Âge : 17 ans. Sang : Née-Moldue. Nationalité : Anglaise. Patronus : Une hyène. Épouvantard : Un Obscurus. Reflet du Riséd : Elle n'y voit rien, pas même son propre reflet. Baguette : Branche de hêtre entrelacé, sauvage et inflexible, 24 cm, ventricule de coeur de dragon. Avatar : Felicity JonesMessages : 291 Double-Compte : Anthelme de Musset Date d'inscription : 22/07/2019
Sujet: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Sam 29 Aoû - 16:13
Le goût de la pluie dans le thé.
« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »
Comment s’était terminée cette soirée, déjà ? Lavande y repensait toutes les nuits. A cette explosion qui aurait pu clore sa scolarité, mais qui s’était miraculeusement transformé en promenade romantique avec le professeur Raven ; son ventre grouillant au point de lui faire perdre connaissance, ses pas tremblant jusqu’à la lisière de la Forêt Interdite, son sourire quand l’enseignant accepta de la suivre. Elle avait oublié jusqu’au monde au-delà des bois, rien d’autre n’existait que les yeux brillants de Belladone Raven parcourant les frontières de son petit royaume. Pourtant, la jeune fille n’avait pas été triste de le voir repartir. Le ciel s’assombrissait, ainsi que la tendre lumière solaire rougissait derrière les feuilles écarlates de l’automne mourant. C’était l’heure où les créatures de la nuit se réveillaient lentement, et où les êtres humains rentraient à l’abri dans leurs toits de chaume.
Lavande le voyait se lever précipitamment, alors que sur sa main se trouvait encore le soupçon du contact de sa main. Elle n’avait pas l’habitude que l’on touche sa peau d’une manière aussi douce, quant bien même était-elle la seule fautive de ce contact délicat. Il restait encore dans sa paume, au bout de ses doigts, le fantôme de lui. Elle garda cette impression jusqu’à la fin de la journée suivante, jusqu’à ce qu’il s’évapore, comme l’eau rejoint lentement les nuages. Mais le souvenir resta, indélébile. Ce moment un peu gênant où il se redressa d’un seul homme, soudainement apeuré, alors que quelques minutes auparavant, il lui faisait un rapide cours sur la situation géopolitique entre sorciers et centaures, allant jusqu’à clamer qu’il soutiendrait sa candidature de Ministre de la Magie… une blague, car jamais Lavande ne vivrait assez longtemps pour ça. Jamais elle ne survivrait à ce qu’il y a au-delà des murs de Poudlard, au-delà des frontières de son village.
Oui, il s’était relevé, bredouillant, ses joues aussi rouges que les feuilles s’effondrant dans la clairière. Par chance, la basse lumière conférait à toute la forêt une aura d’une douceur orangeade, confondant les couleurs, les mélangeant, ne faisant qu’un : l’automne. Leurs visages aussi étaient fait d’automne. A son tour, Lavande s’était relevée quand son professeur s’était rapproché pour récupérer sa veste. Trop idiote ou trop pessimiste pour comprendre la gêne de ce dernier, la née-moldue songea simplement qu’il était tard, et que son professeur s’était déjà montré bien compréhensif et aimable pour permettre de laisser la nuit et ses dangers fondre sur son élève dont il avait la responsabilité. Il fallait rentrer, c’était indéniable. Lavande allait mieux et demander à rester plus longtemps ne serait qu’un caprice de sa part. Avec un petit sourire apaisé, elle lissa les plis de sa robe et de sa chemise salie du mieux qu’elle put, ainsi que les mèches de ses cheveux qui s’étaient pris dans l’écorce du chêne millénaire. Quel désespérante apparence débraillée devait-elle offrir. Elle n’essayait même pas de faire semblant, la misère lui collait à la peau. L’idée même de faire pitié au professeur de son cœur lui était pourtant insurmontable. Mais elle avait été capable de lui offrir un cadeau inestimable, cette clairière, ce repos, cette atmosphère, et la chance d’une carte chocogrenouille. Alors elle était heureuse. Heureuse comme rarement depuis le début de sa vie, mais comme trop souvent depuis le début de cette étrange année scolaire. Mais pendant qu’elle songeait aux papillons qui dansaient dans son ventre, ne pouvant les confondre avec les douleurs malsaines qui lui dévoraient les entrailles, le professeur Raven lui tourna le dos en lui rappelant l’heure et le jour de leur rendez-vous. Lavande s’était empressée de le suivre aux talons, avant de le dépasser pour mener joyeusement la marche. Ils revenaient dans la société des humains, mais Lavande ne se sentait plus aussi déchirée ; elle avait confiance. Tant pis pour la prudence, le bonheur était trop bon.
***
Le jeudi suivant de Novembre 1942.
Alors comment s’était-elle présentée à lui ce soir-là ? Lavande avait passé toute la pause du midi à chercher dans ses quelques affaires quelque chose de présentable. Elle ne voulait pas aller à sa retenue dans son simple uniforme. Il n’y avait rien à sauver dedans, entre les trous dans ses chaussettes, les manches de sa chemise tâchée et les fils qui se défaisaient de son pull. Ce n’était pas présentable. Mais surtout, il la voyait tout le temps dans cette tenue. Durant les cours, et à chaque fois qu’ils s’étaient croisés. Toujours ce maudit uniforme sale s’était dressé entre eux, symbole de son médiocre statue de simple élève auprès de lui, de pauvresse.
Pendant vingt minutes, la née-moldue avait cherché dans ses quelques vêtements de paysanne et avait trouvé une jupe longue (certes poussiéreuse au niveau des pieds à force des frottements sur le sol), et une chemisette à manches courtes, auquel il ne manquait que deux boutons au niveau du ventre. Elle posa ses vêtements choisis sous son oreiller et retourna suivre les cours de l’après-midi. La jeune fille exultait littéralement, son visage luisant d’une joie que l’on n’avait jamais vu sur son visage – tant et si bien que personne ne vint la déranger. Qu’une fille qui ne voyait jamais le sourire devienne subitement du jour au lendemain… contente, on craignait que la folie eût fini par s’emparer d’elle. A la fin de son dernier cours, il ne lui restait plus qu’une demi-heure pour se préparer. Accourant jusqu’à son dortoir, esquivant les croches-pattes et évitant miraculeusement quelques sorts mauvais, Lavande parvint à récupérer ses habits civils et remonta les étages qui la séparaient du dortoir des Gryffondor : il n’y avait pas une seule seconde à perdre, dit-elle à Jasper. Ayant un peu peur de la réaction de celle-ci si elle apprenait que la pauvresse était amoureuse d’un professeur, Lavande prétexta avoir un rendez-vous avez un garçon de Pré-au-Lard. C’était ridicule de mentir ainsi, elle en était bien conscience… mais comment parler de ses sentiments, exprimer son bonheur avec des mots vrais. Elle avait peur que si une seule parole défaillait à la sociable Jasper, cela pouvait avoir de graves conséquences. L’amour était un sujet trop grave. C’était la dernière chose qu’il restait à Lavande, qu’on ne lui avait jamais pris, qu’on ne lui avait jamais moqué. Pour rire, on disait à des garçons « bwaaah, imagine Lavande Huntergrunt serait amoureuse de toi ! » et ceux-ci avaient une abominable expression de dégoût. Mais elle n’avait jamais été véritablement amoureuse de quiconque, aussi cela ne l’avait jamais atteint. Être aimée d’elle était une honte, la preuve qu’on devait changer si on était quelqu’un capable de plaire à un être aussi détestable, immonde et malpropre qu’elle.
Aussi voulait-elle faire bonne impression. Parvenant jusqu’à Jasper Blake, elle lui demanda une seule chose – le visage encore rouge d’avoir fait le trajet à toute vitesse entre les cachots et le septième étage de Poudlard : « Fais-moi joli, s’il te plait. » Autant dire que la Princesse Rouge n’avait pas fait les choses à moitié. Sans lui poser de questions, elle prit soin de son amie. Ce fut donc apprêtée qu’elle était présente devant le bureau du Professeur de Défense contre les Forces du Mal. Jupe nettoyée ayant retrouvé sa couleur bleue nuit, chemisette beige boutonnée jusqu’au ras du cou, magiquement réparé ; même ses cheveux avaient été peignés avec grand soin. Jasper avait même embelli ses yeux d’un mascara très léger, mais qui accentuait la pâleur mystique de son regard lointain. Rien de plus. Lavande avait de la chance que Jasper soit naturellement douée à la magie, cela lui avait sauvé la vie plus d’une fois durant ces longues années.
18h35, quand elle parvint jusqu’à la porte. Malgré tous les efforts qu’elle avait fournis pour arriver à l’heure, cela n’avait pas été assez. Alors qu’elle avait déjà frappé à la porte, l’esprit de Lavande se mit à fulminer. Allait-il être en colère de ses cinq minutes de retard ? En avait-elle trop fait pour lui plaire ? Allait-il être outré qu’elle se présente à une retenue habillée de la sorte ? N’avait-elle pas mal fait ? Et s’il était tout simplement gêné, honteux qu’elle ait pu croire qu’il y avait quelque chose de possible et de doux entre eux ? Le cœur de la née-moldue s’accéléra douloureusement, une bouffée de chaleur rougissant sa peau verdâtre. Elle avait soudainement envie de fuir… mais il était déjà trop tard, le Professeur Raven ouvrit la porte.
— Bonsoir professeur, pardonnez mon retard je vous en prie, déclara-t-elle très vite en s’inclinant légèrement avant même qu’il ait pu prononcer le moindre mot.
La jeune fille se redressa aussitôt, tentant de lui offrir un sourire confiant et convainquant mais qui ne pouvait s’empêcher de paraître troublée. Elle priait par-dessus tout qu’il ne trouve pas sa tenue inconvenante. Mais le Professeur lui montra le chemin de son bureau sans problème, alors Lavande se permit d’entrer et déposa son sac émietté (elle n’avait pas eu le temps de tout réparer) à la chaise qui serait son « supplice » de la soirée. Un miaulement attira son attention.
plumyts 2016
Belladone Raven
Âge : 28 ans Sang : Sang-Pur Nationalité : Anglaise Patronus : Un corbeau Épouvantard : Lavande recroquevillée au sol, le visage baigné de larmes, qui implore son aide, personnification de son impuissance à combattre les Forces du Mal Reflet du Riséd : Lui même sauvant Lavande à son bras, des étincelles flamboyantes jaillissant encore de sa baguette, provenant de la bataille qu'il vient de gagner Baguette : 25 centimètres, bois de sorbier et crin de licorne Avatar : Diego LunaMessages : 365 Double-Compte : Desiderata / Aurora / Minerva / Solveig / Albus Date d'inscription : 27/08/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Mer 2 Sep - 11:34
Le goût de la pluie dans le thé
Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal
Automne 1942 Le sifflement aigu de la petite bouilloire en étain fit lever les yeux de Belladone de la pile de devoirs vers laquelle il venait, sans grande conviction, de baisser le nez. Il semblait distrait, fébrile, et somme toute légèrement nerveux. Un regard alentour ne parvint qu’à grand peine à le rassurer. Tout était fin prêt. Un bon feu crépitait allégrement dans l’âtre, nimbant la pièce de l’aura orangeâtre de ses flammes qui vacillaient au gré de leur danse légère, leur ombre léchant les murs de pierre froide qu’elles réchauffaient avec cette volupté doucereuse qui leur conférait un charme mystique, éthéré. La petite table basse avait été déplacée, installée dans une posture douillette, face à l’âtre chaleureux, le fauteuil de cuir brun à son côté. Chargée de monceaux de parchemins divers, épars, plus ou moins vieux, recouverts de notes griffonnées à la va-vite, les pieds pourtant solides semblaient devoir s’écrouler à tout instant sous le fardeau de papier jauni par le temps et noirci par l’encre que Belladone avait couchée en lignes grâcieuses. Lui-même avait sa pile vacillante de copies à corriger, tandis que l’élève subissant la première retenue de toute sa carrière allait se voir infliger le supplice de s’enfouir toute entière dans les méandres de notes et d’archives éparses du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal qui avait la fâcheuse coutume de griffonner une vague synthèse d’absolument tout ce qu’il lisait.
Belladone avait dîné tôt, se délectant de l’accalmie trop rare d’une Grande Salle déserte plus encore que les délicieuses côtelettes d’agneau englouties à la va-vite. S’il s’était étonné de ne pas y voir Lavande, à laquelle il avait suggéré de dîner avant de le rejoindre, elle avait bel et bien été la seule présence que ses yeux d’encre avaient cherché, ce soir. Les réminiscences de la formidable et terrible déflagration de Magie causée par la malheureuse élève aux yeux d’émeraude ternie, le souvenir cuisant, amer, de la vive déception qu’il avait causée à son mentor, la trahison de Gellert, qui lui avait semblé un ami ; au cœur de la mer d’huile qu’était et qu’avait toujours été la petite vie tranquille de Belladone s’était levée cette tumultueuse tempête, aux allures de cataclysme, et le jeune homme fragile en ressortait meurtri, harassé et abattu. Plus que jamais, le paisible et solitaire Professeur ressentait un avide besoin de paix, et s’il était heureux de n’avoir eu à converser avec personne, le plaisir inconscient et un peu égoïste procuré par la perspective de la compagnie de la triste élève lui mettait un peu de baume au cœur.
Belladone ne s’expliquait pas cette allégresse impatiente à l’idée de partager quelques heures avec la jeune fille. Sans doute avait-il compris que le laconisme et le calme de l’étudiante était précisément le genre de compagnie qui siérait à son humeur sombre et taciturne. L’élève parlait peu, l’écoutait sans faiblir, et, lorsque les tréfonds quelque peu éraillés d’une voix un peu cave, trop peu usitée, se faisait entendre, une grande maturité, teintée d’une sensibilité hors du commun, s’échappait des discours bredouillants de la jeune fille. Il y’avait de ces trésors qui ne se révélaient que lorsque l’on se donnait la peine de les dénicher, et, au souvenir de la petite litanie hésitante de Lavande qui prenait la défense des Centaures, Belladone se surprit à esquisser un pâle sourire, lui qui n’avait guère quitté son air morose depuis des jours. Et la fierté d’être celui à qui se découvrait cette intelligence du cœur, cette logique implacable cette rafraîchissante modernité chez une si triste et si silencieuse élève fut soudain assombrie par la cruelle certitude que la volonté de s’exprimer avait toujours été là, nichée chez l’étudiante à laquelle on ne portait qu’une indifférence vaguement compatissante, dans le meilleur des cas. Et l’idée que Belladone avait sans doute été le seul à découvrir en Lavande une jeune fille à l’intelligence vive, espiègle, dotée d’une obstination incroyable -affûtée par la ruse qui caractérisait sa maison-, acheva de le rembrunir un peu plus.
L’incertitude, le remords, la culpabilité l’avaient tenaillé de nouveau, devant la table des Serpentard, à laquelle il n’avait pas vu la petite ombre grise aux yeux tristes. Le tout jeune Professeur était encore trop ignorant de certains us et coutumes de Poudlard, mais il était certain qu’il se refusait à être responsable du manque de sommeil d’une étudiante en la renvoyant trop tardivement à son dortoir. Il avait, l’air de rien, demandé conseil à Gaïa, qui lui avait vaguement répondu que c’était aussi le genre d’horaire qu’elle donnait pour les retenues dans les serres infligées par ses comparses, le Professeur de Botanique ne punissant jamais personne. L’absence de la silhouette éthérée aux longs cheveux d’encre avait pourtant aiguisé la culpabilité déjà à vif de Belladone, comme du sel sur une plaie béante, et s’il était contraint à l’infâmie de tourmenter cette malheureuse élève qui n’avait eu pour tort que de révéler son instinct de survie, intact malgré les années de sempiternels supplices, alors il se faisait un devoir de lui rendre la tâche la moins pénible possible.
Le petit détour aux cuisines avait été bref, déterminé par un but précis. Belladone avait adressé un grand sourire à la petite Elfe qu’il aimait bien et qui s’était vite habitué à ce nouveau Professeur si souvent pris de fringales qu’il connaissait déjà le nom de la moitié des petites créatures qui s’affairaient aux fourneaux. Elle lui avait laissé confectionner son sandwich favori, celui à la mayonnaise et à la dinde fumée dont il avait le secret et qu’Azalea lui réclamait et qu’ils mangeaient tous deux au coin du feu lorsqu’il voulait épancher ses peines de cœur auprès d’elle. Et Belladone n’était pas peu fier du petit sortilège culinaire qui lui permettait de fumer la tranche de viande d’une marinade délicieuse, bien que ses talents magiques de ménager s’arrêtaient là. Le pain de mie légèrement toasté et le sandwich agrémenté de pickles craquants et d’une tranche de laitue, il avait, à l’aide de sa baguette, coupé le pain en deux, en forme de triangles, et s’était emparé de l’assiette qu’il avait recouvert d’une petite cloche en remerciant chaleureusement les serviables Elfes de Poudlard.
L’assiette trônait sur un coin de la table basse, à côté d’une tasse vide pour le moment, Belladone ayant conservé un petit espace précieux de la table pour le dîner de Lavande qui, il en était certain, arrivait pour sa retenue le ventre vide. Il hésitait encore entre froncer les sourcils devant le si peu de cas qu’elle faisait d’elle-même, ou à s’enfoncer plus encore dans la morosité en songeant qu’elle n’avait fait qu’adopter le reflet que lui renvoyait l’indifférence et la cruauté des autres, à savoir qu’elle ne valait rien, et que ses sentiments ne comptaient pas. L’esprit fragile de Belladone, sans suspense, optait pour la morosité et le chagrin, et le glas vrombissant de la pendule annonçait dix-huit heures trente précises lorsqu’il versa l’eau frémissante dans la théière emplie de ce thé à la violette dont il avait promis la dégustation à son élève.
Elève qui était en retard. La première réaction de Belladone ne fut pas de se formaliser, étant assurée plus qu’avec n’importe quel autre élève que Lavande avait une bonne raison qui n’avait rien à voir avec de l’irrévérence ou de l’effronterie. A dire vrai, c’était aussi un des motifs de l’enthousiasme soudain de Belladone pour sa compagnie, lui qui restait enfermé depuis des jours au cœur de son bureau. En voilà une, au moins, qui ne le prenait pas pour un idiot. Il n’eut guère le temps de s’inquiéter d’une potentielle nouvelle agression, qui semblait terriblement banale dans le quotidien de la jeune fille, quand quelques coups discrets mais empressés retentirent à la porte, que Belladone eut la surprise d’ouvrir sur une Lavande aux joues roses et en tenue civile qui s’excusait platement pour ces insignifiantes minutes de retard. Le jeune homme resta un instant interdit devant la longue jupe de toile bleu nuit qui allongeait la silhouette de l’étudiante, devant la sagesse du chemisier qu’elle avait boutonné jusqu’au ras du cou mais qui laissait apparaître la blancheur opaline de ses bras, et devant sa chevelure d’encre qui n’avait plus rien de cette crinière éparse flottant au gré du vent qu’elle arborait d’ordinaire. Ils semblaient avoir été peignés avec soin, et retombaient avec une mollesse docile sur les épaules rondes de la jeune fille, encadrant son visage que perçaient les yeux d’émeraude ternie qui avait pris en éclat encore, rehaussés comme ils étaient d’une touche de maquillage noir qui leur donnait l’aspect de deux diamants trônant au creux d’un écrin de velours d’encre. Belladone se racla soudain la gorge, s’arrachant à sa contemplation stupéfaite qui n’avait duré que quelques secondes et qui, il l’espérait, était passée inaperçue :
- Bonsoir Mademoiselle…Ce n’est rien…Entrez…
Belladone s’écarta avec courtoisie du passage, la laissant pénétrer dans le bureau éclairé et réchauffé par les flammes généreuses qui dansaient inlassablement au creux de l’âtre. Il laissa la jeune fille déposer son sac sans âge sur sa chaise, tandis qu’elle se retournait, intriguée, lorsque le miaulement surpris de Merlin arracha les deux protagonistes aux prémices de leur entrevue. Le jeune homme tourna un instant la tête et aperçut le félin sur un autre des fauteuils de cuir brun, dérangé dans sa torpeur paresseuse tandis qu’il se dorait le pelage à la chaleur du feu. Belladone se saisit du petit animal au pelage d’encre, dont les reflets bleu nuit luisaient à la lueur des flammes, ses yeux verts foncés rendus un peu plus vifs par l’indignation qu’il avait d’être ainsi arraché à son petit confort :
- Je vous présente Merlin. Il est très gentil mais il tient à ses petites habitudes, et il prend vite ses aises. N’hésitez pas à vous plaindre si vous le trouvez un peu trop envahissant.
Le chat racé, au museau fier, poussa un miaulement indigné, comme s’il avait compris que son maître médisait sur son compte. Après une caresse distraite sur la petite tête duveteuse de l’animal, Belladone le déposa au creux de son fauteuil favori, sur lequel il se roula en boule immédiatement avec un air de majesté outragée. Le jeune homme riva de nouveau son regard sur son élève, se raclant la gorge avant de revenir au but initial de cette entrevue :
- Bien…Voyez-vous cette pile de notes ? Ce sont les miennes que j’ai pris au fil des mois mais, entre ma prise de poste à Poudlard et les copies des élèves à corriger, j’ai accumulé beaucoup de retard dans leur classement. Ce que j’aimerais que vous fassiez, c’est tout d’abord un tri chronologique (vous verrez que je date toujours les documents en en-tête, à droite), et qu’ensuite vous en les rangiez trois piles différentes : ce qui a trait aux créatures magiques, aux malédictions et autres incantations maléfiques et enfin aux sortilèges de défense et de protection. Je ne m’attends pas, bien entendu, à ce que vous puissiez venir à bout de cet indécent retard, la rassura immédiatement Belladone, mais votre aide me sera précieuse. Enfin, est-ce que tout est clair ? N’hésitez pas si vous avez la moindre question, ou si vous ne parvenez pas à me relire…Mais, avant toute chose, je vous avais promis une tasse de thé.
D’un léger coup de baguette magique, la tasse de Lavande lévita jusqu’à Belladone qui s’en saisit, tandis que la théière, elle aussi suspendue dans les airs, basculait légèrement pour empli le récipient du liquide fumant et mordoré aux effluves délicats de violette. La tasse revint se poser au coin de la table basse et, une fois remplie, le jeune Professeur se saisit de sa propre tasse, avant de déclarer sur un léger ton de reproche :
- Je ne vous ai pas vue au dîner ce soir. Vous ne comptiez tout de même pas passer la soirée en retenue le ventre vide ? Alors…Hum…Si vous avez faim, j’ai quelque chose pour vous. C’est moi qui l’ait fait.
Belladone avait rivé son regard vers l’assiette qui n’attendait plus que Lavande, les joues soudain empourprées, un peu honteux de la fierté juvénile avec laquelle l’enfant de bourgeois qu’il était avait déclaré qu’il avait lui-même fait un sandwich, alors que c’était là son seul et assez restreint talent culinaire. Le jeune homme décida de s’installer à son bureau, pour tromper quelque peu sa nervosité, et aussi pour inviter Lavande à faire de même et à prendre ses aises. Ils pourraient tout de même discuter, la jeune fille étant dans son champ de vision, et lui permettait de déguster sa tasse de thé et son dîner frugal avant de se mettre au travail.
plumyts 2016
Lavande Huntergrunt
Âge : 17 ans. Sang : Née-Moldue. Nationalité : Anglaise. Patronus : Une hyène. Épouvantard : Un Obscurus. Reflet du Riséd : Elle n'y voit rien, pas même son propre reflet. Baguette : Branche de hêtre entrelacé, sauvage et inflexible, 24 cm, ventricule de coeur de dragon. Avatar : Felicity JonesMessages : 291 Double-Compte : Anthelme de Musset Date d'inscription : 22/07/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Dim 13 Sep - 13:28
Le goût de la pluie dans le thé.
« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »
Chaque fois que leurs regards se croisaient, le temps s’arrêtait, s’allongeait dans une seconde qui en durait mille ; une bulle où aucun des deux protagonistes n’en avaient conscience. Il n’y avait qu’eux dans cette cage d’escalier, donnant par un balcon sur l’immense salle de classe – la plus célèbre et la plus envoûtante de Poudlard. Lavande fut si heureuse de revoir son professeur, son coeur manquant un instant d’air quand elle le vit ouvrir la porte. Son élégance ne faillait jamais, tous ses attraits restaient délicats et princiers, quelque fut l’heure de la journée. Il y avait tant à envier de la douceur de ses sourires et de la pureté immuable de son regard. Lavande s’y perdait un moment, admirant par la même occasion l’effet de surprise qu’avait procuré son changement de vêtements. Elle aussi avait voulu être belle, l’espace d’un soir, et d’effacer sur son corps les marques de sa pauvreté. Ce fut sa première victoire de la soirée. Enfin la crapaude revêtait les plus d’un bel oiseau, et ce n’eut pas l’air de le déranger. Lavande aimait par-dessus tout sentir ses chaud yeux d’obsidienne se poser sur elle, la couvrir de toutes ses pensées qu’on ne pouvait lire derrière le tendre voile de son regard. Au delà de son mentor pour qui elle était une élève prometteuse, le professeur Raven lui donnait cette sensation d’exister au coeur de cette univers ; il était sorcier, enseignant dans cette « prestigieuse » école, et il suffisait de voir sa façon de donner des cours pour le savoir particulièrement savant, et furieusement passionné de ses connaissances. Lavande admirait cette passion, pouvant l’écouter pendant des heures – et quand elle se sentait le désir inhabituel de participer à la conversation d’un trait d’esprit, il l’écoutait à son tour. Leurs échanges, trop rares à son goût, l’ancrait curieusement à la « société magique », quelque chose qu’elle n’aurait jamais espéré.
Son coeur exultait de joie, électrisant son corps, tandis que leurs fixations l’un pour l’autre se brisa d’une salutation et une excuse de circonstance. Il l’invita à entrer, et Lavande ne se fit pas prier. Le bureau était pareil à son souvenir, quand elle avait eu le privilège inestimable de partager un thé avec lui – après sa première agression par le club clandestin de magie noire. Là aussi, il avait pu la voir débraillée, les cheveux défaits, la mine fatiguée et les yeux humides. Son coeur se serra en se rendant compte que c’était peut-être la première occasion pour lui de voir qu’elle n’était pas qu’une poupée désarticulée, qu’une simple victime ; qu’elle pouvait également être une véritable femme. Sa gorge s’assécha, se demandant une nouvelle fois si elle n’en avait pas trop fait. Au moment de l’inviter à entrer, il semblait gêné, se raclant la gorge pour reprendre contenance… et si elle y avait été « trop fort » ? Après tout, son apparence était diamétralement opposée à tout ce qu’il avait pu voir. Peut-être n’aurait-elle dû que faire réparer son uniforme ? Ou juste se peigner après tout… Se mordant les lèvres, son esprit se mettait à faire d’innombrables suppositions sur ce qui aurait dû être ou ne pas être. Elle s’avança jusqu’à la cheminée, profitant de la chaleur et de la lumière qu’elle pourvoyait dans toute la pièce, un véritable halo de douceur ; elle remarqua la tasse de thé sur la table basse, dans sa plus délicate argenterie, ainsi que le sandwich. Un miaulement l’interrompit dans son observation et dans le train fantôme de ses pensées ; elle connaissait ce miaulement !
Le professeur Raven s’approcha d’un des canapés, et s’empara du chat que Lavande connaissait effectivement très bien. Surprise, elle eut rapidement un adorable sourire incontrôlable qui dévoila ses grandes dents. La description qu’il lui en fit correspondait parfaitement à ce qu’elle en connaissait elle-même. L’idée que ce chat qui était venu jusqu’à son dortoir, prenant place dans son lit pour enfouir son museau dans son cou, était le chat de celui qui occupait toutes ses pensées, la fit rougir du cou jusqu’aux racines. C’était autrement plus mystérieux que ses premières songeries où elle imaginait Belladone Raven comme un Animagus, pour mieux faire battre son coeur. Lavande baissa les yeux sur le majestueux chat qui n’appréciait pas du tout être pris comme un sac à patates, et remuait faiblement les pattes, dépité. Le professeur le reposa dans son coin favori auprès du feu, où il se lova à nouveau. Lavande s’approcha du fauteuil et se mit à genoux devant lui ; Merlin – car c’était donc là son nom – la reconnut sans peine et frotta sa tête contre sa main. Comme à son habitude avec elle, il faisait preuve d’une tendre attention et d’une affectuosité insistante.
— Tu t’appelles donc Merlin…, murmura-t-elle avant de se tourner vers Belladone ; Ça fait quelques semaines qu’on se connaît ! Il vient souvent la nuit pour me tenir compagnie avant que je m’endorme… je me doutais qu’il avait un lien avec vous, vous partagez le même parfum… à un moment, j’ai même cru que vous étiez un Animagus... -
Sa voix s’étrangla à la fin de sa phrase, toute son attention se re-concentrant nerveusement sur Merlin. Que n’avait-elle pas dit, dans son bonheur inconscient ?! Oser dire que le professeur Raven sentait comme son chat, oser sous-entendre qu’elle pouvait reconnaître son parfum entre mille, c’était déjà lui montrer qu’elle s’intéressait beaucoup à lui. Elle rougit davantage, tentant de cacher son visage dans ses papouilles avec le chat. Et le pire : sous-entendre qu’il avait pu être un Animagus, alors que le chat en question ne faisait que se frotter contre elle dans son lit la nuit, était d’une vulgarité indécente, honteusement sensuelle, qu’elle aurait dû taire jusqu’à la fin des temps. Lavande se morfondait déjà de toute la flagellation dont elle était capable, cherchant un réconfort dans la fourrure du chat qui poussait son nez de son petit museau fier.
Le professeur Raven l’observait pourtant fixement, se raclant la gorge une nouvelle fois pour exposer le contenu de sa fameuse retenue de deux heures. Lavande redressa la tête puis se releva, abandonnant Merlin à sa sieste pour dresser son dos bien droit et son visage sérieux, prêt à entendre tous les ordres que lui lancerait son enseignant. Déjà les instructions qu’il lui confiait était criant d’une organisation précise – car le simple fait d’inexorablement dater ses prises de notes étaient la preuve d’un esprit aiguisé. Lavande regarda la pile de parchemins, finalement ce ne serait pas si difficile que prévu. Elle-même n’était pas particulièrement un exemple d’organisation – déjà par le fait qu’elle perdait régulièrement ses feuilles de cours (petit souvenir de cette entrevue avec Desiderata où elle avait déjà perdu toutes ses prises de notes de la première semaine de septembre). Le professeur rajouta que son aide serait précieuse, ce qui acheva de glisser un sourire sur les lèvres de Lavande. Lui être utile était la quintessence de tout ce dont elle pouvait rêver dans la réalité de son existence. Loin des fantasmes et des rêves d’une moins-que-rien qui espérait être aimée, embrassée, et étreinte avec la même douceur qui baignait dans le regard de Belladone Raven, le simple fait de trier ses notes comblait déjà toutes ses espérances. Lavande hocha la tête avec enthousiasme quand il lui demanda si tout était clair. Oui, parfaitement. Diviser les parchemins en trois piles distinctes sur trois thématiques différentes, le tout en respectant chronologiquement l’ordre de ces papiers. Il n’y avait aucun problème, cela prendrait du temps, certes, mais c’était peut-être la promesse d’une nouvelle « retenue ». Lui rappelant par ailleurs la promesse d’une tasse de thé, le professeur fit léviter la faïence et la théière pour verser ce merveilleux liqueur à la violette dont il lui avait parlé durant leur promenade interdite. Lavande le regarda faire, admirative de cette magie débutante – mais avec lui, tout prenait des allures de contes.
A ce moment qui semblait féerique, la jeune fille s’approchant de son fauteuil attitré pour cette soirée, le professeur lui fit un reproche : elle n’était pas venue au dîner. Lavande se figea un instant, un sourire gêné sur son visage ; non, elle n’avait pas mangé car elle n’en avait pas eu le temps. Rendre sa mocheté présentable avait pris un temps considérable. Il avait fallu choisir. Lavande baissa piteusement la tête, se montrant volontairement repentante, malgré son sourire mutin qui jouissait de s’être fait surprendre – cela voulait dire qu’il l’avait cherché. Belladone montra ensuite la table basse et révéla que le sandwich était fait de ses propres mains, pour elle. Lavande suivit son regard et porta une main à son coeur, comblée et surprise. Un sandwich fait rien que pour elle. Parce qu’il avait peur qu’elle eut faim. Cette sollicitude était exceptionnelle, et remplit rapidement ses yeux d’une fine pellicule lumineuse. A la vue de cette nourriture qu’elle se savait désormais consacrée, son ventre se mit à gronder.
— Oh… professeur c’est tellement gentil… vous n’étiez pas obligé, je… je suis désolée, en vérité j’ai… oublié de manger. (elle gloussa un peu à cette évidence:) Merci beaucoup…
Et à ces mots, elle prit l’assiette sur ses genoux et commença à croquer dans le sandwich. Il était très bon, aussi bon qu’un sandwich pouvait l’être et même plus. Elle dévora le tout en détournant légèrement sa tête vers le feu de cheminée, semblant l’hypnotiser. La vérité était qu’elle ne voulait pas qu’il la vit mâcher comme une vache, croquant dans le pain comme une carnivore affamée avec ses longues dents pointues. Elle s’arrêta à la moitié et prit une petite gorgée du thé avant de se blottir dans le fauteuil en souriant :
— Je n’ai jamais mangé un aussi bon sandwich, il est parfait, merci… et le thé est également exquis.
Lavande s’attarda encore sur le feu de cheminée, goûtant au plaisir de la viande fumée qui restait sur son palais, ré-haussé par la douceur de la violette. Tout était inimaginable, elle avait l’impression d’être en permanence sur le point de se réveiller d’un merveilleux rêve. Elle n’en croyait pas ses yeux, goûtant à des délices qu’elle ne se serait jamais cru en droit d’espérer. Goulûment, mais tout en prenant son temps pour tout savourer, elle termina son sandwich. Ce fut si bon que, dans l’enthousiasme de l’instant, elle lécha son doigt pour récupérer toutes les miettes qu’elle avait abandonné sur l’assiette. Les gens de rien savaient ne rien gaspiller. Quand elle eut rendu l’assiette à la table basse, celle-ci était aussi propre qu’au départ. Ce ne fut qu’après qu’elle se rendit compte de son comportement qui n’avait rien de ce lui d’une dame, que ses joues rougirent et que Lavande se recroquevilla sur son fauteuil, le visage auréolé des effluves et des vapeurs de la tasse de violette entre ses mains :
— Merci infiniment… c’était vraiment délicieux. Je suis certaine que ce cadeau fera très plaisir à votre soeur. Vous saviez que la violette apaisait la mélancolie et les migraines ? C'est une plante qui chasse les vampires aussi... mais elle est aussi utilisée en aphrodisiaque...
Elle soupira doucement. Toutes ses connaissances en plantes, elle les devait à son prénom. Quand à leur première rencontre, Jasper avait fait le lien disant que les lavandes étaient des plantes merveilleuses, elle avait piqué la curiosité de Lavande sur ce que les moldus appelaient la magie, mais qui n'était en fait que des évidences de la nature. Durant ces longues années, elle avait comblé son absence de contrôle magique par ces petits riens, des quasi-anecdotes qui lui avaient pourtant sauvé la vie l'été dernier. Le fait que la botanique et les potions soient également les deux seules matières où l'on pouvait tenter de s'en sortir sans magie. Sa retenue avait décidément des allures de paradis. Lui était parti à son bureau, certainement pour corriger des copies d’élèves. Bientôt le silence s’attarda dans cette pièce, les enveloppant d’une ambiance semi-réaliste, à tel point que Lavande eut un dur moment à s’échapper de la somnolence béate. Au bout de quelques minutes, digérant ce qu’elle avait avalé avec emportement, Lavande se rapprocha de la table basse et commença sa lecture des différentes prises de note. Elle fut choquée par la perfection de son écriture. Elle l’avait certes déjà remarqué sur les copies rendus en classe et au tableau, mais elle croyait que cela faisait parti de son effort pour être un professeur remarquable. Non, c’était dans son sang ; les courbes délicates étaient dignes des plus grands calligraphes – pour peu que la née-moldue en eut quelques connaissances. Aussi s’attarda-t-elle à la lecture avec zèle et plaisir, débutant ses trois piles.
plumyts 2016
Belladone Raven
Âge : 28 ans Sang : Sang-Pur Nationalité : Anglaise Patronus : Un corbeau Épouvantard : Lavande recroquevillée au sol, le visage baigné de larmes, qui implore son aide, personnification de son impuissance à combattre les Forces du Mal Reflet du Riséd : Lui même sauvant Lavande à son bras, des étincelles flamboyantes jaillissant encore de sa baguette, provenant de la bataille qu'il vient de gagner Baguette : 25 centimètres, bois de sorbier et crin de licorne Avatar : Diego LunaMessages : 365 Double-Compte : Desiderata / Aurora / Minerva / Solveig / Albus Date d'inscription : 27/08/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Ven 18 Sep - 11:26
Le goût de la pluie dans le thé
Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal
Automne 1942 Les jours et les semaines passaient sans mot dire, berçant l’existence paisible de Belladone de leur monotonie tranquille, semblable au doux fracas de la pluie contre la vitre d’une chambre une nuit d’automne. Le jeune Professeur était coutumier de la langueur tranquille de sa vie sans éclats, se complaisant dans la constante harmonie d’un quotidien réglé comme du papier à musique. Le moindre grain dans ces rouages savamment huilés, et c’était l’engrenage tout entier qui déraillait, laissant Belladone choir de ce frêle radeau qu’il se confectionnait tant bien que mal, pour se protéger des remous turbulents d’une vie qui avait des allures de tempête en pleine mer. Et lui que la tornade avait laissé meurtri, las, sombre et épuisé, contemplait avec une stupéfaction ravie les lueurs d’une aube renaissante dans les yeux extatiques de la jeune élève qui suivait docilement son sillage aux sempiternelles effluves de rose. Tout semblait si simple avec Lavande, et pourtant ! Jamais l’existence de Belladone n’avait connu pareille agitation, depuis que cette douce élève au visage de fantôme avait plongé la lame acérée de son regard triste dans les tréfonds de son cœur saignant.
La blessure béait, et pourtant le tendre, le calme Belladone semblait en redemander, cherchant toujours le regard qui lui transperçait l’âme, lui brisait le cœur à chaque fois, et dans les tréfonds duquel pourtant il lui semblait vivre, enfin. La vie, la vraie, il paraissait la découvrir au fond de ces prunelles d’émeraude ternies par le malheur et l’outrage, comme si ces vingt-huit années n’avaient été que le préambule, les coulisses d’un spectacle qui commençait seulement ; le but de son existence prenait tout son sens devant ce visage de craie, morne, terni déjà par si peu de printemps que l’écho de cette injustice résonnait comme un blasphème au creux du cœur meurtri de Belladone. L’entrée en scène débutait enfin, et le sens de la fadeur inutile de sa vie se révélait ici, dans l’émeraude dévastée de ces yeux éteints, presque morts déjà. Les ramener à la vie, attiser la lueur vacillante de cette flamme agonisante ; là était son but, et désormais le voile s’était levé de ses yeux tendres. Raviver la flammèche au bord du trépas qui se mourrait au fond de ces yeux, par des petits riens, une petite attention, un compliment en passant ; la chaleur d’un thé, le réconfort d’un appui, l’assurance de la confiance dont elle était en droit de s’enorgueillir, et dont on l’avait honteusement dépouillée, lambeau par lambeau, la laissant grelottante et tapie dans l’ombre des murs, hésitante et frêle, persuadée de n’être vouée à rien.
Belladone espérait être à la hauteur de la tâche. Il s’y emploierait de toutes ses forces, parce qu’elle le méritait, et parce qu’enfin dans sa fragilité il trouvait une force et un emploi que beaucoup mésestimaient et qui, peut-être, à force de douceur et de patience, pourrait sauver la jeune Lavande. Et la jeune fille semblait ravie de se trouver là, au cœur de l’écrin de confort aux allures de boudoir que Belladone avait attisé d’un feu ronronnant et d’un thé bien chaud aux effluves douceâtres de violette. Conquise par Merlin, elle avait mis un genou en terre, et le petit animal douillet et ravi s’était empressé de solliciter de la main blanche de l’étudiante une caresse sur sa petite tête duveteuse. Et le petit félin avait beau partager le tempérament affectueux de son Maître, il semblait particulièrement câjoleur avec Lavande, intimité qui le rendit perplexe un instant, comprenant soudain lorsque la voix quelque peu brisée de la jeune fille, à force d’être inusitée, vint briser l’accalmie douillette du moment.
Belladone se raidit, immobile, son visage s’empourprant avec une violence brusque, du col de sa chemise boutonnée avec soin à la racine de ses cheveux d’encre. Ses joues brûlaient sous sa barbe, la litanie insouciante de l’étudiante en attisant l’incendie, souffletant avec une telle force sa pauvre âme si peu malmenée d’ordinaire qu’il ne savait plus même de quoi être le plus embarrassé. Son propre chat qui s’immisçait dans les dortoirs des filles, que Lavande ait remarqué les sempiternelles effluves de rose qui collaient à ses empreintes, ou qu’elle ait pu le croire un instant suffisamment audacieux, suffisamment déplacé, suffisamment irrespectueux pour avoir osé se…se métamorphoser pour se lover au creux des draps de ses élèves. Le jeune Professeur, qui avait baissé le nez sur son indécente pile de notes, chercha à récupérer celle qui trônait au-dessus, un résumé d’un ouvrage particulièrement sombre et détaillé qui relatait les désastres provoqués par les Inferi et les méthodes controversées pour se débarrasser de ces terribles cadavres ensorcelés. Loin de lui porter secours, ce parchemin avec lequel sans doute il comptait dissimuler son visage écarlate et ses mains tremblantes vint ajouter à son trouble la culpabilité de potentiellement effrayer la pauvre élève qui n’avait pas besoin de cela. Et ses mains tremblaient si fort, et ses gestes étaient si mal assurés qu’en voulant se saisir du parchemin, c’est une des piles vacillantes qui s’effondra avec un pathétisme immuable, château de papier dont l’édifice croulait sur le tapis de laine, sur les genoux et aux pieds de Lavande. Belladone rougit de plus belle, mais au moins la catastrophe l’avait extirpé de sa léthargie stupide et il se précipitait vers sa baguette posée sur son bureau, la pointant sur l’amas brouillon de parchemins qui gisaient sur l’asphalte :
- Par Merlin…Je vous demande pardon…Quel maladroit ! Sa baguette s’agita un moment, et les notes revinrent péniblement et tant bien que mal s’entasser sur la table croulante des résumés, essais et griffonnages du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal qui s’intéressait beaucoup trop à absolument tout. Mais, c’est que, je suis outré ! Merlin, c’est très mal élevé ! Belladone lança un regard furieux à son comparse, indigné de sa traîtrise, lequel ne lui rendit qu’un regard insolent et dédaigneux. Je vous demande pardon, je…je vais prendre des mesures. Il est absolument impensable que mon chat… vienne…vienne envahir le dortoir de mes élèves. Ce…ça ne se reproduira plus…Et…Je…Un Animagus…Oh, non…C’est…C’est une magie très complexe et…c’est très réglementé…La liste des Animagus recensés est régulée par le Ministère…Mais même si c’était le cas…Jamais je…Je ne…Oh…
L’énoncé professoral de la punition de Lavande seul, sembla le sauver quelque peu de la posture qui le rendait incapable d’articuler la moindre pensée ou de formuler la moindre idée. Lavande s’était redressée, studieuse et attentionnée, et dans son trouble, il n’avait pas même remarqué qu’elle-même avait rougi, sans doute consciente de ce que signifiait l’aveu qui avait clôturé la fin de sa litanie qui avait chamboulé en quelques secondes l’esprit bouleversé de Belladone. Et il semblait avoir repris un semblant de contenance, parce que la tasse lévita sans encombre jusqu’à l’étudiante, se posant avec délicatesse sur un coin de la table. Belladone se saisit de la sienne de ses mains, raffermissant ses mains tremblantes autour de la porcelaine chaude, avalant une gorgée du breuvage brûlant aux exquises odeurs de violette. Le thé lui fit du bien, et l’incendie qui dévorait son visage semblait s’amoindrir, et enfin il osait un regard vers l’élève qu’il réprimandait avec une sévérité feinte et peu convaincue, lui offrant le dîner de fortune confectionné par ses soins. Embarrassée et repentante, Lavande soudain se figea sous la stupéfaction, portant à son cœur une main tremblante d’émoi. Et Belladone aurait juré voir l’émeraude de ses yeux étinceler de larmes refoulées. Le jeune Professeur refoula lui aussi une sourde envie de pleurer devant la manifestation d’un tel émoi pour un simple sandwich. C’était encore pire que tout ce que cet enfant choyé avait pu imaginer. Lavande avait négligée à un point tel que la plus bénigne des attentions lui semblait une offrande sacrée qu’elle ne méritait pas.
Belladone lui tourna le dos un instant, rompant l’intimité cruelle avec ces yeux plein de larmes qui lui malmenaient l’âme, s’installant à son bureau, offrant à sa jeune élève en retenue le confort de l’intimité pour avaler son repas de fortune. Le jeune Professeur se saisit sans grande conviction de la première copie de la pile du devoir sur l’apparence des loups-garous et les moyens de se défendre d’eux. L’écriture agréable de cette petite élève rousse de la maison Poufsouffle lui insuffla pourtant un léger élan de motivation, mais c’est mû par une curiosité irrépressible et instinctive que son regard se levait, discret, vers son élève qui ne s’était pas fait prié et avait déposé sur ses genoux l’assiette à sa disposition. Elle semblait perdue dans la contemplation hypnotique des flammes dansantes, et mangeait avec un si bel appétit que Belladone se surprit à sourire, ravi d’avoir été si bien avisé. Sans nul doute devait-elle mourir de faim, car une fois l’urgence rassasiée, Lavande s’abreuva d’une gorgée du thé à la violette dont le jeune homme était très satisfait ; vraiment, il était exquis, et Rose était intraitable sur la qualité du thé. Il lui plairait, il en était sûr. Il fallait voir le sourire de Lavande après l’avoir bu. Elle s’était lovée contre le fauteuil, à la chaleur de l’âtre, bercée par l’accalmie doucereuse d’un appétit repu et d’un corps las blotti et bien au chaud. Et Belladone aurait pu la regarder sourire pendant des heures. Il était si joli, son sourire terne, timide, hésitant à force d’avoir été inusité. C’était comme la résurrection de l’aube après une longue nuit de cauchemars, comme l’éclat du soleil après des semaines de pluie. Son sourire avait le reflet d’un miracle, et Belladone contemplait, béat et admiratif, le prodige d’une tendresse que l’on avait si souvent raillé, et qui déployait sur ce visage de craie l’immensité de son exploit. Lavande souriait, et Belladone était heureux, comme si son centre de gravité se trouvait là, sur ces lèvres dessinées au crayon qui s’étiraient avec une hésitation tremblotante, et qui la rendait belle et écumante d’une vie qui semblait l’avoir abandonnée à jamais.
Et le jeune homme était si éperdu de joie qu’il faillit en laisser tomber sa plume, dont la pointe suintait de l’encre rouge sang dédiée aux corrections, qu’il mis quelques secondes à accuser les louanges que Lavande chantait à son sandwich et à son breuvage. Ses joues rosirent de plaisir sous sa barbe d’encre, tandis qu’il lui offrait un sourire radieux :
- Il vous plaît ? J’en suis ravi ! C’est la seule recette que je maîtrise bien, si on peut appeler ça une recette ! Heureusement pour moi que les Elfes de Poudlard sont des cuisiniers hors pair, sinon je serais condamné à manger des sandwichs et du porridge !
Belladone eut un petit rire, se souvenant des galettes d’avoine et du pain qui avaient constitué son unique nourriture lorsqu’il s’aventurait des jours dans les tréfonds des forêts du monde entier. Comme il ne regrettait rien de son régime alimentaire pauvre et hasardeux de cette période de sa vie ! Redécouvrir les délices culinaires de Poudlard lui avait fait l’effet merveilleux d’une madeleine de Proust, de laquelle il ne se lassait toujours pas, même au bout de plusieurs semaines. Laissant Lavande à sa dégustation, blottie avec autant de confort que Merlin au creux de son fauteuil, Belladone se saisit de sa plume, annotant dans la marge du parchemin un complément à la réponse pas tout à fait vraie de l’élève de Poufsouffle qui indiquait qu’on ne pouvait différencier un loup-garou d’un loup ordinaire. ]b]*Différences subtiles mais existantes. Cf. Manuel page 126*[/b]. Belladone citait de mémoire la page du dit manuel, se souvenant de l’illustration du lycanthrope et du paragraphe qui en évoquait les similitudes *pupilles et museau plus petit, queue moins fournie*. L’évocation du Code de Conduite des Loups-Garous et la citation de la date exacte bluffèrent toutefois Belladone qui gratifia les deux lignes d’un bref *très bien*.
Lorsqu’il releva la tête, Lavande avait achevé son dîner. Elle paraissait pensive, mais pour une fois, aucun signe de mélancolie ne semblait auréoler son petit visage triste. La tasse de thé fumait entre ses mains blanches, qu’elle avait recroquevillé autour, comme pour se réchauffer. Le regard de Belladone se riva un instant sur ses bras blancs, et ses joues s’empourprèrent de nouveau à les trouver si ronds et tendres. Heureusement la jeune fille le sauva de la flagellation d’une telle admiration en prenant la parole, le remerciant beaucoup trop pour ce qui n’avait qu’un sandwich et un détour de dix minutes pour le jeune Professeur, le rassurant sur le plaisir qu’aurait sa sœur à s’en délecter. Les connaissances en botanique de l’étudiante soufflèrent Belladone, le confortant dans l’idée que les autres avaient perdu, à ne pas la laisser s’exprimer. Cette élève avait l’intelligence vive, la curiosité diverse, et sous ses sombres airs d’adolescente taciturne se dissimulait des trésors de savoir épars qu’elle ne demandait sans doute qu’à déployer, pourvu que quelqu’un lui en donne un jour l’occasion. Pourtant, de nouveau, Belladone se sentit rougir jusqu’à la pointe de ses oreilles. Prenait-elle un réel plaisir à le malmener ? Non, sans doute pas. Il y’avait chez Lavande une légèreté insouciante, rafraîchissante, qui laissait glisser ses pensées sans filtre, sans cette pudeur exacerbée qui rendait gourd, balbutiant et maladroit ce pauvre Belladone. Ne sachant comment se dépêtrer de cette ultime et embarrassante révélation, le jeune homme se racla la gorge :
- Oh, mais ce n’était pas grand-chose, vous savez. Mais j’avoue que vous me bluffez. Je n’étais pas au courant des vertus de la violette contre les vampires ! Croyez-bien que si je l’avais su, j’aurais porté un collier de violettes plutôt que d’ail pour aller à leur rencontre en Roumanie ! J’aurais senti bien meilleur ! J’ai mis trois jours à me débarrasser de l’odeur ! Belladone eut un petit rire, au souvenir pourtant désagréable de ces effluves tenaces qui avaient collé à sa peau embaumant d’ordinaire la rose, avant de reprendre. Mais c’est moi qui vous remercie, je suis un peu rassuré. C’est que Madame est très difficile. Mais vous savez, Rose est Médicomage, aussi je ne manquerai pas de lui faire part de vos connaissances, et si elle ne les connaissait pas, je vanterais vos mérites ! C’est le Professeur McQuarrie qui doit être heureuse, d’avoir une élève si aguerrie en Botanique !
Il était si rare que Belladone parle autant qu’il avala d’une traite la moitié de sa tasse de thé, la bouche sèche. Craignant de fatiguer l’élève taciturne avec son bavardage enthousiaste et volubile, lui qui pourtant n’avait pas aligner plus de trois mots à la suite à qui que ce soit depuis des jours, il revint à sa copie, offrant un peu de paix à la jeune Lavande qui se mettait à son labeur, triant les notes de son Professeur qui ne parvenait toujours pas à se déparer de cette vague honte à l’idée de lui infliger une telle corvée. Au bout de quelques minutes, Belladone griffonna, de sa calligraphie soignée, un *Effort Exceptionnel* sur la copie de cette petite élève studieuse qu’il aimait bien, bien qu’un peu étourdie, commentant sa notation toujours un peu trop clémente d’un brève explication *Devoir clair et de qualité, auquel il manque quelques précisions.* Sans grande motivation, sa main se saisit de la seconde copie, et une écriture en pattes de mouches, entrecoupée de pâtés d’encre, vint couper dans son élan le peu d’envie qu’il avait de se mettre au travail, alors que Lavande était là, lui d’ordinaire si studieux. Et ce fut lui le Professeur, lui le travailleur monotone et acharné, qui coupa la jeune fille dans son labeur, dans les tréfonds duquel elle s’était enfoncée avec application :
- Pardonnez mon indiscrétion, Mademoiselle, mais vos connaissances en botanique viendraient-elles de votre prénom ? Avez-vous des origines françaises ? Votre prénom est la version française de Lavender, c’est pourquoi je me pose la question…Mais vous n’êtes pas obligée d’y répondre, je suis bien trop curieux…
Belladone rosit et baissa le nez vers sa copie. Ce pauvre petit garçon avait bien le droit à une correction, et ce malgré la médiocrité de sa calligraphie. L’écriture à la plume était un exercice ardu, et beaucoup, à treize ans, peinaient encore à s’y aguerrir. Indulgent, le jeune homme plissa les yeux, bien décidé à ne pas impacter sa mauvaise écriture dans sa notation, seul le contenu étant important, au fond.
plumyts 2016
Lavande Huntergrunt
Âge : 17 ans. Sang : Née-Moldue. Nationalité : Anglaise. Patronus : Une hyène. Épouvantard : Un Obscurus. Reflet du Riséd : Elle n'y voit rien, pas même son propre reflet. Baguette : Branche de hêtre entrelacé, sauvage et inflexible, 24 cm, ventricule de coeur de dragon. Avatar : Felicity JonesMessages : 291 Double-Compte : Anthelme de Musset Date d'inscription : 22/07/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Mar 29 Sep - 10:14
Le goût de la pluie dans le thé.
« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »
Le bureau du professeur Raven était un cocon de tendresse, échauffée d’une lueur rougeâtre et tamisée qui pouvait apaisé jusqu’aux âmes les plus en détresse. Il suffisait d’en passer la porte, et la tristesse se fondait en soi, la glace brûlant au contact des flammes de la cheminée. Ne restait plus qu’une flaque de thé. Lavande savourait cette atmosphère qui la découvrait à elle-même : une âme plus douce, plus tendre. Elle découvrait l’insouciance à ses côtés, et c’était une sensation enivrante, presque terrifiante. Un gouffre de bien-être dans lequel elle n’avait pas l’habitude de plonger. Elle s’avançait dans ces petits plaisirs, qui étaient évidents pour le professeur, avec la lente timidité d’un herbivore découvrant un nouvel environnement. Elle caressait le bois lisse et chaud de la table basse, le canapé moelleux, le minois de Merlin. La née-moldue en oubliait le monde qui l’entourait, et s’ouvrait avec une légèreté qui la surprenait elle-même. Une facette d’elle-même à la fois taquine et impertinente, bien loin cependant de celle dont elle avait fait preuve à la lisière de la Forêt Interdite. C’était avec une douceur rêveuse, inespérée, qu’elle caressait le chat nommé Merlin en soupirant tout ce qu’il aurait pu être à ses yeux. Elle pensait à voix haute ; c’était le bien-être qui débloquait ses cadenas, et l’amenait à se confier ouvertement sur des choses aussi honteuses. La jeune fille était si bien, si somnolente de cette assommante délicatesse, qu’elle aurait pu s’allonger sur le tapis devant les flammes de la cheminée, et dormir du sommeil du juste.
Mais ce ne fut pas le cas du professeur Raven qui, en entendant les énonciations taquines de son élève, perdit en un instant toute sa superbe et se rongea les sangs derrière son parchemin. Une véritable pique dans le coeur de Lavande qui se confondait dans un silence coupable ; elle n’aurait pas du dire ça. Dans sa confusion, le professeur fit tombé les piles de feuilles sur ses genoux – elle s’apprêtait déjà à les ranger à la main qu’il se servait de sa magie pour le faire. Voilà qui était bien pratique. Lavande alla s’asseoir tête basse à son fauteuil. Il lui faisait mal de voir le pauvre chat se faire disputer par sa seule faute et elle l’écouta en se mordant les lèvres pour se forcer à ne pas envenimer la situation. Il lui apprit que la capacité de se changer en Animagus était une magie difficile et recensée par le Ministère, et que même s’il l’avait été, jamais il n’aurait agi ainsi. Lavande resta silencieuse – évidemment qu’il n’aurait jamais fait ça. Même s’il lui était permis de rêver, le retour à la réalité était un peu décevant : non, ce n’était pas son prince charmant qui venait la bercer dans son sommeil mais juste son chat. Dans la vraie vie, les princes charmants ne s’intéressent pas aux souillons.
Alors elle l’écouta religieusement donner les instructions de la soirée, et se concentra sur le fabuleux sandwich qu’elle dévora d’une traite. Tout était si bon qu’il en balayait son air chafouin. Elle rit à la plaisanterie du professeur concernant les elfes de maison. Il était vrai qu’ils faisaient un merveilleux travail, mais à ses yeux, ce sandwich fait rien que pour elle valait tout l’or du monde. Il la remercia de son compliment et lui rendit la pareille sur ses connaissances botaniques. Lavande eut la surprise d’apprendre que le professeur Raven avait été au contact de vampires en Roumanie ; quelle aventure ! Elle restait interdite, songeant qu’il avait dû tellement voyager dans son existence, voir des choses dont elle n’avait lu que des descriptions dans les livres et quelques photos. Cela ne fit que renforcer l’admiration qu’elle avait à son égard, mais également la sensation qu’il était déjà si loin. Après l’éblouissement vint la tristesse : elle se concentra sur ses piles à trier, notant les mots clés lui permettant de les remettre en tas plus loin. Un adulte qui avait déjà fait face à d’innommables dangers, qui était capable de faire de la magie et qui était professeur de la matière la plus demandée au sein de l’école la plus réputée du monde – quoiqu’en pensait Lavande. Elle déglutit péniblement, se sentant misérable. A quoi jouait-elle, avec ses petites manières ? Finalement, elle n’avait pas beaucoup de cicatrices de guerre à montrer, mais les rares qu’elle possédait étaient profondes et purulentes – rien d’impressionnant. La née-moldue cacha son mal-être dans sa tasse, tandis que son professeur vantait ses mérites et parlait de sa sœur Médicomage et de ô combien elle devait être apprécié par l’enseignante de Botanique. Lavande crissa imperceptiblement des dents.
Le silence revint. La jeune fille avait déjà bien avancé, la lecture facile de l’écriture soigné et délié de Belladone rendant le travail bien plus efficace. Il était déjà si organisé dans la composition de ses feuilles que l’on pouvait reconnaître tout de suite les thématiques de ses fiches. Ce qui prenait le plus de temps, c’était de les classer temporellement parlant. Bientôt le professeur brisa cette bulle pour poser une question, liant ses connaissances à son prénom qui se trouvait en lien avec la merveilleuse plante de lavande – ainsi que disait Jasper. Il mit cette question sur le compte de la curiosité insatiable qui le caractérisait si bien. Mais Lavande était quelque peu gênée de répondre, tant il lui semblait que sa véritable explication était bien moins exotique que des origines étrangères. Elle posa son parchemin et commença doucement :
— Pas… vraiment. Enfin, j’aimerai bien… mais je pense que ce n’était qu’une coïncidence. Je viens d’un village très pauvre, pas vraiment l’genre à connaître le français. Non, c’était juste une heureuse faute d’orthographe de leur part, termina-t-elle, n’osant pas le regard ; Mais sinon oui, j’ai appris pour la première fois que mon prénom avait un lien avec cette plante dans le train qui m’amenait pour la première fois à Poudlard… et ça m’a donné envie de m’y intéresser. Je pensais…
Apprendre à me connaître ? Voilà qui était bien présomptueux. Elle n’avait en rien la sagesse et le calme solennelle d’une lavande, cette odeur florale et sublime qui apaisait les esprits – c’était même tout le contraire.
— J’ai appris beaucoup de choses, mais pas vraiment utile pour les cours. Vous saviez pas ça, parce que c’est pas vraiment c’qu’on trouve dans les manuels scolaires. Vous appelez ça : « de la magie de moldu ».
Finalement, elle jeta un petit coup d’oeil à son professeur et poursuivit, petit sourire aux lèvres :
— Si vous me permettez, Professeur… Belladone est aussi la version française de la belladona… ou « atropa belladona », atropa vient de Atropos qui était la Parque coupant le fil de la vie. C’est un poison que les moldus surnomment « la cerise du diable ».
Lavande se massa les paumes, à nouveau mal à l’aise. Pourquoi fallait-il toujours qu’elle tourne ses phrases de façon à le déstabiliser ? Voilà qu’elle l’insultait ! Même si ce n’était que la vérité botanique – et lui qui en voulait… mais elle ne pouvait s’empêcher d’être triste et de reprendre très rapidement, bredouillante :
— En… enfin, ça c’que... ce que la plante veut dire mais ça veut pas dire que vous êtes un poison, bien au contraire ! Vous êtes même tout le contraire… je n’ai jamais rencontré un professeur aussi gentil que vous...
Elle s’embrouillait dans ses explications, craignant par dessus tout d’avoir vexer son professeur. Quand on n’était pas très habitué au dialogue, il y avait des choses, des barrières que l’on ignorait. A quel moment fallait-il mettre un filtre sur cette phrase ? Elle était beaucoup trop franche et sauvage pour ce monde, c’était un fait. Après quelques secondes d’un silence douloureux, Lavande changea de sujet, la tête basse sur les piles de parchemin :
— Je vous en prie… ne soyez pas trop méchant avec Merlin… il est gentil, moi j’aime bien quand il vient, il me tient chaud et ça me fait une compagnie…, termina-t-elle en murmurant.
Sans Merlin, ses nuits lui sembleraient bien tristes. Elle avait rapidement pris l’habitude de ses visites, de sa chaleur contre elle, de la tendresse de ses petits mouvements de tête contre son menton. En ce moment-même, le voilà qui descendait de son canapé pour venir se frotter à ses mollets, montant sur l’un des accoudoirs pour surveiller le mouvement de ses mains sur la table. Lavande lui sourit et reprit son travail.
plumyts 2016
Belladone Raven
Âge : 28 ans Sang : Sang-Pur Nationalité : Anglaise Patronus : Un corbeau Épouvantard : Lavande recroquevillée au sol, le visage baigné de larmes, qui implore son aide, personnification de son impuissance à combattre les Forces du Mal Reflet du Riséd : Lui même sauvant Lavande à son bras, des étincelles flamboyantes jaillissant encore de sa baguette, provenant de la bataille qu'il vient de gagner Baguette : 25 centimètres, bois de sorbier et crin de licorne Avatar : Diego LunaMessages : 365 Double-Compte : Desiderata / Aurora / Minerva / Solveig / Albus Date d'inscription : 27/08/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Jeu 1 Oct - 12:18
Le goût de la pluie dans le thé
Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal
Automne 1942 Belladone poussa un soupir. Il essayait vraiment de se concentrer, et d’ordinaire, son esprit docile, discipliné, n’avait guère besoin d’y déployer autant d’énergie. Mais ce soir, rien ne semblait pouvoir le river plus de quelques secondes sur cette calligraphie illisible, émaillée de petits pâtés d’encre que la plume, tenue par une main distraite et maladroite, avait écrasé sur le parchemin. Le jeune Professeur reconnaissait bien là la négligence du jeune élève de Gryffondor aux boucles blondes, plus intéressé par le classement national de l’équipe de Quidditch des Canons de Chudley que par l’apprentissage de la défense des créatures nuisibles. Entre cette piètre copie qui semblait rédigée à la va-vite au coin du feu, entrecoupée d’une discussion amicale entre camarades de maison, et la douce élève qui s’était plongé docilement au cœur de l’amas de notes de Belladone, le peu de volonté qui lui restait s’étiolait dans cette prude contemplation de la jeune fille aux longs cheveux d’encre qui encadraient un visage qu’il ne voyait plus, dans la rondeur blanche de ses bras qui s’échappaient, mutins, de la chemisette boutonnée avec soin, dans les plis de cette jupe bleu nuit qui retombaient, élimés, trop usités, sur le tapis de laine que foulaient ses petits pieds grâciles.
Il prenait au farouche Belladone des envies de conversation tranquille avec cette élève trop silencieuse. Des désirs sourds, inconscients, de l’extirper de son mutisme acharné, devenu armure à force d’indifférence. La faire parler d’elle, de tout, de rien, de ses envies et de ses aspirations, avant que ses desseins et l’essence même de l’enfant qu’elle avait pu être n’aient été brisés par la cruauté de fer qui avaient laissé là, gisant entre les murs, le pantin désarticulé au visage de fantôme qu’elle était devenue. Cette curiosité juvénile le poussait en avant, l’enhardissait à la conversation avec celle qui, taciturne toujours, se taisait devant son ouvrage, ne levant la main que pour avaler une gorgée de son thé à la violette qui, au grand plaisir de Belladone, s’avérait réellement exquis.
Le parchemin qu’elle détenait au creux de sa main blanche fut posé avec une extrême lenteur, mesurée presque, comme si Lavande grappillait là quelques secondes de répit avant de formuler sa réponse comme il se devait. Son regard triste, docile, ne se levait qu’à peine, dans un acquiescement mutique, et, au moment où ces si jolies lèvres dessinées au crayon s’entrouvrirent, l’enthousiasme de Belladone retomba comme un soufflet. C’était d’une tristesse telle que Belladone se mordit la lèvre, de tomber ainsi de si haut chaque fois que s’épanchait cette douce jeune fille ; de se découvrir de tels privilèges que son imagination ne se trouvait pas même dotée de la seule capacité d’entrevoir le millième des misères qui avaient blessé les pas de Lavande, sur le chemin défoncé de sa trop jeune vie. Nulle trace d’origine française, non. Simplement des parents incultes. La tristesse stupide d’un prénom écorché. Rien de plus, là ou Belladone avait cherché une explication rationnelle, raffinée, qui n’avait sa place qu’au sein des bourgeois de son espèce.
Et il se traitait une fois de plus d’idiot, comme chaque fois qu’il était avec elle. Parce qu’il lui paraissait chaque fois mettre l’accent sur une misère qu’il cherchait pourtant à lui faire oublier, si maladroit dans son désir de la hisser plus haut que cette fange au fond de laquelle tous avaient voulu la noyer qu’il se serait giflé de parvenir qu’à aiguiser ce sentiment d’injustice qui faisait vibrer sa poitrine, encore, pas morte tout à fait. Elle rebondissait pourtant, avec cette spontanéité à passer au-dessus de sa misère qui brisait le cœur de Belladone, expliquant que ses connaissances relatives aux vertus de la plante dont elle portait le prénom dataient de son premier voyage à bord du Poudlard Express. Le jeune Professeur allait rebondir, très curieux d’en apprendre plus sur cette science dont il ne savait pas grand-chose, d’autant plus lorsque la plante en question relevait du prénom de cette douce élève dont le regard avait ce douloureux pouvoir de lui transpercer le cœur. Mais elle hésitait, entrecoupait son discours d’un bredouillement, et Belladone jugea sage de la laisser achever, sa litanie émaillée ne relevant sans nul doute que de cet art du langage malheureusement trop peu inusité chez cette élève à laquelle personne ne semblait suffisamment s’intéresser pour la faire parler. Ô comme ils avaient tort, et ô combien ils y perdaient ! Belladone n’avait aucune compassion pour ces indifférents. Ils payaient là la rançon de leur ingratitude, et une fierté étrange, orgueilleuse et farouche, de se savoir le seul à profiter de la douce et vive conversation de Lavande l’enivrait soudain d’une allégresse étrange. Un sourire pâle, timide, revint illuminer ses lèvres, tandis qu’il se décidait à poser sa plume, la faible lueur d’envie de corriger cette copie bâclée inéluctablement consumée par le sourire et la voix triste de sa douce élève ;
- Oh, et bien…Il s’agit d’une heureuse faute, si vous me permettez…Vous avez un bien joli prénom…Si vous pardonnez une fois de plus mon insatiable curiosité, vous pourriez peut-être, seulement, si vous le souhaitez, m’éclairer sur les vertus de la Lavande ? Cette science est fascinante, et vous êtes bien aimable de rassurer mon ignorance ! Il est vrai que je n’ai guère entendu parler de ce savoir dans aucun livre que j’ai pu consulter…Aussi, je comprends mieux.
Les joues de Belladone rosirent, et il riva son regard sur la copie qu’il était bien décidé à ne pas corriger ce soir. Le compliment était sincère, et, s’il avait tenté de dédramatiser la situation, il semblait craindre soudain que la jeune fille puisse croire qu’il raillait là l’ignorance de ses parents. Nulle malice pourtant, nulle suffisance chez Belladone, à l’égard des origines de Lavande. Sa pauvreté et ses tourments imposaient un certain respect, quasi-religieux, chez ce gosse gâté pour qui la vie avait été si facile que la contemplation seule de la misère de celle de son élève gonflait ses paupières de larmes. Le trop tendre Professeur n’eut guère le temps de s’apitoyer pourtant, parce que la décidément incroyablement érudite Lavande lui offrait un exposé fourni et riche en détails relatifs à la baie. que les parents de Belladone avaient octroyé comme prénom à leur dernier enfant. Interloqué et fasciné, le jeune homme écoutait lèvres entrouvertes le savoir qui s’échappait comme un mince torrent intarissable de la bouche d’ordinaire mutique de son élève. Un léger éclat de rire, amusé et stupéfait, s’échappa des lèvres de Belladone. Oui, il connaissait bien d’aspect ces baies noirâtres, sauvages, qui poussaient au gré de leurs envies dans les contrées les plus hostiles. Jamais pourtant il n’avait ouï dire à quel point elles pouvaient être dangereuses, et nul doute que ses parents l’ignoraient aussi. Le tendre jeune homme était persuadé que Maman se serait opposé à un prénom de poison, pour son petit dernier. Un sourire mutin se dessina sur ses lèvres. Il avait hâte de relater cette anecdote tirée de cette incroyable science Moldue à ses géniteurs.
Son sourire se mourut pourtant sur ses lèvres, parce que Lavande semblait devenue triste, soudain. Résignée et abattue, portant les stigmates d’une renonciation terrible sur son petit visage de fantôme, Belladone s’inquiéta. Ce masque de jeune fille triste qu’elle portait pour tous les autres, il se faisait un devoir de l’en dépouiller lorsqu’il était avec elle. Et là, l’espace d’une seconde, il échouait. Et il s’en voulait, frustré, impuissant, mais la raison de cet abattement soudain lui fut vite dévoilé pourtant. La pauvre Lavande pensait l’avoir insulté, se répandait en justifications inutiles, chantait même les louanges de sa trop extatique douceur qui en faisait trop souvent la proie favorite d’élèves mal intentionnés. Belladone rosit une fois de plus sous le compliment qui lui allait droit au cœur. Comment une jeune fille si gentille et intelligente avait-elle pu être négligée si longtemps ? D’un revers de main et d’un large sourire, le jeune homme balaya les craintes de la douce élève. Et, s’il l’avait osé, s’il avait été plus hardi, pour courageux, il aurait succombé à ce sourd désir soudain qui lui enjoignait de la rassurer d’une main posée sur ces doigts blancs qui frémissaient d’une inquiétude infondée ;
- C’est fascinant ! Vous êtes très érudite, Mademoiselle. Vous devriez moins garder le silence, en cours. Vous gagnez à vous exprimer. Et ne vous en faites pas, je trouve très cocasse que mes parents m’aient donné le prénom d’un poison. En réalité, ils n’en savent sans doute rien, mais tout de même, c’est amusant. Et je vous confirme qu’il s’agit bien là de la version française de la Belladona, c’est pourquoi je m’étais permis de vous poser la question. Ma grand-mère est à moitié française, et j’ai passé quelques vacances dans son petit village natal, à Bessac. Aussi, je parle un petit peu français !* Belladone avait prononcé cette dernière phrase d’un air radieux, triomphal, malgré l’accent à couper au couteau qui avait émaillé ces quelques mots. Ce que vous me dites là me touche beaucoup, mais vous savez, certains vous diront que je le suis un peu trop, et qu’il me manque une autorité certaine pour faire de moi un bon Professeur…Pour ma défense, s’il n’y avait que des élèves comme vous, l’autorité serait inutile ! Enfin, sauf lorsque vous avez une idée derrière la tête, n’est-ce pas ?
Belladone eut un léger rire. Il n’y avait nulle réprimande dans cette boutade. Rien qu’un clin d’œil à l’obstination tenace de Lavande à ses décisions qui devenaient immuables, une fois arrêtées à son esprit. Mais décidément, la jeune fille croyait avoir fauté, aussi c’est timide et fuyante, les yeux sur les parchemins de son Professeur qu’elle ne lisait pas, qu’elle changea brutalement de sujet. Cette fois-ci, Belladone fronça les sourcils, fusillant du regard Merlin qui ronronnait à la chaleur de l’âtre, indifférent de l’indécence cuisante qui rougissait les joues de son maître. Lavande le priait de ne pas réprimander le petit animal, arguait le réconfort qu’il procurait à ses nuits solitaires, glacée entre ses draps gris du dortoir hostile des Cachots. Belladone réprima un soupir. Etait-il seulement capable de refuser quelque chose à ces yeux-là ? Il avait envie de discuter, mais il savait qu’il lui accorderait le réconfort de Merlin, parce qu’il ne pouvait pas faire autrement. Ce qui faisait du bien à Lavande devenait force de loi. La sagesse professorale, pourtant, bataillait à son esprit tourmenté et trop faible, lorsqu’il lui répondit d’un air désolé, songeant à des remontées négatives d’autres élèves moins seules, moins douces et moins tolérantes qu’elles :
- Mais Mademoiselle, si vous l’aimez bien, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’il vous tienne compagnie, au contraire, cela me fait plaisir mais…Imaginez qu’il embarrasse d’autres élèves, et que ceux-ci se plaignent ? Tout de même, c’est assez gênant…Mais si vous me dites qu’il ne vient voir que vous, et que cela ne vous dérange pas, alors, c’est d’accord…Je ne vois presque plus ce petit ingrat depuis que je suis arrivé à Poudlard de toute façon, il déambule partout…
Belladone eut un léger rire, la prétendue ingratitude de Merlin étant plutôt une boutade destinée à faire rire Lavande. Comment pourrait-il refuser un peu de chaleur à cette élève si seule ? N’était-ce pas là son but ? Ne venait-il pas de se le promettre ? Et ses yeux d’encre, qui avaient définitivement quitté la contemplation morne de la copie du jeune élève de Gryffondor, tombèrent soudain sur la petite carte qu’il avait déposée sur un coin de son bureau, et qu’il avait oubliée ;
- Oh, mais c’est que j’allais faillir à ma promesse ! Je vous donne la carte de Mirabella, comme promis ! Merci encore pour celle de Paracelse, vous m’avez fait bien plaisir.
D’un bond, Belladone se leva, déposant la petite carte sur la table basse, sur laquelle Lavande travaillait, en profitant pour la débarrasser de l’assiette vide qu’il posa sur le meuble de la cheminée. La grande sorcière aux longs cheveux roux, comme ayant compris qu’elle avait changé de propriétaire, contemplait Lavande avec un immense sourire, radieuse, son poisson au creux de ses bras.
* En français dans le texte
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Lavande Huntergrunt
Âge : 17 ans. Sang : Née-Moldue. Nationalité : Anglaise. Patronus : Une hyène. Épouvantard : Un Obscurus. Reflet du Riséd : Elle n'y voit rien, pas même son propre reflet. Baguette : Branche de hêtre entrelacé, sauvage et inflexible, 24 cm, ventricule de coeur de dragon. Avatar : Felicity JonesMessages : 291 Double-Compte : Anthelme de Musset Date d'inscription : 22/07/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Lun 5 Oct - 11:21
Le goût de la pluie dans le thé.
« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »
Le ronronnement de Merlin à ses côtés, accompagnant la chaleureuse douceur du thé à la violette, apaisait ses inquiétudes. Délicatement, elle pencha la tête à ses côtés pour mieux l’entendre, fermant les yeux. Il était si doux. Depuis qu’il venait à ses côtés, elle n’avait plus connu d’insomnie. Toutes les soirées où elle s’était éclipsée de son dortoir pour disparaître dans la Forêt Interdite n’avait plus lieu d’être. Au contraire, elle restait dans son lit froid, avec cette certitude que le chat allait venir jusqu’à elle. Ce n’était peut-être pas son professeur en personne – et quelque part heureusement, car cela aurait pu manqué de subtilité et de délicatesse ; mais il s’agissait tout de même de son chat, comme une partie de lui qui venait la choyer dans son sommeil. Ce gros chat à l’air si majestueux, tout aussi princier et apprêté que son maître, ne dénigrait jamais sa compagnie. Il ne venait certes pas tous les soirs, mais il trouvait toujours le moment juste, la soirée triste et bleu, celle qui finissait dans la déprime et le mésespoir. Alors le chat montait sur son lit, la prenant par surprise, et venait chatouiller de son museau humide la main de Lavande, jusqu’à ce qu’elle daigne le caresser pendant toute l’heure qui suivait. Merlin était un peu capricieux, pour un chat. La née-moldue n’avait connu comme chat que ceux que les fermiers de son village acceptaient pour chasser les rats et autres nuisibles. Des chats de gouttières longs et élancés au poil ras. Tout le contraire de ce prince des chats à la longue fourrure bleuté.
Sa présence rassurante, couplé aux vapeurs de violettes, la moellosité de ce fauteuil dans lequel elle se sentait pouvoir fondre sous la chaleur endormante de la cheminée… tout autour d’elle la comblait d’un bien-être insolent. Avait-elle le droit d’être aussi bien ? Pouvait-elle jeter tous ses problèmes et ses douleurs dans le feu, et s’endormir du sommeil du juste au milieu de toutes ces choses qu’elle aimait plus que tout au monde ? Dans ce bureau où il lui semblait découvrir pour la première fois le sens du mot « foyer » ? Un endroit où elle pouvait se sentir un peu à sa place, où elle pouvait se recueillir et s’éteindre loin des tempêtes vivaces ? Auprès du professeur Raven, elle pouvait parler, déverser le flot de ses connaissances inutiles ; il le souhaitait même, doué d’une exceptionnelle curiosité à vouloir tout connaître. Même le discours d’une personne aussi insignifiante que la petite paysanne l’intéressait. Lavande souriait mélancoliquement à Merlin ; méritait-elle autant son attention ? Il avait la gentillesse si large qu’il devait prodigué cette intérêt à tous les élèves curieux. Si ceux-ci n’avaient rien à lui apprendre, ce n’était pas grave, car il avait des centaines de choses à dire. Le professeur lui avoua trouver son prénom joli, qu’il s’agissait d’une heureuse erreur de la part de ses parents. Lavande rougit, le sourire heureux jusqu’aux oreilles. Toujours avec cette curiosité dévorante, il lui demanda de faire pareille explication de ce prénom aux senteurs méditerranéenne. Mais Lavande n’en avait pas fini, et repoussé le moment de décevoir encore son professeur avec une définition terne de son prénom. Non, « lavande » était une belle plante certes, mais son étymologie n’avait rien à envier à des verbes d’usage comme « manger ».
Si elle était parvenue à fournir une aussi précise définition de la belladone, ce n’était pas par une exceptionnelle mémoire ou érudition – n’en déplaise à son professeur qui déjà vantait ses mérites, faisant rougir son élève. Lors du premier repas de l’année, quand le directeur Dippet présenta les nouveaux professeurs de cette année, le nom de Belladone Raven qui avait ravi ses oreilles. Elle avait déjà lu ce prénom quelque part, lors de ses recherches autour des plantes. Aussitôt dans la semaine, la jeune fille était partie vérifier les méandres de sa mémoire dans les recueils de botanique à la bibliothèque. Elle y avait lu tout ce qui lui était possible d’apprendre sur l’atropa belladona – ce qu’elle en avait ressorti au professeur n’en était qu’une toute petite partie, ce qu’elle avait retenu de cocasse sur cet homme doux, gentil, beau, intelligent… tout ce qu’on était en droit d’espérer d’un prince charmant. La née-moldue apprit alors que si Belladone lui avait demandé si elle avait des racines françaises, c’était car lui-même en était pourvu, car la jeune fille avait touché dans le mille : il évoqua sa grand-mère à moitié française et ses vacances dans un village de France.
Lavande était émerveillée, laissant de côté Merlin pour converger tous ses regards vers son professeur, les yeux rêveurs. Elle ne connaissait rien du monde, pas même de son propre pays. Tout ce qu’elle en avait vu, c’était un village perdu dans le siècle dernier dans lequel elle se laissait mourir, une capitale fourmillante et terrifiante qui lui avait fait regretter son horrible village, et cette école. Si Belladone avait déjà tout du prince, cela ne faisait que renforcer son aura. Lorsqu’il parla en français, avec cet air si fier, Lavande le dévorait du regard. Elle n’était pas capable de se rendre compte de son terrible accent, ne comprenant de toute façon pas ce qu’il disait. Il aurait pu lui dire « je t’aime » que cela aurait été la même chose. Admirative, elle laissa échapper un petit rire tant il était joyeux et fier. Tout était décidément parfait chez lui. Les yeux de l’élève brillèrent de mille feux sous la moindre phrase de celui qui occupait ses pensées, heureuse de l’entendre dire que ses compliments le touchaient. Il rajouta que certains le disaient trop gentil et que cela le pénalisait sans doute pour être un vrai bon professeur. Lavande s’apprêtait à répliquer que ceux qui ne respectaient pas ses cours ne méritaient pas d’y assister, et que ce n’était pas de sa faute à lui… jusqu’à ce qu’il lui fasse la délicate réflexion qu’elle-même ne respectait pas ses ordres quand elle avait « une idée derrière la tête ».
Honteuse, Lavande se rassit correctement dans son fauteuil et baissa la tête. Il disait ça pour plaisanter, en prouvait son ton léger. Mais elle ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir. Ce soir-là, elle n’était plus elle-même, déchirée par la douleur – elle aurait été jusqu’à affronter l’autorité de n’importe quel professeur pour aller dans sa clairière. Il aurait très bien pu l’y abandonner, ne l’accompagnant pas au-delà de la lisière, elle y serait aller quand même. Ce n’était pas une question d’autorité professorale, mais comment le dire avec des mots ? Elle voulait s’excuser, mais il lui semblait l’avoir déjà fait… peut-être pas avec les bons mots, avec la bonne raison. Mais la croirait-il, comprendrait-il à quel point sa douleur était grave ; ne la minimiserait-il pas, tout comme à l’infirmerie, songeant à des souffrances usuelles de femme ? De cet accident, Lavande ne voulait plus retenir que la promenade, leur discussion dans la clairière, toutes ces choses qui les avaient rapproché. Mais le professeur changea à son tour de sujet, répondant à ses craintes concernant le départ de Merlin. D’autres filles ? Lavande pouvait jurer qu’il ne venait voir qu’elle mais comment en être sûr ? Elle prit une gorgée de son thé à la violette et sourit :
— Nous pourrions tenir un calendrier… j’y noterai les nuits où il vient me voir, et vous pourrez voir si ses absences coïncident avec les soirées où il se trouve avec vous, si cela vous inquiète tant.
« Nous ». Ce simple mot achevait de lui redonner le sourire. L’idée qu’ils pouvaient faire quelque chose ensemble, même si c’était simplement suivre l’emploi du temps d’un chat. Mais l’idée lui était amusante, assez pour glousser dans son thé en songeant qu’elle pourrait faire suivre des petits mots, écrit sur un parchemin qu’elle pourrait donner à Merlin au petit matin. Elle n’avait pas de chouette pour envoyer des lettres, mais qui avait dit qu’un chat ne pouvait pas devenir facteur ? Ce prince des chats se sentirait peut-être frustré et rabaissé, lui désormais le maître des couloirs nocturnes.
Oh. Mais le professeur Raven attendait toujours sa réponse sur les lavandes ! Elle n’eut le temps de rassembler ses pensées, toutes au soudain fantasme de cette correspondance par chat interposé, quand Belladone se leva de sa chaise pour lui apporter « sa promesse ». La carte de Mirabella se tint rapidement dans sa main, tandis qu’il la remerciait encore pour celle de Paracelse. Lavande bredouilla un merci, observant la jeune femme rousse. Son poisson frétillait avec enthousiasme, tandis que la sorcière la salua d’un mouvement de la main. Mouvement auquel répondit Lavande, dubitatif mais souriante. Ce simple échange avec une carte la rendit toute troublée, embuant ses yeux de larmes de joie :
— Elle est si belle…
Sa longue chevelure de feu lui rappelait celle de Jasper, quand elles s’étaient rencontrées pour la première fois, et qu’elle croyait encore que toutes les personnes bien habillées étaient des princes et des princesses d’un autre monde. Elle avait même un hibou ! Tout cela lui parut bien futile aujourd’hui. Miranda resplandissait. Même si Lavande avait pu se laver les cheveux, ils restaient plats, fouillis de mèches éparses ici et là, mal coupés, le plus souvent sec comme de la paille, lavée au savon dans les lavabos, ou luisant. Elle n’avait ni la grâce, ni l’élégance de cette splendide sorcière à la volonté de fer. Mais Lavande n’était encore qu’une adolescente dont le corps était peut-être à peine sorti de l’enfance – mais ce n’était pas le cas de son esprit. Elle toucha vaguement sa joue, sa peau glacée et blanche à force de trop peur voir la lumière du jour, ne faisant qu’accentuer la présence des rares boutons d’adolescent sur son visage qu’elle trouvait profondément disgracieux. Ah, peut-être était-il temps de répondre :
— Lavande, dans son écriture française, vient de l’italien lavando qui veut dire laver. Tandis qu’en anglais, ça viendrait du latin lavandaria, qui veut dire linge à laver, ouai, comme une serpillière. (Elle laissa échapper un rire nerveux, songeant que c’était la première fois qu’elle disait cela à haute voix, et que soudainement l’ironie lui était insupportable :) Parce que les moldus se servent de la lavande dans la lessive, pour nettoyer le linge, se sentit-elle obligée de rajouter, car peut-être que les sorciers faisaient autrement ; certains extrapolent en disant qu’on peut aussi dire purifier comme synonyme de laver, vu que les moldus l’utilisent aussi dans les bains. Sinon, il paraît que le thé calme la nervosité et soulage les maux de tête… mais ça c’est que ce qu’on peut faire normalement avec la plante !
Lavande s’étendit dans le fauteuil, Merlin sautant de l’accoudoir pour aller se balader dans le bureau. Le professeur s’était emparé de son assiette vide pour la poser sur un meuble de cheminée. La jeune fille se pencha sur les trois piles, prête à reprendre le travail, avant de poursuivre d’un ton amusé :
— En magie de moldu… et bien, toute comme la violette, elle sert dans les filtres d’amour et son odeur aiderait à faire partir les ondes négatives et la divination. C’est amusant, mais la magie moldu est remplie de petits sortilèges où il faut certaines plantes, certaines bougies, de l’encre d’une certaine couleur… puis il y a un ordre d’action à faire tout en priant un certain dieu qui correspondrait à ce qu’on veut… le livre que j’avais trouvé sur le sujet s’en moquait, c’était terrible… j’ai trouvé ça insultant. Sans aucun doute un sorcier frustré.
Pour un sortilège d’amour, le rouge était de rigueur : ruban rouge, bougie rouge, encre rouge. Lavande s’était déjà essayée, il y a deux ans, à faire un rituel moldu pour trouver l’amour. Rien d’important, juste l’envie d’enfin ressentir ce dont ses amies discutaient. Mais rien. Elle n’avait pas été particulièrement surprise ; si lancer un sort normal était déjà une épreuve pour elle, ce n’était certainement pas de la magie moldue qui allait faire quelque chose. Bien évidemment, elle se garda de parler de cette expérience à son professeur. Elle préférait se concentrer sur les plantes et leurs vertus premières.
— Il est amusant de constater que la magie moldue est très souvent tournée vers l’amour, la chance, l’argent… ces choses inconstantes et aléatoires. Finalement, c’est une magie qui espère… elle n’est pas directe. Ils lancent un « sort », puis éteignent les bougies et attendent. Elle finira bien par apparaître… je comprends bien que ce soit stupide et ennuyeux pour un sorcier habitué à avoir tout ce qu'il désire tout de suite.
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Belladone Raven
Âge : 28 ans Sang : Sang-Pur Nationalité : Anglaise Patronus : Un corbeau Épouvantard : Lavande recroquevillée au sol, le visage baigné de larmes, qui implore son aide, personnification de son impuissance à combattre les Forces du Mal Reflet du Riséd : Lui même sauvant Lavande à son bras, des étincelles flamboyantes jaillissant encore de sa baguette, provenant de la bataille qu'il vient de gagner Baguette : 25 centimètres, bois de sorbier et crin de licorne Avatar : Diego LunaMessages : 365 Double-Compte : Desiderata / Aurora / Minerva / Solveig / Albus Date d'inscription : 27/08/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Jeu 8 Oct - 15:32
Le goût de la pluie dans le thé
Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal
Automne 1942 La bûche à demi consumée craquait dans l’âtre, rougeoyante des flammes et de leur danse lascive, projetant çà et là sur les murs et les vitres comme un spectacle d’ombres mouvantes, informes, aux silhouettes rousses et cramoisies. Belladone s’enfonçait un peu plus dans son fauteuil, inconscient presque, sous le joug de cette mélopée crépitante aux allures de berceuse qui lui pesait sur les paupières, lourdes de fatigue accumulée depuis des semaines. Surplombant les copies de parchemin jaunâtre, amoncelées sur le bois du bureau, les volutes tourbillonnantes aux effluves de violette s’échappaient de la porcelaine anglaise, se mêlaient à l’étrange ballet de brume et de lumière qui se jouait des deux protagonistes. Belladone leva un regard pudibond vers la douce élève dont la petite silhouette triste semblait se tapir un peu plus au fond de son siège, partageant la léthargie doucereuse qui les assoupissait. Le jeune Professeur eut un sourire ému. Lavande affichait toujours cette mine désabusée et alerte de petit animal prudent qui s’essouffle à force de traque et d’embuscades acharnées. Ce soir elle semblait n’avoir peur de rien, légère enfin, heureuse, libre, fut-ce pour une heure, fut-ce un répit éphémère qu’elle goûtait peut-être là pour la première fois depuis de longues années.
La maladresse d’un rire tendre, bredouillant, inusité, arracha Belladone du marasme somnolent qui offrait à ses pieds chancelants l’abîme de ténèbres au bord duquel il menaçait de trébucher. Lavande le regardait. Et il y’avait une tel aura dans ses yeux qui brillaient, soudain, que le jeune homme n’eut pas le cœur à les ternir de nouveau, de la fange de cette mélancolie immuable qui collait à sa peau trop tendre. Ne serait-ce pas une hérésie sans nom, de noyer là le feu allègre, qui, enfin, semblait animer ces prunelles à l’âme comme morte d’une vie que tous avaient déjà piétiné, ses piteux lambeaux foulés aux pieds par les bourreaux et les indifférents qui avaient jeté autant de ronces et d’ornières sur son sillage ? Non, pour une fois, Belladone voulait garder ses larmes pour lui. Lavande méritait sa force et son courage, le peu dont il ne s’était pas dépouillé, le peu dont il était capable, au moins.
Alors son rire s’éleva à lui aussi. Discret, plein d’un flegme bourgeois, pudibond, il semblait trouver une osmose étrange à s’allier à la maladresse gutturale de celui de son élève. Comme une harmonie incongrue, déplacée, à laquelle personne n’aurait cru de prime abord, et qui pourtant se jouait des convenances, pour former à l’unisson un duo d’une beauté étrange, redoutable, qui semblait pouvoir affronter le monde et les méchants qui leur voulaient du mal. Et le ciel aurait pu s’effondrer sur les cimes acérées des tours de Poudlard, à cette seconde, aucun n’aurait entendu l’assourdissant fracas de fin d’un monde auquel ils n’appartenaient plus, reclus dans la simplicité de ce bonheur idiot de s’entendre rire et de se voir heureux d’être là. Ce fut son idiotie à lui, pourtant, ce sens de l’humour et d’une allégresse dont les fées l’avaient dépouillé au berceau, qui brisa le sceau sacralisé par la magie de l’instant, qu’égrenait le petit rire farouche, mutin presque, de la plus triste et de la plus douce de ses élèves. Sa blague tombait à l’eau, et avec elle la nuque de la docile étudiante qui se ployait soudain, dans un dépit mortifié par une insubordination dont il ne lui avait pas tenu rigueur une seule seconde, mais dont elle semblait accuser la réprimande taquine au pied de la lettre. C’était cela de plus à partager entre ces deux âmes, cette constante manie mortifère à l’autoflagellation, ce cercle viscéral d’être coupable, toujours, aux yeux des vrais criminels qui exposaient comme immaculées leurs mains pourtant imbibées du sang de leurs crimes et de la fange de leur indifférent mépris pour le malheur des autres.
L’astucieuse étudiante de la plus rusée des maisons de Poudlard fut remise d’aplomb en quelques secondes, son jeune esprit fané par l’opprobre des autres semblant nimbé, soudain de l’éclat d’une idée. Souriante, enjouée, mue par une allégresse si différente de ce que semblait sa nature véritable, son visage trop jeune pour l’infâmie de la flétrissure de l’espoir et des rêves semblait reprendre ses droits, le reflet de l’innocence radieuse flottant comme un loi sacrée, immuable, sur ses lèvres qui n’avaient connu que trop peu de printemps, encore, pour pâlir et s’éteindre tout à fait. L’idée attendrissante était lancée avec un tel entrain, un enthousiasme si joli à voir dans l’émeraude de ces yeux là que Belladone ne put s’empêcher de sourire lui aussi, pouvant décidément tout sacrifier pour les miettes de joie qu’il pouvait se permettre d’offrir à Lavande ;
- Faisons comme cela, c’est une très bonne idée. Grâce à vous j’en saurais un peu plus sur les activités nocturnes de ce petit fripon ! Mais attendez, je crois avoir ce qu’il nous faut.
D’une poignée de main distraite, Belladone ouvrit le premier tiroir de son bureau, regorgeant du fatras amoncelé au creux de ses valises lors de son déménagement au sien de l’école de son enfance. Gisaient çà et là et des articles de journaux, épars, des photos de famille, des amulettes et petits objets incongrus, véritable melting-pot des différentes religions, superstitions et croyances des peuples autochtones et tribus fascinantes rencontrées aux quatre coins du globe. C’est une main victorieuse qui dénicha les petits exemplaires de ce qu’il cherchait, calendriers de poche édités par le Ministère de la Magie, que Narcisse lui fourrait par poignées, quand un seul lui aurait suffi. Belladone leva le petit carnet, sur lequel s’apposait le sceau grandiloquent, royal presque, du Ministère de la Magie, un grand « M » percé en son centre par l’aura fulgurante d’une baguette de sorcier :
- Vous pouvez prendre celui-ci, s’il vous convient. Mon frère aîné est Auror au Ministère, et il me les donne par dizaine. Je le soupçonne de penser que j’en fait collection ! Ils sont annuels et non scolaires, malheureusement, mais j’imagine qu’en trois mois, nous aurons le temps d’apprivoiser ce petit système. S’il s’avère efficace, j’arriverais sans mal à en soutirer un ou deux à Narcisse pour l’année 1943 !
Dans un élan de témérité auquel il ne semblait s’enhardir qu’en présence de cette douce et triste élève qui le regardait avec des étoiles dans les yeux, Belladone s’empara du petit calendrier, en plus de la carte de la sorcière du 19ème siècle, et déposa le tout sur la petite table sur laquelle était sensée travailler son élève qu’il dérangeait chaque seconde par son enthousiasme déplacé et sa curiosité de gamin. Dans un geste d’une candeur à pleurer, chez celle dont les prunelles semblaient avoir été ternies par tant d’hivers, Lavande répondit au salut de la mage rousse qui accueillait son changement d’allégeance avec un enthousiasme ravi. Et devant l’écluse de cette impassibilité roide forgée à force de douleurs qui se brisait soudain, pour un petit rien, pour la goutte d’eau de cette carte offerte, pour la tendresse que Belladone insufflait à son souffle, à ses mots et à ses gestes, à chaque seconde passée à essayer d’embellir sa trop malheureuse vie, une sourde envie de la prendre dans ses bras, soudain, le cloua sur place, lui fit écarquiller les yeux et entrouvrir la bouche, brisé de chagrin et d’un réconfort qui ne suffisait pas. La rare violence d’un désir aussi incontrôlable ne lui était que trop peu coutumière. C’était comme la bourrasque d’un cataclysme qui le jetait en avant, comme une poigne d’acier qui le tirait vers la jeune fille trop terne, trop triste, le contraignant à ouvrir les bras pour recueillir sa douleur, lui enjoindre de ne plus pleurer, jamais, parce que ça faisait trop de mal, de voir des larmes baigner ces yeux-là. Lui dire qu’ils existaient, ceux qui lui voulaient du bien, que son épaule supporterait ses tourments, que ses maigres forces s’étioleraient et mourraient tant qu’un mince d’espoir d’insuffler une petite parcelle de joie sur ses joues trop blanches et ses yeux trop ternes subsisterait en ce bas monde.
Et devant ce désir fou, implacable, contre lequel il ne pouvait rien, Belladone eut la seule réaction décente qui puisse être ; il tourna les talons et le dos à la petite silhouette tapie au creux de son siège, les yeux embués de larmes éperdus dans la contemplation de la jolie sorcière rousse au poisson. Le jeune Professeur fébrile, encore sous le joug de cet insatiable besoin d’offrir un réconfort que l’étudiante n’avait pas demandé, tâcha de reprendre un semblant de contenance en se saisissant de la théière, en oubliant jusqu’à son élégance surannée qui aurait dû proposer un second service à son élève. Et sa tasse fut avalée d’un traite, oublieux de la chaleur fumante qui lui brûlait la gorge tant son esprit d’ordinaire d’une sagesse proche de l’apathie accusait le choc d’une tentation aussi déplacée, à l’indécence qu’il ne s’avouait pas. Pourtant Lavande le sauvait, encore, toujours, de l’abîme de sa propre morosité, de sa propension à la flagellation, de la sottise immense, en somme, qui le rendait si peu enclin aux relations humaines, qui finissaient toujours et de manière inéluctable par lui faire du mal. Elle le sauvait en perçant les brumes épaisses du remords inconscient d’un simple désir, de cette contrition stupide d’un acte pas commis. Et ses joues empourprées perdaient de cette chaleur embrasée qui avaient dévoré sa barbe et ses pommettes, et enfin il s’osait à se retourner, enfin l’audace de croiser de nouveau ces paupières gonflées par les larmes amères, des petites choses que lui donnaient Belladone, qui étaient si peu mais tant comparé à ce qu’elle n’avait jamais eu, comme consciente de ce qu’elle avait perdu au fil des ans, elle et son seul crime d’avoir été trop pauvre, trop mal-née, trop puissante pour ses camarades trop ordinaires. Le jeune homme se fendit même d’un timide sourire, ravi de laisser là s’épancher cette jeune fille qu’on perdait tant à ne pas écouter :
- C’est fascinant…Les Moldus sont décidément très ingénieux. Ils sont dépourvus de pouvoirs magiques, aussi cherchent-ils dans la nature de quoi panser leurs plaies et combler leurs besoins…En somme la lavande est un peu leur Philtre de Paix ou leur Pimentine, n’est-ce pas ?
Son sourire s’élargit, revenant avec une attention totalement feinte à la copie bâclée du jeune élève de Gryffondor, tandis qu’elle-même baissait le nez sur les trois piles de parchemin qu’elle amassait consciencieusement, à la manière d’un petit écureuil qui entasserait ses noisettes pour l’hiver. Son envie de s’égarer en labeur assommant semblait aussi proche du néant que celle de Belladone, dont les doigts dédaignaient toujours la plume dont la pointe suintait encore de cette encre écarlate destinée aux corrections dont il n’avait usé que pour une seule et unique copie. A présent qu’une oreille curieuse, soucieuse de sa conversation, avait prouvé son entrain à l’écouter parler, Lavande continuait sur sa tirade, confiante, passionnée, relatant là les rituels curieux, fascinants et déifiés des Moldus qui s’essayaient à une Magie que les Sorciers ne pratiquaient pas. Et Belladone eut un sourire devant l’indignation de l’enfant de non-mages, bien qu’en réalité la condescendance de certains sorciers manquait cruellement d’humilité et de curiosité. Le jeune homme approuva d’un signe, se demandant s’il devait ou non se sentir visé, son ignorance des Moldus ne l’exemptant sans doute pas des clichés de rigueur face à une population dont il ne connaissait ni les us ni les coutumes. Belladone se saisit finalement de sa plume, simplement pour contenir quelque peu la nervosité qui agitait ses doigts encore fébriles :
- Il y’a une condescendance certaine chez nombre de sorciers, qui se croient une élite, une race supérieure aux Moldus parce que dépourvus de la Magie qui coule dans nos veines. Pourtant vos anecdotes prouvent à quel point nous, sorciers, devrions faire preuve d’humilité à leur sujet. Quand l’accomplissement de notre magie nous semble naturelle, eux rusent, cherchent et se font prodiges d’invention et d’ingéniosité pour parvenir à un résultat similaire. En réalité c’est fascinant, vous me feriez presque regretter de n’avoir pas choisi Etude des Moldus en option !
Le sujet semblait enflammer la jeune Lavande. La mine basse mais les joues roses, les lèvres fébriles qui semblaient n’avoir jamais tant parlé, elle avait des choses à dire, et elle avait compris, enfin, qu’ici sa parole comptait, que sa valeur sacralisée était comprise, que Belladone l’écouterait religieusement jusque dans ses échos qui vrombissaient au creux des murs chauffés par les ombres cramoisies des flammes. Et il y’avait une maturité si grave dans son raisonnement résigné, triste, toujours, fataliste, presque, que Belladone ne l’en écoutait que plus, incroyablement surpris, toujours un peu peiné que le crime commis sur l’âme de cette jeune fille ait été si profond que même le plus petit espoir qui lui aurait été permis de rêver se retrouvait souillé de la fange du mal, inlassable, quotidien, sempiternelle, dont on l’avait accablé trop longtemps. Belladone arrivait-il trop tard ? Non, il ne voulait pas y croire, et c’est avec douceur prudente, extatique, qu’il répondit au triste raisonnement de la jeune fille :
- Vous savez, Mademoiselle, la Magie permet beaucoup de choses merveilleuses, il est vrai, mais elle peut parfois être source d’espoirs avortés et de tourments plus cruels encore qu’une attente qui ne vient pas…Prenez l’exemple du Philtre d’Amour…Vous en entendrez parler cette année, je crois, par votre Maître des Potions…Prenons l’Amortentia, le plus puissant et le plus connu de tous…Le Professeur Slughorn vous dira mieux que moi à quel point cette Potion est dangereuse, malgré qu’elle fasse de prime abord sourire les élèves. Le sorcier ne peut toucher aux lois immuables de la nature. La mort, l’amour en font partie. L’Amortentia créera une illusion d’amour, une dépendance obsessionnelle, une attirance mortifère simulée de toutes pièces par la Potion. Ce n’est que mon avis, mais je crois que je préfère attendre toujours, quelque chose qui ne vient pas, malgré mon désir, plutôt que d’en forger un simulacre par désespoir, et me torturer ainsi. Ne croyez-vous pas ? Ah, mais c’est valable aussi pour la Mort ! Avez-vous entendu parler des Contes de Beedle le Barde ?
Culture populaire pour chaque enfant de sorciers, mais inconnue parfois des rejetons de Moldus, Belladone avait eu la délicatesse de ne pas souligner cette évocation comme une évidence, au regard des origines de Lavande et de la déplorable adaptation qui lui avait été faite au sein des Sorciers. Réminiscences de veillées fraternelles, les aînés se relayant pour distraire les bambins, et Belladone émerveillé et fasciné de ce deuxième frère qui avait cru pouvoir tromper la mort, et qui s’en était allé fou de douleur de se repaître de l’ombre éthérée de sa fiancée qui n’était plus. Non, de cela, Belladone était certains ; la Magie avait son lot de tourments que nombre de sorciers auraient abandonné sans peine aux Moldus, cadeau empoisonné, malédiction véritable et fléau qui se nourrit du désespoir et de ces peines qui ne trouvent le salut que dans la résignation et le deuil.
plumyts 2016
Lavande Huntergrunt
Âge : 17 ans. Sang : Née-Moldue. Nationalité : Anglaise. Patronus : Une hyène. Épouvantard : Un Obscurus. Reflet du Riséd : Elle n'y voit rien, pas même son propre reflet. Baguette : Branche de hêtre entrelacé, sauvage et inflexible, 24 cm, ventricule de coeur de dragon. Avatar : Felicity JonesMessages : 291 Double-Compte : Anthelme de Musset Date d'inscription : 22/07/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Sam 21 Nov - 20:27
Le goût de la pluie dans le thé.
« mes yeux le disent mieux que mes lèvres »
Jamais la bulle dans laquelle se confinait l’esprit torturée de la pauvre Lavande n’avait été si belle, si chaleureuse, si emprunt d’une rare tendresse que ne l’eut jamais soupçonné. Tout était si paisible qu’elle se sentait capable de s’endormir jusqu’à en mourir. La pénombre n’était tranchée que par des volutes de lumière dansant depuis l’âtre brûlant et une petite lampe sur le bureau du professeur. Tamisée, l’aura n’en était que plus douce. Lavande étendit ses pieds sous la table basse, ses souliers frottant contre le tapis. Ici, elle pouvait se détendre, laisser ses muscles endoloris s’élonger, frissonner le bas de sa nuque d’un plaisir encore jamais éprouvé. L’obscurité n’avait jamais été plus réconfortante, quand en cachette elle passait une main sur son visage engourdi, sur ses joues écarlates. Son corps tout entier se consumait d’une faim qu’elle ne ressentait qu’auprès de lui ; le besoin de s’oublier, de se perdre dans ses bras, de s’y blottir jusqu’à ce que les nuages disparaissent. A la seconde où elle était tombée sur lui, éprise du maléfice qui liait ses jambes, elle avait pu savourer l’odeur du professeur Raven. La délicatesse de ses mains la soutenant, de ses douces paumes qu’elle avait pu sentir malgré le tissu de sa chemise. Elle voulait être polie sous ces mêmes mains, avoir la sensation d’être un petit bijou oublié, cachant de grandes espérances. Quand leurs regards se croisaient, il y avait au fond d’elle, cette minuscule étincelle qui lui rappelait qu’elle était encore vivante. Un bonheur qui lui remémorait, de très loin des souvenirs du temps où elle n’était pas encore hideuse, d’une époque où elle n’était pas encore un monstre. Encore, je veux que vous me regardiez encore. Elle désirait son attention plus que tout autre.
Il accéda à sa requête, s’amusant à l’idée de noter les allés et venues d’un chat. Il trouvait dans les choses les plus simples, les plus enfantines même, le moyen d’y trouver de la joie. Était-ce de sa nature profonde, ou n’était-ce que la nature des gens d’aise, de ceux qui n’avaient manqué de rien et qui vivaient dans l’insouciance du futur ? Quoiqu’il en soit, cette état d’esprit apaisait les plaies acerbes de son coeur. Lavande sourit de bon coeur. En plus de la carte pour laquelle elle s’éprit d’une larme de joie, il lui tendit un petit calendrier marqué du seau du Ministère de la Magie. Pendant qu’il lui expliquait comment ils s’y prendraient pour l’année prochaine, les pensées de Lavande vaquèrent sur la surface de ce carnet. Frère ainé Auror au Ministère, sœur Magicomage, riche, possédant des origines françaises… la née-moldue se gratta la tempe, indécise tandis que son professeur lui tournait le dos. Il était tout bonnement inaccessible. La réalité aurait voulu qu’un être pareil ne s’intéressa jamais à elle. Impensable était le simple fait qu’il l’accompagne, la soutienne et l’aide. Qu’il lui offrit un thé chaud, un repas fait de ses mains, et quelques heures loin de son cachot, loin des autres. Ce n’était juste pas logique. Elle ne cessait d’y penser, dès que son coeur se faisait rattraper par sa raison. Parfois, au plus sombre de son désespoir, se jurait-elle de ne plus essayer de l’atteindre, qu’elle ne ferait que subir une chute, celle de trop – celle qui l’anéantirait à tout jamais. Pourtant, à chaque fois qu’elle le voyait, son coeur en décidait autrement. Elle voulait le voir sourire – lui sourire. Qu’une fois de plus, il ne l’écoute en hochant la tête, se plaisant à l’entendre. Peut-être était-ce juste parce qu’il représentait cet idéal, ce reflet brillant du prince charmant, de l’homme trop parfait, du sorcier à qui tout sourit, qu’elle s’accrochait tant à son approbation.
Elle le remercia d’un humble hochement de la tête. L’objet entre ses mains était de belle facture – aussitôt vint dans son esprit la question : comment le cacher pour ne pas qu’on m’accuse de l’avoir voler ? Pouvait-elle déchirer un peu de la doublure de son sac pour pouvoir y cacher des choses ? Elle saurait l’ouvrir et la refermer, avec l’aiguille et le rouleau de fils qu’elle gardait dans sa table de nuit. Tant de ruse, pour garder un simple cadeau honnêtement contre son coeur. Il y avait de ces moments, fugaces, douloureux, où Lavande songeait qu’elle ne méritait pas tous les soins que lui procurait le charmant Belladone Raven. Elle lui rendait si mal toutes ses attentions, se jouant de son autorité, ne lui offrant pas le moindre avantage en retour – les racines de la culpabilité ne faisaient que ronger son coeur, elle qui ne supportait ni l’offrande ni la pitié. Mais comment se rendre utile, comment apporter ne serait-ce qu’une lumière à celui qui avait déjà tout ? Elle se sentait cruellement impuissante. Tout ce qu’elle pouvait offrir, c’était une compagnie ; une oreille dévouée qui se plierait à toutes ses divagations les plus stupides, sans jugement aucun autre que de l’amour à revendre, et une gratitude éternelle pour celui qui illuminait sa vie de plaisirs sans jamais rien lui demander en retour. La jeune fille se savait malheureusement peu intéressante pour un homme ayant déjà parcouru le monde ; tout ce qu’elle pouvait lui offrir, c’était ce point de vue étriquée d’enfant n’ayant jamais dépassé le perron de son jardin vide. Alors, la née-moldue eut une prodigieuse et irrémédiable envie de s’étendre en sanglot, car il lui offrait tant de choses et qu’elle ne pouvait rien y faire. Mais elle se retint de justesse. Il eut été injuste et insultant de pleurer. Cela aurait été renié le destin de les avoir mis sur la même route, eux qui n’auraient jamais du se croiser.
Quand il se retourna vers elle, Lavande tenait sa tasse de thé, en respirait ses embruns d’une mine parfaitement apaisée, observant d’un œil concentré les trois piles qu’elle avait commencé. Le professeur s’exalta de l’ingéniosité des moldus, prêt à tout pour simuler un peu de magie dans leur suffisance spirituel. Tant d’enthousiasme contenta la jeune fille, qui hocha la tête à ses dires. Oui, les moldus avaient une étrange abnégation de toujours aller de l’avant, quoiqu’en dise la nature. Ils se jetaient corps et âme dans tout ce qui pouvait les soulager, les aider, leur donner de l’espoir. Même s’il s’agissait la plupart du temps de superstition consistant à jeter des pierres à une petite fille, signée de l’aura du démon. Lavande baissa la tête vers son reflet dans la tasse de thé et poussa un long soupir. L’enseignant retourna à son bureau, s’occupant de son propre travail. Aussi la jeune fille s’occupa d’une main un peu distraite de la suite du tri, déblatérant la suite de ses rares connaissances. Peut-être ne devrait-elle pas tant dire au premier rendez-vous. Son savoir n’était pas illimité, car même si elle avait lu beaucoup, sa mémoire n’était pas toujours fiable. Mais ce n’était pas grave : elle apprendrait de nouvelles choses d’ici leurs retrouvailles, rien que pour lui. Quand il évoqua le fait de regretter ne pas avoir pris l’option étude des moldus, Lavande eut un petit rire – mais n’en dit pas plus. Elle retrouvait son laconisme, ne sachant quoi rajouter de plus. Ce n’était pas comme si elle avait choisi de connaître tout ça ; elle aussi, si elle avait été une pleine sorcière, elle s’en serait moquée. Qui sait ce qu’elle aurait pu être…
Mais qu’elle ait perdu les mots n’était pas grave ; car des choses à dire, Belladone Raven en avait plein. Il s’élança dans un grand discours sur toutes ces choses auquel la magie n’y pouvait rien. L’Amour, la Mort… pour l’amour, il prit en exemple les tentatives de la manipuler, tel que les différents philtres d’amour. Une illusion, une obsession vide de sens, crée de toutes pièces, insipide, mortelle. Il déclama préférer attendre des siècles quelque chose qui ne viendrait jamais que de voir un fantôme, une marionnette, se plier à ses désirs sans ressentir cette étincelle qui différencie le besoin de l’envie. Lavande eut un petit sourire amusé.
— Non, je n’en ai jamais entendu parler… enfin, je sais que c’est populaire parmi les sorciers.
La née-moldue ne s’était intéressée plus que ça aux us et coutumes de ce qui se faisait dans les familles sorcières. Elle aurait pu, si elle avait su à quel point cela était nécessaire, à quel point il lui aurait fallu mentir pour se faire accepter. Mais elle n’en avait pas eu le temps, ni l’esprit. Pour une Serpentard, Lavande était cruellement trop honnête. Elle glissait ses pensées jusqu’à ses lèvres, sans jamais réfléchir à leurs pertinences. Même si elle parlait peu, le peu qu’elle disait venait du coeur. La jeune fille termina sa tasse de thé à la violette et posa sa porcelaine blanche sur un coin de la table. Prenant une petite pile de parchemin sur ses genoux, elle poursuivit :
— La mort ? Une loi immuable de la nature ? Oui, certainement… on ne peut pas faire tomber quelqu’un amoureux de soi, et on ne peut pas faire revenir quelqu’un de l’au-delà. Mais il est tellement facile de tuer avec de la magie… un claquement de doigt. On peut attendre éternellement l’amour… il ne viendra même probablement jamais. Mais on attend jamais la mort, elle viendra quoiqu’il arrive.
Lavande poussa un petit soupir, jetant un coup d’oeil rêveur aux flammes de l’âtre. Une flambée qui n’en finissait pas, inchangée, éternelle à sa manière. Elle tapota l’accoudoir de ses ongles mangées et sourit, s’en voulant soudainement de ses paroles, ses yeux ne quittant pas la cheminée :
— Je sais que vous me parliez de résurrection, veuillez m’excuser. (Elle posa un silence, baissant finalement la tête sur le côté, presque assoupie, son regard hypnotisé par les flammes:) Pour être honnête,je me fiche de la mort, mais je sais que si elle prenait quelqu’un qui m’était suffisamment cher, quelqu’un sans qui il me serait insupportable de vivre… je passerai le temps qu’il me reste à vivre à tout faire pour le faire revenir. Je déchirerai jusqu’à la réalité pour trouver l’endroit où s’en vont les âmes, et je mettrai la Mort à genoux, je lui ferai craindre pour sa vie haha… et s’il le faut, je découperai chacun de ses os, tant qu’elle ne me rendra pas son âme. Et elle ne pourra rien contre moi, parce que je n’aurai pas peur d’elle. Parce que je l’aurai appelé de ses vœux toute ma vie, et qu’elle n’aura jamais dénié me regarder dans les yeux. Je ne paye pas de mine, mais si la Mort me sous-estime…
Un petit rire interrompit son terrifiant discours. Sa voix était cassante, coupante. Ses syllabes tranchés dans l’acier le plus sale. Elle fixait les flammes, songeant à toutes les émotions qui la dévoreraient si jamais pareil scène devait lui arriver. Oh oui, elle serait même capable de devenir la Mort elle-même. Pareil rêve lui était déjà venu en tête. Des songes de destruction, d’un monde où l’on laisserait enfin sa puissance s’exprimer, où l’on s’agenouillerait devant elle, pour toutes ces fois où on l’avait ignoré, rabaissé, humilié, oublié. Mais la née-moldue se rendait compte que cette conversation l’attristait, car elle n’aurait jamais personne à sauver.
Son regard, tout d’abord amusé, puis glaçant, s’était à nouveau terni. Mais elle se rendit alors compte de l’atmosphère lourde que ses paroles avaient instauré. Le parchemin qu’elle tenait encore dans sa main était plié dans sa main. Elle sursauta, et en lissa les rebords avant de le mettre religieusement sur la pile correspondante.
— Enfin ! Tout ça pour dire que de toute façon la magie, qu’on en ait ou qu’on en ait pas, c’est toujours des problèmes. Personne n’est jamais content de rien de toute façon.
La ferme, Lavande Huntergrunt. Vraiment, elle devait à tout prix se taire. Tout ce qui s’échappait de sa bouche n’était plus qu’incohérence et mauvaise énergie. Qu’est-ce qui avait donc créer ce terrible fatras de tristesse et de colère. Ne parlaient-ils pas d’amour et d’espoir plus tôt ? Mais une fois encore, la née-moldue gâchait tout. Elle s’enfonça dans le fauteuil, cachant son visage dans une main, posée contre l’accoudoir. Lui parlait si intelligemment, évoquant des potions, des exemples, des références… tandis qu’elle ne parlait qu’en émotions, sans aucune retenue, le tout avec son insupportable accent paysan. Son discours n’avait rien d’intelligible, ce n’était que l’expression d’une femme hystérique qui ne serait pas capable d’accepter son sort. Sans doute avait-elle prouvé à cet homme si bon et si sage qu’elle n’était qu’une gamine capricieuse. Pourtant, rien n’était faux. Si quelqu’un… Si Belladone devait un jour lui rendre tout l’amour qui tremblait dans son coeur, et qu’il devait un jour disparaître… Lavande serait capable de sacrifier sa propre âme pour le retrouver.
plumyts 2016
Belladone Raven
Âge : 28 ans Sang : Sang-Pur Nationalité : Anglaise Patronus : Un corbeau Épouvantard : Lavande recroquevillée au sol, le visage baigné de larmes, qui implore son aide, personnification de son impuissance à combattre les Forces du Mal Reflet du Riséd : Lui même sauvant Lavande à son bras, des étincelles flamboyantes jaillissant encore de sa baguette, provenant de la bataille qu'il vient de gagner Baguette : 25 centimètres, bois de sorbier et crin de licorne Avatar : Diego LunaMessages : 365 Double-Compte : Desiderata / Aurora / Minerva / Solveig / Albus Date d'inscription : 27/08/2019
Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven Mar 8 Déc - 12:53
Le goût de la pluie dans le thé
Bureau du Professeur de Défense Contre les Forces du Mal
Automne 1942 Cette conversation frôlait les limites de la décence. Ces lois immuables d’une nature inflexible se devaient d’être appréhendées avec toute la pudeur sacrée vouée à ces dogmes contre lesquels l’humanité ou la magie ne pouvaient rien. Et de fait, la pudibonderie secrète, - fascinée et appréhendée par tous-, qui régissait ces sujets effarouchait la société bien-pensante. Leur hiérarchie s’écroulait sous ses lois qui faisaient vaciller le socle de toutes les injustices jetées au hasard des berceaux. Le riche ou le bien-né regardera les braises de sa vie consumée trop vite s’étioler entre ses doigts, s’épouvantant de ce qu’elles s’égrènent avec la même hâte que celles du pauvre, sur lequel il avait eu l’hérésie de croire à une quelconque supériorité. Et le sépulcre se rira d’eux lorsque l’orgueil des uns se mêlera à l’humilité des autres dans l’égalité de la tombe, rappelés à l’ordre par la nature vengeresse, et que leurs os blanchis par le temps se mêleront dans le sépulcre commun d’une terre qui les accueillerait tous en égaux.
Un malaise certain se mêlait à la douce tiédeur des flammes qui crépitaient dans l’âtre, faisant une nouvelle fois rosir les joues de Belladone lorsqu’il regagna son siège. Une culpabilité vague, comme la conscience soudaine que de telles divagations revêtaient une trop délicate gravité pour en faire le partage à une jeune élève lui tenailla soudain les entrailles. La maturité affolante de l’étudiante au regard triste lui voilait parfois ses yeux tendres, au point de se méprendre, au point de voir dans cette petite silhouette grisâtre, meurtrie, le reflet de l’adulte accomplie qu’elle n’était pas encore. Et lorsqu’elle lui avoua ne pas connaître les illustres contes de Beedle le Barde, Belladone se félicita d’avoir au moins abordé un sujet qui convenait à la relation professeur-élève qu’ils étaient censés entretenir. Avec un sourire et un hochement de tête, Belladone approuva ;
- Oh oui, très populaire ! Il faudrait que je vous en dégote un exemplaire, où alors je vous prêterai le mien, je suis certain qu’ils vous plairont beaucoup !
Avec un soupir soulagé, Belladone riva de nouveau ses yeux sur la pile de copies qui n'attendaient que la tolérance de son jugement et la bienveillance de ses corrections, satisfait de tenir sa plume au-dessus du devoir de la discrète demoiselle O'Gerthy et son écriture propre, soignée, qui lui rendait la tâche tellement plus aisée. Et toute l'impartialité, toute la justice et le socle d'égalité -qu'il voulait inébranlable- sur lesquels il basait son enseignement luttaient chaque seconde, dans une lutte farouche contre l'instinct et les affections de Belladone, qu'une écriture soignée rendait inconsciemment plus prompt à une notation bienveillante. Au plaisir manifeste de corriger les copies exemplaires du rigoureux O'Sadhbh, studieux élève de sixième année, pur produit de cette maison Serdaigle qu'il chérissait tant, se mêlait le désir inconscient de récompenser cette calligraphie ronde, à la grâce étonnante, quand seuls le contenu du devoir se devait d'influer dans sa notation. La jeune élève avait achevé, dans une dernière lampée timide et discrète, la gorgée du thé que Belladone lui avait offert et dont les embruns exquis et parfumés à la violette baignaient encore la pièce de ses effluves doucereux. Et elle semblait devoir se remettre au travail, à sa petite main blanche qui s'emparait d'une petite liasse de parchemins, tous noircis par l'élégante calligraphie, -inclinée et étiolée par une certaine austérité- de son Professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Et déjà il s'attelait à compléter l'étymologie du mot de "loup-garou" dans la copie de la jeune élève de Serpentard, que la voix de la plus triste de ses élèves s'élevait de nouveau.
Et si elle semblait en accord avec ses dires, en premier lieu, la fin de sa tirade, sans doute, était destinée à étaler sa circonspection aux yeux d'encre de Belladone, qui, une fois de plus, fut tenaillé à l'idée que, jamais, il n'aurait dû se laisser aller à l'indécence d'un tel sujet en compagnie de son élève, sur laquelle il avait autorité, aussi timide et embarrassée soit cette dernière. Et le tout jeune Professeur encore, néophyte en matière d'enseignement et de pédagogie, ne savait que répondre, fixant la petite silhouette grise qui semblait égarer dans la contemplation hagarde, un brin hypnotique, de la danse lascive des flammes qui crépitait au creux de l'âtre. Y'avait-il une pointe de raillerie dans sa réplique qui paraissait cingler son âme fébrile, comme une once d'impertinence dans les divagations nébuleuses de son Professeur, auxquelles elle ne croyait pas, rendant là son verdict dans toute la crudité adolescente qui peine à l'honnêteté sans impertinence ? Peut-être sa conclusion un peu tardive était-elle la bonne, après tout. La gravité sinistre de tels égarements philosophiques ne trouvait pas grâce dans l'esprit d'une si jeune fille encore, si étiolée et abusée par la vie soit-elle déjà. Et Belladone ne savait que répliquer, toujours éperdu dans la contemplation de cette silhouette spectrale, fantomatique presque, qui trahissait la vie qui y brûlait encore, farouche et indomptable, dans le bruissement de l'accoudoir du fauteuil qu'elle pianotait de ses doigts blancs.
Et devant l'éloquence du soupir las de la jeune Lavande, devant ses yeux d'émeraude ternie qui se refusaient à le regarder, Belladone baissa le nez sur la copie de la petite O'Gerthy, bien décidé à recouvrir ce qui lui restait d'esprit et de concentration afin de rendre dûment corrigées, et dans un délai décent, les devoirs sur les loups-garous è ses élèves de troisième année. Et il eut à peine le temps d'annoter en marge, de sa plume d'oie à encre rouge le cinquième signe distinctif de ces créatures, la jeune élève en ayant omis un. Les quatre autres étant parfaitement bons, Belladone se contenta de citer le signe oublié, sans autre commentaire ni critique de quelque sorte. Car des tréfonds du bureau, comme exhalée de l'âtre, imperceptible, presque, la voix de Lavande s'élevait de sa silhouette qui lui tournait le dos, de laquelle il ne voyait plus que la blancheur de ses doigts, et la chevelure d'encre nimbée de l'aura cramoisie des flammes qui retombait avec grâce sur la rondeur de ses bras dénudés. Seule la caresse presque indistincte de la longue jupe d'un bleu de ciel à la tombée du crépuscule sur le tapis de velours trahissait l'éveil de celle qui semblait figée dans une léthargie doucereuse, comme offerte à la contemplation éperdue et un peu béate de Belladone qui l'écoutait sans mot dire. Et en réalité il ne savait guère si les mots qui tombaient ainsi, alourdis par le sceau d'un secret brisé par sa présence, comme acérés par une franchise tue depuis trop longtemps, devaient le glacer, le fasciner, l'époustoufler ou l'épouvanter. Devait-il louer son courage ? Devait-il y voir une force goguenarde qu'il n'aurait jamais, quand elle parlait de combattre la Mort, de lui arracher l'âme chérie de ses implacables griffes dont l'étau se resserrait sur les corps meurtris et las de vie avec une injustice et un hasard cruel, indécent ? Quand lui venait d'avouer cette résignation veule des choses que la vie lui refusait, dont il acceptait le déchirement sans mot dire, ravalant sa douleur et ses larmes, sans un bruit, sans même s'être offusqué, sans même avoir fait un pas en avant, sans même avoir songé à confronter le destin qui, seul, avait décidé de son malheur ? Devait-il s'effrayer de ce courage qui frôlait l'insouciance, de ce défi d'une loi de la nature que tant de plus vieux et de plus expérimentés craignaient sans honte ? Devait-il mettre en garde la trop jeune fille, la protéger de son audace folle qui ne la faisait reculer pas même devant la pire et la plus implacable des lois qui régissaient ce monde ?
Il fallut quelques secondes à Belladone pour réaliser que la plume lui était tombée d'entre les doigts. Fort heureusement pour la copie de la jeune élève de Serpentard, l'instrument s'était échoué sur le bureau de chêne, le maculait de la goutte d'encre cramoisi qui s'était échappée de la pointe en suspens, écrasée sur le bois qui s'en abreuvait comme du sang. Il lui fallut quelques secondes encore pour s'apercevoir qu'il la contemplait de manière trop intense, ses grands yeux d'encre écarquillés sur la chevelure de jais qui tombait sur ses épaules trop rondes et trop blanches. Qu'il semblait s'être figé dans ce rire sans joie et un brin inquiétant qui avait sonné le glas de ce discours guerrier et mortifère qu'elle lui avait adressé le dos tourné, ses yeux d'émeraude ternie par l'outrage dissimulés à son interlocuteur glacé par les mots qui s'étaient échappés tels quels, dans une réalité brute, non polie et émoussée par le mensonge ou par un quelconque procédé de ces manières de converser dont elle ne semblait rien connaître. Trop jeune, trop solitaire, trop farouche, la vérité s'échappait de sa bouche comme un flot tempétueux qui traverserait une digue brisée avec fracas, sans filtre ni manières, dans cette réalité sauvage qui la caractérisait. Le silence devenait embarrassant, et Belladone savait qu'il se devait de répondre quelque chose, parce qu'elle accordait si peu sa confiance qu'il confinerait au sacrilège de la dédaigner, parce qu'elle méritait son attention et enfin et surtout, parce qu'il mourrait d'envie de voir entre s'égrener les mots, comme le son clair d'une source qui s'égaye au printemps après des mois de silence gelé par l'hiver, même si la gravité terrible du discours de l'adolescente devait lui glacer le sang de ses trop tendres veines ;
- Oh, eh bien...C'est tout à votre honneur Mademoiselle, la Mort trouvera là une farouche adversaire ! Ils sont peu nombreux ceux qui seraient prêts à leur faire face, et de bien plus vieux que vous s’y soumettraient sans mot dire…Enfin, permettez-moi de trouver ce raisonnement très courageux mais bien grave et bien triste pour une si jeune fille...La perte d’un être cher ne devrait pas vous tourmenter à votre âge…
La jeune fille s’était figée, comme éperdue dans l’engouement que lui inspirait ce combat potentiel, auquel elle n’aurait pas eu à songer à la tendresse d’un âge d’ordinaire plein de vie et d’une insouciance que l’on s’était appliqué, dans une cruauté raffinée, à lui arracher lambeau par lambeau. Et elle semblait s’extirper de sa transe mortifère dans un sursaut, semblant s’étonner de découvrir le parchemin qu’elle tenait entre ses doigts crispés, et qu’elle finit par déposer sur la pile déjà triée par ses soins. Et, en l’espace d’un éclair foudroyant, en l’espace d’une seconde éblouissante, elle semblait avoir recouvré ses esprits, son sourire et la vie qui brûlait encore, fébrile mais farouche, dans les abîmes marécageux de son regard d’émeraude. Et devant cette conclusion tranchante, effarouchée, de ces conclusions qui n’admettaient ni réplique, ni contestation, Lavande affirma que personne ne se satisfaisait jamais de ce qu’il avait, Moldu ou Sorcier, riche ou pauvre, bien ou mal né. Et une telle détermination un brin obtuse, prononcée avec la fermeté sauvage de l’adolescente au caractère trempé, arracha à Belladone un sourire amusé, un brin attendri ;
- Ah, vous savez, c’est bien le propre et la malédiction de l’être humain, d’être en perpétuelle insatisfaction. Et c’est une grande preuve de sagesse, en réalité, de savoir se contenter de ce que l’on a, même s’ils sont bien peu, ceux qui y parviennent…
Belladone laissa ses divagations s’étioler dans les effluves de violette et dans la mélodie de l’âtre qui crépitait avec une joie allègre. Son visage se baissa à nouveau sur la copie de la petite O’Gerthy, qui oscillait entre un « Acceptable » et un « Effort Exceptionnel ». Cruel dilemme qu’imposait ce système de notation dont-là était la plus grande faille, à son avis. La leçon était comprise, l’essentiel avait été dit, et le jeune Professeur avait encore du mal à apprécier le manque de détails, qu’il jugeait superflu. Rendu allègre toutefois par la présence éthérée, intelligente, spectrale presque, de la douce élève tapie dans son fauteuil, et encouragé par l’écriture proprette de l’élève de Serpentard dont il appréciait la discrétion, Belladone traça de son encre écarlate le « EE » qui gratifiait le devoir d’un « Effort Exceptionnel ; obtenu de justesse, bon devoir et des réponses correctes mais qui pourraient être étoffées. »
Le parchemin fut reposé sur la pile très mince de copies déjà corrigées, tandis que Belladone ne levait même plus les yeux vers le monceau qu’il lui restait à traiter. Sa plume dansait entre ses doigts fébriles, tandis qu’une fois encore, comme rappelé à elle par un aimant qu’il l’attirait irrésistiblement vers la petite silhouette qui ne le regardait pas, le jeune Professeur restait là, à chercher quoi dire à cette ombre triste qui ne le regardait pas. Ses cheveux se nimbaient de la poussière écarlate des flammes dont la lueur languissante étincelait ça et là au cœur du jais folâtre de la crinière peignée avec soin qui retombait, sage et docile, sur ses épaules rondes. Et l’albâtre blanc de ses bras se laissait lécher par la chaleur des flammes, immobile, alangui, tandis que sous sa chemise et son veston de velours, Belladone frissonnait presque. Et elle, petite statue roide, ses bras offerts à la fraîcheur de pierre de l’alcôve, ne trahissait pas un frisson, pas un tremblement, même le plus imperceptible. Et le jeune homme rivait un regard désolé sur la morne plaine qu’était devenue la table de travail de la jeune fille, croulant de ses notes éparses, mais dénuée de ces petits riens qu’il s’était promis de la couvrir. Assiette et tasse vides, il ne subsistait plus que son monceau de notes pour distraction, et l’instinct tendre et protecteur de Belladone, comme exacerbé en la présence de la jeune élève, le fit de nouveau ouvrir la voix ;
- Mais…Vous n’avez pas froid j’espère ? Sinon, je peux vous apporter un plaid, ou bien je vous ressers un thé, je ne vous ai même pas proposé d’en reprendre, je suis désolé. Peut-être avez-vous encore faim ? Vous connaissez désormais l’étendue de ma gourmandise qui se dissimule dans mes placards…
Belladone eut un large sourire, qui ne dissimulait pas ses joues devenues soudain cramoisies, à l’idée de s’être montré affreusement cavalier. Sans doute allait-elle s’apercevoir qu’il songeait à ses bras nus, et peut-être allait-elle s’offenser, s’offusquer, s’effrayer de ce que Professeur ne détailla les aspects visibles de sa peau lors d’une retenue ? Les lèvres de Belladone, en une seconde, se mirent à trembler, et ses joues devinrent si brûlantes que, sans attendre de réponse, il se leva et lui tourna le dos, agitant sa baguette magique pour faire de nouveau chauffer de l’eau pour un énième thé, mécontent de lui, les sourcils imperceptiblement froncés. C’était tout à fait paradoxal, de se trouver bien plus idiot que d’ordinaire en compagnie d’une des rares personnes avec laquelle il était heureux de discuter, et Belladone en voulait à sa stupide tendresse de ne savoir pas être le Professeur bienveillant, protecteur et sûr de lui, qu’il aurait tant aimé être pour elle, et qu’elle méritait tant.
plumyts 2016
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Sujet: Re: Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven
Le goût de la pluie dans le thé. |x Belladone Raven