal par le mal avait toujours la manière la plus pédagogue d’apprendre et de tirer des leçons. La laisser deux nuits seule, sans baguette, au milieu des centaures, des acromentules aurait été une meilleure punition à ses yeux.

Seulement, ce n’était pas lui qui décidait, ainsi s’installa-t-il au bureau, les Aurors se plaçant à l’extérieur de la pièce assez vaste. Il n’attendit pas bien longtemps pour se mettre à l’aise, posant déjà ses bottes sur le bureau, les mains croisées sur son ventre, attendant patiemment son élève. Cette dernière arriva quelques dizaines de secondes plus tard. Grindelwald posa les yeux sur elle, ne pouvant pas le moindre muscle mais la suivant du regard pour la regarder s’asseoir à une table. Son regard lui était vaguement familier sans qu’il puisse d’où il l’avait vu. Après tout, il avait croisé tellement de personnes tout au long de sa conquête de l’Europe que cela ne le surprendrait pas de trouver des gens familiers. Cependant, il décida de ne pas s’y attarder plus longtemps et finit par se lever de sa chaise, raclant nonchalamment le sol avec les pieds de celle-ci. Il prit alors quelques feuilles et vint les donner à l’adolescente qu’il regardait d’un air froid et hautain. Il garda cependant la main posée sur les feuilles, lui faisant bien comprendre qu’il n’était pas ici pour s’amuser et finit par lui tourner le dos, pour retourner tranquillement à sa place, se laissant presque tomber sur sa chaise.

— Tu vas écrire tout ce que tu sais sur la Forêt Interdite, les créatures qu’on y trouve et comment on lutte contre elles. Ce n’est guère passionnant, je te l’accorde et je t’avoue que j’aurai préféré faire autre chose ce soir.

Sûrement rien d’autre de plus intéressant que de lire le livre qu’il allait apporter. Mais il y avait une différence entre lire dans ses quartiers personnels, seul et dans une grande pièce à surveiller une élève à l’air mutin. Il espérait sincèrement qu’elle ne fût pas une forte tête et qu’elle s’occupât de sa tâche sans protester. Il la regarda quelques secondes avant de poser de nouveau ses pieds sur le bureau et ouvrit son livre sur ses jambes croisées, essayant de retrouver sa page. Il se plongea alors dans sa lecture, espérant que ce calme durerait jusqu’à la fin de la retenue de la demoiselle. Il aurait également préféré que celle-ci soit une élève plutôt studieuse et qu’elle pourrait remplir ses feuilles rapidement. Après tout, elle avait tout aussi hâte que lui de partir de cette salle. Grindelwald finit alors par pousser un profond soupir, son regard se perdant dans le vide, se demandant comment il avait pu faire pour en arriver un tel point dans sa vie. De mage noir terrorisant l’Europe, il était devenu un vulgaire professeur qui devait surveiller les retenues d’étudiants aux hormones ingérables.

Automne 1942.

Quelle merde… Je sais, c’est pas très poli de sortir un gros mot directement pour commencer ce récit, mais quand même. J’ai l’impression de passer mon temps libre en retenue ces derniers temps. En même temps, si je ne m’étais pas faite autant d’ennemis, j’aurais sûrement moins de problème… Mais bon, grand bien leur fasse à ces balances ! Si on a même plus le droit à un peu de répit, loin de tout, juste de temps en temps... La tour d’astronomie était occupée par un cour et je ne voulais pas prendre le risque de me cacher dans un couloir lambda où tout le monde peut passer. Non, là, je voulais vraiment être seule.

Enfin bref, cette solitude a un prix il faut croire et je fus, à nouveau, convoquée en retenue. Mais par qui ? Ça je ne le savais pas. En vérité, je pensais au nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Il est très bon par rapport à son prédécesseur. Bon toutes les filles bavent sur lui… à raison, je dois l’avouer. Il a beau ne pas être mon genre, je dois bien reconnaître… qu’il est pas mal. Mais il a quelque chose de plus que ce charme... il donne le meilleur de lui même, même s’il manque encore d’expérience. Ah la chance qu’on les premiers années ! Eux, ils auront droit à une vrai scolarité !

Après, je dois avouer que je préférerai encore subir une retenue par le Professeur Dumbledore. On ne peut me contredire sur le faite que c’est vraiment le meilleur professeur de Poudlard. Ce mec a vraiment la passion de son métier et il sait rendre intéressant chaque mot qui sort de sa bouche. A croire qu’il nous met tous sous le sortilège de l’Imperium au début de chaque cour. Et, pour avoir parler avec lui de temps en temps, il a l’air d’une bonne âme… D’un père, en quelques sortes pour nous tous. Mais bon, pourquoi je parle de tout cela moi ?

Car ce n’était ni l’un ni l’autre, non. Mais une autre personne à laquelle je n’aurais jamais pensé… Et pourtant, la plus évidente. Le seul professeur actuel où le calme règne d’un bout à l’autre de ses cours à ce que j’ai entendu… A l’extérieur de la salle d’étude, des Aurors… Cela ne voulait dire qu’une chose. L’un d’eux m’ouvrit la porte. J’avalai ma salive et franchis doucement le seuil. En entrant, je le vis… Sa coiffure et ses cheveux platines ainsi que sa petite moustache… Ses yeux vairons si effrayant… Pas de doute s’était bien lui. Il ne bougea pas, se contentant de me fixer… *OH MERDE...* Pour une fois, je n’en menais pas large. Je dois l’avouer, je fais un peu ma fière de façon générale, même devant les profs (que j’aime pas). Mais là, je baissais légèrement la tête, n’osant même pas soutenir son regard. Il était vraiment impressionnant. Je ne sais comment le dire, mais ça… Bah c’est un homme charismatique, un vrai. Il imposait le respect, bien plus que le ministre de la magie.

Sagement, je posa mes fesses sur ma chaise et sortit ma plume et mon encre ainsi que ma baguette avant de relever les yeux pour le voir devant moi… Son regard froid et hautain me fit frissonner. Merde… Ce mec serait plus effrayant qu’un épouvantard, sans rire… Finalement, il lache les feuilles de parchemins qu’il avait posé sur ma table l’instant d’avant et retourne à sa place en s’adressant à moi. Une petite voix dans ma tête me murmura ce que j’aurais répondu en temps normal : *Je vous l’accorde, monsieur, moi aussi j’aurais préféré être ailleurs.* Mais ce fut autre chose qui sortit de ma bouche :

« Bien monsieur... »

Je pris ma plume et m’exécuta sans broncher. Punaise, jamais personne ne m’a impressionné de la sorte ! Ce mec fait peur, il faut le dire… Mais je comprends mieux pourquoi ma mère le respectait et le suivait. Un type pareil… est capable de tout. Oh putain je l’adore ! Un sourire un peu fou se dessina sur mes lèvre. A peu prêt le même genre de sourire que l’on a juste avant de déchirer du papier cadeau à noël… Bref, je commençais à gratter ma feuille du bout de ma plume :

_Les Centaures sont un peuple indigène, doué de conscience et proche des sorciers. Il est déconseillé de s’en prendre à eux au risque de mettre en colère l’ensemble de la tribu ainsi que le Ministère qui demande le plus grand respect envers ces créatures… _

Il faut que je lui dise quelque chose… Que je lui parle… Il y a tant de questions que j’aimerai lui poser qui sont sans réponse… Mais avec les Aurors derrière la porte… Je risque de le mettre lui, moi et mes parents en grand dangers ! On est pas venu en Grande Bretagne pour rien...

_ … Quelques Licornes rodent également dans la forêt. Entièrement inoffensives et créatures protégées du monde des sorciers, elles doivent être traité avec le plus grand des respects. Elles n’approchent que rarement les humains. Leur sang est..._

J’eus alors une idée. Doucement, je pris ma baguette et me tourna. Espérant que le professeur ne dise rien le temps que je fasse un délicat geste en croix avec ma baguette, lançant silencieusement un sortilège qui annihilait tout les sons d’une pièce pour les personnes qui se trouvent à l’extérieur de celle-ci… Ne me demandez pas pourquoi j’ai l’habitude d’utiliser ce sortilège… Un jour peut-être, mais là c’est pas le moment !  Je me tourna à nouveau vers le professeur et me leva doucement de ma chaise.

« Monsieur, si vous le permettez… J’aimerais vous confesser quelque chose… Et vous poser quelques questions si vous le voulez bien. »

J’hoche doucement les épaules, essayant de reprendre mon assurance habituelle.

« Bien sûr, si je vous ennuie… Je continuerai à remplir ma feuille et vous votre livre… Mais, croyez moi… Je ne suis pas assez bête pour rentrer dans un endroit dangereux sans apprendre à me défendre contre ses dangers… Et dans la forêt, il y en a énormément… Autant dire… que si je dois noter tout sur les créatures qui y vivent et les sortilèges pour les combattre, on va y passer un moment… J’aimerais juste rendre cette retenu plus intéressante pour nous deux… »

Je voulais le motiver… Ce que j’allais faire n’avait d’intérêt ni pour lui, ni pour moi. Alors, peut-être que bavarder sur lui… Je ne sais pas quelle estime exactement il a de lui même à l’heure actuelle, mais de réputation, je sais que c’est un homme d’une grande fierté. Il ne voudra pas parler à une élève fragile comme ce que j’ai montré au début du cours. Il est fort et je doute que parler avec un simple d’esprit lui fasse plaisir, au contraire. Je suis même prête à lui prouver que je suis plus forte et plus intelligente qu’il ne le pense. Alors je soutiens son regard cette fois. Par contre, si il refuse… Je crois bien que je me sentirais encore plus ridicule que le jour où mon épouvantard s’est montré au grand jour… et quelle honte pour ma mère...

Automne 1942.

Gellert dut s’avouer satisfait de la docilité de l’élève qu’il surveillait. Presque confiant que la retenue allait bien se passer, il reprit sa lecture sans lui lancer de nouveau regard. Cependant, il déchanta très vite quand il aperçut du coin de l’œil la demoiselle sortir sa baguette. Sur ses gardes, il releva son regard vers elle, abaissant légèrement son livre, prêt à se défendre si besoin. Albus l’avait en effet bien mis en garde que certains élèves auraient peut-être quelques griefs contre lui à tel point de se montrer imprévisible à son encontre. De plus, toute l’école était au courant qu’il ne possédait pas de baguette et que la moindre utilisation de la magie était surveillée par les Aurors et le Ministère. Cependant, il espérait qu’en cas de légitime défense, ces gardiens se montreraient conciliants et compréhensifs. Après tout, ils lui laissaient bien enseigner à Lavande et il se devait d’utiliser la magie, même rudimentaire. Mais là, il ne s’agissait pas de sa protégée, mais d’une autre élève de Serpentard qu’il ne connaissait pas. Tout au long de sa conquête de l’Europe, il avait rencontré un nombre incalculable de personnes, que ce soit des alliés ou des opposants et bien évidemment, il n’avait pas pris la peine de connaître le nom de ces dizaines de milliers de personnes.

Cependant, l’élève ne semblait pas vouloir utiliser la magie à des fins agressifs ou violents à son égard. Il fronça les sourcils mais laissa faire son sortilège d’isolation sonore de la salle. Il n’aimait pas ceci. Si les Aurors s’en rendaient compte, cela allait probablement lui retomber dessus et il ne désirait pas avoir de problèmes. Juste avoir la paix. Être tranquille. Il ne comptait déranger personne, souhaitait juste être le prisonnier docile qu’Albus voulait qu’il soit, n’ayant après tout pas le choix. Il retint un soupir et voulut lui dire de cesser mais elle prit la parole avant lui. Craignant le pire, Gellert la laissa déblatérer son flot de paroles dont la plus grande partie était inutile, la regardant droit dans les yeux. Ce qu’elle dit l’agaça profondément. Il trouva ses dires et son ton parfaitement impertinents, insolents voire arrogants. Il poussa un profond soupir en détournant le regard. Elle semblait en effet très enthousiaste dans son discours et devait sûrement avoir une foule de questions à lui poser. De quelle nature ? Il l’ignorait et s’en moquait. Mais il semblerait que sa célébrité allait lui jouer des tours dont il se serait bien passé pour le bon déroulement de son séjour à Poudlard.

Les yeux clos pour garder son calme, il ferma alors son livre d’un geste brusque, faisant claquer les pages entre elles. Il le posa ensuite sur le bureau et s’approcha d’elle. Puisqu’elle semblait si intéressée par sa personne, autant se montrer et lui faire bien comprendre qu’il n’était pas un fantôme à qui on s’adressait ou une simple illusion. Gellert Grindelwald n’avait plus sa splendeur d’antan mais il restait tout de même un mage noir avec une quantité incroyable de sang sur ses mains. Il posa une cuisse sur le bureau de la Serpentard, la surplombant de sa stature haute et carrée. Le regard glacial, il resta un instant immobile avant de baisser un peu le menton et d’avoir un léger sourire qui n’avait rien de sympathique.

— Je ne sais pas ce que tu me veux mais sache que cela ne m’intéresse pas. Si j’ai tué un de tes parents, je ne m’excuserai pas. Ce que j’ai fait, je l’ai fait pour la communauté des sorciers. Je ne regrette aucun de mes gestes.

Il marqua une pause, continuant de la regarder droit dans ses yeux tristement symétriques.

— Maintenant, sache que ce n’est pas moi qui t’ai infligé cette punition si ridicule. Si cela ne tenait qu’à moi, je t’aurais laissée trois jours sans baguette, sans rien dans cette fameuse forêt. Donc, j’aimerais que tu t’acquittes de cette tâche rapidement afin que je n’aie plus à supporter ta présence. Et une dernière chose : tu vas m’enlever ce sortilège d’insonorisation. Tout comme toi, je suis surveillé, je pense que tu l’avais deviné. Tout comme toi encore, je peux être sanctionné. Mais contrairement à toi, on m’a demandé de me tenir à carreaux et je ne laisserai pas une élève à la curiosité trop insistante me causer des problèmes.

Un discours probablement impensable de la bouche de Grindelwald quand on songeait à ses années de gloire. Lui qui n’avait pas de maître, qui semblait invincible et voulait se défaire de la pression moldue se retrouvait désormais à se cacher à Poudlard et à agir docilement. Si l’élève avait en effet perdu ses parents ou un membre de sa famille à cause de lui, elle devait jubiler. Grindewald se remit sur ses jambes et lui tourna le dos, son visage perdant son expression menaçante pour laisser paraître du doute et voir une certaine mélancolie qu’elle ne pouvait voir. Être à Poudlard lui coûtait plus que prévu. Il avait toujours ce sentiment d’être une bête de foire et d’être humilié mais il parvenait à contenir sa frustration avec la même impassibilité qu’il usait pour cacher tout sentiment de son visage depuis des années. Il retourna à son bureau mais ne s’y rassit pas, se posant juste contre lui, croisant les bras et regardant l’élève froidement afin qu’elle enlève son sortilège, même s’il sentait qu’elle ne se plierait pas à sa volonté.

Automne 1942.

Bon d’accord, avec le recule, c’était insolant et arrogant ce que j’ai dit là… Une vraie petite Gryffondor ! PUAAAAH ! Attendez, je reviens, je vais vomir… Bref, J’y suis sans doute aller un peu fort d’un coup, c’est vrai. Mais, à vrai dire, je ne savais vraiment, mais alors, vraiment pas comment réagir face à ce monument de la magie !

Quand il ferma son livre d’un geste sec, je compris que mon monologue n’avait pas eu l’effet escompté. Oups. Bon, ce qui est fait est fait. Je reste néanmoins debout et le regard approcher. Il s’assit à moitié sur mon bureau et je l’observai. Je ne suis pas petite pourtant mais… je me sentais comme une deuxième année face à lui. Je déglutis alors qu’il commence à parler… Mais, au bout de la seconde phrase, je fronce les sourcils d’incompréhension. Hein ?… Mais de quoi il parle ? A l’entendre, il croyait que j’allais lui faire des reproches !  Mais s’il savait que s’était tout l’inverse en réalité.

J’hésitais à lui parler alors qu’il fit sa pause mais je compris qu’il n’avait pas fini. Ma bouche, qui s’était entrouverte, se referma bien vite. Laissons le. Peut-être qu’il va comprendre juste par mon regard que je suis de son coté non ? Eh bien non… A l’évocation de l’idée de sa punition, je fis comme une moue triste… Très sincèrement, une telle punition aurait sûrement été efficace !… Hey, je ne vais pas vous mentir, j’aurais eu du mal, seule, sans baguette. Mais ça aurait été à la fois une expérience enrichissante et une punition que j’aurais retenue… Du coup, cela me blasait un peu au fond qu’il n’avait pas autorité sur ce genre de chose. Et puis, je n’avais pas fini d’être blasée. Ses dernières phrases me laissèrent sans voix. J’en eus même des frissons. Est-ce tout ce qu’il reste du grand criminel, Gellert Grindelwald ?…

« Bon sang… Qu’est-ce qu’il vous est arrivé ?... »

J’avais de la peine pour lui, vraiment. Je le regarde alors, lui qui était appuyé contre son bureau.

« Ma mère m’a tellement parlé de vous lorsque j’étais jeune… Elle vous décrivait comme étant un homme fort, impartial serte, mais prêt à se battre jusqu’au bout, à faire tout les sacrifices pour le bien de la communauté des Sorciers… non, de l’Humanité, Sorcier et Moldus. Et là…  On dirait que vous avez peur d’être prit à cause du sortilège d’une ado ? »

J’en étais triste… presque outrée.

« Ne vous en faites pas, s’ils le découvrent, je leur dirais la vérité… Que j’admire votre parcours et que je voulais vous parler seul à seul. Je parlerai sous veritaserum si il le faut. J’assume toujours mes conn… mes bêtises. Y compris celle ci, qui fait que je vous désobéis en ne dissipant pas de suite le sortilège. En tout cas, hors de question que je vous cause des problèmes… Je ne suis pas votre ennemie… Au contraire. J’aimerais juste savoir, pourquoi vous avez arrêté alors que vous alliez réussir… »

Sur cette phrase, je retourne m’asseoir. Il n’y aura pas d’autre question de ma part en tout cas… Sauf si il tends la perche. Mais bon, j’ai sûrement déjà bien abusée de sa patience et, de toute manière, je doute avoir ma réponse. Néanmoins, même ci je l’insupporte, j’aimerais que, au moins, il ait conscience que tout le monde n’est pas contre lui entre ces murs. Qu’il a des personnes qui l’apprécient, le soutienne.

Automne 1942.

Grindelwald ne bougeait pas, toujours adossé à son bureau, les yeux posés sur l’adolescente qui bravait son regard. Le silence aurait pu durer indéfiniment. Il aurait pu être reposant et productif pour l’élève. Mais elle lui dit alors une phrase qui sembla figer le temps dans la salle, en plus du son, déjà fait au préalable. Une question que Gellert aurait voulu esquiver à tout prix. En réalité, ces quelques mots qui avaient dépassés la pensée de la jeune fille pour sortir de sa bouche avait réellement frappé une partie du mage noir qu’il aurait voulu annihiler au plus profond de son âme. Une partie de lui qui lui faisait rester humain. Ce qu’il lui était arrivé… Il n’était clairement plus le Grindelwald d’antan. Il n’avait pas réussi à rester lui-même au sein de ce château. Cela faisait pourtant que quelques semaines et son aura semblait déjà atrophié. Le personnage qu’il avait été sans doute mort. Il avait vu la mort arriver dans une cellule d’une prison inconnue, la vie ôtée par un individu semblant être le nouveau mage noir que la prophétie annonçait. Seul un idiot aurait continué sa quête sans comprendre qu’elle était vouée à l’échec quoiqu’il arrivât.

Grindelwald avait donc choisi la mort de son âme contre celle, lente, de son corps. Est-ce que cela en valait-il vraiment le coup ? Aurait-il dû continuer jusqu’à une chute imminente ? Tandis qu’aucun de ses muscles n’avait bougé, l’élève reprit de plus belle, lui indiquant que sa mère avait été une de ses anciennes partisantes et qu’elle avait loué sa cause tout comme elle avait pu encenser le mage noir. Il était vrai qu’il en avait laissé beaucoup derrière lui, ayant pris sa décision seul, sans prévenir même ses sujets les plus proches. Ainsi amputés de leur chef, beaucoup avaient fini en prison, tout comme lui. D’autres étaient morts, bien sûr. Il se surprit à espérer que la mère de l’élève soit en revanche saine et sauve. Il ne répondit toujours rien, la laissant toujours faire son petit monologue, lui disant qu’elle ne lui obéirait pas et qu’elle raconterait tout aux Aurors de manière honnête, toujours avec ce côté effronté. Sur le moment, Grindelwald n’eut pas la foi de la reprendre, continuant de la regarder pendant plusieurs longues secondes avant de repartir se rasseoir à sa chaise, se balançant mollement sur les deux pieds arrière de celle-ci, sans rien ajouter.

Quelques minutes passèrent sans que Grindelwald ne prenne la parole, la laissant faire sa punition. Durant ce silence pesant, le sorcier se demanda souvent s’il se devait lui répondre ou laisser filer. Peut-être devait-il des explications. Sûrement. Il n’avait même rien dit de ses intentions à Albus ni même ce qu’il avait poussé à tout abandonner en pleine apogée. Les bras croisés, il continua de se balancer sans rien dire ni rien faire, le regard plongé dans le vide, essayant probablement de rassembler ce qu’il lui restait d’âme pour ne pas perdre complètement la face ni sa crédibilité. Si elle avait déjà remarqué que Grindelwald n’était plus, à quoi ressemblerait-il dans quatre ans ? Mais la même question revenait inlassablement : avait-il bien fait de se rendre ? Avait-il bien fait de tout abandonner, de tout sacrifier ? Et si cette vision était erronée, autant que celle d’Albus tué par un Obscurus ? Ou si, pour cette dernière, le nécessaire avait été fait pour éviter ce sort funeste qui aurait pu attendre le professeur ? Finalement, il se demanda si ce n’était pas celui-ci, le fautif de son déclin brusque. Dumbledore avait toujours réussi à faire ressortir ce qu’il pouvait y avoir de meilleur chez Grindelwald.

— Albus Dumbledore, voilà ce qui m’est arrivé.

Toujours le regard dans le vague, son visage impassible et pensif dissimulait habilement sa mélancolie. S’il y avait bien quelque chose qu’on ne pouvait lui retirer, c’était bien sa maîtrise de lui-même.

— Je n’allais pas gagner mon combat non plus, il était malheureusement voué à l’échec. J’aurai dû m’en rendre compte dès le moment où l’opposition a commencé à se montrer. Si tous se complaisent à vivre cacher alors soit. Plutôt que de tomber de trop haut, j’ai préféré me brûler les ailes.

Il posa alors ses yeux hétérochromes qui semblaient éteints de toute volonté, de toute énergie, sur l’élève et lui dit très sérieusement mais sans menace :

— Je suis désolé pour ta mère, petite, mais Grindelwald est mort. Il n’y a rien à savoir sur lui désormais.

À ces mots, il croisa de nouveau ses pieds sur son bureau et joignit ses mains à l’arrière de son crâne, regardant le plafond, tenant toujours en équilibre sur les deux pieds de sa chaise.

— Et puis de toute façon, que veux-tu que je fasse maintenant, à Poudlard ? Essayer de propager mes idées aux plus jeunes, vous qui êtes encore influençables ? C’est une idée en effet, mais tu te doutes bien que des individus pas encore terminés feraient vite courir le bruit qui ne manquerait pas de tomber dans les oreilles d’Aurors zélés.

Il marqua une pause, regardant toujours le plafond, songeant que voir son nom évoquant l’effroi et écrit sur tous les murs de la ville lui manquait. Cette adrénaline prétentieuse qui vantait ses exploits et lui donnait l’impression d’avoir créer véritablement quelque chose. Est-ce que combat, à l’origine mené par Albus et lui, méritait-il vraiment d’être mené ? Après tout, cela n’avait jamais été le but premier de Gellert. Le jeune garçon voulait surtout retrouver les Reliques de la Mort pour sa propre gloire mais l’histoire d’Ariana Dumbledore l’avait touché. Sa situation, il l’avait trouvé affreusement injuste. Avec Albus, ils s’étaient promis de libérer les sorciers. Que plus aucun d’entre eux ne méritaient d’être torturés ainsi par des Moldus. Puis les évènements avaient fait que Grindelwald continuât leur combat seul, donnant une dimension vengeresse à cette lutte. Mais à quel prix ? En réalité, il n’aurait pu réussir seul. La désolidarisation d’Albus avait envoyé leur projet droit dans le mur, ce dont Gellert avait eu confirmation plus tard. Et maintenant, à ses côtés, il sentait que le professeur de métamorphoses essayait de ramener un Gellert à la vie qui s’était perdu dans sa haine, quitte à tuer définitivement Grindelwald. En y réfléchissant, à la question de ce qu’il lui était arrivé, Albus Dumbledore était sans nul doute la réponse la plus pertinente.

Automne 1942.

Je souhaitais vraiment le toucher mais je ne pensais pas que ça le toucherait à ce point-là en vérité. Il s’était comme figé devant moi. Je ne savais pas du tout comment il allait réagir. Il faut dire qu’il est déjà assez imprévisible comme homme de base. Du coup, je me contentais de simplement reprendre ma punition là où je l’avais arrêté. Le temps que je me remette à écrire, Grindelwald était retourné à sa place. Je vous l’avais dit que je ne l’embêterai pas si il n’avait pas envie de me parler !

Du coup, me revoici à écrire. Je parle alors des Acromentules et des Botrucs. J’allais commencer à parler des Loups-Garous quand il me répondit enfin. Je fus surprise par cette réponse au point où je me demandais si il s’adressait à moi ou à lui même. Ce n’était pas du tout à ce genre de réponse que je m’attendais… Albus Dumbledore ? Que faisait-il dans cette histoire ? Y avait-il un lien entre ces deux hommes ? Au final… Je me rends compte que je ne sais rien du véritable passé de Grindelwald avant sa légendaire croisade tout comme je ne sais rien du tout d’Albus Dumbledore en dehors de son rôle de professeur. De plus, impossible de décrypter clairement les émotions du criminel repentit. Voyant bien qu’il n’avait pas fini de parler, je pose ma plume et l’écoute avec attention…

Oh il réponds bien à ma question, je ne peux dire le contraire, mais il va directement à l’essentiel, sans donner plus d’information. Néanmoins, il semblait persuadé que son combat avait été perdu d’avance, que tout cela avait été fait pour rien et il a préféré arrêter quitte à être lui même arrêté. D’autres questions commencent alors à se bousculer dans ma tête mais je préfère les garder de coté. Son regard… avait perdu toute intensité. Comme-ci son âme s’était éteinte en repensant à tout cela. J’en étais désolée pour lui , et lui était désolé pour ma mère. J’en eus un sourire triste, allant jusqu’à me demander comment ma mère réagira quand je lui expliquerais que son idole n’est plus la personne qu’il était.

Il semblait avoir complètement lâché l’affaire et cela le pesait d’avoir tout perdu aussi rapidement, cela se voyait. J’aurais bien voulu me lever et poser une main réconfortante sur son épaule. Mais bon, il ne l’aurait sûrement pas très bien prit. Je me contente alors de paroles encourageantes.

« Vous savez… Je doute que ce combat ait été inutile… Même ci ce que vous dites est vrai, si tout était perdu d’avance, vous avez su inspirer toute une génération de Sorciers. Oh oui, bien sûr, il y aura toujours des réfractaires. Dans les livres d’histoire, vous serez décrit comme le méchant. Mais vous laissez un héritage important. Je ne serais pas surprise si certaines de vos idées étaient finalement adoptées dans les années à venir… Vous avez su donné de l’espoir là où il n’y en avait plus. Il est forcé que votre passage, vos discours, restent dans les mémoires et continuent d’inspirer les générations à venir. »

Je fis comme lui, me balançant sur les deux pieds arrières de ma chaise, observant le plafond.

« Je pense que vous n’avez plus personne à influencer. Vous avez lancé l’histoire dans une direction et, un jour, qui sait, vous serez satisfait du monde dans lequel vous vivez. Pour ma mère, ne soyez pas désolé. Au contraire, je me dois de vous remercier pour elle… Vous l’avez inspiré et elle a décidé de se battre pour notre liberté. Mais elle est toujours là, et sa famille aussi et jamais elle n’a regretté ses choix… Je suis fière d’elle. »

Je me remis bien sur ma chaise et lui demanda alors après un moment d’hésitation :

« Je sais que ce ne sont pas mes affaires… Mais je vois mal Albus Dumbledore faire le boulot des Aurors et se mettre sur votre chemin… Vous me direz, je ne le connais qu’en tant que prof mais quand même. Cela m’intrigue. »

Automne 1942.

Toujours assis, Grindelwald ne regardait pas l’élève, estimant qu’il en avait assez dit pour satisfaire sa curiosité et espérait qu’elle le laissât tranquille. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Elle repartit dans un monologue, se sentant obligée de lui répondre. Le mage noir ferma les yeux, exaspéré, souhaitant simplement du silence. Il savait pertinemment qu’il serait vu comme le méchant. Il avait assez de recul sur lui-même pour savoir si ses agissements avaient été bons ou mauvais. Tuer des milliers de personnes, propager la mort et la terreur sur tout un continent n’allait pas le faire paraître comme un héros. Et sa reddition ne le ferait pas devenir un martyr. Il se doutait même que son nom pourrait tendre vers des moqueries. Qui jetait l’éponge en pleine apogée, quand rien ni personne ne pouvait l’arrêter ? Mais de ceci, il s’en moquait bien. Il savait qu’une personne aurait pu contrecarrer ses plans, cette même personne avec qui il les avait conçus, au commencent de toute chose. Albus Dumbledore avait été la véritable menace de son projet car il en avait été l’un des architectes, ceux que beaucoup ignoraient. Après tout, mieux valait que cela reste comme ça, la réputation du professeur en aurait été fragilisée autrement.

Mais la petite ne s’en arrêta pas là. Elle continua sa tirade, qu’il écoutait sans le montrer. Oh, il n’était pas spécialement d’accord avec le fait qu’il n’avait plus personne à influencer. Les jeunes élèves étaient naïfs, plus encore que les adultes, et ils n’avaient pas cette désillusion sur leurs capacités que les plus âgés avaient. On pouvait leur faire croire qu’ils pouvaient être les meilleurs sorciers du monde qu’ils le goberaient. Il suffisait de choisir ses mots judicieusement et Grindelwald avait un don certain pour ceci. Il ne savait donc pas si l’élève présente dans la salle ignorait une grande partie de ses agissements ou si elle le sous-estimait. Il plaça son regard dans le sien, lui faisant bien comprendre qu’elle se trompait sur ce point. Il avait perdu beaucoup, notamment sa dignité et sa baguette, mais il avait conservé la totalité de ses talents d’orateur et l’intégralité de sa puissance magique. Il ne se laisserait pas mal parler par des gamins impertinents. Par ailleurs, l’insolence de l’élève se manifesta une nouvelle fois, sous-entendant en savoir plus sur Albus Dumbledore et lui. Il cessa alors de se balancer et posa les coudes sur son bureau, continuant de garder fixement son regard sur elle.

— Ce que fait Albus Dumbledore ne te concerne pas. Il est pour vous tous votre professeur de métamorphoses et il vaut mieux que cela reste ainsi. Pour toi comme pour tes camarades.

Il se leva tout en posant le plat de la paume de sa main sur son bureau, sentant un agacement certain lui parcourir l’échine, ne supportant pas le fait de parler d’Albus en détails. Il y avait des jardins secrets où il ne valait mieux pas entrer.

— Je pense que j’ai déjà suffisamment satisfait ta curiosité puérile. Quant à la liberté, personne ne l’a vraiment. Quelle ironie de la prôner pour finir emprisonné dans une école, surveillé par des Aurors. Quelle ironie d’être certainement le plus puissant sorcier du monde et de gâcher ce talent en finissant professeur de métamorphoses, tout en se voilant la face sur ses propres dons. Je pourrais te dire des choses sur Albus Dumbledore qui casserait cette jolie image que vous avez tous de lui !

L’atmosphère de la classe avait bien changée. Les meubles vibraient très légèrement sous la colère du mage noir qui s’était arrêté de parler. Il resta immobile quelques secondes, continuant de la regarder dans les yeux, ses iris n’étant plus aussi fixes qu’auparavant mais alternant entre chaque pupille de l’élève, ne sachant plus sur quel œil s’ancrer. Il se redressa alors et croisa les mains devant lui, reprenant le contrôle de lui-même, le bois de la pièce arrêtant de trembler. Oui, Grindelwald avait toujours été impulsif. Et il avait l’impression que cela ne s’arrangeait pas au contact dudit Albus. Il crispa sa mâchoire et ferma brièvement les yeux avant de soupirer doucement.

— Maintenant, si tu veux bien finir ta stupide retenue…

Sa voix était plus douce, moins glaciale que précédemment tandis qu’il posa de nouveau les yeux sur elle.

Automne 1942.

Aurais-je touché un point sensible ou il n’aime vraiment pas ma voix ? Son regard plongé dans le mien, je détourne légèrement les yeux, histoire de ne pas être perturbé par sa façon perçante de me fixer. Malgré lui, il a, comme qui dirait, répondu à ma question. En dehors de son rôle de professeur, Dumbledore a une autre personnalité que personne, sauf Grindelwald lui même, ne connaisse. C’est d’autant plus étonnant qu’il ait été envoyé ici pour le coup. Le ministère doit en savoir plus que la simple ado que je suis sur leur relation. Si vraiment ils se connaissent, n’est-ce pas dangereux de les mettre sous le même toit ?

En tout cas, je l’ai vraiment agacé et ça se sent déjà dans sa façon de parler. En effet, je suis allée trop loin, sans doute, néanmoins je ne pensais vraiment pas à mal. Mais, il a la haine visiblement. Finir ainsi est peut-être pire encore que finir en prison… Et Dumbledore... Il n’y a pas à dire, il semble lui reprocher tout ce qui est arrivé. Mon regard se tourne vers lui à nouveau. Il me fixait plus intensément encore. Ses yeux alternant entre mes deux yeux comme-ci il ne savait pas si il fallait choisir entre le bleu et le vert… Un bruit emplit la pièce. Les meubles se mirent à vibrer, à craquer. L’atmosphère était devenu lourde sous la puissance magique du Sorcier… Je suis peut-être un peu tête brûlée, je l’avoue, car, plus que de la crainte, j’étais fascinée par tant de pouvoir. J’en avais le souffle coupé. Finalement, il se calma et me pria de terminer ma retenue… Je mis un certain temps à percuter… Cette scène m’a coupé le sifflé, il faut le dire. Ah ouais, j’ai vraiment touché un point sensible. Finalement, je hoche la tête et reprends ma casquette de la bonne élève poli.

« Bien, monsieur. »

Je me retourna alors et désactiva l’enchantement avant de me pencher sur ma feuille… Mais, encore une fois, je mis un certain temps avant de reprendre l’écriture, réfléchissant encore à ses paroles. Il en avait gros sur le cœur, il faut le dire ! Dumbledore semble clairement être LA personne dont il ne faut pas prononcer le nom à coté de lui. Et en plus, être condamné à vivre ici… ça n’empêche qu’il avait le choix, je pense, entre venir ici ou rester à Azkaban… à quoi pensait il ? Finalement, j’arrête de marmonner et reprends mon écriture.

La nuit était tombée alors que je réfléchissais une dernière fois… Loups-Garous, Sombrals, Cynospectres, Hyppogriffes, Trolls et Gobelins… Je ne pense pas en avoir oublié. Dans un sens, cette punition ne me faisait pas de mal. Je révisais en même temps mes sors de défenses. Mais là, je dois avouer que ce brainstorming des créatures de la forêt interdite m’avait donné mal à la tête. Mais non, je ne pense pas avoir oublié quoi que ce soit. Je m’affale finalement sur ma chaise en soupirant, regardant dehors… J’ai probablement loupé le festin. Mon ventre avait commencé à grogner il y a une demi-heure. Je lève finalement la main.

« J’ai terminé, Professeur... »

J’étais épuisée comme après un match de Quiddich… Là je ne rêvais que d’un bon repas, une bonne bièraubeurre, et mon lit douillé.

Automne 1942.

Grindelwald attendit quelques secondes la réponse de l’élève qui semblait avoir compris son ordre de terminer rapidement sa punition. Tandis qu’elle reprit son devoir, le mage noir retourna s’asseoir sans rien dire de plus. Il se remit dans une position nonchalante, ne perdant pas la face pour autant, regardant dans le vide. Il en avait peut-être trop dit sur Albus, mais cette étrange ambiance où tout le monde semblait le vénérer l’insupportait au plus haut point. Gellert avait bien compris la popularité dont jouissait le professeur de métamorphoses dans son école et cela le mettait presque en colère. De plus, il était clairement mal vu par la plupart des élèves et comment les blâmer ? Il avait après tout laisser courir l’information qu’Albus et lui se connaissaient. Il ne savait pas si la Serpentard savait garder un secret ou non mais si l’école venait à être au courant d’une quelconque relation entre leur professeur et le mage noir, il ne doutait pas de la formation de certains « camps » et sa retraite, ou plutôt son incarcération, serait certainement beaucoup moins agréable. L’ambiance était déjà pesante pour lui, il n’avait pas non plus envie qu’on ne le dévisage encore plus. Pire, il n’avait pas envie que cela donne l’envie à certains de défier son autorité.

Gellert resta donc immobile sur sa chaise avant de prendre sa pomme et de la manger, sans poursuivre son livre pour le moment, profitant seulement du calme de la salle et de la lumière qui baissait en même temps que le soleil dans le ciel. Le mage noir avait toujours préféré la nuit, le château devenait beaucoup plus calme et avait presque une ambiance menaçante et lugubre dont le sorcier se nourrissait pour garder la tête haute. Il se sentait à sa place, dans les ténèbres, loin de tout le monde, dans une ambiance convenant parfaitement à un misanthrope tel que lui. Or, ce moment, il devait le partager avec cette élève, espérant qu’elle aurait terminé au plus vite afin qu’il puisse vite disparaître des couloirs de Poudlard. Il n’était, effectivement, plus que l’ombre de lui-même, un meneur déchu, privé de ses pouvoirs et de toute possible influence. Mais après tout, il avait tout sacrifié lui-même et Albus était là pour le lui rappeler. Il n’y avait pas un mètre qu’il puisse faire dans ce château sans que quelque chose lui rappelle l’emprise du professeur sur ces lieux, comme si les murs étaient imprégnés de l’aura de Dumbledore, le faisant sentir tristement comme un étranger.

La jeune fille brisa alors le silence et indiqua qu’elle avait terminé. Gellert jeta son trognon et se leva avant d’aller relire le devoir de la punie. Tout n’était pas forcément très juste ou alors il manquait quelques informations. Est-ce que le professeur de runes avait la foi pour lui faire corriger ses erreurs ou avait-il tout simplement hâte d’en finir avec cette histoire. Après tout, les chances de croiser de nouveau l’élève étaient maigres, à moins qu’elle ne se retrouve de nouveau en retenue. Sinon, il ne ressentait rien pour elle. Aucun intérêt, aucune curiosité, contrairement à Lavande. Non, il n’avait pas envie de la connaître, bien que sa mère l’eût suivi durant ses années glorieuses et prospères. Mais est-ce que cela était suffisant ? Désirait-il vraiment essayer de regrouper un groupe d’élèves adhérant à ses pensées et à son idéologie ? Il aurait forcément des problèmes si cela venait à s’ébruiter. Ainsi, il ne préféra rien dire et posa simplement la feuille sur le bureau de l’élève avant de la regarder sévèrement. Finalement, il soupira, ses yeux se faisant moins menaçant, presque las.

— C’est moyen, il manque des informations et certaines fausses. Mais ça ira pour ce soir, fichez-le camp.

Avant de laisser l’opportunité à l’élève de s’évader, Grindelwald, les mains dans le dos, se dirigea vers la fenêtre pour regarder la nuit presque noire tomber sur le parc de Poudlard, songeur et mélancolique.

Automne 1942.
Il est vrai que je ne me suis pas tellement appliquée sur ma punition… Je n’ai jamais été douée quand il s’agissait de simplement retranscrire quelque chose que je pratique d’instinct. Beaucoup de professeurs me l’ont reproché d’ailleurs. Et, ils n’ont pas tout à fait tord. Fonctionner ainsi est assez dangereux car on ne peut jamais savoir si on aura les connaissances nécessaires avant l’affrontement et ce serait totalement inconscient de la part d’une Auror. Oh et les Professeurs ne sont pas les seuls. Lavande aussi me rabâche que je devrais me mettre un peu plus le nez dans les livres et que je prenne le temps de retranscrire proprement ce que j’ai appris histoire d’être sûr d’avoir tout bien retenu. Tête de mule que je suis, je ne m’y suis toujours pas mise… Pourtant, je devrais. Sinon, à la fin de l’année, je risque d’avoir une mauvaise surprise pour mes ASPICS.

La réponse de Grindelwald ne fut, donc, pas tant inattendu que cela. Cet homme est extrêmement exigeant et ne semble jurer que par la précision. Punaise, je suis tellement heureuse de ne pas étudier les runes cette année ! Malgré tout, j’aurais aimée mieux le connaître. Me faire pardonner déjà pour toutes mes questions déplacées mais, avec mon talent habituel pour faire sortir les gens de leurs gonds, d’une ce n’est pas prudent et de deux, je suis sûrement déjà grillée d’avance et mise dans une case de sa tête « personne inintéressante ».

« Bien monsieur. »

Je commence, alors, à ranger mes affaires, ne sachant vraiment comment réagir en le regardant à la fenêtre.

« Pardon si je vous ai retenu si tard... »

Après tout, c’était de ma faute, si je n’avais pas posé toutes mes questions, à faire ma curieuse, je serais sûrement partit il y a une demi-heure et j’aurais même pu assister au festin. Tout ça pourquoi ? Pour me mettre à dos ce mage noir ? Quelle idiote je fais...

Le soleil n’est pas encore complètement couché. Avec un peu de chance, je pourrais aller manger. Néanmoins, ça m’embête de partir en restant en aussi mauvais termes avec ce sorcier, mais ais-je le choix ? Rester et essayer de me faire pardonner d’une façon ou d’une autre ne ferait qu’aggraver mon cas.